Texte intégral
Messieurs les Officiers Généraux,
Mesdames, Messieurs,
Vous m'avez confié, ce soir, l'immense privilège d'ouvrir les Assises de la pensée stratégique.
Je mesure l'honneur que vous me faites, tout comme la lourde tâche qui me revient de m'exprimer devant autant d'experts et de spécialistes.
Je suis particulièrement honorés de me retrouver aux côtés du général Norlain, de l'amiral Dufourq et de François d'Orcival, que je tiens à saluer très cordialement.
Une phrase me vient à l'esprit. Elle est du général de Gaulle.
Il l'a écrite dans les années 1930, alors qu'il s'interrogeait sur les choix stratégiques qui étaient ceux du pays ou plutôt sur l'absence de choix qui conduisit, il y a soixante-dix ans, la France à la défaite.
Le général de Gaulle écrivait : « Au fond des victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote. »
C'est une pensée d'une modernité absolue.
Quand un pays se prive de ce que l'on appelait autrefois ses clercs et qui sont aujourd'hui ses universitaires et ses chercheurs, quand un pays croit que la défense est l'affaire des seuls militaires et qu'elle ne nécessite pas le concours de toute la société, alors ce pays peut se préparer à de sérieux revers.
C'est la conviction du président de la République, celle du Premier ministre et du ministre de la Défense : il n'y a pas de politique de défense valable, sans une pensée stratégique soutenue.
Les Alexandre, nous les avons et notre armée compte des militaires exceptionnels.
Les Aristote, nous les avons aussi.
Ils continuent la longue tradition de pensée stratégique française, celle qu'incarne, par exemple, la « Revue de Défense Nationale et de Sécurité collective », dont nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire.
Ce qu'il nous appartient de faire aujourd'hui, c'est de donner à Alexandre et à Aristote les moyens et les occasions de se rencontrer. De se rencontrer, d'échanger et de travailler ensemble.
Plus que jamais, nos Armées ont besoin de se nourrir de la réflexion de nos universitaires et de nos chercheurs.
Plus que jamais, nos universitaires et nos chercheurs ont besoin de bénéficier de ce que seuls les militaires sont en mesure de leur apporter : une connaissance sensible des hommes, des métiers et du terrain.
Cette urgence n'est pas dictée par des préjugés ou par une vision toute faite des choses.
C'est l'état du monde, c'est-à-dire la réalité internationale, qui nous le commande.
Cette réalité, quelle est-elle ? Elle est d'une complexité incroyable. La mondialisation et ses effets non maîtrisés, le terrorisme, l'émergence soudaine et accélérée de nouveaux grands acteurs économiques et militaires, des mouvements démographiques qui accentuent les écarts entre le Nord et le Sud : il y a toujours eu des risques de conflits dans l'histoire du monde, mais jamais la guerre et la paix n'ont dépendu à ce point de facteurs et d'éléments aussi variés qu'incontrôlables.
Si la France veut relever les défis qui se présentent à elle, elle ne peut le faire qu'à deux conditions : adapter ses forces armées aux nouvelles conditions de leur engagement et renouveler sa pensée stratégique.
Adapter nos forces armées. Nous y sommes, et le ministre de la Défense, Hervé Morin, conduit, dans la droite ligne du Livre blanc, une réforme majeure des armées. Ce n'est pas une réforme facile. Ses conséquences sont nombreuses sur les métiers aussi bien que sur les territoires. Mais c'est une réforme absolument nécessaire si l'on veut doter nos hommes de meilleures capacités d'interventions et de projections.
Il s'agit, dans le même temps, de renouveler notre pensée stratégique et de l'adapter aux défis de notre temps. Ces Assises sont une première étape pour y parvenir et je voudrais dire toute ma gratitude à ceux qui les ont organisées. Mais l'objectif, fixé dans le Livre blanc, est plus ambitieux encore, puisqu'il s'agit de doter la France d'une « Université de la Défense ».
Beaucoup de spécialistes en géopolitique, en affaires stratégiques et en relations internationales préconisent, depuis des années, la création d'un pôle français d'études et de réflexion stratégiques.
