Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à France 2 le 9 juillet 2009, sur le baccalauréat, l'autonomie universitaire et la recherche et l'innovation.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
J. Wittenberg.- Bonjour à tous, bonjour V. Pécresse. Et c'est vrai que l'enseignement supérieur, votre secteur ministériel intéresse beaucoup de jeunes en ces jours de résultats du bac. Alors après les nuits d'angoisse en attendant le verdict, c'est le parcours du combattant on le sait pour les bacheliers, pour décrocher une place à l'université. Quel est l'état des lieux ce matin ?
 
Alors, nous avons mis en place cette année, pour la première fois, un outil qui va être un formidable outil de mise en relation des lycéens de terminale avec l'université, avec toutes les filières universitaires, les BTS, les classes préparatoires. Cet outil, ça s'appelle "admission post bac". C'est un portail Internet sur lequel les élèves de terminale ont rentré leurs voeux pour pouvoir s'inscrire.
 
Et le résultat alors ?
 
Alors, le résultat, c'est que d'ores et déjà 80% des bacheliers sont inscrits dans une des universités ou des filières de leur choix. 80% dès maintenant, dès les résultats du bac. Donc, c'est déjà un premier résultat satisfaisant. Evidemment, chaque bachelier aura sa place à l'université bien sûr et s'il y a des petits réglages à faire sur ce portail pour qu'il fonctionne mieux encore l'année prochaine, évidemment, nous le ferons.
 
"Aura sa place à l'université", pas toujours selon les voeux qu'il a émis j'imagine ?
 
Ça, c'est la difficulté, mais c'est comme ça chaque année, c'est-à-dire que chaque année, il y a des difficultés à satisfaire les voeux des lycéens. Nous allons travailler dans le cadre de la réforme de l'autonomie à faire en sorte qu'il y ait davantage de places pour accueillir les lycéens en fonction de leurs voeux. Cela va être la deuxième étape, si vous voulez, du bilan de ce portail parce que maintenant j'ai tous les chiffres. J'ai tous les chiffres sur le portail, où voulaient aller les lycéens de terminale et où finalement ils sont allés. Donc, je vais pouvoir adapter l'offre de formation à la demande.
 
Et cela concerne aussi les lycéens qui passent les oraux de rattrapage par exemple ?
 
Alors, les lycéens qui passent les oraux de rattrapage sont évidemment un peu pénalisés, parce qu'ils arrivent en inscriptions après les premiers. Donc, forcément, ils sont pénalisés.
 
Alors pour parler des résultats globaux du bac, on les connaît, 78,4% de reçus. Un très bon chiffre, dit-on, en hausse, et pourtant dans le même temps, on considère que le système éducatif français est inadapté. Où se situe le problème en fait ? De plus en plus de bacheliers, un système éducatif qui a des difficultés...
 
Je crois que la question qui a été posée par le ministre de l'Education nationale, X. Darcos, est bonne. C'est comment est-ce qu'on fait du lycée, une meilleure préparation à l'enseignement supérieur ? Et je crois que c'est la question qui va se poser à nous et on en a déjà discuté avec L. Chatel. C'est comment est-ce qu'on prépare l'orientation des jeunes à partir de la classe de la seconde, j'allais dire de bac moins 3 à bac plus 3. Il faut commencer en seconde. En seconde, il faut demander au jeune, quel est son projet, en quoi il est bon, quels sont ses talents, et puis il faut l'accompagner petit à petit mais pas commencer en terminale à se poser la question, "qu'est-ce que je vais faire après ?" Et ça, ça suppose évidemment une réforme du lycée pour consolider les acquis jusqu'à la terminale qui permettront aux jeunes de réussir ensuite dans la filière de leur choix. Cela s'appelle l'orientation active et ça nécessite évidemment une collaboration de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur.
 
Alors l'Enseignement supérieur, pour sa réussite, vous avez un outil que vous défendez bec et ongles, si j'ose dire, c'est l'autonomie des universités. Je sais que cela reste votre priorité. Vous le disiez encore récemment. Vingt universités environ étaient passées à l'autonomie au début de l'année 2009. Vous aviez expliqué qu'il fallait continuer le processus. On sait qu'il y a eu des blocages pendant des semaines, où en est t-on aujourd'hui ? Est-ce que vous continuez à vouloir l'autonomie ?
 
Plus que jamais. Je la veux l'autonomie, parce que l'autonomie, c'est plus de réussite pour nos étudiants et c'est plus de réussite pour nos universités avec la possibilité de recruter qui elles veulent, la possibilité d'avoir des initiatives pédagogiques, de créer des nouvelles formations, de créer des nouveaux laboratoires de recherche. C'est pour une université, avoir une identité forte et se battre à arme égale avec la concurrence.
 
