Entretien de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "France Soir" du 13 juillet 2009, notamment sur le défilé du 14 juillet, les militaires français en opérations extérieures, le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN et sur le budget de la défense.

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Média : France soir

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Q - Le défilé du 14 Juillet sera marqué cette année par la présence d'un détachement indien et de la brigade franco-allemande. Pourquoi ces choix ?
R - Chaque année, le défilé du 14 Juillet sur les Champs-Elysées est un temps de communion entre la nation et son armée, mais c'est aussi l'occasion de rendre un hommage particulier à nos alliés. En invitant un détachement indien en tête du défilé, la France veut rendre hommage à l'Inde, l'une des plus grandes démocraties du monde, avec laquelle nous avons noué un partenariat stratégique.
La brigade franco-allemande, dont nous fêtons cette année le 20e anniversaire, défilera également sur les Champs-Elysées. L'entente entre l'Allemagne et la France est un modèle d'amitié entre les peuples. La présence de cette brigade est le signe qu'une page de notre histoire est tournée. Qui aurait pu imaginer en 1945 que fin 2009 des militaires allemands puissent stationner sur le sol français, à Illkirch ? C'est le plus beau des symboles de cette communauté de destin qui unit nos deux pays.
Q - C'est aussi le 75e anniversaire de l'armée de l'air...
R - Le défilé du 14 Juillet est aussi l'occasion de célébrer un événement particulier. Cette année, l'armée de l'air fête son 75e anniversaire. Bien que la féminisation des armées soit maintenant une réalité, je tiens à souligner la présence du commandant Virginie Guyot au sein de la Patrouille de France. En intégrant en 2009 cette unité prestigieuse, elle est devenue la première femme pilote de la Patrouille acrobatique de France, mais aussi sa première "charognard", c'est-à-dire l'adjoint du leader ! Si la tradition est respectée, elle lui succédera.
Q - Parmi les troupes qui vont défiler, on compte de nombreuses unités rentrant d'opérations extérieures.
R- Longtemps, c'est aux frontières de notre pays que nos soldats se sont battu pour défendre la France. Aujourd'hui, les menaces n'ont plus de frontières. Nous intervenons avec nos alliés loin du sol national, comme en Afghanistan ou au Liban, au service de la paix. Ce défilé est l'occasion de rendre un hommage particulier aux 10.700 hommes et femmes qui oeuvrent pour défendre nos valeurs et assurer notre sécurité au-delà de nos frontières. Que ce soit sous le drapeau tricolore ou européen, sous la bannière de l'Otan ou de l'ONU, chaque fois nos soldats s'engagent au péril de leur vie. En regardant leurs camarades défiler, j'aurai une pensée pour ceux qui sont morts pour la France. Cette année, 13 soldats ont payé de leur vie leur engagement, 3 en Afghanistan, 10 en Afrique ; 86 ont été blessés. Je veux redire aux familles des disparus, aux blessés et à leurs proches la gratitude de la nation et la reconnaissance des Français.
Je n'oublie pas non plus les soldats qui assurent la sécurité sur notre territoire, qu'il s'agisse du plan Vigipirate, de l'opération Harpie contre l'orpaillage clandestin en Guyane, des moyens aériens et maritimes que nous avons déployés après les deux récentes tragédies aériennes, de ceux que nous mettons en oeuvre pour répondre aux catastrophes naturelles.
Q - L'année a été marquée par le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan. Est-ce moins d'Europe pour la France ?
R - La France doit faire face aux nouvelles menaces avec le même objectif : assurer sa sécurité et son influence dans le respect de son indépendance nationale et de son autonomie stratégique. La défense de notre pays repose sur deux piliers : l'Union européenne et l'Alliance Atlantique. En renforçant l'un, nous renforçons l'autre. N'oublions pas que 21 des 27 nations de l'Union européenne sont membres de l'Otan. Membre fondateur d'une alliance occidentale que nous n'avons jamais quittée, il était temps de mettre fin à une ambiguïté. Que serait la France, repliée sur elle-même, isolée ? Le monde a changé, un Etat seul, une nation solitaire, c'est une nation qui n'a aucune influence. Peut-on imaginer aujourd'hui mener seuls une opération comme celle que nous menons avec nos alliés européens contre la piraterie au large de la Somalie, ou avec nos partenaires de l'Alliance en Afghanistan ?
Q - La France est en pleine crise économique. La Défense est dotée d'un des rares budgets en augmentation significative. Est-ce un bon investissement ?
R - La sécurité des Français a un coût mais n'a pas de prix. La loi de programmation militaire votée le 16 juin par les députés prévoit une enveloppe de 186 milliards d'euros sur six ans pour la Défense, et le président de la République s'est engagé à maintenir l'effort de la nation avec 377 milliards d'euros pour notre sécurité d'ici à 2020. C'est pour nos forces armées l'assurance, dans la durée, de disposer de moyens à la hauteur de nos ambitions.
Cet effort de la nation n'est acceptable que parce que la Défense a décidé de se réformer profondément. Grâce à cela, nous allons pouvoir consacrer 4 milliards d'euros supplémentaires à la modernisation de nos armées, ainsi qu'à l'amélioration de la condition du personnel.
Cet effort est un bon investissement pour la France en période de crise car chaque euro investi dans la défense est un euro investi dans une industrie française qui n'est pas délocalisée.
C'est pourquoi, la Défense, dans le cadre du plan de relance, bénéficie de 2,4 milliards d'euros supplémentaires qui permettent d'accélérer la production d'équipements et de financer des programmes de recherche et d'infrastructures.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juillet 2009