Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à France 2 le 6 juillet 2009, sur le projet de loi sur le travail dominical et sur les mesures de relance économique.

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Média : France 2

Texte intégral

J. Wittenberg.- P. Devedjian, vous êtes une des voix qui comptent dans la majorité présidentielle. On va tout d'abord parler de l'actualité. Que vous inspire la défaite du candidat du Front national, à Hénin- Beaumont, et de sa seconde de liste, M. Le Pen, hier ?
 
La première observation c'est que, de toute évidence il n'y a pas d'avenir pour l'extrême droite en France, c'est une bonne chose, et les électeurs qui votent souvent Front national, par exaspération, doivent comprendre que finalement ils perdent leur voix quand ils votent pour le Front national.
 
Pratiquement, 48 % des voix tout de même. Le Front national a montré qu'il avait de beaux restes. On a souvent dit que N. Sarkozy avait siphonné les voix du Front national, on voit que là-bas il n'en est rien ?
 
Le Front national prospère sur des situations en déliquescence, ce qui est le cas de cette région, de ce lieu qui a connu des difficultés aussi sur le plan judiciaire. Et donc il y a un vrai phénomène d'exaspération du corps électoral, le Front national prospère là-dessus quand la gauche se décompose et quand la droite est absente.
 
Une partie des électeurs continue à faire ce choix et ne se tourne pas vers les candidats de l'UMP ?
 
Mais parce que nous sommes insuffisamment présents, parce que nous avons laissé historiquement cette région dominée par la gauche. Il nous faut faire ce travail d'implantation et assumer notre rôle d'opposition dans cette région complètement dominée par la gauche.
 
Alors, arrive demain à l'Assemblée nationale, "revient", si j'ose dire, un texte qui fait des vagues, beaucoup de vagues, y compris dans votre majorité à l'UMP, c'est la question du travail dominical. Tout le monde ne semble pas d'accord. Pourquoi cette loi est-elle si urgente alors qu'on sait que les Français sont très divisés sur cette question du travail le dimanche ?
 
Cette loi est urgente par rapport à la situation économique. D'abord, je rappelle qu'il y a 7,5 millions de Français - 7,5 millions ! - qui travaillent le dimanche. Alors, déjà ce n'est pas une révolution en principe, mais ce qui est anormal c'est que, la France, alors qu'elle est la première destination touristique du monde, trouve le moyen de ne pas en tirer profit. En étant la première destination touristique du monde, nous sommes le second pour le chiffre d'affaires, c'est-à-dire, que nous exploitons mal ce potentiel, parce que nos magasins sont fermés le dimanche.
 
Mais beaucoup de Français tiennent aussi au repos le dimanche...
 
Oui.
 
Cette loi va aller à l'encontre de cette tradition tout de même ?
 
Mais il faut être volontaire pour travailler, et surtout pour travailler le dimanche. Mais ce qui est anormal c'est d'interdire aux gens de travailler. Dans un pays où il y a autant de chômage que nous en avons aujourd'hui malheureusement avec la crise, c'est quand même un comble d'interdire aux gens de travailler.
 
Vous dites vous-même "volontaire", mais vous parlez en même temps de la crise. Les salariés auront-ils vraiment le choix si on leur propose de travailler le dimanche et qu'ils refusent ?
 
La vraie fatalité c'est le chômage, excusez-moi. Quand on n'a pas de choix, c'est qu'on est au chômage. Et ceux qui sont au chômage, si vous êtes conduit à leur dire : "on vous interdit de travailler", avouez que pour eux c'est un peu raide.
 
La loi va en tout cas créer une nouveauté à laquelle il faudra s'habituer, ce sont les PUCE, un acronyme qui veut dire : Périmètre d'usage commercial exceptionnel. Et là, c'est un petit flou, selon les comptages, il y aura 497, 523 zones touristiques...
 
C'est autre chose. Il y a trois périmètres exceptionnels...
 
Expliquez-nous, parce que pour l'instant, on s'y perd un peu, et on a l'impression, je cite, par exemple, F. Chérèque, le leader de la CFDT, qui parle de "zones d'ombre" et qui dit que le Gouvernement le fait un peu exprès pour généraliser finalement le travail le dimanche. Qu'en est-il ?
 
