Texte intégral
M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : E. Besson est arrivé sur le plateau de « La matinale » bonjour. Je rappelle que vous êtes le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire. J'imagine que vous avez déjà eu entre les mains les résultats du sondage BVA / « La matinale » à propos de l'identité nationale. Et je vous propose de continuer d'en parler avec notre « Infoman » qui est allé mener l'enquête ce matin, à l'Assemblée à ce propos. (Reportage d'« Infoman »). En tout cas, E. Besson a écouté et regardé attentivement notre « Infoman » et nous allons continuer d'en parler, donc de cette intégration avec le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire. Opération réussie : sa proposition de débat sur l'identité nationale fait débat et a même réussi à réveiller le FN. M. Le Pen demande audience à N. Sarkozy et souhaite, comme S. Royal, participer au débat. E. Besson, bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Soyez le bienvenu.
Merci.
C. Roux : Bonjour.
Bonjour.
C. Roux : Le Front national est-il le bienvenu au grand débat sur l'identité nationale ?
C'est accessoire. Ce qui est bienvenu, ce sont les Français. Et les Français se sont déjà emparés de ce débat. Moi, je peux vous dire que depuis dimanche soir, date à laquelle j'ai lancé cette proposition, mon ministère est envahi d'appels, de mails, de courriers, etc., comme jamais depuis ma nomination. Les Français veulent débattre...
C. Roux : D'accord, les Français et le Front national aussi, c'est la question : pourquoi c'est accessoire ? M. Le Pen est très contente, elle, de ce débat, elle vous remercie. Et elle dit en fait : c'est une doléance de 25 ans, l'organisation d'un grand débat, merci E. Besson. Et elle réclame un Grenelle de l'identité nationale. Est-ce que ça c'est une bonne idée ? Puisque c'est important, allons-y vraiment et faisons un Grenelle de l'identité nationale ?
Je n'ai pas besoin d'un Grenelle, je lance un grand débat, il va durer 3 mois, tout le monde pourra y participer. Je combats le Front national, je n'ai rien de commun avec M. Le Pen, mais elle a le droit d'y participer. Vous avez cité deux noms de femme, il y a un instant, je préfère la réaction de S. Royal, qui à mon avis est plus subtile, que celle d'un certain nombre de ses collègues au Parti socialiste, qui disent : c'est une opération de diversion, ça elle était presque, un peu obligée de le dire, je dirais. Mais en même temps, elle dit : il est fondamental, je veux y participer. Et elle dit, une phrase très belle : qu'est-ce qui fait aujourd'hui le lien républicain ? C'est exactement ce que je propose d'installer. Qu'est-ce qui fait notre nation ? Qu'est-ce qui nous relie ? Qu'est-ce qui fait que nous sommes une communauté nationale ?
M. Biraben : Elle y répond.
C. Roux : Alors M. Le Pen et S. Royal, sont très contentes de ce que vous proposez. En revanche, dans votre camp, il y en a un qui n'est pas très content, c'est A. Juppé. Il se demande pourquoi un débat, qu'est-ce que ça peut apporter de plus à la définition de la nation par Renan ?
J'ai lu son blog, il ne m'a pas semblé si mécontent que ça. Il dit en gros...
C. Roux : Il dit que ça ne sert à rien, quand même !
Il dit : Renan a tout dit. Et il cite un extrait de Renan, qui est très beau : « l'homme n'est esclave, ni de sa race, ni de sa langue, ni de la direction des chaînes de montagnes, ni du cours des fleuves. » C'est très bien ! Je ne suis pas complètement certain, qu'aujourd'hui, en 2009, tout le monde connaisse E. Renan par coeur et tout le monde connaisse les citations de Renan comme A. Juppé, qui est normalien, les connaisse. Autrement dit...
