Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, à France Info le 11 septembre 2009, sur la polémique autour de la vidéo de Brice Hortefeux tenant des propos équivoques à l'égard d'un militant d'origine arabe, les procédures dans les établissements scolaires en cas de pandémie grippale et la scolarisation des enfants handicapés.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Ministre de l'Education, porte-parole du Gouvernement, L. Chatel est notre invité. Est-ce que vous avez vu, vous, la fameuse vidéo qui "buzze" en ce moment, la vidéo de B. Hortefeux ?
 
Non, je ne l'ai pas vue.
 
Vous ne l'avez pas vue ! Vous n'avez pas souhaité aller la voir ?
 
Non, si vous voulez, je ne l'ai pas vue parce que j'ai compris qu'il s'agissait d'une polémique absolument ridicule, d'ailleurs c'est ce qu'a indiqué le militant qui est concerné et qui est manifestement sur ces images. Ridicule, parce qu'il n'y a aucun propos raciste qui a été prononcé par B. Hortefeux, il a eu l'occasion de s'en expliquer et voilà.
 
Mais cette vidéo a quand même été vue plus de 500.000 fois, il y a ce qu'on entend, et c'est assez clair, et ce que le ministre, lui, assure avoir dit. C'est vrai qu'on n'entend pas parler d'Auvergnat, en l'occurrence.
 
Le ministre a indiqué quel était l'esprit de ses propos, et le militant à qui il s'adressait a indiqué également, a confirmé qu'il s'agissait de ces propos, donc ça va bien quoi ! Il y a un moment où on a un peu l'impression qu'il y a du harcèlement. Et puis je vais vous dire, cet exemple m'alerte, doit nous interpeller, tous, sur la capacité qu'il y a, tout d'un coup, à monter en épingle des brides de séquences sur Internet, sortis de leur contexte. Je crois que ça doit nous interpeller, c'est arrivé à plusieurs reprises. Et votre métier, et je sais que vous le faites très bien, c'est aussi de replacer tout ça en perspective et dans leur contexte.
 
Donc, ça signifie que quand la gauche, et on finira avec ça, demande la démission de B. Hortefeux, ça n'est pas d'actualité ?
 
C'est une basse polémique, et encore une fois, ça n'est absolument pas d'actualité.
 
Venons-en à la grippe A. Evidemment, le collège de Castries, dans l'Hérault, est fermé pour dix jours, on en parlait tout à l'heure ; 850 élèves sont concernés. Le seuil de contagion a été fixé je crois, à trois cas par classe, même si, après, vous avez dit que c'était du cas par cas. Là, en l'occurrence, est-ce que c'était nécessaire de fermer cet établissement ?
 
Ce qui est intéressant, c'est que huit jours après la rentrée des classes, on y voit un petit peu plus clair. Je me suis rendu hier dans une école du 18ème arrondissement de Paris, l'école du Montcenis, qui a fermé une classe cette semaine, pour voir un petit peu comment les procédures que nous avons mises en oeuvre cet été sont appliquées concrètement sur le terrain. Et on s'aperçoit que c'était très utile d'anticiper les choses. D'abord d'informer les parents, la communauté éducative, les enseignants. Quand vous discutez avec eux aujourd'hui, ils ont le sentiment d'avoir été préparés à ce qui aujourd'hui est considéré, R. Bachelot l'a indiqué hier, comme un début de pandémie. Et puis deuxièmement, à mettre en place un "process", des procédures, un protocole, de fermeture et de réouverture d'établissements. Effectivement, vous l'avez rappelé, nous avions prévu un système de fermeture à partir de trois cas constatés, soit dans une classe, soit dans une école, mais au cas par cas, et c'est la responsabilité des préfets, donc ce sont les préfets qui apprécient, en fonction de la situation locale, l'épidémiologie locale, de la situation de l'établissement, en en discutant avec la communauté éducative locale, avec les chefs d'établissement, avec les inspecteurs d'académie et avec les autorités sanitaires. Ce sont eux qui apprécient au cas par cas, et je pense que c'est une bonne de laisser cette responsabilité aux autorités locales.
 
Vous parliez des consignes et de la manière dont elles étaient appliquées dans les établissements. On a tous évidemment des proches ou des amis qui travaillent dans le milieu de l'Education et dans des établissements scolaires. Il y a des endroits - et ça je l'ai vérifié, avec un coup de fil passé à une amie - où on demande aux profs de signaler chaque élève qui éternue, s'il éternue plusieurs fois en classe, et de l'envoyer immédiatement à l'infirmerie. N'est-ce pas un peu bizarre ?
 
Ca n'est pas les instructions qui ont été données aux enseignants. Nous avons donné des instructions très précises. D'abord, l'ensemble des élèves a reçu dans les premiers jours de la rentrée un dépliant à destination des parents pour les informer. Ensuite les professeurs principaux ont sensibilisé l'ensemble des élèves à ce risque de pandémie. Et puis nous avons mis en place des procédures, notamment de continuité, y compris pédagogiques. Hier, à l'école du 18ème arrondissement de Paris, la directrice d'école a fourni aux parents des devoirs pour la semaine pendant laquelle les enfants seront absents de l'école.
 