Est-ce que de nouvelles universités vont être concernées ? On sait qu'après les blocages on a considéré que le processus d'autonomie était finalement gelé. Qu'en est t-il ?
 
Alors c'est, j'allais dire, la nouvelle du jour. 33 universités vont passer à l'autonomie en 2010. C'est-à-dire que le mouvement vers l'autonomie ne se dément pas, l'aspiration à l'autonomie des universités ne se dément pas. La réforme se poursuit. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire tout simplement que les vingt premières universités autonomes ont donné envie aux autres de devenir autonomes. Et cela veut dire qu'en 2010, contrairement à toute attente, nous aurons 60% des universités autonomes.
 
Mais c'est vous qui avez décidé ou ce sont les présidents d'université ? Comment se passe le processus ? Parce qu'on sait que votre réforme était très contestée sur ce cas.
 
C'est d'ailleurs toute la difficulté de la réforme, la réforme de l'autonomie elle ne peut pas se faire sans, j'allais dire, l'appui et la demande de l'université elle-même et de la communauté universitaire. Cela veut dire que c'est l'université qui me demande à avoir accès à l'autonomie et après, évidemment, le ministère juge de ses compétences, l'aide pour être sûr qu'elle y arrive parce qu'être autonome, cela veut dire gérer son budget, gérer ses ressources humaines, mettre en place un contrôle de gestion, une comptabilité analytique. C'est être vraiment indépendante.
 
Et donc les choses continuent. Pourtant vos réformes, notamment aussi sur les enseignants chercheurs avaient été contestées. On se souvient du blocage des universités pendant des mois. Est-ce que votre méthode a changé ? Est-ce que vous avez tiré des leçons finalement de ce blocage des universités qui a eu lieu pendant de très longues semaines au printemps ?
 
Je crois qu'il y a vraiment maintenant un besoin pour toute la communauté universitaire, les professeurs, les personnels et les étudiants eux-mêmes, besoin de s'approprier la réforme. Maintenant, c'est leur réforme. L'autonomie, c'est libérer les capacités d'initiative des universités.
 
Ça ne plait pas à tout le monde, vous le savez bien.
 
Oui mais et les chiffres le disent, 33 nouvelles universités la souhaitent. Ca veut dire quoi ? Cela veut dire qu'elles veulent mettre des classes préparatoires aux grandes écoles à l'université. Elles veulent faire des master en lien avec les entreprises et le monde socio-économique. Elles veulent travailler sur des nouveaux projets de recherche innovants. Elles ont des idées et elles se rendent compte que l'autonomie, c'est la meilleure façon de les mettre en oeuvre et pour les étudiants, c'est fantastique. Cela veut dire que les étudiants vont avoir des programmes innovants. C'est-à-dire qu'ils vont avoir des nouveaux échanges avec l'étranger, etc. etc.
 
Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. La Recherche, vous avez présenté hier les grandes priorités - je cite - "de la stratégie nationale de recherche innovation ». Il y a des grands thèmes, les biocarburants, les véhicules de demain, la maison intelligente. Est-ce que vous avez des exemples concrets notamment en matière de santé ?
 
Oui, l'important aujourd'hui, nous sommes en pleine crise économique, la recherche, c'est évidemment beaucoup de savoir, mais c'est aussi la possibilité d'avoir des retombées économiques et des retombées pour la société française. Donc sortir plus fort de la crise, c'est investir dans la recherche et en matière de santé, c'est primordial. Nous avons besoin de suivre et c'est ce que dit la stratégie, de suivre des dizaines de milliers de personnes, des milliers d'enfants, pendant des dizaines d'années pour identifier les facteurs sociaux et environnementaux qui causent les grandes maladies.
 
C'est un programme que vous allez lancer ?
 
C'est un grand programme qu'on nous demande de lancer. L'idée, c'est quoi ? C'est vraiment de vérifier pour le cancer, pour l'obésité, pour les maladies mentales, pour Alzheimer, quels sont les facteurs sociaux ou environnementaux qui sont à l'origine de ces maladies. C'est un programme de recherche très ambitieux qui nous est demandé.
 
Vous demandez de l'argent aussi à propos du grand emprunt national. La santé, c'est une des priorités de cet emprunt. Les arbitrages ne sont pas faits ? C'est évident que cette stratégie de recherche, on va l'apporter pour le grand emprunt. C'est une contribution pour demander effectivement des moyens supplémentaires. Et on attend les grands arbitrages dans ce domaine. Merci beaucoup V. Pécresse.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 juillet 2009