Texte intégral
Q - On va commencer, si vous le voulez bien, par Roman Polanski. Quelles sont les dernières nouvelles ?
R - On aurait pu penser qu'un jugement, qu'une décision du Tribunal fédéral aurait pu intervenir aujourd'hui. Pour le moment, il n'en est rien.
Q - On rappelle qu'il est en détention à Zurich depuis samedi.
R - Il est en détention à Zurich. C'est un tribunal fédéral - et non pas local - qui doit trancher. Son extradition pourrait alors intervenir.
Q - Le procureur de Los Angeles confirme qu'il a demandé l'extradition de Roman Polanski. Que pouvez-vous faire et quel est votre point de vue sur cette affaire ?
R - Nous ne pouvons pas faire grand-chose mais nous ne ménageons aucun effort. Tout le monde y participe, pas seulement le monde du cinéma, mais également le monde politique. Il y a une décision de justice et nous sommes en faveur de la justice internationale...
Q - ... décision qui remonte à 30 ans.
R - ...à 1977.
Q - Les crimes sont-ils imprescriptibles selon le droit américain ?
R - Les crimes sont imprescriptibles pour l'Etat de Californie.
Q - La famille a retiré la plainte.
R - Je vous rappelle qu'il est citoyen français et nous nous démenons autant que nous le pouvons.
Q - Mais le mandat d'arrêt est toujours valide ?
R - Le mandat d'arrêt international est en effet toujours valide. Je pense que l'on ne peut pas inviter sur son territoire - à savoir celui d'un pays aussi respectable que la Suisse - quelqu'un dont on prépare l'arrestation. Il s'est rendu à Zurich alors qu'il allait recevoir un prix pour l'ensemble de son oeuvre au Festival de Zurich et on l'a arrêté à l'aéroport de Zurich. C'est ce qui est difficile à comprendre.
Q - D'autant plus qu'il allait en Suisse régulièrement.
R - Il a une maison en Suisse et il y allait régulièrement. Indépendamment de l'immense personnage, de l'immense cinéaste, du talent extraordinaire dont nous nous souvenons tous, il y a la justice internationale. Nous nous sommes démenés, nous avons téléphoné aux Américains, écrit à nos interlocuteurs. Puisqu'il est également polonais, il y a eu une démarche commune de la part du ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski et de moi-même. Cependant, la décision n'appartient même pas aux autorités fédérales américaines, mais à l'Etat de Californie et à M. Schwarzenegger.
Q - Pouvez-vous intervenir auprès de M. Schwarzenegger ?
R - Oui, nous l'avons fait aussi.
Q - Quelle a été la réponse ?
R - Il n'y a pas eu de réponse pour le moment.
Q - Il y a un vrai décalage dans l'opinion publique quand on écoutait les radios ce matin qui disaient "finalement pourquoi M. Polanski serait au-dessus des lois ?" et d'un autre côté, Frédéric Mitterrand, ou un certain nombre de personnalités qui aident, qui soutiennent Roman Polanski ?
R - Parce que c'est toujours ainsi. Nous ne pouvons pas aller à l'encontre de la justice internationale mais, en même temps, depuis 1977, nous savons qu'il a été accusé d'actes sexuels sur mineure non consentante. Pour sa part, il a prétendu qu'elle était consentante. Il y avait l'histoire de la mère, il y a eu des démêlés, je crois qu'un accord avait été obtenu et, maintenant, on entend cette femme demander qu'on le laisse tranquille. Tout cela nous fait réagir. Il y a la justice internationale et nous ne pouvons pas nous mobiliser autrement que par des pressions amicales, respectueuses de la souveraineté des Etats. Néanmoins, c'est très difficile.
Q - On faisait référence, à l'instant, à Frédéric Mitterrand, et ce qu'il a dit sur le sujet : "Il y a une Amérique généreuse, il y a aussi une certaine Amérique qui fait peur". Vous êtes d'accord ?
R - Pas complètement. Il y a une Amérique généreuse, je suis sûre qu'elle est indignée. Il y a une Amérique de la loi. Vous savez, j'apprécie Roman Polanski qui est mon ami et j'aimerais qu'il soit libre. Mais, en même temps, il y a des mandats d'arrêt internationaux et Interpol fait son travail. Il faut tout faire pour qu'il y ait une décision acceptée par tous et que l'on en finisse avec cette affaire. Cet homme de 76 ans se retrouve en prison. Il n'est certainement pas maltraité mais enfin la situation est insupportable.
