Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la Loi de programmation militaire et la réforme de la défense, au Sénat le 15 juillet 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation de la Loi de programmation militaire, au Sénat le 15 juillet 2009

Texte intégral


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Au lendemain de notre fête nationale, alors que nous venons de célébrer le lien qui unit la Nation et ses armées, cette Loi de Programmation Militaire témoigne de la priorité que le Président de la République accorde à la Défense.
Vous le savez, depuis deux ans, nous avons lancé le mouvement de transformation le plus important que la Défense ait connu depuis la professionnalisation des armées.
Depuis deux ans, nous adaptons notre stratégie, notre fonctionnement, notre organisation aux réalités du monde.
La LPM est la clef de voûte de ce changement.
Avant de vous la présenter en détail, je souhaite remercier particulièrement le Président de ROHAN, ainsi que les rapporteurs du projet de loi et les membres de la commission de la défense, des forces armées et des affaires étrangères pour leur implication et l'esprit constructif avec lequel ils ont préparé les débats.
Ce texte est ambitieux : c'est la première étape d'un effort de 377 Milliards d'euros pour la Défense d'ici à 2010 : sur la période 2009-2014, 186 milliards d'euros seront affectés à la mission « défense », dont 102 milliards pour l'équipement des forces.
Ce texte est équilibré, notamment pour ce qui concerne la protection du secret de la défense nationale. Sur ce point, le travail et les débats menés avec les parlementaires ont permis de proposer un texte qui, tout en renforçant le rôle de la CCSDN et de son président, respecte également les prérogatives de l'autorité judiciaire et la sécurité juridique des investigations menées par les magistrats.
Enfin, ce texte est cohérent, puisque cette Loi de Programmation Militaire traduit, dans ses différents volets, notre vision globale de la Défense.
I] Nous avons tout d'abord défini une nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale : c'est le Livre Blanc, qui vous a été présenté il y a un an.
Il constitue notre feuille de route.
La dissuasion reste « l'assurance-vie » de la nation : nous poursuivons sa modernisation et nous la renforçons avec le développement d'un programme d'alerte avancée qui sera pleinement opérationnel en 2020.
Face aux nouvelles menaces comme le terrorisme, la prolifération, les menaces chimiques, bactériologiques, ou les cyber-attaques, le renseignement est notre première protection.
Nous allons donc développer la nouvelle fonction stratégique « connaissance-anticipation », avec notamment :
- la création de 700 postes dans les services de renseignement,
- le lancement avec les Européens du programme MUSIS, qui succèdera au programme HELIOS, ou le lancement du satellite d'écoute électromagnétique CERES ;
- ainsi que le développement du drone moyenne altitude longue endurance, MALE.
Ensuite, le Livre Blanc identifie un nouvel arc de crise, allant de la Mauritanie au Pakistan, pour lequel nous devons renforcer nos capacités d'intervention :
- avec l'arrivée du Rafale dans sa version F3, notre aviation de combat sera pleinement polyvalente ;
- avec l'admission au service actif des deux frégates Horizon en 2009 et 2010, et des FREMM à partir de 2012, nous disposerons à terme d'un parc de 18 frégates de premier rang ;
- Nos capacités seront également renforcées avec l'entrée en service, à partir de 2017, du Barracuda, armé du missile de croisière naval, qui remplacera progressivement les sous-marins nucléaires d'attaque ;
- avec, dans le domaine aéroterrestre, 24 Cougar et 23 hélicoptères NH 90 en version terrestre qui seront livrés entre 2011 et 2014 ;
- avec aussi les premiers VBCI : nos troupes en recevront plus de 550 sur la période.
Clé de notre efficacité opérationnelle et du moral de nos armées, le maintien en condition opérationnelle nécessite un effort financier soutenu et régulier.
La LFI 2009 augmente encore la ressource consacrée à l'entretien programmé des matériels (EPM) de 8% par rapport à 2008, la portant de 2,7 Mdeuros à 2,9 Mdeuros (hors dissuasion). Pendant la durée de la LPM, la dotation se stabilisera en volume autour de 3 Md euros alors même que le format de nos armées se réduira.