C. Roux : C'est peut-être ça, qu'il faut apprendre aux Français, alors, non ?
Oui, mais ça en fait partie et ça fera partie des textes de référence qui sont à partir de lundi, sur le site de mon ministère, puisque je l'inaugurerai lundi pour ce débat. Oui, Renan, c'est l'un des plus beaux textes que nous ayons sur le sujet. Enfin tout le monde ne le connaît pas. Et deuxièmement, la nation évolue, la nation bouge. Regardez B. Obama, pendant toute sa campagne électorale, il n'a parlé que de l'identité nationale américaine, il a dit : je suis le fruit d'une histoire d'une nation américaine et je prétends incarner son avenir.
C. Roux : Pourquoi vous le faites maintenant ? Pourquoi vous relancez ce débat maintenant ? C'est vrai que vous avez eu l'occasion de le faire l'an dernier, il y avait eu un rapport très bien fait de la part des parlementaires, après que la Marseillaise ait été sifflée... Pourquoi ne pas l'avoir relancé à ce moment-là ? Ce n'était pas urgent, ça l'est aujourd'hui ?
L'an dernier, je pense que ça vous a échappé, je n'étais pas à ce ministère. Je n'y suis que depuis...
C. Roux : Je parlais du Gouvernement, enfin... Donc c'est une erreur de B. Hortefeux de ne pas l'avoir fait ?
Non, non, pas du tout, ce n'est pas ce que je suggère. Simplement, on est à deux ans et demi du mandat de N. Sarkozy, il est encore temps de parler de questions nationales. Si je l'avais fait avant les élections européennes, on m'aurait dit : c'est parce qu'il y a les européennes. Maintenant, on nous explique que c'est parce qu'il y a les régionales. Si je l'avais fait six mois après les régionales, on m'aurait dit : déjà on prépare la présidentielle. Le président de la République l'a dit en campagne électorale, la lettre de mission qu'il m'a adressée en mars, me demande expressément d'organiser ce débat. Je l'organise. Mais surtout, il intéresse les Français...
C. Roux : Eh bien, vous avez raison ! Vous avez raison, il intéresse les Français. Un sondage BVA « La matinale »...
Je sais que j'ai raison. Je savais, mais c'est bien de l'entendre dire.
C. Roux : 54 % considèrent que ce débat est important. 64 % en revanche, j'ai envie de dire, que le but suivi est de mobiliser les électeurs de droite, avant les régionales. C'est bien joué mais ça se voit.
Moi, je ne sais pas ce que c'est un électeur de droite, et je ne sais même pas ce qu'est un électeur de gauche. Je connais le peuple français. Non, non, je persiste et signe...
C. Roux : Un homme politique de droite, de gauche...
M. Biraben : Un vote à droite ou à gauche...
Non, non, je sais ce qu'est le peuple français, et c'est lui qui m'intéresse. J'étais, il y a deux jours, en Angleterre, avant-hier. On a posé la question au ministre de l'Immigration britannique avec lequel j'étais. On lui a dit : qu'est-ce que vous pensez du débat sur l'identité nationale en France ? Sa réponse : nous avons le même aujourd'hui au Royaume-Uni. G. Brown veut que les Britanniques se disent : qu'est-ce que c'est être Britannique dans le monde moderne ? Partout ! Lula, le Président brésilien, quand on y est allé avec le président de la République, il a dit : je veux vous parler d'identité nationale brésilienne. L'Algérie fait pareil, le Mali fait pareil, le Cameroun fait pareil...
C. Roux : Ca ne veut pas dire que l'électorat de droite ne vous intéresse pas avant les régionales ? Rassurez-nous !
Je n'ai jamais dit ça.
C. Roux : Ah ! Bon d'accord !
C'est normal qu'on essaie d'obtenir la confiance, mais il n'y a pas un clivage France de droite / France de gauche. Ce débat-là, il devrait intéresser tous les républicains.
C. Roux : Donc ces 64 % de Français interrogés par BVA pour « La matinale » se trompent ?
Je n'ai jamais dit cela. Ah ! Se trompent sur l'intention.