Q - On va passer à l'Iran. Où en êtes-vous avec Nicolas Sarkozy sur l'Iran, parce que l'on a entendu dire qu'il y avait eu un clash entre vous et Nicolas Sarkozy à New York. Vous vous êtes déjà expliqué là-dessus ? Y a-t-il une différence d'approche entre le président de la République et le ministre des Affaires étrangères sur ce dossier essentiel qui est l'Iran. Vous semblez plus conciliant que lui sur ce dossier ?
R - J'ai avec le président de la République du respect et de la liberté. C'est une parole libre que nous échangeons, et ma liberté de ton est ce que je peux apporter de mieux en dehors d'une petite expérience de ces pays. Nous avons échangé deux phrases à propos de deux pays différents qui n'avaient, d'ailleurs, aucun rapport avec la conversation générale. Il s'agissait éventuellement de sanctions qui ne sont d'ailleurs pas à l'ordre du jour. Ce qui caractérise le dossier aujourd'hui, ce qui est très important, c'est qu'il y a eu entre le président des Etats-Unis d'Amérique, le Premier ministre britannique et le président de la République française, une position commune et une décision extrêmement ferme au moment où a été révélé qu'il y avait un deuxième site d'enrichissement de l'uranium dissimulé. Pour préparer quoi ?
Q - Vous avez des doutes sur ce que les Iraniens préparent ?
R - Nous avons tous des doutes. Ils ne répondent pas aux questions. Répondre aux questions de l'Agence internationale de l'Energie atomique est obligatoire, quand on a signé un Traité de non-prolifération - et l'Iran l'a signé. Il y a, désormais, un deuxième site. Or, nous savons, nous en sommes absolument sûrs que ce site était dissimulé depuis 4 ou 5 ans. C'est tout de même un évènement majeur.
Q - Vous avez cité seulement trois pays, mais pas la Chine, ni la Russie.
R - Pas du tout, la Russie aussi, bien sûr.
Q - Il n'y a pas unité de tous les membres du Conseil de sécurité ?
R - Je pense qu'il est en train de naître une unité et c'est ce qui est très bien. Nous voulons tous la même chose : le dialogue. Nous avons essayé mais ce qui est nouveau, c'est que les Etats-Unis - non pas les Etats-Unis de M. Bush mais ceux du président Obama - ont dit : "parlons directement". Nous sommes ravis de cela, nous l'avions déjà fait, sans résultat. Cependant, la main tendue des Etats-Unis était une nouveauté, alors voyons. Le 1er octobre, il y aura une réunion à Genève avec les Iraniens. Je me suis entretenu longuement avec le ministre iranien des Affaires étrangères, M. Mottaki, il y a trois jours à New York. Nous n'arrêtons pas de parler, pour le moment cela ne débouche sur rien.
Q - Vous avez encore des doutes sur le fait que les Iraniens cherchent à avoir un outil militaire, c'est-à-dire la bombe atomique ?
R - Ce n'est pas prouvé complètement et, pour le moment, ils ne l'ont pas. Mais on ne sait pas à quoi servirait cette quantité énorme - plus de 1500 kg d'uranium enrichi à 5 % - si cela n'était pas pour faire une bombe. Il y a la matière pour l'enrichir beaucoup plus encore. Nous ne voyons pas comment ils pourraient faire une utilisation pacifique, civile de l'énergie atomique avec cette quantité puisqu'ils n'ont pas les centrales pour cela. S'il s'agissait de nucléaire civil, nous serions prêts à les aider.
L'AIEA, dirigée par M. Mohamed Al Baradei, demande qu'on lui réponde sur la destination de cet uranium et sur des questions qui touchent à de possibles usages militaires et pour lesquelles il n'a pas obtenu de réponse. Nous sommes tous inquiets. Nous pensons tous qu'il faut absolument un dialogue parce que sinon c'est une confrontation que personne ne veut.
Q - Nous passons à un autre sujet. Angela Merkel gagne les élections en Allemagne, elle est au pouvoir pour quatre ans. Est-ce une bonne nouvelle pour vous ?
R - Elle a gagné. Est-ce que c'est une bonne nouvelle ? Oui, mais j'aimais bien la coalition avec le SPD, apparemment elle n'a pas fonctionné. Je ne peux pas dire que le peuple allemand s'est trompé. Angela Merkel a beaucoup de talents et je la félicite.
