Interview de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, à France 2 le 19 août 2009, notamment sur la pollution, le contrôle des oléoducs, l'ouverture politique et la préparation des élections régionales en Ile-de-France.

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M. Darmon.- Elle pratique la course d'endurance, mais cherche désormais à allonger sa foulée et ensuite accélérer le rythme de son ambition. Sept départements en alerte orange canicule, c'est-à-dire autant de pics de pollution ; est-ce que vous, au secrétariat d'Etat à l'Ecologie, vous êtes aussi en alerte canicule et en alerte tout court ?
 
Nous, on est en alerte permanente parce que le problème de la canicule c'est qu'avec les polluants qui existent dans l'air, ça accélère ces polluants, ça crée un phénomène d'ozone. Mais le problème de fond, c'est de traiter la pollution telle qu'elle est, la pollution de fond. Donc nous, on est en alerte permanente sur ce sujet de la qualité de l'air.
 
Est-ce qu'il y aura de nouvelles directives ? Parce qu'à Marseille, par exemple, aujourd'hui la circulation est régulée ; est-ce que dans d'autres villes, d'autres régions de France, vous allez également étendre ces directives ?
 
On va voir la situation aujourd'hui. De toute façon, les directives dépendent des seuils de pollution que l'on dépasse. Donc la situation, effectivement, on a depuis plusieurs jours un épisode caniculaire qui fait qu'on est susceptible d'étendre ces mesures.
 
L'été met toujours vos dossiers en première ligne. On a vu cette année que c'est la fuite d'un oléoduc sur un site protégé qui a quand même été un évènement important, un incident important. Comment faire pour que ça ne se reproduise pas, alors que ça peut se reproduire, qu'on sait que d'autres parcs sont traversés par des oléoducs ; qu'est-ce que vous faites par rapport à ça ?
 
Il y a 50.200 kilomètres d'oléoducs en France, et ça reste malgré tout le moyen de transport le plus sûr pour tout ce qui est pétrole et gaz. Donc ça c'est le premier point important. Mais ils ont quarante-quatre ans de moyenne d'âge, donc le sujet aujourd'hui, c'est la modernisation des oléoducs. Donc pour moi, la situation elle est très simple. D'abord, la meilleure des préventions ça reste la possibilité d'une répression et là il faut augmenter les sanctions, elles ne sont pas suffisantes, il faut clairement augmenter les sanctions.
 
Contre qui ? Contre les groupes, contre Total, contre l'exploitant ?
 
Contre les exploitants en cas de faute ou de négligence. Deuxièmement, il faut clairement augmenter le nombre de contrôles, on va les multiplier par deux dans les deux ans. On va multiplier par quatre le nombre d'inspecteurs et par deux le contrôle dans les deux ans.
 
Parce que jusqu'à présent, c'est contrôlé tous les dix ans, tous les quinze ans, c'est ça ?
 
Il y a trois types de contrôles. Il y en a qui se pratiquent deux fois par mois, d'autres deux fois par an et le contrôle de fond le plus abouti se pratique une fois tous les dix ans. Donc ce contrôle le plus complet, il faudrait qu'il se pratique beaucoup plus souvent, notamment sur des matériels qui sont maintenant vieillissants. Et enfin on va tous les réunir d'ici la fin du mois d'août, les exploitants, pour faire un état des lieux précis et faire un inventaire des risques pour commencer des travaux dans les prochaines années.
 
Vous avez donc annoncé un plan de lutte contre les risques industriels. Vous dites "tolérance zéro" pour le risque industriel, ça veut dire concrètement que, par exemple, les sites dits "Seveso", avec des rejets très dangereux - il y en a beaucoup d'ailleurs dans le Sud de la France -, vous revoyez les normes, vous faites des normes plus sévères ?
 
Non, on a des normes qui sont déjà très sévères. Il y a la question des sanctions qui se pose, bien évidemment, en cas de non respect des normes. Mais surtout le nombre de contrôles. Et là, pour nous, l'essentiel c'est d'augmenter le nombre d'inspecteurs qui effectuent ces contrôles.
 
Il y a un autre dossier que vous suivez de très près, c'est le projet d'installation, de construction d'un circuit de Formule 1 à Flins, donc dans les Yvelines, qui pourrait se faire sur des nappes phréatiques et qui est donc aussi un projet très polluant. C'est un projet cher à F. Fillon mais alors pas du tout cher à votre coeur. Comment ça se passe ? Vous avez obtenu gain de cause ?
 
