Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Radio Classique le 7 septembre 2009, sur les alliances politiques en vue des élections régionales.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

G. Durand.- Bonjour V. Pécresse.
 
Bonjour.
 
Merci de venir nous voir à Radio Classique. Alors, on a inventé un petit truc, un simple petit truc au début de cette session, c'est que non seulement on écoute Radio Classique, mais on écoute toutes les interviews politiques de toutes les autres radios. Donc, nous avons le plaisir de vous recevoir, mais on écoutera aussi les autres invités, ce qui vous permettra donc de réagir. Prenons les problèmes d'alliances dans la perspective des régionales les uns après les autres et puis après on parlera de votre ministère et puis évidemment de l'ensemble de l'actualité politique. Il y a des moments un peu contradictoires, est-ce que vous avez senti, par exemple, que F. Bayrou ce week-end était passé totalement à gauche, un peu à gauche, que ses électeurs étaient à gauche ou estce que finalement vous, pour les régionales, vous allez chasser l'électeur du MoDem ?
 
J'ai eu le sentiment que le MoDem fermait la porte effectivement à une alliance avec l'UMP, très nettement.
 
Ca, c'est l'état-major !
 
Qu'il bifurque à gauche... l'état-major, bien sûr. Alors, la question c'est comment nous nous réagissons ? Pour moi, la porte est toujours ouverte. S'il y a des électeurs du MoDem, s'il y a des élus du MoDem, s'il y a des grandes figures du MoDem qui considèrent que cette politique de F. Bayrou d'alliance avec la gauche qui est maintenant avérée, qui est maintenant révélée au grand jour, que cette alliance ne correspond pas à leurs convictions, ce n'est pas ça qu'ils recherchaient, eh bien dans ces cas-là nous pouvons parler ensemble projets, nous pouvons parler ensemble aventure pour la région.
 
Parce que ce soir Huchon, votre concurrent dans cette aventure régionale, il va lancer sa campagne sur Facebook, vous c'est dans six jours. Est-ce qu'il y aura un appel, si jamais lui il lance un appel direct au MoDem, est-ce que vous allez lancer aussi un appel aux militants pour passer par-dessus la direction ?
 
Aujourd'hui, je crois que ce que les Franciliens attendent c'est tout sauf de la politique aigrie. Je crois que La Rochelle, le congrès du MoDem, tout ça, ces questions d'alliances politiques, politiciennes, ça ne les concerne pas. Ce qui les concerne aujourd'hui c'est la galère qu'ils vivent dans les transports. Un Francilien aujourd'hui il a 90 mn de transport par jour en moyenne, ça veut dire qu'il y en a certains qui ont plus de deux heures de transport par jour. C'est ça qui lui importe. C'est de savoir comment on va enfin résoudre cette galère qui ne fait que s'aggraver d'année en année, des transports en commun qui n'existent pas ou alors qui sont toujours en retard, ou alors qui sont toujours en panne.
 
On est dans une rentrée politique, ça on l'a tous compris, ça va être l'objet... on est dans une rentrée politique ! Quand Copé dit, par exemple, pour les régionales qu'il envisage, pourquoi pas, de discuter avec les Verts, c'est quand même assez nouveau.
 
Oui, mais c'est pas du tout l'optique dans laquelle je m'inscris. Pourquoi ? D'abord, parce que je pense que le temps de la campagne vraiment politique régionale viendra plus tard, il viendra en janvier. Les Français ne sont pas du tout dedans. En revanche, je pense que cet automne, nous avons un devoir de bâtir des projets et des projets qui soient, j'allais dire visionnaires, et des projets qui répondent aux angoisses de la vie quotidienne. On est en période de rentrée, qu'est-ce qu'ils se disent les Franciliens ? Ils se disent, « je suis à l'étroit dans mon logement, pourquoi est-ce qu'on ne construit pas dans cette région, pourquoi est-ce qu'on n'a pas des logements plus grands ? » Ils se disent : « oh la, la, encore de la pollution, encore des embouteillages, encore des particules fines qui vont venir polluer l'air et donner de l'asthme et de la bronchiolite à mes enfants ». C'est ça qu'ils se disent les Franciliens aujourd'hui. Et donc, qu'est-ce qu'ils attentent aujourd'hui des futurs candidats aux élections régionales ? C'est qu'ils apportent des réponses à leurs problèmes. Ce n'est pas en pleine crise...
 