Nous avons, en matière de pensée stratégique, une longue et ancienne tradition. La doctrine militaire française, son originalité et sa singularité, mérite d'être plus largement connue et valorisée dans le monde.
Ce que nous avons à faire, et à faire ensemble, c'est de retrouver le chemin de la pensée stratégique française.
L'Ecole militaire a tout naturellement vocation à nourrir la réflexion prospective de notre pays.
Elle bénéficie d'un site exceptionnel et, si vous me permettez d'employer cette expression, d'un génie des lieux propice à asseoir son rayonnement en France et dans le monde.
L'ambition du gouvernement est de faire de la future Université de la Défense une institution dont la renommée internationale serait semblable à celle du Collège de défense de l'OTAN.
Dans le prolongement du Livre blanc, le ministre de la Défense a confié à un groupe d'experts la rédaction d'un rapport qui établit une cartographie complète des relations existantes entre le monde de la recherche et celui de la défense.
Nous savons quelles sont nos lacunes. Mais nous connaissons aussi nos atouts. Et nous savons où aller.
Quatre axes de travail s'offre à nous :
- organiser plus efficacement les futures générations d'experts, de chercheurs et d'universitaires spécialisés dans les questions de sécurité internationale ;
- valoriser et rendre plus lisible la recherche stratégique française, à travers une réflexion sur les publications des études de défense et de sécurité ;
- assurer la présence et l'engagement des experts français dans les grands rendez-vous mondiaux de la pensée stratégique ;
- renforcer la pluridisciplinarité de la recherche, en associant, par exemple, plus largement les sciences exactes, les sciences humaines et les sciences sociales.
Voilà ce qui est devant nous. Voilà ce que nous avons à faire.
Mais je ne serais pas complet, si je ne revenais pas sur le nouvel élan que la publication du Livre blanc a suscité. En commandant le Livre blanc et en le faisant, surtout, suivre d'effets, le président de la République a remis la pensée stratégique au goût du jour.
L'Ecole militaire lance aujourd'hui sa « Semaine de la pensée stratégique ».
Demain, l'Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole militaire organise une journée d'études sur les nouveaux défis de la pensée stratégique, en présence du ministre de la Défense.
Ce sera l'occasion pour Hervé Morin d'inaugurer le Centre de Documentation de l'Ecole militaire, un outil exceptionnel par son ampleur et sa qualité. Il sera au service des militaires aussi bien que des chercheurs civils. Il sera au service du renouveau de la pensée stratégique.
La création, proposée par Alain Bauer, du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique va également dans le même sens. Et si, vendredi matin, le Premier ministre vient s'exprimer devant les auditeurs des sessions nationales des instituts supérieurs de formation, c'est que la volonté de mener à bien ce chantier de la pensée stratégique est portée au plus haut niveau de l'Etat.
Oui, la France entend se doter d'une Université de la Défense : elle est en train de la construire.
Et puisque le Premier ministre, François Fillon, intervient vendredi dans l'amphithéâtre qui porte le nom du maréchal Foch, qu'il me soit permis de rappeler que cet illustre soldat ne concevait la stratégie qu'au travers de la double dynamique de l'étude et de l'action.
Le maréchal Foch fut l'un des premiers à penser « l'éthique du commandement », celle qui est recherchée par tous les officiers et, notamment, ceux qui conduisent des opérations sur le terrain et qui doivent prendre des décisions face à des situations d'urgence. Le maréchal Foch disait que, pour répondre à l'urgence, un militaire devait avoir fait ses « humanités ». Là encore, il n'y a pas Alexandre sans Aristote. Il n'y a pas d'action sans étude. Il n'y a pas de défense sans réflexion stratégique.
Voilà l'enjeu tel qu'il se présente à nous. Il est ambitieux. Il est exigeant.
Mais notre pays a besoin, aujourd'hui comme hier, d'une relève.