Je sais que nos matériels sont très sollicités, que certains vieillissent, devenant de plus en plus difficiles à entretenir, tandis que les matériels les plus récents ont des coûts de possession nettement plus élevés que les matériels précédents. L'heure de vol du Tigre, c'est par exemple 10 fois l'heure de vol de la Gazelle.
Mais la problématique du maintien en condition opérationnelle, ce n'est pas seulement une question d'argent. La preuve c'est que nous avons ajouté en cumulé sur la précédente LPM plus d'1,5 Md euros alors que la disponibilité n'est pas encore satisfaisante, même si elle s'était améliorée.
Améliorer la disponibilité des matériels, cela passe aussi par une réforme d'organisation et de structure du MCO, qui implique :
- la montée en puissance du service industriel de l'aéronautique, le SIAé, créé début 2008 ;
- une nouvelle politique de gestion et d'emploi des parcs (PEGP) au sein de l'armée de terre ;
- la création début 2010 d'un service de soutien responsable de coordonner le MCO de l'ensemble du matériel terrestre des armées et services;
- l'extension des nouveaux modes de contractualisation avec les industriels de défense;
- le développement du contrôle de gestion sur toute la filière.
Enfin, le Livre Blanc rappelle que pour répondre aux nouveaux défis, nos armées sont amenées à intervenir le plus souvent en coalition, ce qui impose de renforcer notre interopérabilité avec nos alliés au sein de l'Alliance atlantique ou avec nos partenaires européens.
De manière complémentaire à notre engagement au sein de l'OTAN, la construction de l'Europe de la Défense doit nous permettre de mener des opérations militaires autonomes, d'envergure significative.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
II] De ces nouvelles priorités découle une nouvelle organisation du ministère.
La gouvernance du ministère a été profondément renouvelée.
Un nouveau décret d'organisation, se substituant aux décrets de 2005, vient d'être adopté en Conseil des Ministres. Il permettra un fonctionnement plus intégré, en consolidant sous l'autorité du ministre, les responsabilités du chef d'état-major des armées vis-à-vis des trois armées.
Symbole de cette nouvelle gouvernance, les états-majors et les directions d'administration centrale seront regroupés sur un site unique à Balard, d'ici la fin 2014.
De plus, les soutiens et l'administration générale sont en cours de rationalisation.
Dans ce but, nous avons lancé pas moins de 38 chantiers, comme la réforme des achats, la modernisation des structures de paye des personnels, l'externalisation d'un certain nombre de fonctions de soutien, la simplification et la réduction des échelons intermédiaires, la mutualisation des plates-formes logistiques, la création d'une Agence interarmées de Reconversion du personnel, ou encore la réunification des centres de recrutement qui est déjà effectuée.
Parallèlement, nous avons lancé un nouveau chantier majeur avec la réforme de nos systèmes d'information et le regroupement sous une autorité unique de l'ensemble du budget de la fonction informatique.
La conséquence de cette nouvelle organisation comme de nos nouvelles priorités stratégiques, c'est une nouvelle carte militaire, que j'ai présentée l'été dernier.
Cette démarche a été mise en oeuvre en concertation avec les élus, dont je tiens à saluer l'esprit de responsabilité.
Cette nouvelle carte militaire est le fruit de nos choix d'équipements. Revenons à l'exemple du Rafale : la mise en service de ce chasseur polyvalent nous permet de resserrer le format de la flotte des avions de combat et donc de réduire le nombre de nos bases aériennes.
Cette nouvelle carte militaire est aussi le résultat de l'interarmisation, ainsi que de la mutualisation des soutiens et de l'administration générale.
Les 11 bases de défense expérimentales créées début 2009 regroupent au total 50 000 personnes dont le soutien est assuré par 6 000 civils et militaires. Quelques mois d'expérimentation confirment que les gains issus de la mutualisation du soutien sont potentiellement très importants.
Depuis un an, les mentalités ont profondément évolué. Cela nous a permis d'accélérer les calendriers de mise en oeuvre pour certains chantiers :
- la fusion des trois commissariats d'armées sera finalement réalisée début 2010 ;
- la généralisation des bases de défense se fera courant 2011.