... c'est ce que vous ferez dans six jours ?
 
Je lancerai les débats sur le projet. Moi, ce qui me choque aujourd'hui...
 
... c'est le 13.
 
Le 13, dimanche, à la Halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement de Paris, et je propose à tous les Franciliens qui m'écoutent de venir nombreux parce que nous allons débattre de leurs problèmes. Nous allons parler de la crise, nous allons nous demander pourquoi la région Ile-de-France aujourd'hui ne fait pas de plan de relance alors que le Gouvernement, lui, fait un plan de relance. Est-ce qu'il n'y a pas de chômage en Ile-de-France, est-ce qu'il n'y a pas d'entreprises en difficulté en Ile-de-France, est-ce qu'il ne faut pas avoir une stratégie industrielle en Ile-de-France ? Toutes ces questions-là, elles méritent d'être posées. C'est celles-là que les Franciliens veulent se poser.
 
D'accord, mais la modeste question que je vous ai posée tout à l'heure quand même concernait, puisqu'on est dans une période de rentrée politique, vous dites « on n'est pas dans le politicien » mais on est quand même dans une période de rentrée...
 
... les Franciliens ne sont pas dans le politicien.
 
Oui, mais enfin les Franciliens ils sont des Français comme les autres, c'est quand même la principale région de France, donc cette interrogation sur cette initiative de Copé qui dit « pourquoi pas discuter avec les Verts », c'est la première fois qu'on entend un leader de la majorité actuelle envisager cette perspective. Donc, il vous la soumet.
 
Ma philosophie c'est discutons avec tout le monde. J'ai de très bonnes relations avec les Verts, les élus verts comme avec les élus MoDem, ce n'est pas une question... Après, c'est à eux de faire leur stratégie d'alliances, c'est à eux de voir dans quel projet ils se reconnaissent. Notre projet, il sera écologique parce que l'écologie, je suis désolée de le dire, et notamment aux Verts qui s'en croient propriétaires, mais l'écologie c'est le Grenelle de l'environnement. Nous sommes le premier gouvernement qui agit concrètement pour l'écologie aujourd'hui.
 
Delanoë vous répondrait, pour Paris : les tramways, les transports en commun...
 
Oui, mais sauf que le plan de transports de Paris a aggravé la pollution de manière considérable dans Paris. Donc, on va en discuter, de toutes les façons, mon adversaire, vous l'avez compris, ce n'est pas B. Delanoë, mon adversaire s'appelle J.-P. Huchon, il est président de la région Ile-de-France.
 
Justement, il lance sa campagne sur Facebook ce soir. Est-ce que vous considérez qu'il s'approprie une certaine forme de modernité ou est-ce que Facebook est aussi un instrument de campagne que vous utilisez déjà ?
 
La différence c'est que pour moi la campagne elle est lancée depuis près d'un an puisque nous avons eu, vous savez, une primaire militante. Chez nous, c'est les militants qui choisissent le candidat, il ne s'autoproclame pas, il est désigné...
 
... c'est ce que vont faire les socialistes.
 
Ah ! Je le souhaite ! Mais, on va voir.
 
Il y a beaucoup de leaders de l'actuelle majorité qui ironisent sur les primaires à gauche. Vous, vous sortez victorieuse d'une primaire, donc ces primaires finalement elles sont utiles.
 
Je crois que les primaires c'est un très bon système de sélection des candidats. Pourquoi ? Tout simplement parce que ça permet le renouvellement, ça permet à des personnalités nouvelles d'arriver, de se présenter, de montrer leur ambition, de montrer leur vision ; elles ont envie d'agir, elles ont d'autres choses à proposer. Je vous dis, quand j'ai parlé de plan de relance régional, j'ai été la première à en parler. Quand j'ai parlé des questions écologiques et notamment toutes les questions d'innovation technologiques, de technologies vertes, en tant que ministre de la Recherche évidemment c'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, quand j'ai parlé de la jeunesse, un plan premier emploi, premier logement pour les jeunes, j'ai eu le sentiment à l'UMP d'être la première à propose cela. Et les primaires ont permis de faire émerger ces idées nouvelles, elles ont permis aussi de proposer une chef de file qui soit différente.
 