C. Roux : Se trompent sur l'intention ?
Mais quand vous faites de la politique, vous, vous intéressez toujours aux effets de ce que vous faites. Mais ma question, c'est : est-ce que ce débat est légitime ? Est-ce que nous sommes à un moment mondialisation, montée des communautarismes, générosité naturelle des Français. Ces débats-là, il peut être ouvert, chaleureux, fraternel, il n'y a pas besoin de faire tout de suite des procès d'intention.
C. Roux : Alors la question qu'on s'est posée, en préparant cette émission, on s'est dit : mais en quoi l'identité nationale est menacée ? En quoi l'identité nationale française est menacée aujourd'hui ?
Et où avez-vous vu que j'avais dire qu'elle était menacée ?
C. Roux : Alors si on organise un débat...
M. Biraben : Si on en parle, c'est qu'elle est fragilisée, à tout le moins ?
Et si elle était en train d'évoluer, s'il y avait des valeurs qui... Liberté, égalité, fraternité... La laïcité, c'est toujours un débat d'actualité. La France est le pays le plus exigeant en la matière, ça pose un certain nombre de questions. On le voit ressurgir par exemple à propos de la burka. Je ne considère pas que la burka soit le sujet essentiel, mais il existe. Mais vous le voyez aussi à propos des services publics. Quand vous voyez les réactions des Français à La Poste, à la réforme de La Poste, vous, vous dites quoi ? Que le service public à la française, visiblement fait partie de nos valeurs. Quand vous voyez le débat sur l'audiovisuel, ou sur un certain nombre d'autres éléments, qu'est-ce que vous pouvez en conclure ? Que l'exception culturelle française fait partie de nos valeurs. Regardez les jeunes...
C. Roux : C'est intéressant ce que vous nous dites, mais justement, c'est-à-dire que vous dites, l'identité française, l'identité nationale évolue, laissons-la évoluer. Pourquoi faudrait-il s'en inquiéter ?
Mais je ne vous ai jamais dit qu'il fallait s'en inquiéter. Ca fait deux fois que vous me posez la question...
C. Roux : Alors pourquoi faudrait-il en parler ? Pourquoi faudrait-il en parler ?
Parce qu'elle est en train d'évolution, et parce que les peuples s'en saisissant, partout, il n'y a pas de raison que les Français ne le fassent pas. Et deuxièmement, à l'égard de l'immigration, l'enjeu principal, il est de réussir l'intégration. Et pour réussir l'intégration, vous devez en parler. Vous devez dire quelles sont vos valeurs, vous devez vérifier que les étrangers qui arrivent sur notre sol sont bien accueillis et qu'ils s'intègrent bien dans la communauté nationale. Donc la communauté nationale doit dire : voilà ce que sont mes valeurs, et elle doit s'en saisir, c'est ce que nous allons faire, et elle doit favoriser la bonne intégration des étrangers sur son sol.
M. Biraben : Vous parlez d'étrangers et de valeurs, ce sont exactement les mots qui sont contenus dans le mail que nous envoie Jean-Luc, une question qu'il vous pose : est-ce que le contribuable qui se domicilie à l'étranger pour éviter le fisc est concerné par l'identité nationale ?
J'aimerais bien dire que tous les Français de l'étranger sont concernés. Celui qui est parti uniquement pour éviter le fisc n'est pas nécessairement celui auquel j'ai le plus envie de parler aujourd'hui.
C. Roux : Redéfinir l'identité nationale, c'est comme l'a dit F. Lefèbvre, la défense de notre modèle culturel et de la « Douce France » chantée par C. Trenet. C. Trenet c'est l'identité française, c'est l'identité nationale ?
Ça en fait partie...
C. Roux : Autant que Diam's ?
Oui, autant que Diam's probablement, mais ça veut dire quoi, au-delà de la « douce France » ? Ça veut dire qu'effectivement il y a une espèce de France éternelle, de ce point de vue-là. La France des paysages, la France du patrimoine. En 81, vous n'étiez pas née, mais F. Mitterrand...