Nous travaillons très bien avec Angela Merkel. Tout le monde travaille très bien avec elle et cela va continuer. J'aurai un autre partenaire comme ministre des Affaires étrangères !
Q - Une toute petite question sur votre style : est-ce que c'est difficile pour vous d'être diplomate ? On sait que vous êtes fougueux, on sait que vous vous emballez sur beaucoup de choses, et là on vous voit un peu plus tempéré de par votre fonction.
R - Est-ce que j'ai tempéré ma réaction ?
Q - Est-ce que c'est compliqué pour vous d'être diplomate ?
R - C'est un peu contraignant, mais cela devrait être ainsi. C'est utile !
Q - (Concernant la dette publique)
R - Avec beaucoup d'amitié, je vais répondre à ce torrent de démagogie ! D'abord tout cela, hélas ou heureusement, est virtuel. Ce n'est pas de l'argent que l'on sort d'une banque. Ne croyez pas qu'à Bercy, il y a un coffre duquel on retire de l'argent ! Ce n'est pas ainsi que cela se passe.
Q - 142 milliards d'euros, ce n'est pas virtuel !
R - Oui, je sais. Vous avez oublié de dire que nous sommes en pleine crise et c'est comme cela que l'on a maintenu un certain niveau d'emploi. Nous avions raison de nous plaindre du chômage bien entendu, mais par rapport aux autres pays d'Europe, nous nous en sommes mieux sortis. Il y a juste la Pologne qui est dans une meilleure situation. Nous pourrions parler des autres aussi, des Etats-Unis par exemple. Auriez-vous compris si on vous avait dit, il y a deux ans, que l'on allait nationaliser General Motors, la plus grande entreprise du monde ? Nous sommes dans une bonne situation. Evidemment nous avons emprunté, mais que fallait-il faire ? Maintenir l'emploi, en créer d'autres et faire venir des investissements. C'est ce qui va se passer avec le budget. En effet, c'est un budget en déficit par rapport aussi aux années précédentes, les déficits s'accumulent et il faudra à un moment donné les rembourser, bien sûr, vous avez raison.
Q - On entend cela depuis longtemps, et cela ne cesse de s'accumuler.
R - Oui, et alors ! Ne croyez pas que la France soit l'objet de l'opprobre générale, tout le monde fonctionne ainsi, cela s'appelle le capitalisme et c'est ce qu'au G20 nous avons essayé de corriger un petit peu, pas les déficits, mais la façon dont le capitalisme, lui, augmentait sa bulle virtuelle - mais pas complètement - par rapport aux dépenses réelles. Dire que l'on ne paie pas les médecins, les policiers, ce n'est pas vrai.
Q - Mais à crédit, depuis le 8 juillet.
R - Oui, et alors ? Il vaut mieux avoir du crédit pendant un certain temps et attendre la reprise qui est en train de se dessiner plutôt que de laisser les gens au chômage parce qu'il y a un grand courant en Europe - en particulier, nous avons pu le voir lors des élections allemandes - qui pense qu'il faut diminuer les impôts et s'occuper simplement de l'investissement et de l'entreprise. Ce n'est pas ce que nous avons fait, ce n'est pas ce que le président Sarkozy a fait. Nous avons voulu maintenir l'emploi. Cela nécessitait des sacrifices, ils sont là, nous espérons que cela paiera, que la croissance revient, va revenir et qu'en revenant elle permettra de rembourser à terme ce que nos enfants auraient à rembourser pour nous. Sur le fond, en calcul arithmétique vous avez raison, mais franchement je crois qu'il n'y avait pas d'autres solutions. En tout cas, personne n'en a proposé d'autres. On a avancé au contraire sur le fait que les plans de relance étaient non seulement indispensables mais ils devaient être coordonnés. Nous avons bien voulu le faire et c'est au G20 qu'on l'a dit.
Q - Pendant l'émission on a reçu un coup de fil du père de Clotilde Reiss qui nous charge de nous demander ce que devient sa fille ?
R - Hélas, elle est toujours à l'ambassade de France de Téhéran. Elle n'en sort plus beaucoup et même pas du tout compte tenu du risque de rencontrer un autre juge qui l'avait menacée. Nous attendons toujours le jugement d'un tribunal dit révolutionnaire qui se prononcerait, après sa libération sous caution, sur la peine qui, je l'espère, ne lui sera pas infligée parce que je la sais innocente. Nous recevons le père de Clotilde très souvent au Quai d'Orsay, hélas il n'y a pas de nouveau.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2009
R - On aurait pu penser qu'un jugement, qu'une décision du Tribunal fédéral aurait pu intervenir aujourd'hui. Pour le moment, il n'en est rien.