08 h 17, sur France Info, V. Peillon répondait à la question sur l'augmentation du forfait hospitalier et il enchaînait sur un secteur que vous connaissez bien, qui est celui de la recherche. On l'écoute. (Extrait interview V. Peillon). Réponse ?
 
Le grand emprunt c'est un sujet de travail constant pour moi depuis six mois. J'aurai une très grande ambition pour le grand emprunt. Avec R. Bachelot et C. Lagarde, nous préparons ensemble une copie extrêmement ambitieuse en matière de recherche biomédicale et de santé. C'est une des priorités de la stratégie nationale de recherche et d'innovation que j'élabore depuis six mois. Je pense que Monsieur Peillon ne sera pas déçu.
 
Oui, mais sur l'embouteillage aux inscriptions, par exemple.
 
Mais, ça c'est le cas tous les ans, Monsieur Durand. Nous avons fait une réforme qui est majeure, qui est de supprimer la carte universitaire comme nous avons supprimé la carte scolaire, c'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a une liberté d'inscription. Aujourd'hui, quand vous habitez la Seine Saint-Denis, vous n'êtes pas obligé de vous inscrire dans une université de Seine Saint-Denis ; quand vous habitez le 16e, vous n'êtes pas obligatoirement inscrit à Dauphine. Donc, ça veut dire quoi ? Eh bien, ça veut dire qu'aujourd'hui il y a plus de liberté pour pouvoir s'inscrire. Alors, évidemment, évidemment qu'est-ce que ça révèle ? Eh bien, ça révèle des universités qui sont plus attractives que d'autres, et ça, ça va être un des éléments avec les débouchés et l'insertion professionnelle des diplômes, ça va être un des éléments qui nous guidera pour faire des financements davantage à la performance, à la performance et non plus des financements administrés où chacun est sûr d'avoir les inscriptions des jeunes de son territoire. Aujourd'hui, les jeunes peuvent choisir, leurs familles peuvent choisir, et nous, derrière, nous regarderons les performances réelles des établissements. C'est cela aussi l'autonomie. C'est une culture de la responsabilité.
 
A Seignosse, hier, X. Bertrand a parlé d'un point qui est très, très sensible parce que la rentrée universitaire va avoir lieu, l'année dernière ça été extrêmement agité. On a l'impression que la Coordination étudiante vous attend aussi un petit peu. Il a évoqué la possibilité, alors par quel moyen, dans les projets justement de l'UMP, la possibilité d'interdire les grèves minoritaires, en tout cas que toutes les grèves se fassent démocratiquement après un vote. Mais, à partir de quel dispositif, un projet de loi, un décret ?
 
Non, mais le droit de grève est un droit constitutionnel, donc tout le monde a le droit de faire grève. Le problème aujourd'hui...
 
... mais il a dit, « il faut empêcher les grèves minoritaires, nous allons faire quelque chose pour empêcher les grèves dans l'université qui seraient décidées par les minorités », mais alors comment ? Vous l'avez entendu ?
 
Non, ça, ça n'est pas possible. Ca, ça n'est pas possible constitutionnellement. Le droit de grève est un droit protégé par la Constitution. En revanche, ce qui est important et ce qui est intéressant, c'est à chaque fois qu'il y a des blocages des universités, c'est de demander aux étudiants, parce que vous comprenez, le problème...
 
... de voter.
 
... de voter, mais de voter tous, et notamment la possibilité c'est de faire un référendum électronique. C'est ce qu'on fait beaucoup, beaucoup de présidents d'université l'année dernière. Pourquoi ? Mais parce que vous comprenez bien qu'il y a... La vraie démocratie, c'est quand on demande à tout le monde son avis, et puis il y a une démocratie qui est factice, c'est quand on met 100 ou 150 ou 300 jeunes dans une salle et on leur demande de voter à main levée. Ca, ce n'est pas de la démocratie. Le vote à main levée...
 
Mais comment vous allez les obliger ?
 
Le vote démocratique il est...
 
... mais pour la rentrée qui arrive, comment allez-vous obliger...
 