L'ambition du Gouvernement est très simple : c'est de pouvoir accueillir un Grand Prix. Maintenant, le lieu où ça doit avoir lieu, c'est une autre question. Moi, sur ce sujet, ma position n'a pas changé. En l'état actuel des choses, le projet ne présente pas de garanties suffisantes pour protéger la nappe phréatique qui se situe en dessous et qui est l'une des principales nappes phréatiques qui alimente l'Ile-de-France. Donc ma position n'a pas changé.
 
Votre position ne change pas, mais est-ce que la position des pouvoirs publics, est-ce que ce projet change, de fait ?
 
Mais ça, ce n'est qu'un projet qui est porté par une collectivité et des promoteurs privés. Maintenant, on étudie le projet, mais on n'a pas pris de décision sur ce projet.
 
Vous vous impliquez de plus en plus à l'UMP, en ce moment ça grince un peu dans la majorité avec les ralliements et le mercato de N. Sarkozy qui rallie, qui fait venir P. de Villiers et les chasseurs. Quand C. Boutin n'est pas contente, elle est isolée ou elle exprime au fond tout haut ce que beaucoup pensent tout bas dans la majorité, à l'UMP ?
 
Le président de la République, quand il a été élu, a clairement posé ses principes, et il fait ce qu'il dit, il fait ce qu'il a dit, c'est-à-dire l'ouverture. Donc je n'ai pas d'atomes crochus, moi, avec de Villiers ou F. Nihous, ceci dit, cette stratégie d'ouverture qui est celle du Gouvernement, qui est celle de la majorité, c'est comme dans une grande famille : on n'est pas tous d'accord, mais quand même, on a plus de points communs que de points de divergences.
 
Oui, on va beaucoup l'entendre l'allégorie de la grande famille, mais enfin, quand même, le président de la République avait aussi fait campagne sur le clivage droite-gauche et sur le fait que la droite devait affirmer ses valeurs. Là, ça va être le grand écart, des transfuges du PS jusqu'à la droite extrême. Est-ce que ça ne risque pas de faire, finalement, une majorité présidentielle fourre-tout, où à force d'avoir toutes les opinions, il n'y en a plus aucune ?
 
La droite extrême n'est pas dans la majorité, premièrement. Deuxièmement...
 
P. de Villiers rejoindra donc le projet de la majorité présidentielle ?
 
...Deuxièmement, il n'adhère pas à l'UMP, c'est simplement une alliance mais il n'adhère pas à l'UMP. Et le point le plus important c'est qu'il rejoigne un corpus d'idées, il rejoint un corpus d'idées de la majorité. Cela ne veut pas dire que l'on va bouger d'un iota sur ce corpus d'idées, ce n'est pas à nous de nous adapter.
 
Est-ce que c'est un bon signal envoyé aux Français, de préparer, au fond, comme ça, devant tout le monde, le premier tour de l'élection présidentielle de 2012, alors qu'il y a peut-être d'autres sujets plus importants ?
 
2012, c'est très, très loin. La stratégie d'ouverture, elle est posée depuis le début, elle a commencé depuis le début au sein même du Gouvernement. Donc, c'est toujours la même ligne qui est suivie, dans la même continuité.
 
Avant 2012, il y a le grand rendez-vous de 2010 aux élections régionales, des élections très importantes pour votre majorité, justement. Vous, vous travaillez au projet de la tête de liste Ile-de-France, V. Pécresse, mais vous comptez simplement rester dans l'ombre ou vous voulez également, vous souhaitez également être candidate dans cette élection ?
 
Le plus important dans une élection, c'est le projet. On ne gagne uniquement pas sur les figures...
 
Donc, c'est vous qui le faites ?
 
Donc, le projet. Et puis je trouve ça passionnant, parce que l'Ile-de-France, c'est un des lieux où on concentre le plus d'enjeux, et notamment d'enjeux écologiques. Donc l'idée de porter un projet qui soit profondément écologique sur l'Ile-de-France, ça, ça me passionne. Et deuxièmement, non, ce n'est pas pour rester dans l'ombre, évidemment je vis dans cette région depuis maintenant plusieurs années, et je vis notamment dans les Hauts-de-Seine depuis plusieurs années, et je trouve que quand on est politique, il n'y a qu'une seule véritable légitimité, de toute façon c'est l'élection.
 
Ce qui veut dire que vous souhaitez être candidate, que vous menez la liste en Ile-de-France pour les Hauts-de-Seine ?
 
Ce n'est pas moi qui décide de toute façon, mais je suis disponible.
 
D'accord, disponible pour être candidate et diriger la liste dans les Hauts-de-Seine. Voilà, merci beaucoup !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 août 2009