Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à LCI le 8 septembre 2009, sur la rentrée scolaire et universitaire, la grippe A et les prochaines élections régionales.

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Média : La Chaîne Info

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C. Barbier.- Selon un syndicat étudiant, la page de la rentrée est plus difficile que jamais, il pointe notamment des difficultés à se loger, des problèmes d'accès aux soins. Est-ce aussi votre diagnostic pour les étudiants ?
 
Je crois que depuis trois rentrées, nous avons mis tous nos efforts pour faciliter la vie des étudiants. En trois rentrées, nous avons livré 30.000 nouvelles chambres dans le logement, le parc social étudiant. 30.000 chambres, c'est du jamais vu, en trois ans ! Depuis trois ans, nous avons augmenté de 13% les bourses des étudiants les plus démunis, et de 6,5 % les autres bourses. Cet effort pour la vie étudiante, c'est un effort voulu par le président de la République, parce que nous estimions effectivement que les conditions de vie des étudiants étaient plus difficiles.
 
Cette année, pour la hausse des bourses, vous pointez de 1,5 à 3 %, selon les cas. Mais il y a 3,2 % de hausse du coût de la vie pour les étudiants, selon leurs représentants syndicaux. Les étudiants se paupérisent donc ?
 
Je ne partage pas l'analyse des indicateurs qui sont publiés par la Fage parce que les prix à la consommation baissent tous cette année. On est avec une inflation négative à moins 0,7 % ; le coût d'un ordinateur portable, par exemple, baisse de 12 %, les loyers sont stables sur l'ensemble de la France, voire avec une tendance à la baisse. On a un coût de la vie qui est aujourd'hui relativement stable de la vie étudiante, voire même à la baisse. Mais nous avons voulu dans ce contexte continuer d'augmenter les bourses, nous avons voulu continuer de faire un effort spécifique pour les étudiants et leur pouvoir d'achat.
 
Vous aviez relancé des prêts étudiants, "échec" dit la Fage, moins de 1.200 ont été distribués. Est-ce vrai, et comment allez-vous relancer la machine ?
 
Ce ne sont pas les chiffres dont je dispose. Nous avons plus de 4.000 prêts qui ont été accordés, c'est très important ces prêts, parce que ce sont des prêts sans caution. Vous savez que, jusqu'à présent, soit on était dans une grande école et on avait un prêt bancaire, soit on était à l'université, et à ce moment-là, il fallait que les parents soient cautions. Donc, on ne prêtait qu'aux riches. L'intérêt de ces prêts étudiants sans caution, c'est que l'Etat est caution. Donc, ces 4.000 prêts, dans une période de crise où les banques ont beaucoup plus de mal à prêter, je peux vous dire que si nous n'avions pas mis en place ce dispositif, il n'aurait pas existé, il y aurait eu 4.000 étudiants qui n'auraient pas eu de financement pour leurs études.
 
Aujourd'hui vous réunissez les recteurs pour préparer cette rentrée universitaire. S'agit-il d'éviter les grèves de l'an passé ?
 
J'ai réuni les organisations syndicales étudiantes, j'ai réuni les organisations syndicales d'enseignants-chercheurs et de personnels, aujourd'hui, je réunis les recteurs, j'ai aussi réuni les présidents d'université et les recteurs...
 
Vous quadrillez le terrain ?
 
Je dialogue pour faire en sorte que cette rentrée se passe dans les meilleures conditions possibles. Aujourd'hui aux recteurs, par exemple, je donnerai des consigne de vigilance sur les dérapages en matière de bizutage, je leur donnerai des consignes de vigilance en matière de grippe A. Donc, nous sommes vraiment sur le terrain au service d'une rentrée réussie.
 
A partir de combien d'étudiants malades fermez-vous une fac pour cause de grippe A ?
 
Les universités, c'est un cas très particulier, parce que d'abord les campus sont très ouverts sur la ville, et ils accueillent des étudiants, c'est-à-dire des adultes autonomes. Donc nous prendrons les décisions au cas par cas, et selon aussi le moment auquel les cas se manifesteront. S'il s'agit de stopper la pandémie, il peut y avoir des décisions de prises de fermer complètement tel bâtiment ou telle classe, mais ce sera au cas par cas, et ce sont les préfets qui en décideront.
 
Vous aviez promis avant l'été de lutter contre les frais d'inscription illégaux en fac. Pouvez-vous garantir aujourd'hui qu'aucune fac n'en pratiquera à la rentrée ?
 
