Texte intégral
M. Darmon.- Bonjour. Elle dit souvent, les politiques ne connaissent rien à la réalité du terrain. Elle connaît beaucoup le terrain et n'en finit pas, elle, de découvrir la politique. F. Amara, bonjour.
C'est une bonne introduction, bonjour.
Le Figaro annonce 20.000 chômeurs de plus pour le mois de juillet, assez mauvaise nouvelle. Alors est-ce qu'encadrer les traders, qui était le thème de la rentrée présidentielle, c'était vraiment l'urgence ?
Un sujet polémique. Oui bien sûr que d'abord, un, il y avait des décisions qui avaient été prises qui concernent les banques, le fait de prêter de l'argent aux banques pour sauver de l'emploi, pour aider les entreprises. Et l'idée aussi c'était quand même de moraliser un peu tout ce qui s'était passé. Donc le président de la République, je pense, a eu raison de faire une rentrée dans laquelle on régule un petit peu tout ça. Et ceci dit, à côté de ça, cela n'empêche pas de parler malheureusement des conséquences de la crise, donc du chômage. Et ça, il n'y a pas besoin d'en parler à la rentrée, juste comme ça, puisque ça fait un bon de temps qu'on en parle du chômage et de la crise et des conséquences de la crise. Donc ce n'est pas un sujet de rentrée, c'est un sujet qui existe depuis toujours, depuis le début de la crise.
Alors il y a également une autre annonce, c'est la taxe carbone, par le gouvernement qui est maintenant officialisée. E. Woerth vient de le faire. Donc moins de pouvoir d'achat. Et on va taxer aussi les Français pour les aider à moins polluer. C'est encourageant ?
Alors moi, je pense que c'est un sujet qui est quand même un sujet primordial, qui concerne tout le monde. Donc, c'est important que tout le monde participe à réduire l'effet de serre. Ceci dit, à côté de ça après, donc là il y a une taxe qui est mise en place, ça n'a pas encore été arbitré l'utilisation de cette taxe. Mais moi j'espère que les décisions qui vont être prises pour son utilisation seront de justice et qu'elles permettront...
Vous demandez à ce qu'elle soit affectée aux quartiers, aux régions les plus modestes, aux banlieues ?
Elle serait la bienvenue à la fois pour les quartiers, mais aussi pour les familles modestes.
Hier, au Conseil des ministres, N. Sarkozy a encouragé les membres du Gouvernement à se montrer plus offensifs, à défendre les réformes. Alors quelles réformes vous pouvez défendre ? Qu'est-ce qui change dans les banlieues et dans les quartiers ?
Alors ce qui change dans les quartiers, malgré la crise et la difficulté de la crise et des conséquences parce que vous savez qu'on est les premiers...
Oui parce que vous annonciez le retour du CAC 40, les entreprises dans ces quartiers, mais avec la crise...
On a été les premières victimes de la crise, puisque les premières personnes qui ont subi la crise sont d'abord les gens des cités puisqu'il y a eu l'intérim, et c'est beaucoup dans les quartiers qu'on trouve de l'intérim. Mais c'est vrai que les grandes entreprises du CAC 40, comme vous le souligniez, qui se sont engagées avec nous, à nos côtés, pour embaucher les jeunes des quartiers, à l'heure où je vous parle, continuent de respecter les engagements qu'elles ont pris à travers l'engagement national. On a une vigilance extraordinaire avec C. Lagarde et L. Wauquiez sur cette question-la. Et se rajoutent évidemment, vous l'aurez compris, puisqu'on parlait tout à l'heure du chômage, se rajoutent toutes les mesures qui ont été annoncées à la fois par le président de la République et par le Premier ministre et par L. Wauquiez. Donc là on a une palette qui a été mise en place qui nous permet, non pas d'éradiquer le chômage malheureusement, mais tout simplement de bien résister à la crise et au chômage.
Mais tout de même vous dites, " on est vigilant" et "ils respectent les engagements" mais enfin un an après le lancement du dispositif des contrats d'autonomie qui étaient au coeur du plan "Espoir Banlieue", les objectifs sont en deçà du chiffre annoncé...
Pour être très honnête, on a des difficultés avec le contrat autonomie. Pourquoi ? D'abord je voudrai rappeler que c'est un dispositif en plus de tout le reste, donc c'est une palette d'outils qui a été mise en place. Le contrat autonomie, quand il a démarré, il a eu quelques difficultés parce que nous avons fait appel, je vous le rappelle, à des opérateurs différents. Et donc on a eu quelques difficultés sur la procédure réglementaire etc. Ensuite la crise est arrivée malheureusement et c'est vrai que les entreprises, tout le monde le sait, ont des difficultés à embaucher. Et donc le contrat autonomie subit quelque part lui aussi, malheureusement, cette crise-la. Il est freiné dans la mission. Ceci dit, à côté de ça, on a quand même pris un rythme de croisière et à l'heure où je vous parle, nous signons des contrats autonomie de l'ordre de 350 par semaine.
