Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le développement des relations économiques entre la France et le Vietnam, sur le rôle des Français établis au Vietnam pour y contribuer et sur le bilan des réformes engagées en France, Ho-Chi-Minh-Ville, le 13 novembre 2009.

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Circonstance : Voyage officiel au Vietnam les 12 et 13 novembre 2009-rencontre avec la communauté française à Ho-Chi-Minh-Ville le 13

Texte intégral

Mes chers compatriotes,
Je ne voulais pas venir en visite officielle au Vietnam sans venir à Hô-Chi-Minh-Ville, et je ne voulais surtout pas venir à Hô-Chi-Minh-Ville sans venir vous rencontrer. Et je voudrais d'abord remercier en votre nom à tous nos hôtes qui, si gentiment, ont organisé cette manifestation qui me permet de prendre contact avec vous et de vous dire que la visite que je viens d'effectuer au Vietnam est une étape importante dans la relation entre la France et le Vietnam. Il y a eu ici, et vous vous en souvenez peut-être, des visites mémorables, celle de François Mitterrand en 1993, celle de Jacques Chirac en 2004, mais c'est la première fois qu'un chef du Gouvernement français se rend en visite officielle au Vietnam, et je pense que cette nouveauté, qui pourrait paraître anecdotique, ne l'est pas tant que cela.
Dans l'histoire de nos relations avec le Vietnam, je pense que cette visite a une signification : celle d'un pragmatisme plus fort. Je suis évidemment, comme vous, très sensible à la profondeur des liens historiques qui unissent la France et le Vietnam, et je suis venu naturellement renouveler auprès du peuple vietnamien notre message d'amitié. Cette amitié entre la France et le Vietnam, c'est d'ailleurs une marque de stabilité dans un monde qui change si vite et parfois si brutalement, comme on vient de le constater avec la crise financière. Mais je veux aussi, et c'est la signification de mon voyage, que nos relations se tournent vraiment vers l'avenir, qu'elles s'adaptent à la réalité du monde et de nos pays, et le Vietnam d'aujourd'hui a peu de choses à voir avec celui d'il y a vingt ans, et la France d'aujourd'hui a bien changé par rapport à celle d'il y a quelques années.
Le Vietnam est en train de devenir un grand pays émergent. Il pèse et il pèsera de plus en plus en Asie et sur la scène internationale. Et je veux que notre politique de coopération soit ambitieuse. Je veux qu'elle soit à la hauteur du dynamisme et des succès du Vietnam. L'éducation et la recherche, l'innovation technologique, le développement durable, c'est dans ces directions d'avenir, où la France excelle et où le Vietnam a des besoins considérables que nous devons travailler ensemble. C'est ce que nous avons fait hier, en signant des accords intergouvernementaux qui concrétisent ces directions. Je pense à la coopération dans le secteur du nucléaire civil, qui est lancée. Et avec quel autre pays, le Vietnam pouvait-il lancer avec succès une coopération durable dans le domaine du nucléaire civil ! Je pense au soutien massif que la France va apporter à l'université des sciences et des technologies de Hanoï ; c'est un projet qui va contribuer aussi au développement de la francophonie dans l'enseignement vietnamien puisque plus de 400 enseignants vietnamiens seront formés pour ouvrir cette université dans les universités françaises. À Hô-Chi-Minh-Ville, vous avez l'institut d'échanges culturels avec la France, que j'ai visité il y a quelques instants, et qui joue un rôle considérable dans la promotion de notre langue et dans celle de notre culture au Vietnam.
Mais naturellement, si je suis venu au Vietnam, c'est d'abord et avant tout pour promouvoir nos relations économiques. Et la vérité, c'est qu'elles pourraient être tellement meilleures. La vérité, c'est que nous n'avons pas su tirer les bénéfices de la croissance vietnamienne. Les chiffres de nos exportations ont stagné, nos parts de marché ont diminué depuis une vingtaine d'années. Eh bien, je veux que nous changions ensemble cela. Je veux que les relations entre les entreprises vietnamiennes et les entreprises françaises s'amplifient, et c'est d'ailleurs la raison pour nous avons décidé de rénover complètement le Haut conseil de la coopération économique France-Vietnam qui s'était un peu assoupi.