Une double relève : une relève opérationnelle et une relève académique.
source http://www.defense.gouv.fr, le 9 octobre 2009
Mesdames, Messieurs,
Vous m'avez confié, ce soir, l'immense privilège d'ouvrir les Assises de la pensée stratégique.
Je mesure l'honneur que vous me faites, tout comme la lourde tâche qui me revient de m'exprimer devant autant d'experts et de spécialistes.
Je suis particulièrement honorés de me retrouver aux côtés du général Norlain, de l'amiral Dufourq et de François d'Orcival, que je tiens à saluer très cordialement.
Une phrase me vient à l'esprit. Elle est du général de Gaulle.
Il l'a écrite dans les années 1930, alors qu'il s'interrogeait sur les choix stratégiques qui étaient ceux du pays ou plutôt sur l'absence de choix qui conduisit, il y a soixante-dix ans, la France à la défaite.
Le général de Gaulle écrivait : « Au fond des victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote. »
C'est une pensée d'une modernité absolue.
Quand un pays se prive de ce que l'on appelait autrefois ses clercs et qui sont aujourd'hui ses universitaires et ses chercheurs, quand un pays croit que la défense est l'affaire des seuls militaires et qu'elle ne nécessite pas le concours de toute la société, alors ce pays peut se préparer à de sérieux revers.
C'est la conviction du président de la République, celle du Premier ministre et du ministre de la Défense : il n'y a pas de politique de défense valable, sans une pensée stratégique soutenue.
Les Alexandre, nous les avons et notre armée compte des militaires exceptionnels.
Les Aristote, nous les avons aussi.
Ils continuent la longue tradition de pensée stratégique française, celle qu'incarne, par exemple, la « Revue de Défense Nationale et de Sécurité collective », dont nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire.
Ce qu'il nous appartient de faire aujourd'hui, c'est de donner à Alexandre et à Aristote les moyens et les occasions de se rencontrer. De se rencontrer, d'échanger et de travailler ensemble.
Plus que jamais, nos Armées ont besoin de se nourrir de la réflexion de nos universitaires et de nos chercheurs.
Plus que jamais, nos universitaires et nos chercheurs ont besoin de bénéficier de ce que seuls les militaires sont en mesure de leur apporter : une connaissance sensible des hommes, des métiers et du terrain.
Cette urgence n'est pas dictée par des préjugés ou par une vision toute faite des choses.
C'est l'état du monde, c'est-à-dire la réalité internationale, qui nous le commande.
Cette réalité, quelle est-elle ? Elle est d'une complexité incroyable. La mondialisation et ses effets non maîtrisés, le terrorisme, l'émergence soudaine et accélérée de nouveaux grands acteurs économiques et militaires, des mouvements démographiques qui accentuent les écarts entre le Nord et le Sud : il y a toujours eu des risques de conflits dans l'histoire du monde, mais jamais la guerre et la paix n'ont dépendu à ce point de facteurs et d'éléments aussi variés qu'incontrôlables.
Si la France veut relever les défis qui se présentent à elle, elle ne peut le faire qu'à deux conditions : adapter ses forces armées aux nouvelles conditions de leur engagement et renouveler sa pensée stratégique.
Adapter nos forces armées. Nous y sommes, et le ministre de la Défense, Hervé Morin, conduit, dans la droite ligne du Livre blanc, une réforme majeure des armées. Ce n'est pas une réforme facile. Ses conséquences sont nombreuses sur les métiers aussi bien que sur les territoires. Mais c'est une réforme absolument nécessaire si l'on veut doter nos hommes de meilleures capacités d'interventions et de projections.
Il s'agit, dans le même temps, de renouveler notre pensée stratégique et de l'adapter aux défis de notre temps. Ces Assises sont une première étape pour y parvenir et je voudrais dire toute ma gratitude à ceux qui les ont organisées. Mais l'objectif, fixé dans le Livre blanc, est plus ambitieux encore, puisqu'il s'agit de doter la France d'une « Université de la Défense ».
Beaucoup de spécialistes en géopolitique, en affaires stratégiques et en relations internationales préconisent, depuis des années, la création d'un pôle français d'études et de réflexion stratégiques.