C. Roux : Vous êtes gentil.
Non, mais je le crois. F. Mitterrand avait choisi de poser devant un clocher, dans un village etc. parce qu'il y a cette dimension-là. Etre Français, c'est un héritage, ce sont des valeurs actuelles, j'ai voulu vous en citer quelques unes, il y a un instant, mais c'est se projeter surtout dans l'avenir, c'est de dire : qu'est-ce qui fait notre nation aujourd'hui ? Qu'est-ce qui fait que nous allons rester un peuple compétitif, solidaire et fier de son histoire ? Fier, ça ne veut pas dire arrogant, ça veut dire, simplement, je suis l'héritier d'une longue chaîne et je m'inscris dans cette tradition.
C. Roux : Sur quoi, il va déboucher ce débat ?
Sur un certain nombre de propositions très concrètes. Par exemple, je propose ce que j'appelle le parrainage républicain, c'est-à-dire que tout étranger qui arrive sur notre sol au titre du long séjour - et nous en accueillons beaucoup, puisque à peu près 200 000 étrangers arrivent sur notre sol chaque année, au titre du long séjour - se voie proposer, sur une base volontaire, un parrain ou une marraine, qui va l'aider dans son intégration...
C. Roux : Ca il n'y a pas besoin d'un débat, vous l'avez déjà proposé ?
Je le propose et je vérifie que d'abord il y aura des volontaires. Trouver 180 000 ou 200 000 volontaires, ça ne se fait pas du jour au lendemain.
C. Roux : Non, mais je veux dire le débat, avec les Français, le peuple français, qui va réfléchir sur lui-même, est-ce que ça va déboucher sur une charte, quelque chose pour définir l'identité française ?
Oui, oui, oui, il y aura, pas pour définir l'identité française, mais pour valoriser cette identité, oui, je vais faire, j'ai déjà fait, je vais faire d'autres propositions.
M. Biraben : Très vite, on va passer au « J'aime, j'aime pas ». Vous allez nous dire si vous aimez ou si vous n'aimez pas, J.-C. Juncker, président du Conseil européen ?
J'ai un autre candidat en tête. À titre personnel, moi, je préfère T. Blair. Mais je suis membre d'un Gouvernement et le président de la République et le Premier ministre, le moment venu, diront ce qu'est le choix de la France. À titre personnel, si vous m'interrogez, j'ai un faible pour T. Blair et depuis longtemps.
C. Roux : « J'aime, j'aime pas » faire des gestes obscènes aux caméras de Canal+ ?
Non. Et c'est pour ça, je n'aime pas...
C. Roux : Oui on a vu que vous étiez comme ça, ce matin.
Et c'est pour ça que je serre les mains.
M. Biraben : On a surveillé vos pieds aussi, sachez-le. « J'aime, j'aime pas » le Bloc identitaire, extrême droite, ultra, qui se rallie au maire PMF d'Orange et s'est rapproché... ?
Je n'aime pas, mais pour vous dire, la vérité, je ne savais même pas.
M. Biraben : Alors justement ça nous amène au prochain « J'aime, j'aime pas », Caroline ? C. Roux : En fait, le MPF s'est rapproché de l'UMP, et le Bloc identitaire c'est l'extrême droite, ultra, on peut le dire. Je vous laisserai vérifier cette information. « J'aime, j'aime pas » lire la presse ?
Si, si j'aime beaucoup lire la presse.
M. Biraben : Il paraît que ça vous est interdit ?
Non, c'est une plaisanterie que j'ai faite il a deux secondes à votre coordonnatrice...
C. Roux : C'était dans la presse ce matin.
Non, c'est une plaisanterie.
M. Biraben : Le Président vous l'a interdit ou pas ?
Vous plaisantez ou quoi !
M. Biraben : Non, pas du tout ! Je vous pose une question ?
Ecoutez, ce n'est pas sérieux.