Mais il y a quand même des syndicats de parents et des syndicats d'enseignants qui disent : on ferme un peu rapidement les établissements ; s'il y a propagation, de toute manière que ça soit à l'intérieur ou à l'extérieur, c'est un peu pareil.
 
D'abord, c'est une décision que nous avons prise en comité interministériel, nous ne l'avons pas prise à la légère, d'ailleurs elle dépasse le sujet même de l'école, puisque elle s'applique également aux crèches ou à d'autres types de rassemblement. Ensuite, nous l'avons prise en conformité avec ce qui se passe aussi au niveau international et au niveau européen. Le cap, la situation et le seuil des trois cas a été fixé par l'Institut National de Veille Sanitaire. Nous n'en avons pas fait une automaticité, nous avons souhaité que ce soit vraiment les autorités locales et le préfet qui décident en dernier ressort.
 
Je voudrais qu'on dise un mot des auxiliaires de vie scolaire. Il y a des parents d'élèves qui ont tenté d'envoyer leurs enfants handicapés dans des établissements à la rentrée, ils ont été obligés de rebrousser chemin parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'auxiliaires justement pour les aider. Vous aviez promis 5.000 recrutements, je crois. Où en est-on ?
 
Ce que je veux vous dire c'est qu'en cette rentrée 2009, nous scolarisons 185.000 enfants handicapés, c'est le double par rapport à il y a 10 ans, et c'est 40 % de plus qu'en 2005, au moment où la loi sur le handicap a été votée. Donc, c'est un effort absolument sans précédent qui a été déployé. Pour les accueillir, cette année nous ouvrons 200 unités pédagogiques d'intégration, j'en ai visitées hier à Evreux, et nous créons 5.000 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent au quotidien ces enfants. Ce qui fait qu'en cette rentrée scolaire, il n'y a jamais eu autant de personnels d'encadrement, d'auxiliaires de vie scolaire auprès des enfants handicapés. D'abord, nous avons pérennisé - tout à l'heure, j'entendais votre reportage qui disait que 5.000 étaient arrivés à terme -, votre reporter a oublié de signaler que les 5.000 ont été reconduits, c'est-à-dire que les contrats sont arrivés à terme, mais ils ont été reconduits. Et en plus de cela, j'ai annoncé la semaine dernière la création de 5.000 postes supplémentaires. Ce qui fait que, il y a en cette rentrée 22.000 postes d'auxiliaires de vie scolaire qui sont destinés à accompagner.
 
Donc, s'ils ne sont pas encore arrivés... ce sont des gens qui viennent ?
 
Nous les avons répartis auprès des rectorats, ils vont être recrutés progressivement par les établissements à partir de cette répartition. Encore une fois, c'est une politique essentielle que nous menons, pourquoi ? Parce que, d'abord il n'y a rien de pire pour un parent que de se voir refuser son enfant à l'école de la République qui est le lieu de l'égalité des chances. Et puis ensuite, c'est essentiel, c'est une politique très volontariste de notre part, pour les enfants qui n'ont pas de difficulté. C'est, dès le plus jeune âge le fait d'être confronté à la différence, le fait de voir que tous les enfants n'ont pas les mêmes chances et que le handicap ça existe. Je crois que c'est un point très important dans leur confrontation à ce qu'est la vie d'aujourd'hui.
 
Deux questions pour terminer. Je crois que les profs attendent la revalorisation de leurs salaires, vous le leur avez promis. Ce sera effectif quand sur les fiches de paye ?
 
Ce que j'ai indiqué c'est que je considérais que j'avais un chantier majeur dans ce ministère, qui était la revalorisation globale des enseignants. Alors naturellement, il y a l'aspect financier, mais il n'y a pas que l'aspect financier, il y a aussi l'aspect gestion des ressources humaines tout au long de la vie. Je pense que ce ministère doit envoyer, doit accompagner davantage ses enseignants, en matière de formation, initiale et continue, leur proposer des perspectives, des deuxièmes carrières. Et donc, c'est un chantier que j'ouvre avec les syndicats. J'aurai l'occasion de réunir à la fin du mois le comité, ce qu'on appelle le CTPM, c'est-à-dire, l'organisme de concertation avec les organisations syndicales pour leur présenter mes propositions en matière de revalorisation, en particulier financières. Et vous verrez, il y aura une revalorisation significative en la matière.
 
Et vous serez aujourd'hui au côté de V. Pécresse pour inaugurer le premier internat d'excellence.
 
Oui, nous inaugurons, c'est un moment très important, c'était un engagement de N. Sarkozy pendant sa campagne présidentielle, l'idée de ces internats d'excellence. C'est-à-dire, d'offrir à des enfants de milieux défavorisés mais qui réussissent scolairement, les moyens d'aller plus loin dans leurs études, dans leur formation, grâce à l'internat. Effectivement, nous inaugurons l'internat de Sourdun, et j'aurai l'occasion d'annoncer que nous allons étendre très rapidement ce type de dispositif. L'objectif, c'est que nous multipliions ces internats d'excellence pour offrir davantage de chance aux élèves qui se battent mais qui n'ont pas la possibilité dans leur entourage de trouver les possibilités d'accueil et d'accompagnement.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 septembre 2009