Q - On rappelle qu'il est en détention à Zurich depuis samedi.
R - Il est en détention à Zurich. C'est un tribunal fédéral - et non pas local - qui doit trancher. Son extradition pourrait alors intervenir.
Q - Le procureur de Los Angeles confirme qu'il a demandé l'extradition de Roman Polanski. Que pouvez-vous faire et quel est votre point de vue sur cette affaire ?
R - Nous ne pouvons pas faire grand-chose mais nous ne ménageons aucun effort. Tout le monde y participe, pas seulement le monde du cinéma, mais également le monde politique. Il y a une décision de justice et nous sommes en faveur de la justice internationale...
Q - ... décision qui remonte à 30 ans.
R - ...à 1977.
Q - Les crimes sont-ils imprescriptibles selon le droit américain ?
R - Les crimes sont imprescriptibles pour l'Etat de Californie.
Q - La famille a retiré la plainte.
R - Je vous rappelle qu'il est citoyen français et nous nous démenons autant que nous le pouvons.
Q - Mais le mandat d'arrêt est toujours valide ?
R - Le mandat d'arrêt international est en effet toujours valide. Je pense que l'on ne peut pas inviter sur son territoire - à savoir celui d'un pays aussi respectable que la Suisse - quelqu'un dont on prépare l'arrestation. Il s'est rendu à Zurich alors qu'il allait recevoir un prix pour l'ensemble de son oeuvre au Festival de Zurich et on l'a arrêté à l'aéroport de Zurich. C'est ce qui est difficile à comprendre.
Q - D'autant plus qu'il allait en Suisse régulièrement.
R - Il a une maison en Suisse et il y allait régulièrement. Indépendamment de l'immense personnage, de l'immense cinéaste, du talent extraordinaire dont nous nous souvenons tous, il y a la justice internationale. Nous nous sommes démenés, nous avons téléphoné aux Américains, écrit à nos interlocuteurs. Puisqu'il est également polonais, il y a eu une démarche commune de la part du ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski et de moi-même. Cependant, la décision n'appartient même pas aux autorités fédérales américaines, mais à l'Etat de Californie et à M. Schwarzenegger.
Q - Pouvez-vous intervenir auprès de M. Schwarzenegger ?
R - Oui, nous l'avons fait aussi.
Q - Quelle a été la réponse ?
R - Il n'y a pas eu de réponse pour le moment.
Q - Il y a un vrai décalage dans l'opinion publique quand on écoutait les radios ce matin qui disaient "finalement pourquoi M. Polanski serait au-dessus des lois ?" et d'un autre côté, Frédéric Mitterrand, ou un certain nombre de personnalités qui aident, qui soutiennent Roman Polanski ?
R - Parce que c'est toujours ainsi. Nous ne pouvons pas aller à l'encontre de la justice internationale mais, en même temps, depuis 1977, nous savons qu'il a été accusé d'actes sexuels sur mineure non consentante. Pour sa part, il a prétendu qu'elle était consentante. Il y avait l'histoire de la mère, il y a eu des démêlés, je crois qu'un accord avait été obtenu et, maintenant, on entend cette femme demander qu'on le laisse tranquille. Tout cela nous fait réagir. Il y a la justice internationale et nous ne pouvons pas nous mobiliser autrement que par des pressions amicales, respectueuses de la souveraineté des Etats. Néanmoins, c'est très difficile.
Q - On faisait référence, à l'instant, à Frédéric Mitterrand, et ce qu'il a dit sur le sujet : "Il y a une Amérique généreuse, il y a aussi une certaine Amérique qui fait peur". Vous êtes d'accord ?
R - Pas complètement. Il y a une Amérique généreuse, je suis sûre qu'elle est indignée. Il y a une Amérique de la loi. Vous savez, j'apprécie Roman Polanski qui est mon ami et j'aimerais qu'il soit libre. Mais, en même temps, il y a des mandats d'arrêt internationaux et Interpol fait son travail. Il faut tout faire pour qu'il y ait une décision acceptée par tous et que l'on en finisse avec cette affaire. Cet homme de 76 ans se retrouve en prison. Il n'est certainement pas maltraité mais enfin la situation est insupportable.