Dans les deux cas, c'est deux ans plus tôt que prévu.
Cet immense mouvement, je suis conscient qu'il représente un effort important pour la Défense et pour les hommes et les femmes qui la servent. Il est donc assorti d'un plan massif d'accompagnement.
140 millions d'euros financeront chaque année des mesures d'aides au départ, à la mobilité et à la formation pour le personnel du ministère. C'est un effort qui n'a pas d'équivalent dans le reste de la fonction publique.
Vous le savez, tous les systèmes d'armes que nous développons ne vaudront que par le « système d'hommes » qui les sert.
Pour continuer d'attirer les meilleurs, nous avons fait en sorte d'améliorer le recrutement et la gestion des carrières pour garantir aux femmes et aux hommes de la Défense les meilleures conditions matérielles et financières possibles.
J'ai ainsi lancé la revalorisation des grilles indiciaires des militaires ainsi que des mesures pour le personnel civil, comme le développement de la promotion interne. Nous y consacrerons près de 300 Meuros. Tout sera achevé en 2011.
Parallèlement, nous avons consolidé la place des civils dans notre outil de défense : ainsi, un nombre significatif d'entre eux pourront diriger un Groupement de soutien des bases de défense.
Nous faisons aussi un effort considérable pour le logement.
Le parc domanial de la Défense doit évoluer avec la société. Nous devons acquérir là où sont nos besoins. Entre 2009 et 2011, nous attendons ainsi la livraison de plus de 7000 logements.
III] Enfin, j'ai voulu une Défense pleinement intégrée à la vie de la Cité.
Vie économique, d'abord.
- Le ministère de la Défense, premier investisseur de l'Etat, est aussi le premier acteur du plan de relance. A l'heure où je vous parle, 1,4 milliards euros sont déjà engagés. Ainsi, la commande du 3e BPC assure 25% du plan de charge des chantiers de Saint-Nazaire.
Au total, la Défense bénéficiera d'une enveloppe de 2,25 milliards d'euros sur deux ans, dont 1,75 milliard de crédits nouveaux, soit près de la moitié de l'effort d'investissement engagé par l'Etat pour faire face à la crise.
Et je ne doute pas que nous aurons également notre place dans le grand emprunt.
- Participer à la vie économique, c'est aussi développer le commerce extérieur. C'est un engagement fort du Chef de l'Etat, du Gouvernement et de l'ensemble de mon Ministère.
Pour la Défense, 2008 a été la meilleure année depuis 2000, avec 6,4 Mdseuros de commandes à l'export, contre 5,7 en 2007. Et j'ai bon espoir que nous fassions encore mieux en 2009. Cela concerne les grands projets, mais aussi le quotidien, qui assure notamment le plan de charge des PME.
Pour mieux soutenir nos industriels, j'ai lancé une vaste réforme du contrôle et du soutien en matière d'exportations.
Quelques chiffres : il fallait en moyenne 80 jours pour traiter un dossier d'export, il en faut moins de 40 aujourd'hui. Nous avions 30% de dossiers ajournés, nous n'en avons plus que 7%. Et nous avons lancé les procédures globales d'autorisation.
Par ailleurs, nous venons de publier le décret qui adopte la liste militaire de l'Union européenne. La liste des équipements est ainsi harmonisée sur les dispositions européennes, alors que le texte antérieur datait de 20 ans. Cela facilitera l'exportation des composants non spécifiquement militaires entrant dans la fabrication des équipements.
J'ai aussi engagé un plan ambitieux en faveur des PME qui sont le substrat de l'industrie de défense, et un facteur d'innovation pour toute l'industrie française. Il repose sur :
- la création d'un bureau spécifique au sein de la DGA afin d'améliorer l'information et l'accès aux marchés pour les PME ;
- un meilleur accès des PME aux programmes de R&T ;
- l'insertion de clauses favorisant la sous-traitance aux PME dans les cahiers des charges des marchés publics d'armement.