C. Roux : Comme il a fustigé les commentateurs, il pourrait avoir interdit à ses ministres de lire les commentaires des commentateurs ?
Non, non, on est beaucoup plus libre au sein du Gouvernement que parfois on ne le suggère.
M. Biraben : Tant mieux pour vous ! Merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin. C. Roux : Merci.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 novembre 2009
Bonjour.
M. Biraben : Soyez le bienvenu.
Merci.
C. Roux : Bonjour.
Bonjour.
C. Roux : Le Front national est-il le bienvenu au grand débat sur l'identité nationale ?
C'est accessoire. Ce qui est bienvenu, ce sont les Français. Et les Français se sont déjà emparés de ce débat. Moi, je peux vous dire que depuis dimanche soir, date à laquelle j'ai lancé cette proposition, mon ministère est envahi d'appels, de mails, de courriers, etc., comme jamais depuis ma nomination. Les Français veulent débattre...
C. Roux : D'accord, les Français et le Front national aussi, c'est la question : pourquoi c'est accessoire ? M. Le Pen est très contente, elle, de ce débat, elle vous remercie. Et elle dit en fait : c'est une doléance de 25 ans, l'organisation d'un grand débat, merci E. Besson. Et elle réclame un Grenelle de l'identité nationale. Est-ce que ça c'est une bonne idée ? Puisque c'est important, allons-y vraiment et faisons un Grenelle de l'identité nationale ?
Je n'ai pas besoin d'un Grenelle, je lance un grand débat, il va durer 3 mois, tout le monde pourra y participer. Je combats le Front national, je n'ai rien de commun avec M. Le Pen, mais elle a le droit d'y participer. Vous avez cité deux noms de femme, il y a un instant, je préfère la réaction de S. Royal, qui à mon avis est plus subtile, que celle d'un certain nombre de ses collègues au Parti socialiste, qui disent : c'est une opération de diversion, ça elle était presque, un peu obligée de le dire, je dirais. Mais en même temps, elle dit : il est fondamental, je veux y participer. Et elle dit, une phrase très belle : qu'est-ce qui fait aujourd'hui le lien républicain ? C'est exactement ce que je propose d'installer. Qu'est-ce qui fait notre nation ? Qu'est-ce qui nous relie ? Qu'est-ce qui fait que nous sommes une communauté nationale ?
M. Biraben : Elle y répond.
C. Roux : Alors M. Le Pen et S. Royal, sont très contentes de ce que vous proposez. En revanche, dans votre camp, il y en a un qui n'est pas très content, c'est A. Juppé. Il se demande pourquoi un débat, qu'est-ce que ça peut apporter de plus à la définition de la nation par Renan ?
J'ai lu son blog, il ne m'a pas semblé si mécontent que ça. Il dit en gros...
C. Roux : Il dit que ça ne sert à rien, quand même !
Il dit : Renan a tout dit. Et il cite un extrait de Renan, qui est très beau : « l'homme n'est esclave, ni de sa race, ni de sa langue, ni de la direction des chaînes de montagnes, ni du cours des fleuves. » C'est très bien ! Je ne suis pas complètement certain, qu'aujourd'hui, en 2009, tout le monde connaisse E. Renan par coeur et tout le monde connaisse les citations de Renan comme A. Juppé, qui est normalien, les connaisse. Autrement dit...
C. Roux : C'est peut-être ça, qu'il faut apprendre aux Français, alors, non ?
Oui, mais ça en fait partie et ça fera partie des textes de référence qui sont à partir de lundi, sur le site de mon ministère, puisque je l'inaugurerai lundi pour ce débat. Oui, Renan, c'est l'un des plus beaux textes que nous ayons sur le sujet. Enfin tout le monde ne le connaît pas. Et deuxièmement, la nation évolue, la nation bouge. Regardez B. Obama, pendant toute sa campagne électorale, il n'a parlé que de l'identité nationale américaine, il a dit : je suis le fruit d'une histoire d'une nation américaine et je prétends incarner son avenir.