Q - On va passer à l'Iran. Où en êtes-vous avec Nicolas Sarkozy sur l'Iran, parce que l'on a entendu dire qu'il y avait eu un clash entre vous et Nicolas Sarkozy à New York. Vous vous êtes déjà expliqué là-dessus ? Y a-t-il une différence d'approche entre le président de la République et le ministre des Affaires étrangères sur ce dossier essentiel qui est l'Iran. Vous semblez plus conciliant que lui sur ce dossier ?
R - J'ai avec le président de la République du respect et de la liberté. C'est une parole libre que nous échangeons, et ma liberté de ton est ce que je peux apporter de mieux en dehors d'une petite expérience de ces pays. Nous avons échangé deux phrases à propos de deux pays différents qui n'avaient, d'ailleurs, aucun rapport avec la conversation générale. Il s'agissait éventuellement de sanctions qui ne sont d'ailleurs pas à l'ordre du jour. Ce qui caractérise le dossier aujourd'hui, ce qui est très important, c'est qu'il y a eu entre le président des Etats-Unis d'Amérique, le Premier ministre britannique et le président de la République française, une position commune et une décision extrêmement ferme au moment où a été révélé qu'il y avait un deuxième site d'enrichissement de l'uranium dissimulé. Pour préparer quoi ?
Q - Vous avez des doutes sur ce que les Iraniens préparent ?
R - Nous avons tous des doutes. Ils ne répondent pas aux questions. Répondre aux questions de l'Agence internationale de l'Energie atomique est obligatoire, quand on a signé un Traité de non-prolifération - et l'Iran l'a signé. Il y a, désormais, un deuxième site. Or, nous savons, nous en sommes absolument sûrs que ce site était dissimulé depuis 4 ou 5 ans. C'est tout de même un évènement majeur.
Q - Vous avez cité seulement trois pays, mais pas la Chine, ni la Russie.
R - Pas du tout, la Russie aussi, bien sûr.
Q - Il n'y a pas unité de tous les membres du Conseil de sécurité ?
R - Je pense qu'il est en train de naître une unité et c'est ce qui est très bien. Nous voulons tous la même chose : le dialogue. Nous avons essayé mais ce qui est nouveau, c'est que les Etats-Unis - non pas les Etats-Unis de M. Bush mais ceux du président Obama - ont dit : "parlons directement". Nous sommes ravis de cela, nous l'avions déjà fait, sans résultat. Cependant, la main tendue des Etats-Unis était une nouveauté, alors voyons. Le 1er octobre, il y aura une réunion à Genève avec les Iraniens. Je me suis entretenu longuement avec le ministre iranien des Affaires étrangères, M. Mottaki, il y a trois jours à New York. Nous n'arrêtons pas de parler, pour le moment cela ne débouche sur rien.
Q - Vous avez encore des doutes sur le fait que les Iraniens cherchent à avoir un outil militaire, c'est-à-dire la bombe atomique ?
R - Ce n'est pas prouvé complètement et, pour le moment, ils ne l'ont pas. Mais on ne sait pas à quoi servirait cette quantité énorme - plus de 1500 kg d'uranium enrichi à 5 % - si cela n'était pas pour faire une bombe. Il y a la matière pour l'enrichir beaucoup plus encore. Nous ne voyons pas comment ils pourraient faire une utilisation pacifique, civile de l'énergie atomique avec cette quantité puisqu'ils n'ont pas les centrales pour cela. S'il s'agissait de nucléaire civil, nous serions prêts à les aider.
L'AIEA, dirigée par M. Mohamed Al Baradei, demande qu'on lui réponde sur la destination de cet uranium et sur des questions qui touchent à de possibles usages militaires et pour lesquelles il n'a pas obtenu de réponse. Nous sommes tous inquiets. Nous pensons tous qu'il faut absolument un dialogue parce que sinon c'est une confrontation que personne ne veut.
Q - Nous passons à un autre sujet. Angela Merkel gagne les élections en Allemagne, elle est au pouvoir pour quatre ans. Est-ce une bonne nouvelle pour vous ?
R - Elle a gagné. Est-ce que c'est une bonne nouvelle ? Oui, mais j'aimais bien la coalition avec le SPD, apparemment elle n'a pas fonctionné. Je ne peux pas dire que le peuple allemand s'est trompé. Angela Merkel a beaucoup de talents et je la félicite.