C'est une consigne de vigilance que j'ai donnée depuis deux ans, et on peut constater pour cette troisième rentrée que cette consigne à conduit à quasiment l'extinction des frais illégaux dans les facs. Si jamais il y a une université qui pratique des frais illégaux, donc qui enfreint la loi, la consigne aux recteurs est très claire, c'est : il faut saisir le tribunal administratif.
 
En cas de blocage des facs comme l'an passé, vous êtes favorable au vote à bulletin secret de la levée ou non du blocage. Comment comptez-vous l'imposer ? Par un décret, une loi ?
 
Non, mais vous savez, l'université aujourd'hui est autonome, on va avoir 60 % d'universités autonomes au 1er janvier 2010, cette aspiration à l'autonomie est très forte, c'est donc aux universités d'organiser leur mode de fonctionnement. Simplement, ce que je ressens, et ce que j'ai ressenti tout au long de l'année dernière, c'est que la volonté d'étudier, le désir de se former est beaucoup plus fort chez les étudiants que la volonté de bloquer. Et que les blocages pénalisent systématiquement les étudiants les plus fragiles, socialement et scolairement. Et donc, je souhaite que les universités réfléchissent - mais un grand nombre d'entre elles l'ont fait l'année dernière - qu'elles réfléchissent à la possibilité de faire des référendums par voie électronique, auprès des étudiants, pour savoir ce qu'il en est vraiment de leur volonté de bloquer.
 
Pas de blocage pour la campagne des régionales en Ile-de-France, c'est parti ; J.-P. Huchon, le président socialiste sortant est officiellement candidat depuis hier soir ; vous lancez votre campagne, vous, dimanche prochain. Pourquoi partir si tôt ? L'UMP recommandait janvier 2010. Vous avez peur de la difficulté d'obstacles ?
 
D'abord, la campagne est lancée depuis un an...
 
Avec la primaire.
 
Voilà. L'UMP a choisi de mettre cette campagne régionale sous le signe de la démocratie, et je remarque d'ailleurs que les autres partis ne sont pas encore à l'heure des primaires généralisées, que seule l'UMP a organisé cette primaire avec un vote des militants pour désigner le candidat, qui permet d'ailleurs, il faut le reconnaître aussi, aux candidatures de renouvellement de se présenter. Donc, nous avons eu une primaire, il y a eu un temps de la démocratie, aujourd'hui le temps des idées est venu, le temps du projet. Ce que les Franciliens attendent de nous c'est que nous répondons à leurs problèmes : à leur galère de transport, à leur galère de logement, à leur galère de pollution, à l'ascenseur social qui ne fonctionne pas. Que nous proposions un plan de relance face à la crise. Aujourd'hui, aujourd'hui, il faut bien le reconnaître, la protection face à la crise c'est l'Etat, ce n'est pas la région Ile-de-France. Donc, il y a vraiment besoin d'élaborer un projet. Dans une région de 11 millions d'habitants, ça ne se fait pas en deux jours. Donc, le temps du projet est venu, et pendant les trois mois qui viennent, je vais aller à la rencontre des Franciliens.
 
Et après ces trois mois, quitterez-vous le Gouvernement au début de 2010 pour mieux mener campagne ?
 
Vous connaissez la règle qu'a fixée le Premier ministre et à laquelle je m'étais moi-même tout à fait... j'allais dire avec laquelle je me sens très à l'aise, qui consiste à dire : on ne peut pas être président de région et ministre.
 
Oui, mais avant pour mener la campagne ?
 
Alors, avant, pour mener la campagne, c'est une décision qui ne m'appartient pas, c'est une décision qui appartient au président de la République. Mon souhait, c'est d'être pleinement à ma tâche. Donc, je m'astreindrai à une discipline de fer, je serai pleinement ministre, et je ferai la campagne le soir et le week-end. Si je m'apercevais que, à un moment donné, la charge de la campagne est trop lourde, je n'exclue rien, mais c'est une décision qui appartient au président de la République.
 
Qui sera tête de liste dans les Hauts-de-Seine ? On annonçait R. Karoutchi, c'était promis pour lui, et puis C. Jouanno, R. Yade. Quel est votre choix ?
 
Le temps des candidatures n'est pas venu. Aujourd'hui, c'est le projet qui intéresse les Franciliens, c'est vraiment le débat d'idées, ce sont les réponses à leurs problèmes.
 
Dans le projet il y aura un péage urbain, vous y êtes favorable ?
 
Aujourd'hui, nous avons un projet qui va s'élaborer, il est sans tabou. La seule chose que je refuse, c'est qu'il y ait une nouvelle séparation entre les Parisiens et ceux qui habitent en dehors du périphérique. Je crois que nous devons au contraire effacer cette barrière du périphérique.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 septembre 2009