Interview d'Hervé Morin, ministre de la défense, à RTL le 10 septembre 2009, notamment sur le projet de vente d'avions de combat Rafale au Brésil.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.-  Depuis mardi, tout le monde se réjouit : le Brésil va acheter trente-six  avions de combat Rafale, c'est sûr. Et puis, hier, dépêche AFP, 17h03,  je lis : "Le ministre brésilien de la défense, Nelson Jobim, affirme que  le processus de sélection entre les offres française, américaine et  suédoise n'est pas encore terminé". Alors, où en est-on ? 
 
Il faut s'en référer au communiqué qui a été conjoint et publié lors de la visite  du président de la République. Le communiqué dit quoi ? Le communiqué dit  que la négociation va s'engager désormais en priorité avec le Rafale. C'est-à-dire, en clair, qu'il va y avoir désormais une discussion qui va porter à la  fois sur le financement du programme, sur les transferts technologiques, sur  le process industriel, sur les coopérations industrielles, sur le système d'arme.  Parce que quand vous achetez un programme comme celui-ci, c'est un  équipement pour trente ou quarante ans, et donc il faut y voir quel système  d'arme on y met, quel est le contour de la prestation fournie par l'industriel,  c'est-à-dire : est-ce qu'on y met la maintenance, etc. Donc, c'est toute cette  discussion qui va avoir lieu. 
 
Pour vous, la vente est acquise ? 
 
La vente est bien partie, elle sera acquise le jour où ce sera signé. 
 
Combien de temps ? 
 
Je vous donne un exemple. Lorsque nous sommes allés au Brésil en  décembre dernier, j'ai signé avec Nelson Jobim l'accord de principe  concernant les sous-marins. Et la veille du déplacement du président de la  République et du Gouvernement, c'est-à-dire le 5 septembre, nous avons  signé pour cinq sous-marins - on l'oublie -, un contrat majeur et massif avec  l'armée brésilienne. Donc il y a au moins huit à neuf mois de discussions. 
 
Quel est le montant du contrat ? 
 
Le montant du contrat, ça dépendra précisément de ce qu'on y met.
 
Il se peut qu'il y ait du tirage au sein du gouvernement brésilien ? Je  ne sais pas, le Président Lula a parlé trop vite, signé trop vite ? 
 
Non, je pense que... Il faut bien voir les choses : la France et le Brésil se sont  engagés dans un partenariat stratégique. Ca veut dire quoi ? C'est-à-dire de  faire en sorte que sur les grands sujets du monde, la France et le Brésil  parlent d'une même voix. 
 
C'est nouveau ça...
 
 Que ce soit les questions politiques, que ce soit les questions diplomatiques,  que ce soit même les questions liées au réchauffement climatique, que ce soit  sur la nouvelle gouvernance mondiale, la France et le Brésil parlent d'une  même voix. 
 
C'est nouveau ! Pourquoi le Brésil, pourquoi pas l'Argentine ? 
 
Le Brésil, c'est un des grands pays émergents, c'est la huitième puissance  économique du monde, c'est la grande puissance d'Amérique latine. Et à  travers ce partenariat, nous sommes en mesure de pouvoir porter notre  influence sur une partie d'un continent où nous étions absents depuis des  années, où seuls les Américains étaient en place. 
 
Peut-on dire, puisque l'industrie de l'armement, c'est important en  France, évidemment, que le sort de l'entreprise Dassault dépend de ce  contrat ? 
 
Non, bien sûr que non ! Mais je dois vous dire... 
 
Elle est en difficulté l'entreprise Dassault, cette année. 
 
Une décision d'achat d'un grand programme d'armement pour un pays, c'est  la conjonction de deux choses. La première, c'est un produit excellent et il  l'est ; et c'est un soutien politique majeur. S'il vous manque l'un des deux,  vous ne vendez pas ; et là, aujourd'hui, la France s'est mise en situation à la  fois de soutenir politiquement ses industriels, et d'ailleurs les chiffres sont là. 
 
Industriels en danger pour l'entreprise Dassault, nous sommes  d'accord ? 
 
Non, Dassault est une entreprise qui marche très bien ; et rassurez-vous, il  n'y a pas de problèmes en la matière. Je voudrais simplement vous dire une  chose, c'est que la France qui était un des grands pays exportateurs, était  tombée progressivement depuis le milieu des années 2000. En 2008, nous  nous étions fixés 6 milliards d'euros d'exportations, nous avons fait 6,3  milliards ; et cette année, nous ferons encore plus ; et nous sommes en train  de retrouver notre place parce que l'équipe France, en quelque sorte, s'est  mise en route. 
 