C'est aussi dans cette perspective que nous voulons instaurer un environnement juridique plus favorable aux affaires, en particulier grâce à la Maison du droit franco-vietnamienne, dont je me souviens que je l'ai portée sur ses fonts baptismaux en 1993. Et c'est enfin pour encourager l'installation des PME françaises au Vietnam que nous allons ouvrir en janvier 2010 un bureau Ubifrance. À l'occasion de cette visite nous avons signé des contrats importants, et ces contrats montrent tout l'intérêt que le Vietnam porte aux entreprises françaises lorsqu'elles disposent d'une avancée technologique significative. Je pense naturellement à l'aéronautique, ou encore au développement durable. Je l'ai dit ce matin au Forum économique de Hanoï, je crois que nous pouvons beaucoup attendre de notre expertise en matière d'économie durable, et nous pouvons beaucoup apporter au Vietnam qui est par ailleurs, l'un des pays en développement les plus engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique, et pour cause, puisque il est aussi l'un des premiers menacés.
La relation entre la France et le Vietnam est forte. Elle est forte grâce à vous. Elle est forte grâce à ses acteurs. Elle pourrait l'être encore plus et je pense que le moment présent nous donne des opportunités que nous devons saisir pour construire un véritable partenariat exemplaire entre l'Orient et l'Occident, entre l'Asie et l'Europe. Mes chers compatriotes, la force et l'excellence des relations franco-vietnamiennes, c'est d'abord vous qui les incarnez, et, c'est largement sur vous que repose le développement de leur potentialité. La communauté française au Vietnam, c'est la plus importante de l'Union européenne, et c'est à Hô-Chi-Minh-Ville qu'elle est la plus représentée. Je veux vous dire que la France est fière de ce que vous accomplissez ; la France est fière de la manière dont vous contribuez à son rayonnement ; la France est fière du renouveau que vous apportez à la relation franco-vietnamienne. Et ma visite est naturellement pour moi d'abord l'occasion de vous exprimer mon soutien.
Alors je sais bien que vous avez, comme toutes les communautés françaises à l'étranger, des préoccupations. Je pense en particulier à la relocalisation du lycée français, l'école Colette, qui suscite beaucoup d'inquiétude chez les parents d'élèves. Je veux vous dire que j'ai moi-même fait part de ces préoccupations, et à Hanoï et auprès des autorités locales au début de cet après-midi. Je crois vraiment pouvoir vous dire que nous sommes sur la voie d'une résolution de ces soucis, très légitimes, et que l'ensemble des objections qui ont été émises vont trouver, grâce à l'engagement des autorités locales, les solutions que vous attendez.
Je veux aussi mes compatriotes vous dire que le dynamisme dont vous faites preuve ici au Vietnam est aujourd'hui aussi à l'oeuvre dans votre pays. Dans un pays comme le Vietnam, dans un pays ou la population est jeune, dans un pays qui connaît un développement économique rapide, on comprend facilement que l'inertie, le statu quo, l'absence de réformes, étaient en train de mettre la France en grand danger. Eh bien, depuis plus de deux ans, sous l'autorité du président de la République, nous avons engagé une modernisation sans précédent. Nous sommes à mi-chemin du quinquennat. Il ne s'agit pas, aujourd'hui, ni maintenant, de faire un bilan qui sera fait dans cinq ans. Il ne s'agit pas de se décerner des satisfécits qui seraient déplacés. Il s'agit tout simplement de ressourcer, dans le travail accompli, notre courage de poursuivre l'action.
Est-ce que nous avons le sentiment d'avoir agi de façon responsable pour le bien de notre pays ? Eh bien, je le crois. Et d'abord, je le crois parce qu'il y a une chose simple : nous tenons les engagements que nous avons pris. 80 % des réformes qui ont été annoncées par le président de la République, et qui ont été soutenues par la majorité à l'occasion des élections législatives, sont en cours de réalisation.
J'ai l'habitude de dire depuis longtemps que la crise politique qui a fragilisé les institutions de la République française pendant des années, et qui a abouti au résultat inattendu et tellement désastreux du premier tour de l'élection présidentiel de 2002, cette situation était liée à une chose : au fait que les Français n'avaient plus confiance dans leur système politique, parce qu'ils avaient l'impression que les majorités se succédaient, sans jamais respecter leurs engagements.
