Interview de M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à France Info le 13 novembre 2009, sur l'identité nationale, la baisse de la délinquance et des cambriolages et sur le projet d'instituer un couvre-feu pour les mineurs délinquants.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- On va bien sûr parler avec vous des chiffres de la délinquance. Mais avant, je voudrais vous poser une question, puisque vous avez été ministre de l'Identité nationale, sur le discours qu'a prononcé N. Sarkozy hier dans la Drôme. C'est un non catégorique à la burka. Il n'y a pas de place pour la burka en France ?
 
 D'abord, N. Sarkozy a souhaité poser le débat de l'identité de notre pays, de notre identité nationale, et il a eu parfaitement raison, et E. Besson a eu parfaitement raison de l'initier, de le concrétiser, parce que refuser de réfléchir à notre identité, au sens de notre société c'est tout simplement faire le lit des extrémismes.
 
Mais pourquoi maintenant ? Il y a justement une commission qui est en train de plancher sur le sujet.
 
Mais je vous poserais, pardon, la question en sens inverse : pourquoi pas maintenant ? La réalité c'est ça. Il y a toujours des explications ou des justificatifs pour repousser les débats qui sont nécessaires. Là, le débat est engagé, c'est la question des valeurs de notre société, des droits, des devoirs de notre société. Le président de la République a utilisé des mots forts, que peut-être on avait un peu oubliés, que sont : l'honneur, la patrie, la famille. C'est donc dans le bons sens.
 
Des mots qu'il avait déjà utilisés pendant la campagne électorale sur ce thème précis aussi ?
 
Oui, bien sûr, mais cela témoigne tout simplement que le président de la République n'a pas changé d'avis, ce qui est logique et ce qui est une bonne chose. Il a évoqué effectivement la question du port de la burka. Cette question n'est pas une question religieuse, c'est une question de société. Nous sommes naturellement totalement hostiles à l'asservissement de la femme ! Et le port de la burka peut être compris, peut être interprété comme une forme d'asservissement. Donc ça n'a pas de place dans notre pays.
 
Cela signifie qu'on va forcer, contraindre les personnes à enlever la burka ?
 
D'abord, il y a une commission d'enquête qui a été initiée, grâce à plusieurs parlementaires, d'ailleurs de toutes sensibilités, puisqu'il y a le député-maire de Vénissieux, qui est un député communiste ; il y a un député UMP de Seine-Saint-Denis ; il y a A. Gérin d'un côté, E. Raoult de l'autre. Cette commission parlementaire travaille, elle auditionne, elle rencontre les responsables religieux, les responsables politiques, je serai moi-même entendu dans quelques semaines, avant la fin de l'année, et à l'issue de ces auditions, cette commission fera connaître son sentiment, et ça sera naturellement utile à ce débat.
 
Venons-en à votre bilan, cinq mois Place Beauvau, vous affichez donc une baisse de la délinquance générale de 6,21 %, comparaison faite entre octobre 2008 et octobre 2009. Il reste quand même, pardonnez-moi, quelques points sensibles, les violences aux personnes, notamment. Si on regarde, elles continuent à monter sur un an ?
 
Il y a deux choses différentes. D'abord, premier élément, grâce à N. Sarkozy, depuis 2002 la délinquance avait baissé et baissé fortement, de près de 13,5 %, c'est donc une baisse très importante. Deuxième élément, depuis le printemps dernier, il y avait une tendance à la hausse, une tendance légère mais une tendance réelle. Depuis que je suis arrivé au ministère de l'Intérieur, en faisant face à l'évolution de cette délinquance, parce qu'elle n'est pas figée - elle évolue, elle bouge, ses moyens, sa forme évoluent - j'ai décidé de mobiliser très fortement tous les acteurs de la sécurité, les policiers, les gendarmes ; j'ai décidé aussi de doter de nouveaux moyens, et nous avons obtenu au mois de septembre une stabilisation, c'est-à-dire que la tendance à la hausse a été cassée, et au mois d'octobre elle est inversée.
 