C. Roux : Pourquoi vous le faites maintenant ? Pourquoi vous relancez ce débat maintenant ? C'est vrai que vous avez eu l'occasion de le faire l'an dernier, il y avait eu un rapport très bien fait de la part des parlementaires, après que la Marseillaise ait été sifflée... Pourquoi ne pas l'avoir relancé à ce moment-là ? Ce n'était pas urgent, ça l'est aujourd'hui ?
L'an dernier, je pense que ça vous a échappé, je n'étais pas à ce ministère. Je n'y suis que depuis...
C. Roux : Je parlais du Gouvernement, enfin... Donc c'est une erreur de B. Hortefeux de ne pas l'avoir fait ?
Non, non, pas du tout, ce n'est pas ce que je suggère. Simplement, on est à deux ans et demi du mandat de N. Sarkozy, il est encore temps de parler de questions nationales. Si je l'avais fait avant les élections européennes, on m'aurait dit : c'est parce qu'il y a les européennes. Maintenant, on nous explique que c'est parce qu'il y a les régionales. Si je l'avais fait six mois après les régionales, on m'aurait dit : déjà on prépare la présidentielle. Le président de la République l'a dit en campagne électorale, la lettre de mission qu'il m'a adressée en mars, me demande expressément d'organiser ce débat. Je l'organise. Mais surtout, il intéresse les Français...
C. Roux : Eh bien, vous avez raison ! Vous avez raison, il intéresse les Français. Un sondage BVA « La matinale »...
Je sais que j'ai raison. Je savais, mais c'est bien de l'entendre dire.
C. Roux : 54 % considèrent que ce débat est important. 64 % en revanche, j'ai envie de dire, que le but suivi est de mobiliser les électeurs de droite, avant les régionales. C'est bien joué mais ça se voit.
Moi, je ne sais pas ce que c'est un électeur de droite, et je ne sais même pas ce qu'est un électeur de gauche. Je connais le peuple français. Non, non, je persiste et signe...
C. Roux : Un homme politique de droite, de gauche...
M. Biraben : Un vote à droite ou à gauche...
Non, non, je sais ce qu'est le peuple français, et c'est lui qui m'intéresse. J'étais, il y a deux jours, en Angleterre, avant-hier. On a posé la question au ministre de l'Immigration britannique avec lequel j'étais. On lui a dit : qu'est-ce que vous pensez du débat sur l'identité nationale en France ? Sa réponse : nous avons le même aujourd'hui au Royaume-Uni. G. Brown veut que les Britanniques se disent : qu'est-ce que c'est être Britannique dans le monde moderne ? Partout ! Lula, le Président brésilien, quand on y est allé avec le président de la République, il a dit : je veux vous parler d'identité nationale brésilienne. L'Algérie fait pareil, le Mali fait pareil, le Cameroun fait pareil...
C. Roux : Ca ne veut pas dire que l'électorat de droite ne vous intéresse pas avant les régionales ? Rassurez-nous !
Je n'ai jamais dit ça.
C. Roux : Ah ! Bon d'accord !
C'est normal qu'on essaie d'obtenir la confiance, mais il n'y a pas un clivage France de droite / France de gauche. Ce débat-là, il devrait intéresser tous les républicains.
C. Roux : Donc ces 64 % de Français interrogés par BVA pour « La matinale » se trompent ?
Je n'ai jamais dit cela. Ah ! Se trompent sur l'intention.
C. Roux : Se trompent sur l'intention ?
Mais quand vous faites de la politique, vous, vous intéressez toujours aux effets de ce que vous faites. Mais ma question, c'est : est-ce que ce débat est légitime ? Est-ce que nous sommes à un moment mondialisation, montée des communautarismes, générosité naturelle des Français. Ces débats-là, il peut être ouvert, chaleureux, fraternel, il n'y a pas besoin de faire tout de suite des procès d'intention.