Ces affaires sont complexes ; toutefois, une contrepartie au contrat  signé, ou potentiellement signé au Brésil, étonne les spécialistes. Si le  Brésil achète les trente-six Rafale, la France s'engage, de son côté, à  acheter un avion de transport militaire brésilien le KC-390, c'est  précis, alors même que nous sommes, nous Français, engagés dans un  programme difficile, coûteux de construction d'un autre avion de  transport militaire européen : le A400M ; et les spécialistes se disent : Alors ça, pour articuler tout ça, on ne comprend pas bien comment ça  va se passer ? 
 
Les spécialistes que vous devez rencontrer doivent être des spécialistes de  petits pieds, excusez-moi de vous le dire ! 
 
Ah bon ! Alors on leur expliquera ! 
 
Parce que l'A400M est, en effet, un programme que j'ai sauvé grâce à un  travail incessant et permanent auprès des mes partenaires européens pour  que nous restions ensemble dans ce programme. Nous l'avons sauvé en juillet  dernier. 
 
On devrait en avoir une cinquantaine en 2013. 
 
Nous l'avons sauvé en juillet dernier. Ce programme est un programme de  très haut niveau et nous avons besoin au-delà de ce que, excusez moi pour  reprendre les expressions des militaires - de ce qu'on appelle une "brouette  volante"... 
 
"Une brouette volante" ! C'est excellent.
 
... C'est-à-dire d'un avion de transport capable de transporter beaucoup, de  transporter loin et qui n'ait pas forcément les mêmes niveaux d'équipement  que l'A400M qui sera un avion de transport tactique et stratégique  absolument d'une nouvelle génération. Et grâce à cet accord avec les  Brésiliens, nous allons pouvoir construire un nouveau partenariat industriel.  Donc tout ça est bon aussi pour l'industrie française et européenne. 
 
Combien on achète de brouettes volantes ? 
 
On en achètera entre dix et quinze. 
 
Ca va nous coûter combien ? 
 
Ca nous coûtera en fonction du développement du programme mais c'est un  avion qui sera beaucoup moins cher ... 
 
Ce n'est pas très précis comme chiffre, ça, H. Morin ! 
 
C'est un avion qui n'est pas du même niveau que l'A400M. Donc, ce sera un  avion plutôt autour de 50 ou 60 millions d'euros comparé à un A400M qui en  vaut cent, voilà. 
 
Le colonel Kadhafi n'a toujours pas acheté les 14 Rafale qu'il avait  promis d'acheter ? 
 
C'est la même chose, ce sont des discussions longues, et ce sont des  discussions qui méritent toute la confidentialité nécessaire. 
 
Ah ça pour être confidentiel, c'est confidentiel. 
 
Oui, oui parce que vous ne connaissez pas le contenu des discussions.  C'est ça ! La politique, rapidement. Vous êtes le leader du Nouveau Centre,  H. Morin, dans la majorité. On lisait, hier, dans Le Monde que F. Sauvadet,  président du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée nationale, s'opposait à l'augmentation envisagée du forfait hospitalier de 16 à 20 euros. "C'est  inacceptable", disait-il. C'est votre position, H. Morin ?  La décision n'est pas encore prise. Les parlementaires du Nouveau Centre  ont simplement expliqué qu'un forfait hospitalier de 20 euros multiplié par  trente jours, si vous êtes hospitalisé trente jours, ça fait 600 euros, ça fait plus  que la moitié d'un Smic, et donc il faut y réfléchir. 
 
Donc, vous êtes opposé à l'augmentation du forfait hospitalier ? 
 
Donc, les parlementaires du Nouveau Centre feront des propositions. 
 
Donc, vous êtes opposé à l'augmentation du forfait hospitalier ! 
 
Je vous dis que les parlementaires ont exprimé une position. 
 
Vous êtes très diplomatique aujourd'hui. 
 
(rires) 
 
La taxe carbone : 17-18 euros, dit Virginie Garin, de RTL. C'est  beaucoup ? 
 
Il faut que cette taxe carbone soit économiquement pertinente,  écologiquement pertinente aussi et qu'elle soit socialement juste. Je vais  prendre un exemple très simple. Moi je suis élu d'une zone rurale, j'ai des  compatriotes qui sont obligés d'utiliser leur voiture, qui font 50 à 60  kilomètres par jour pour aller travailler dans une usine ou dans une entreprise  et pour gagner 1.200 euros par mois. Donc, il fait qu'il y ait une contrepartie  qui fasse que pour eux, ils puissent continuer à utiliser leur voiture sans que  soit une perte de pouvoir d'achat. 
 
C'est une manière de dire que vous vous faites gronder sur les marchés.  On vous parle de la taxe carbone, en vous disant : non, mais qu'est-ce  que vous faites ! 
 
Non, non, non... Je vous dis simplement ce que je pense. 
 
H. Morin, acheteur de "brouettes volantes" (moi j'aime bien  l'expression !) était l'invité de RTL ce matin. 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2009