Alors quand même on a le sentiment qu'il est très difficile pour vous de faire changer les choses dans les quartiers. Pourquoi ? Parce que vous n'êtes pas issue du système ? Vous n'êtes pas énarque ? Souvent on dit que M. Hirsch parce qu'il connaît parfaitement tous les rouages, il est très rusé, il connaît tout, il arrive plus à tirer des budgets que vous.
Je ne dirai pas ça de la même manière. Moi, j'ai choisi une stratégie. C'est-à-dire qu'on a notre budget de la politique de la Ville, mais je vous rappelle tout de même que chaque ministre met en place son propre programme triennal en direction des quartiers et des populations qui habitent les quartiers difficiles. Donc, ça se rajoute sur le budget de la politique de la ville, c'est le mien propre effectivement, mais c'est celui aussi de chacun des ministres. C'est l'engagement de l'ensemble du Gouvernement.
Vous sentez que cette haute administration vous aide ?
Là effectivement où j'ai eu quelques difficultés, vous avez raison de le souligner, c'est nous avons une sorte de technocratie qui existe dans notre pays, une sorte de noblesse d'Etat qui n'aime pas trop voir, je l'ai déjà dit, qui n'aime pas trop voir les enfants d'ouvriers émerger. Et c'est vrai qu'on a quelques difficultés mais je le dis ici, je suis déterminée, comme l'est d'ailleurs le président de la République, parce que lui-même nous invite à chaque fois à lutter le plus efficacement possible contre la technocratie qui freine justement les réformes que nous pouvons faire et que nous devons faire pour le bien de notre pays.
Alors aujourd'hui sort un film qui s'appelle "Le prophète" du réalisateur J. Audiard, que vous avez vu en avant-première cet été. Et à la sortie, vous avez déclaré : "il aura un impact dans les banlieues, ce film ". Ça vous impressionne ? Ce sera le nouveau "Scarface" avec A. Pacino ? Mais dans les banlieues on ne peut pas faire la différence entre la réalité et la fiction ? Pourquoi cette crainte ?
Alors d'abord, ce n'était pas du tout péjoratif quand j'ai dit ça, mais dans les quartiers comme partout d'ailleurs, les gens qui vont au cinéma ne sont pas des critiques de cinéma. Ce que je voulais dire par-là, d'abord, c'est que c'est un très beau film avec des très bons acteurs. T. Rahim est quelqu'un d'extraordinaire. Et je suis heureuse de constater que nous avons une palette de nouveaux acteurs issus de la diversité qui ont une compétence et un talent fou. Mais ce que j'ai voulu dire, c'est que l'impact de ce film parce qu'il faut avoir aussi des grilles de lecture, parce qu'il faut rentrer dans l'analyse etc, l'impact de ce film pour un public de jeunes de cité par exemple, risque de faire en sorte tout simplement de rendre ce film un peu comme "Scarface" a eu comme effet dans les quartiers.
Inciter à la violence ? Inciter au banditisme ? C'est ce que vous dites ?
Non ce n'est pas ça du tout parce que "Scarface", c'était, je dirais, un héros négatif. Là, pour le coup, Malik dans le film est un héros plutôt positif. Même si c'est dans un milieu carcéral extrêmement difficile, on connaît bien la violence qui existe dans les prisons. Mais une chose est sûre, c'est qu'il est positif dans le sens où il a une rage de vaincre, une rage de s'en sortir et il s'organise de manière à pouvoir s'en sortir, même si je condamne la manière dont c'est utilisé. Je veux juste dire que dans les quartiers, il ne faut pas que les jeunes s'identifient à Malik comme étant un héros absolu.
Une question de rentrée politique : P. de Villiers rejoint la majorité présidentielle. Vous vous voyez assister à un meeting avec P. de Villiers pour applaudir N. Sarkozy ?
Je n'ai aucun état d'âme, je peux assister à n'importe quel meeting, avec toutes les personnes, tout simplement pour faire entendre ma voix. Tout simplement pour défendre mes convictions.
Cela ne vous gêne pas d'être à côté de P. de Villiers avec parfois des positions très dures qu'il a prises sur l'immigration, sur l'Islam ?
J'ai déjà débattu avec P. de Villiers sur l'immigration, sur la présence de l'Islam dans notre pays, sur les différentes positions qu'il a pues prendre, qui étaient pour moi extrêmement excessives. Je ne faisais aucun état d'âme. Je suis une démocrate, moi je peux parler. La seule chose c'est que je me battrai pour que mes convictions, pour qu'elles s'affichent et soient entendues.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 août 2009