C. Roux : Alors la question qu'on s'est posée, en préparant cette émission, on s'est dit : mais en quoi l'identité nationale est menacée ? En quoi l'identité nationale française est menacée aujourd'hui ?
Et où avez-vous vu que j'avais dire qu'elle était menacée ?
C. Roux : Alors si on organise un débat...
M. Biraben : Si on en parle, c'est qu'elle est fragilisée, à tout le moins ?
Et si elle était en train d'évoluer, s'il y avait des valeurs qui... Liberté, égalité, fraternité... La laïcité, c'est toujours un débat d'actualité. La France est le pays le plus exigeant en la matière, ça pose un certain nombre de questions. On le voit ressurgir par exemple à propos de la burka. Je ne considère pas que la burka soit le sujet essentiel, mais il existe. Mais vous le voyez aussi à propos des services publics. Quand vous voyez les réactions des Français à La Poste, à la réforme de La Poste, vous, vous dites quoi ? Que le service public à la française, visiblement fait partie de nos valeurs. Quand vous voyez le débat sur l'audiovisuel, ou sur un certain nombre d'autres éléments, qu'est-ce que vous pouvez en conclure ? Que l'exception culturelle française fait partie de nos valeurs. Regardez les jeunes...
C. Roux : C'est intéressant ce que vous nous dites, mais justement, c'est-à-dire que vous dites, l'identité française, l'identité nationale évolue, laissons-la évoluer. Pourquoi faudrait-il s'en inquiéter ?
Mais je ne vous ai jamais dit qu'il fallait s'en inquiéter. Ca fait deux fois que vous me posez la question...
C. Roux : Alors pourquoi faudrait-il en parler ? Pourquoi faudrait-il en parler ?
Parce qu'elle est en train d'évolution, et parce que les peuples s'en saisissant, partout, il n'y a pas de raison que les Français ne le fassent pas. Et deuxièmement, à l'égard de l'immigration, l'enjeu principal, il est de réussir l'intégration. Et pour réussir l'intégration, vous devez en parler. Vous devez dire quelles sont vos valeurs, vous devez vérifier que les étrangers qui arrivent sur notre sol sont bien accueillis et qu'ils s'intègrent bien dans la communauté nationale. Donc la communauté nationale doit dire : voilà ce que sont mes valeurs, et elle doit s'en saisir, c'est ce que nous allons faire, et elle doit favoriser la bonne intégration des étrangers sur son sol.
M. Biraben : Vous parlez d'étrangers et de valeurs, ce sont exactement les mots qui sont contenus dans le mail que nous envoie Jean-Luc, une question qu'il vous pose : est-ce que le contribuable qui se domicilie à l'étranger pour éviter le fisc est concerné par l'identité nationale ?
J'aimerais bien dire que tous les Français de l'étranger sont concernés. Celui qui est parti uniquement pour éviter le fisc n'est pas nécessairement celui auquel j'ai le plus envie de parler aujourd'hui.
C. Roux : Redéfinir l'identité nationale, c'est comme l'a dit F. Lefèbvre, la défense de notre modèle culturel et de la « Douce France » chantée par C. Trenet. C. Trenet c'est l'identité française, c'est l'identité nationale ?
Ça en fait partie...
C. Roux : Autant que Diam's ?
Oui, autant que Diam's probablement, mais ça veut dire quoi, au-delà de la « douce France » ? Ça veut dire qu'effectivement il y a une espèce de France éternelle, de ce point de vue-là. La France des paysages, la France du patrimoine. En 81, vous n'étiez pas née, mais F. Mitterrand...