Non, c'est très simple et très réduit. Il y a trois zones à trois Périmètres d'usage commercial exceptionnel, que vous venez de citer, qui sont des agglomérations de plus d'1 million d'habitants : Marseille, Paris et Lille. Je rappelle qu'à Lille, on est juste à la frontière de la Belgique, et qu'en Belgique tout est ouvert le dimanche. Moralité : tous les gens vont faire leurs courses le dimanche en Belgique, ce n'est pas une affaire pour la France, ce n'est pas une affaire pour l'emploi. Et puis à côté de ça, il y a les zones touristiques. Alors là, le décompte donne lieu un peu à discussion mais ça devrait être de l'ordre de 500 - 497 zones, qui sont des zones touristiques, et dans lesquelles on pourra ouvrir le dimanche éventuellement, suivant une procédure assez prudente.
 
On dit par exemple, qu'il y aura le quartier de la Défense dans votre département des Hauts-de-Seine...
 
Ca l'est déjà.
 
...En quoi la Défense est-elle une zone touristique ?
 
C'est une zone touristique, je vous invite à venir la voir, c'est un lieu exceptionnel, vous avez une vue magnifique, qui est visitée par de très nombreux touristes, vous avez des oeuvres d'art contemporaines qu'on ne trouve nulle part ailleurs, vous avez un Pouce de César qui est très beau, personne n'ignore ça, et les touristes viennent.
 
On voit plutôt la Défense comme un quartier d'affaires, comme une zone commerciale. On a l'impression quand même qu'il va y avoir une extension maximale de toutes ces zones ?
 
La Défense est une zone touristique depuis août 2008...
 
C'est un exemple...
 
... et ça marche, et nous avons interrogé un certain nombre de commerçants et ils sont très contents et ça crée de l'emploi. Il y a 15.000 personnes qui ont quand même trouvé un emploi déjà avec les mesures très parcellaires qui ont été prises...
 
On va en parler de l'emploi, vous êtes le ministre chargé de la Relance. Où en est la Relance justement, 36.000 chômeurs de plus au mois de mai, la courbe ne s'inverse pas. A quoi faut-il s'attendre dans les prochains mois ?
 
Non, mais je vous rappelle qu'on est partis de 90.000 de chômeurs de plus chaque mois, on a commencé comme ça, c'était énorme 90.000 ! maintenant on en est à 36.000, c'est encore beaucoup j'en conviens. Mais vous admettrez que la Relance produit ses effets et que le chômage réduit quand même sa croissance.
 
Ce n'est pas la sensation qu'ont les salariés qui perdent leur emploi...
 
Bien sûr !
 
Quels sont les signes de la Relance que vous voyez, vous ?
 
Les signes de la relance, c'est déjà une activité économique qui se déploie. Par exemple, je regarde la prime à la casse, c'est un succès. A Sochaux, la fabrication de la 309, les 3 huit ont repris, ils étaient au chômage technique, maintenant ils sont au 3 huit ; nous avons vendu 220.000 voitures avec la prime à la casse, donc ça a marché. Le logement, le premier trimestre 2009 représente 15 à 20 % de ventes de plus rapport au premier trimestre 2008 ; les carnets de commandes commencent faiblement à se fournir...
 
Mais quand la courbe du chômage s'inversera-t-elle, selon vous ?
 
A mon avis, pour le moment, le chômage est freiné, vous le voyez progressivement augmenter de moins en moins, je ne dis pas se réduire, mais augmenter de moins en moins. La crise est terrible, nous arrivons à moins 3 %, donc nous avons freiné la crise, et je pense qu'au deuxième trimestre 2010, les plans américains et allemands entreront en vigueur ; aujourd'hui il n'y a eu aucun effet de ce point de vue-là, ils sont prévus pour 2010, et qu'à la fin de l'année 2010, nous aurons un véritable effet sur l'emploi.
 
Dernière question, on s'attend à un nouveau remaniement encore cette semaine, dans les prochains jours en tout cas. Pourquoi encore de nouveaux secrétaires d'Etat ? On se souvient qu'au début du quinquennat, il y avait une équipe resserrée, disait-on. Et là, 38 membres dans ce Gouvernement et encore des nouveaux ? !
 
Je crois qu'il faut que la majorité respire, que c'est bien, que les parlementaires passent au Gouvernement quand ils en ont les capacités et exercent des responsabilités. Il y a une sorte de turn over dans le fonctionnement du Gouvernement.
 
Il y aura des surprises, a annoncé le président de la République ?
 
Le président de la République fera ses choix, je n'ai pas de commentaire à faire.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2009