Nous avons, en matière de pensée stratégique, une longue et ancienne tradition. La doctrine militaire française, son originalité et sa singularité, mérite d'être plus largement connue et valorisée dans le monde.
Ce que nous avons à faire, et à faire ensemble, c'est de retrouver le chemin de la pensée stratégique française.
L'Ecole militaire a tout naturellement vocation à nourrir la réflexion prospective de notre pays.
Elle bénéficie d'un site exceptionnel et, si vous me permettez d'employer cette expression, d'un génie des lieux propice à asseoir son rayonnement en France et dans le monde.
L'ambition du gouvernement est de faire de la future Université de la Défense une institution dont la renommée internationale serait semblable à celle du Collège de défense de l'OTAN.
Dans le prolongement du Livre blanc, le ministre de la Défense a confié à un groupe d'experts la rédaction d'un rapport qui établit une cartographie complète des relations existantes entre le monde de la recherche et celui de la défense.
Nous savons quelles sont nos lacunes. Mais nous connaissons aussi nos atouts. Et nous savons où aller.
Quatre axes de travail s'offre à nous :
- organiser plus efficacement les futures générations d'experts, de chercheurs et d'universitaires spécialisés dans les questions de sécurité internationale ;
- valoriser et rendre plus lisible la recherche stratégique française, à travers une réflexion sur les publications des études de défense et de sécurité ;
- assurer la présence et l'engagement des experts français dans les grands rendez-vous mondiaux de la pensée stratégique ;
- renforcer la pluridisciplinarité de la recherche, en associant, par exemple, plus largement les sciences exactes, les sciences humaines et les sciences sociales.
Voilà ce qui est devant nous. Voilà ce que nous avons à faire.
Mais je ne serais pas complet, si je ne revenais pas sur le nouvel élan que la publication du Livre blanc a suscité. En commandant le Livre blanc et en le faisant, surtout, suivre d'effets, le président de la République a remis la pensée stratégique au goût du jour.
L'Ecole militaire lance aujourd'hui sa « Semaine de la pensée stratégique ».
Demain, l'Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole militaire organise une journée d'études sur les nouveaux défis de la pensée stratégique, en présence du ministre de la Défense.
Ce sera l'occasion pour Hervé Morin d'inaugurer le Centre de Documentation de l'Ecole militaire, un outil exceptionnel par son ampleur et sa qualité. Il sera au service des militaires aussi bien que des chercheurs civils. Il sera au service du renouveau de la pensée stratégique.
La création, proposée par Alain Bauer, du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique va également dans le même sens. Et si, vendredi matin, le Premier ministre vient s'exprimer devant les auditeurs des sessions nationales des instituts supérieurs de formation, c'est que la volonté de mener à bien ce chantier de la pensée stratégique est portée au plus haut niveau de l'Etat.
Oui, la France entend se doter d'une Université de la Défense : elle est en train de la construire.
Et puisque le Premier ministre, François Fillon, intervient vendredi dans l'amphithéâtre qui porte le nom du maréchal Foch, qu'il me soit permis de rappeler que cet illustre soldat ne concevait la stratégie qu'au travers de la double dynamique de l'étude et de l'action.
Le maréchal Foch fut l'un des premiers à penser « l'éthique du commandement », celle qui est recherchée par tous les officiers et, notamment, ceux qui conduisent des opérations sur le terrain et qui doivent prendre des décisions face à des situations d'urgence. Le maréchal Foch disait que, pour répondre à l'urgence, un militaire devait avoir fait ses « humanités ». Là encore, il n'y a pas Alexandre sans Aristote. Il n'y a pas d'action sans étude. Il n'y a pas de défense sans réflexion stratégique.
Voilà l'enjeu tel qu'il se présente à nous. Il est ambitieux. Il est exigeant.
Mais notre pays a besoin, aujourd'hui comme hier, d'une relève.
Une double relève : une relève opérationnelle et une relève académique.
source http://www.defense.gouv.fr, le 9 octobre 2009