C. Roux : Vous êtes gentil.
Non, mais je le crois. F. Mitterrand avait choisi de poser devant un clocher, dans un village etc. parce qu'il y a cette dimension-là. Etre Français, c'est un héritage, ce sont des valeurs actuelles, j'ai voulu vous en citer quelques unes, il y a un instant, mais c'est se projeter surtout dans l'avenir, c'est de dire : qu'est-ce qui fait notre nation aujourd'hui ? Qu'est-ce qui fait que nous allons rester un peuple compétitif, solidaire et fier de son histoire ? Fier, ça ne veut pas dire arrogant, ça veut dire, simplement, je suis l'héritier d'une longue chaîne et je m'inscris dans cette tradition.
C. Roux : Sur quoi, il va déboucher ce débat ?
Sur un certain nombre de propositions très concrètes. Par exemple, je propose ce que j'appelle le parrainage républicain, c'est-à-dire que tout étranger qui arrive sur notre sol au titre du long séjour - et nous en accueillons beaucoup, puisque à peu près 200 000 étrangers arrivent sur notre sol chaque année, au titre du long séjour - se voie proposer, sur une base volontaire, un parrain ou une marraine, qui va l'aider dans son intégration...
C. Roux : Ca il n'y a pas besoin d'un débat, vous l'avez déjà proposé ?
Je le propose et je vérifie que d'abord il y aura des volontaires. Trouver 180 000 ou 200 000 volontaires, ça ne se fait pas du jour au lendemain.
C. Roux : Non, mais je veux dire le débat, avec les Français, le peuple français, qui va réfléchir sur lui-même, est-ce que ça va déboucher sur une charte, quelque chose pour définir l'identité française ?
Oui, oui, oui, il y aura, pas pour définir l'identité française, mais pour valoriser cette identité, oui, je vais faire, j'ai déjà fait, je vais faire d'autres propositions.
M. Biraben : Très vite, on va passer au « J'aime, j'aime pas ». Vous allez nous dire si vous aimez ou si vous n'aimez pas, J.-C. Juncker, président du Conseil européen ?
J'ai un autre candidat en tête. À titre personnel, moi, je préfère T. Blair. Mais je suis membre d'un Gouvernement et le président de la République et le Premier ministre, le moment venu, diront ce qu'est le choix de la France. À titre personnel, si vous m'interrogez, j'ai un faible pour T. Blair et depuis longtemps.
C. Roux : « J'aime, j'aime pas » faire des gestes obscènes aux caméras de Canal+ ?
Non. Et c'est pour ça, je n'aime pas...
C. Roux : Oui on a vu que vous étiez comme ça, ce matin.
Et c'est pour ça que je serre les mains.
M. Biraben : On a surveillé vos pieds aussi, sachez-le. « J'aime, j'aime pas » le Bloc identitaire, extrême droite, ultra, qui se rallie au maire PMF d'Orange et s'est rapproché... ?
Je n'aime pas, mais pour vous dire, la vérité, je ne savais même pas.
M. Biraben : Alors justement ça nous amène au prochain « J'aime, j'aime pas », Caroline ? C. Roux : En fait, le MPF s'est rapproché de l'UMP, et le Bloc identitaire c'est l'extrême droite, ultra, on peut le dire. Je vous laisserai vérifier cette information. « J'aime, j'aime pas » lire la presse ?
Si, si j'aime beaucoup lire la presse.
M. Biraben : Il paraît que ça vous est interdit ?
Non, c'est une plaisanterie que j'ai faite il a deux secondes à votre coordonnatrice...
C. Roux : C'était dans la presse ce matin.
Non, c'est une plaisanterie.
M. Biraben : Le Président vous l'a interdit ou pas ?
Vous plaisantez ou quoi !
M. Biraben : Non, pas du tout ! Je vous pose une question ?
Ecoutez, ce n'est pas sérieux.
C. Roux : Comme il a fustigé les commentateurs, il pourrait avoir interdit à ses ministres de lire les commentaires des commentateurs ?
Non, non, on est beaucoup plus libre au sein du Gouvernement que parfois on ne le suggère.
M. Biraben : Tant mieux pour vous ! Merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin. C. Roux : Merci.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 novembre 2009