... non, mais je n'oblige personne ! Aujourd'hui, il faut vraiment rappeler que la vraie démocratie, le fondement même de la démocratie, c'est le vote à bulletin secret, le vote à bulletin secret. Donc, voilà, ce qui est important c'est la possibilité de généraliser, j'allais dire des consultations des étudiants quand il y a un blocage pour savoir s'ils ont envie d'étudier, parce que moi je crois que l'envie d'étudier est beaucoup plus forte que l'envie de bloquer dans les universités française aujourd'hui.
 
Alors, à Seignosse, il y avait une sorte d'euphorie, de bonne humeur, on était extrêmement offensif, et en même temps, vous l'avez constaté ce matin, à la fois sur la taxe carbone et puis sur les problèmes de l'hôpital, il y a non pas une cacophonie mais une réflexion, des points de vue différents. Est-ce qu'il n'y a pas une différence entre l'optimisme affiché et la pratique gouvernementale ?
 
Je crois que ce qui nous unit c'est le volontarisme. Le Gouvernement ne reste jamais sans réagir quand il se passe quelque chose...
 
... mais actuellement, il discute, il semble quand même que beaucoup de gens ne soient pas d'accord ni sur les chiffres concernant la taxe carbone, ni sur le meilleur moyen de résoudre le déficit de la Sécu.
 
Alors, sur la contribution énergie climat, je l'appelle contribution énergie climat parce que vous avez bien compris qu'elle se fera à prélèvements constants, il n'y aura pas de hausse d'impôts avec cette nouvelle fiscalité écologique. L'idée c'est de faire des transferts. Pourquoi faire un transfert de fiscalité ? Parce que tout simplement on veut changer les comportements des Français, on veut changer les comportements des Français, qu'ils aient toujours le réflexe écologique, qu'il soit toujours moins coûteux de faire le choix écologique, qu'il soit toujours moins coûteux de rouler dans une voiture propre par rapport à une voiture qui pollue. Donc, c'est, en fait...
 
... donc, on est dans un état de conversation actuellement, c'est-à-dire les différents ministères conversent.
 
On est dans un état... on est en phase de pré arbitrage. Mais, là, vous me parlez de la taxe carbone, mais de la même façon sur le plan Jeunesse, le président de la République consulte et nous sommes tous en train d'apporter nos propositions : est-ce qu'il faut augmenter les bourses, est-ce qu'il faut travailler à donner aux jeunes un capital de départ, est-ce qu'il faut travailler à donner aux jeunes un revenu de solidarité active s'ils ont travaillé ? Tout ça c'est des pistes de réflexion qui sont sur la table. On peut avoir des pistes de réflexion qui sont sur la table, on peut débattre entre ministres sans forcément que ce soit la cacophonie. Au contraire, c'est ce qui fait la richesse du Gouvernement. Et après, le Président décide, le Président et le Premier ministre arbitrent, et puis on est tous derrière.
 
Ils s'entendent bien ? Il y a un communiqué de l'Elysée ce matin pour expliquer qu'ils s'entendaient bien, mais enfin c'est quand même un communiqué qui explique qu'ils s'entendent bien.
 
Je crois que dans l'histoire des Premiers ministres/présidents de la République il y a eu beaucoup, beaucoup de Premiers ministres qui s'entendaient mal avec le président de la République, et je pense vraiment pas qu'on puisse dire ça de F. Fillon.
 
Vous êtes dans un Gouvernement, donc vous vivez de l'intérieur, est-ce que F. Fillon sert à quelque chose ? Vous allez me dire que c'est une question brutale, mais est-ce qu'il sert à quelque chose, finalement ?
 
Oui, parce qu'il y a une foultitude d'arbitrages à rendre et le rôle du Premier ministre c'est un rôle de coordination des ministres pour pouvoir présenter...
 
Mais pourquoi les Français ne s'en rendent pas compte de cette utilité et pourquoi ils ont le sentiment qu'il est totalement vampirisé par le président de la République ?
 
Je ne suis pas sûre qu'ils aient ce sentiment-là. D'ailleurs, ce n'est pas ce qui ressort quand on interroge les Français sur la popularité du Premier ministre, ce n'est pas ce qui ressort. Ils ne nous disent pas : « le Premier ministre est inutile ». Ils sentent bien que derrière le volontarisme présidentiel, il y a toute une mécanique fine qu'il faut huiler et qu'il faut faire marcher.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 septembre 2009