Nous travaillons très bien avec Angela Merkel. Tout le monde travaille très bien avec elle et cela va continuer. J'aurai un autre partenaire comme ministre des Affaires étrangères !
Q - Une toute petite question sur votre style : est-ce que c'est difficile pour vous d'être diplomate ? On sait que vous êtes fougueux, on sait que vous vous emballez sur beaucoup de choses, et là on vous voit un peu plus tempéré de par votre fonction.
R - Est-ce que j'ai tempéré ma réaction ?
Q - Est-ce que c'est compliqué pour vous d'être diplomate ?
R - C'est un peu contraignant, mais cela devrait être ainsi. C'est utile !
Q - (Concernant la dette publique)
R - Avec beaucoup d'amitié, je vais répondre à ce torrent de démagogie ! D'abord tout cela, hélas ou heureusement, est virtuel. Ce n'est pas de l'argent que l'on sort d'une banque. Ne croyez pas qu'à Bercy, il y a un coffre duquel on retire de l'argent ! Ce n'est pas ainsi que cela se passe.
Q - 142 milliards d'euros, ce n'est pas virtuel !
R - Oui, je sais. Vous avez oublié de dire que nous sommes en pleine crise et c'est comme cela que l'on a maintenu un certain niveau d'emploi. Nous avions raison de nous plaindre du chômage bien entendu, mais par rapport aux autres pays d'Europe, nous nous en sommes mieux sortis. Il y a juste la Pologne qui est dans une meilleure situation. Nous pourrions parler des autres aussi, des Etats-Unis par exemple. Auriez-vous compris si on vous avait dit, il y a deux ans, que l'on allait nationaliser General Motors, la plus grande entreprise du monde ? Nous sommes dans une bonne situation. Evidemment nous avons emprunté, mais que fallait-il faire ? Maintenir l'emploi, en créer d'autres et faire venir des investissements. C'est ce qui va se passer avec le budget. En effet, c'est un budget en déficit par rapport aussi aux années précédentes, les déficits s'accumulent et il faudra à un moment donné les rembourser, bien sûr, vous avez raison.
Q - On entend cela depuis longtemps, et cela ne cesse de s'accumuler.
R - Oui, et alors ! Ne croyez pas que la France soit l'objet de l'opprobre générale, tout le monde fonctionne ainsi, cela s'appelle le capitalisme et c'est ce qu'au G20 nous avons essayé de corriger un petit peu, pas les déficits, mais la façon dont le capitalisme, lui, augmentait sa bulle virtuelle - mais pas complètement - par rapport aux dépenses réelles. Dire que l'on ne paie pas les médecins, les policiers, ce n'est pas vrai.
Q - Mais à crédit, depuis le 8 juillet.
R - Oui, et alors ? Il vaut mieux avoir du crédit pendant un certain temps et attendre la reprise qui est en train de se dessiner plutôt que de laisser les gens au chômage parce qu'il y a un grand courant en Europe - en particulier, nous avons pu le voir lors des élections allemandes - qui pense qu'il faut diminuer les impôts et s'occuper simplement de l'investissement et de l'entreprise. Ce n'est pas ce que nous avons fait, ce n'est pas ce que le président Sarkozy a fait. Nous avons voulu maintenir l'emploi. Cela nécessitait des sacrifices, ils sont là, nous espérons que cela paiera, que la croissance revient, va revenir et qu'en revenant elle permettra de rembourser à terme ce que nos enfants auraient à rembourser pour nous. Sur le fond, en calcul arithmétique vous avez raison, mais franchement je crois qu'il n'y avait pas d'autres solutions. En tout cas, personne n'en a proposé d'autres. On a avancé au contraire sur le fait que les plans de relance étaient non seulement indispensables mais ils devaient être coordonnés. Nous avons bien voulu le faire et c'est au G20 qu'on l'a dit.
Q - Pendant l'émission on a reçu un coup de fil du père de Clotilde Reiss qui nous charge de nous demander ce que devient sa fille ?
R - Hélas, elle est toujours à l'ambassade de France de Téhéran. Elle n'en sort plus beaucoup et même pas du tout compte tenu du risque de rencontrer un autre juge qui l'avait menacée. Nous attendons toujours le jugement d'un tribunal dit révolutionnaire qui se prononcerait, après sa libération sous caution, sur la peine qui, je l'espère, ne lui sera pas infligée parce que je la sais innocente. Nous recevons le père de Clotilde très souvent au Quai d'Orsay, hélas il n'y a pas de nouveau.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2009