Texte intégral
PHILIPPE RELTIEN
Alors je me tourne vers Bernard VAN CRAEYNEST. Les cadres en ce moment sont pris entre deux feux. Eux aussi sont victimes de la crise de l'emploi. Il y a des licenciés, ces reclassés, des déclassés. Mais je pense aussi à ARCELOR MITTAL. Le mot déclassement est entré dans notre vocabulaire pour parler de l'appauvrissement des classes moyennes. Et les chiffres de l'emploi ne sont pas mirobolants. Les cadres sont, vous êtes d'accord, entre deux feux ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ils l'ont toujours été puisque historiquement leur position professionnelle les place entre le patron, le problème, c'est qu'au début du siècle, ou pendant une bonne partie du 20e, les patrons ils étaient à proximité, ils étaient identifiés. Il y avait un dialogue quotidien avec eux. Aujourd'hui le patron, ça peut être celui d'une multinationale qui se trouve à New York, à Singapour ou à Tokyo. Et on ne le voit pas. Et c'est pour ça qu'il faut identifier de quels cadres nous parlons, parce que les séquestrations qui ont défrayé la chronique depuis quelques mois, ce sont en général des cadres qui sont envoyés pour effectuer la sale besogne, qui ne connaissent pas le site, et qui ont annoncé les mauvaises nouvelles. Pour ce qui concerne l'encadrement de proximité qui connaît bien l'usine, qui y travaille tous les jours, il est extrêmement difficile, effectivement de relayer auprès de ces collègues des stratégies extrêmement changeantes au fil du temps, en fonction justement des reprises d'activité par les uns ou par les autres. Et ce qu'il faut souligner, c'est que quand on ferme une usine comme celle de Clairoix, qu'on soit ouvrier, employé, technicien, agent de maîtrise ou cadre, évidemment on se retrouve chez Pôle Emploi. (...)
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PHILIPPE RELTIEN
Bernard VAN CRAEYNEST, de la CGC.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Oui, je crois que la première question qu'il faut se poser, c'est pourquoi SANOFI vend son centre de recherche. Parce que ce que nous avons observé pour des productions, pour un certain nombre d'usines qui étaient dans le périmètre de grands industriels, de grandes multinationales, de grands donneurs, c'est qu'on cédait à qui voulait bien reprendre une activité pour en fait externaliser l'extinction de l'activité en question, et on retrouve deux ans, trois ans après une succession de plans sociaux jusqu'à la fermeture du site. C'est le cas de MOLEX, c'est le cas d'un certain nombre de sites. On sait sur le plan économique, je pense à NEW FABRIS qu'une activité qui dépend à 80% d'un ou deux donneurs d'ordre est d'une fragilité extrême. Il est de bonne gestion économique en amont, mais il ne faut certainement pas faire ce que nous disait un intervenant précédent, c'est-à-dire on balade pendant quatre mois ou cinq mois les salariés en leur faisant miroiter des possibilités de reconversion, de reprise, etc., pour in fine leur dire désolé, mais il n'y a pas du tout de solution, et on vous licencie.
XAVIER MATHIEU, REPRESENTANT CGT CONTINENTAL
Là c'est l'explosion de colère garantie.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Mais je tiens à souligner quand même une chose c'est que ce que l'on paye, c'est effectivement le manque d'anticipation et le manque de clarté, d'honnêteté dans la manière d'aborder ces débats, mais aussi la faiblesse du syndicalisme, la faiblesse de la représentation des salariés, parce qu'on parle beaucoup des entreprise dans lesquelles il y a une capacité avec les instances représentatives du personnel, mais les centaines de milliers de demandeurs d'emplois que nous connaissons depuis des mois, la plupart du temps, ils sont partis en silence vers Pôle Emploi. (...)
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PHILIPPE RELTIEN
Bernard VAN CRAEYNEST, est-ce que vous allez dans le sens de l'intervention de cet employé de SKF, qui dit que finalement oui il faut qu'on monnaye ce départ et qu'on n'a plus que ça à faire ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
A l'instant T oui, évidemment. Il y a un préjudice qu'il faut réparer, mais ce n'est pas ce qui donne ou redonne de l'emploi à court, moyen, long terme. C'est ça la préoccupation essentielle que l'on doit tout savoir et pour lesquels il faut que nous réussissions à bien faire comprendre et j'espère qu'il y aura une exemplarité encore plus forte dans les mois qui viennent, que tout ce que nous mettons en oeuvre entre partenaires sociaux, avec les pouvoirs publics pour reclasser les gens, quand je dis les reclasser c'est dans des emplois équivalents, ce n'est pas dans des emplois moins bien rémunérés, et plus petits.
PHILIPPE RELTIEN
C'est ça, et en début d'émission on parlait de cette proposition de loi qui a été adoptée fin juin à l'assemblée nationale et qui dit que le reclassement ce n'est pas proposé un emploi en Hongrie à 425 euros.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Exactement.
PHILIPPE RELTIEN
C'est proposé un salaire ou une rémunération équivalente, c'est ça.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Exactement.
PHILIPPE RELTIEN
Ce n'est toujours pas la loi. Ca le sera si le sénat veut bien à la rentrée.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ecoutez les lois, je crois que votre auditeur l'a évoqué, les employeurs qui ferment une usine ont une obligation de ce que l'on appelle la revitalisation du bassin d'emplois. Pour autant, il faut que ça se concrétise et en particulier sur des emplois industriels, parce que comme le disait Pierre FERRACCI tout à l'heure il n'y a pas de raison que nous abandonnions notre industrie. L'industrie c'est l'endroit où il y a le plus de gain de productivité. C'est donc ce qui est l'origine des perspectives de croissance les plus importantes. Et là dessus il faut que nous nous battions mais que nous ayons aussi des capacités de dialogue. Et vous disiez tout à l'heure faiblesse des syndicalistes, je ne crois pas que les syndicalistes soient faibles. Ils ne sont pas suffisamment nombreux. Il n'y a pas suffisamment d'instances de dialogues pour faire en sorte que nous réfléchissions et trouvions ensemble des solutions, et pas qu'on perd son temps à faire de la sémantique pour appeler APLD, ce qu'on appelait il y a 15 ans le TRILD, c'est-à-dire le temps réduit indemnisé de longue durée. (...)
source http://www.cfecgc.org, le 10 septembre 2009