Enfin, j'ai lancé il y a deux mois le régime d'appui aux PME pour l'innovation duale - RAPID qui est doté de 10 Meuros.
Avant de clore mon propos, je voudrais rappeler ma conviction que la Défense n'est pas un monde à part. Elle a le devoir de rester au plus près des préoccupations des Français.
Je pense aux préoccupations sociétales. J'ai voulu renforcer l'ouverture de la Défense sur la société :
- à travers le plan handicap du ministère : à mon arrivée, nous étions à moins de 5% de taux d'emplois de travailleurs handicapés, et j'ai fixé comme objectif d'atteindre les 6% légaux fin 2009. Nous y sommes un an avant l'échéance, et je veux aller plus loin. Nous avions du retard : nous aurons de l'avance. Après avoir recruté 250 personnes handicapées en 2009, nous en recruterons 180 en 2009 et 160 en 2011 ;
- Cette ouverture sur la société se traduit également par un ambitieux plan pour l'égalité des chances.
170 jeunes issus de familles de condition modeste sont d'ores et déjà scolarisés dans les collèges et lycées de la Défense. Ils bénéficient ainsi de l'accompagnement personnalisé et de l'excellence de nos établissements.
Ils seront 380 à la rentrée prochaine, et 450 en 2010.
Dans le cadre de ce dispositif, nous avons ouvert des « classes-tampons » pour les jeunes motivés par les Grandes Ecoles militaires et qui bénéficient après le bac d'une année pour acquérir les connaissances, les codes et la culture, qui leur permettront ensuite dans les classes prépas d'être, au moment du concours, à armes égales avec les jeunes de milieux plus favorisés.
Ainsi, nos armées seront à l'image de notre République.
Elles l'étaient pour les militaires du rang et les sous-officiers, elles le seront aussi chez les officiers.
Par ailleurs, tous les ans et dès la rentrée prochaine, 150 jeunes pourront être accueillis par l'Ecole des Mousses qui rouvre ses portes.
Je pense aussi aux préoccupations écologiques de nos concitoyens. En ce domaine aussi, la Défense doit être exemplaire. C'est pourquoi j'ai lancé un plan d'actions sur l'environnement au sein du ministère.
Je n'en prendrai qu'un exemple. Le démantèlement et la déconstruction des équipements militaires réformés - navires et avions notamment - font l'objet d'une ligne budgétaire spécifique. Les besoins estimés sont couverts pour les six prochaines années, soit 100 Meuros. De même, nous avons inscrit à notre plan de financement pour les années à venir la revalorisation des sites militaires après exploitation, comme le site de Hao.
Je souhaite aussi créer un grand pôle universitaire et scientifique pour donner à la recherche française sur les questions de défense une qualité et une visibilité qui soient à la hauteur de la réputation de nos armées. C'est aussi cela, faire entendre la voix de la France dans les choix internationaux.
Enfin, il nous revenait de faire preuve de responsabilité. Après les députés qui l'ont adopté le mois dernier, il vous appartiendra d'examiner le projet de loi visant à indemniser les victimes des essais nucléaires français. Ce texte permettra à la France d'être en paix avec elle-même, et d'être au diapason de ce qui se fait déjà en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Vous le voyez, cette LPM s'inscrit dans un vaste mouvement de réforme. Cependant les fondements de la culture de défense demeurent intangibles : le dévouement, le courage et le sens de l'action collective.
Notre outil de Défense ne serait rien sans la qualité des femmes et des hommes, civils comme militaires, qui le servent quotidiennement. Nous leur avons rendu hommage hier, je veux ici leur exprimer notre gratitude. Par leur amour de la France et leur professionnalisme, ils montrent aux Français combien ils peuvent être fiers de leur défense et compter sur leurs armées.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Cette vaste réforme de la Défense est un projet qui engage notre responsabilité envers les générations futures : la Défense est gardienne de notre héritage et porteuse de nos valeurs. C'est grâce elle, que nous construisons l'avenir de notre pays pour qu'il conserve toute sa place parmi les grandes nations.
Je vous remercie.


source http://www.defense.gouv.fr, le 22 juillet 2009