Grosse mobilisation, dites-vous, mais en malgré tout, si j'en crois ce que dit l'Observatoire national de la délinquance, il y a moins d'infractions constatées par les policiers. Ils ont le même travail ?
 
Non, il y a deux choses. Première chose, l'Observatoire national de la délinquance observe sur les 12 derniers mois, et moi les chiffres que j'ai commentés sont ceux du mois d'octobre ; ceux du mois d'octobre sont très bons, ils soulignent une baisse très sensible de toutes les formes de délinquance. La délinquance générale qui baisse de 5,94 %, près de 6 %, la délinquance de proximité de 6,56 %. J'ai été très attentif concernant les atteintes aux biens, notamment sur les cambriolages. Les cambriolages de résidences principales avaient augmenté de 14 % au mois de juillet, de 13 % en août. Vous savez, un cambriolage, je ne sais pas si vous en avez été vous-même victime, mais vous connaissez certainement autour de vous des personnes qui l'ont été, c'est le viol d'une intimité familiale, d'une intimité personnelle. Et j'avais décidé dès la fin du mois d'août de mettre en place des structures qui soient appropriées pour lutter contre ces cambriolages, et là aussi nous obtenons déjà les premiers résultats. Ces cellules anti-cambriolages ont été mises en place entre le 1er et le 15 octobre, et on observe par exemple, pour les résidences principales une baisse de 5,13 %. Et je pourrais continuer naturellement concernant les escroqueries, les infractions économiques, donc c'est une véritable rupture.
 
Dites-moi, il y a quand même un petit détail qui me chiffonne, entre octobre 2008 et...
 
Je vais essayer de le dissiper alors...
 
... On a fait des statistiques sur 31 jours, et en octobre 2009 sur 30 jours, et on a évidemment fait le calcul nous, ici, à France Info, la baisse du coup n'est plus vraiment la même, le différentiel est de 3 % !
 
Je ne sais pas comment vous avez fait vos calculs, en tout cas les chiffres que j'ai, dont je dispose, et qui sont confirmés par l'Observatoire national de la délinquance - ce n'est pas moi qui communique les chiffres, ce n'est pas le ministère de l'Intérieur, c'est l'Observatoire national de la délinquance, qui est animé par des personnalités totalement indépendantes - souligne que tous les agrégats de la délinquance sont en diminution. Vous savez, la sécurité...
 
Ce sont les chiffres de l'OND, justement, les 30 et 31...
 
Justement, donc c'est ce que je vous dis. Donc, l'OND confirme qu'il y a une baisse de tous les agrégats de la délinquance sans aucune exception. Est-ce que pour autant, pour aller dans votre sens, tout est réglé ? Non, naturellement, c'est une tendance qu'il faut confirmer. J'ai fixé comme objectif que les trois derniers mois de l'année soient meilleurs que les trois derniers mois de l'année précédente. Pourquoi ? Parce que la sécurité ce n'est pas réservé aux beaux quartiers, et je veux que la sécurité soit une forme d'égalité et une forme d'équité pour tous, ça doit être aussi bien dans les villes, dans les banlieues, dans les quartiers que dans les campagnes. C'est donc un combat que je mène avec acharnement, avec des équipes extrêmement mobilisées. Je remercie d'ailleurs les policiers et les gendarmes qui se sont investis, qui ont entendu ce message pour inverser cette tendance à la hausse. Et nous sommes en train de réussir. Croyez-moi, ces chiffres sont bons, ce n'est que le début.
 
Sur le couvre-feu pour les mineurs délinquants de moins de 13 ans, vous persistez, vous avez affiné votre position ? On les reconnaît comment, par exemple les mineurs délinquants dans la rue, pour pouvoir les ramener à la maison, tout bêtement ?
 
Attendez, d'abord pourquoi faut-il faire cela ? Je considère comme totalement anormal qu'un mineur délinquant de moins de 13 ans - ce n'est pas tous les mineurs de moins de 13 ans, ce sont les mineurs qui ont déjà eu affaire à la police et à la justice pour des faits de délinquance - je considère comme totalement anormal qu'ils puissent sortir seuls, déambuler dans la rue, peut-être d'ailleurs avec des arrière-pensées la nuit, sans qu'ils soient accompagnés d'une autorité parentale ou de quelqu'un qui exerce l'autorité parentale. Je dis, quand on a un mineur de moins de 13 ans, eh bien pardon il doit être à son domicile la nuit, et c'est comme ça qu'on va procéder. Ca sera des mesures qui seront ciblées, ce ne sont pas des mesures générales, ce sont des mesures qui seront ...
 
C'est-à-dire ?
 
...on en est encore à l'état de réflexion mais je veux que ça se concrétise, ce seront les préfets qui auront ainsi connaissance de la liste de ces mineurs délinquants et on veillera à ce qu'ils ne déambulent pas dans la rue. Il ne s'agit pas de faire des contrôles de tous les jeunes qui sont dans la rue toutes les nuits, naturellement, mais il s'agit que l'on sache où l'on est, que l'on sache que le mineur délinquant sache qu'il doit rester à son domicile, ou s'il sort, accompagné de quelqu'un qui exerce l'autorité parentale. Ce n'est pas normal qu'un jeune de moins de 13 ans, et hélas ! la délinquance commence aujourd'hui très jeune, parce que le phénomène, vous le savez, le phénomène nouveau, c'est qu'un acte de délinquance sur cinq est aujourd'hui commis par un mineur. Si l'on prend les bandes, la moitié des bandes qui sont recensées, est composée de personnes mineures. Donc, il n'est pas acceptable que cela se développe, et je prendrai donc des mesures pour en limiter la portée. D'ailleurs, je rajoute juste un point, ne croyez pas que ça soit totalement exceptionnel, il y a des pays, notamment au Royaume-Uni ou des gouvernements, d'ailleurs d'autres sensibilités que celui auquel j'appartiens, qui ont pris des mesures qui étaient autrement plus drastiques. Ce sont des mesures de bon sens, ce sont des mesures utiles, ce sont des mesures utiles aussi pour le mineur délinquant qui est ainsi mieux protégé.
 
Sur le projet de loi "récidive" qui arrive mardi à l'Assemblée, on se souvient du débat, de vos propos également. Là, il y a un amendement qui prévoit qu'un maire va pouvoir connaître l'adresse d'un condamné une fois la peine purgée. C'est quand même un petit peu contraire à l'éthique ça, non ? Une fois la peine purgée, logiquement on est lavé aux yeux de la société !
 
Ma position a été très simple, j'ai compris, analysé, ce qui s'était déroulé dans le cadre du meurtre de M.-C. Audoin, du meurtre et du viol. Que s'était-il passé ? La personne, l'agresseur avait bénéficié : un, de remise de peine et de libération conditionnelle de remise de peine, et s'était retrouvé à 300 mètres, logé à 300 mètres de sa première victime. J'ai observé, j'ai appris à cette occasion que la plupart du temps, les élus locaux naturellement n'étaient pas informés, mais que de surcroît même les forces de police et de gendarmerie n'étaient pas non plus elles-mêmes informées. J'observe par exemple qu'en Allemagne, dans un Etat d'Allemagne comme la Bavière, les autorités, les forces de sécurité sont prévenues trois mois à l'avance, trois mois à l'avance de la libération d'un délinquant sexuel - ce n'est d'ailleurs pas le bon mot - c'est un criminel sexuel. Donc, je souhaite qu'il y ait davantage d'informations et j'en discute avec M. Alliot-Marie, qui est exactement sur la même ligne, et je souhaite qu'il y ait une information qui soit naturellement communiquée aux forces de sécurité pour que l'on puisse savoir où loge, à quel endroit se trouve celui qui est ainsi libéré...
 
Donc, c'est normal ?
 
... Quant à l'information des élus locaux, j'entends les propositions qui sont ainsi formulées, j'entends aussi le président de l'Association des maires, J. Pélissard, qui y est très favorable.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 novembre 2009