J'ai vu que, disant cela il y a quelques jours, j'avais heurté la sensibilité de l'ancien Premier ministre, Lionel Jospin. Mais il n'a pas tout à fait compris que je ne m'adressais pas qu'à lui, je m'adressais à l'ensemble des majorités, dont celles dont j'ai fait partie. La vérité, c'est qu'en 1997, la majorité de gauche a été élue sur un programme de gauche, et c'est elle qui a fait le plus de privatisations dans l'histoire de notre pays. Et en 2002, la majorité de droite a été élue sur un programme de droite, et en particulier elle a été élue sur le respect du travail, et elle n'a quasiment rien fait pour remettre en cause les 35 heures et faire en sorte que la valeur du travail soit de nouveau au coeur de nos projets. Ce n'est pas donc contre la gauche qu'était tournée ma critique, elle était tournée contre l'ensemble des majorités et, aujourd'hui, ce que nous voulons, c'est rompre avec cette situation et montrer que les engagements sont tenus.
Alors, on peut être d'accord avec les réformes qui sont faites, ou pas d'accord, ce n'est pas le sujet. La question c'est que, quand on choisit une équipe, quand on choisit un projet, dans une démocratie, on veut que cette équipe et que ce projet soient mis en oeuvre, et ensuite, on juge des résultats à l'occasion des élections législatives et des élections présidentielles.
Nous avons engagé des réformes qui étaient des réformes jugées impossibles et qui sont pourtant des réformes indispensables à l'avenir de notre pays. Je pense à la réforme des régimes spéciaux de retraite. Etait-il encore possible dans un grand pays moderne comme la France d'avoir autant de régimes de retraite différents et autant d'inégalités s'agissant des retraites des Français ?
Nous avons engagé la réforme de l'autonomie des universités. Depuis trente ans, on voyait les universités françaises plonger année après année dans les classements internationaux. Tout le monde savait pourquoi les universités françaises étaient tellement en difficulté. Parce qu'elles n'avaient pas d'autonomie, parce qu'elles étaient totalement dépendantes de l'Etat pour l'ensemble des décisions qu'elles devaient prendre, parce qu'elles n'avaient pas la possibilité de nouer des partenariats avec des laboratoires, avec des universités étrangères, avec des entreprises privées, sans avoir l'autorisation des autorités du gouvernement central. Cette situation était une situation connue de tous, mais personne n'osait la remettre en cause, par peut des réactions de la communauté universitaire. Nous l'avons fait, ça n'a pas été facile, mais au 1er janvier, sur la base du volontariat, 51 universités françaises auront choisi l'autonomie.
Nous avons mis fin aux droits de succession pour la quasi-totalité des ménages français ; nous avons défiscalisé les heures supplémentaires pour lutter contre les effets délétères des 35 heures ; nous avons gelé les dépenses de l'Etat depuis trois ans, et nous avons engagé un programme douloureux, difficile, qui peut susciter des critiques, mais qui est absolument indispensable de réduction du nombre des emplois publics, parce que aucun pays au monde ne peut vivre éternellement sur la base d'un déficit aussi élevé que celui que connaît notre pays.
Voilà ! Ce que beaucoup d'autres avaient préféré remettre au lendemain, nous l'avons fait, et nous l'avons fait sans attendre. Et je veux vous dire que cette modernisation de la France, elle va se poursuivre. Demain, nous allons supprimer un impôt qui pesait sur les entreprises françaises, et seulement sur les entreprises françaises, et qui a contribué à réduire de façon considérable leur compétitivité. Au début des années 80, l'industrie automobile française, c'était 10 % du marché mondial ; l'industrie automobile allemande, c'était 10 % du marché mondial. Aujourd'hui, l'industrie automobile française, c'est 5 % du marché mondial, alors que l'industrie allemande est toujours, grosso modo, à 10 % du marché mondial.
Et donc la compétition, elle n'est pas seulement avec l'Asie, avec des pays qui ont des systèmes sociaux et des niveaux de salaires bien différents des nôtres, elle est d'abord avec notre voisin allemand, elle est d'abord avec nos concurrents européens. Nous avons le devoir de donner à nos entreprises la compétitivité nécessaire pour qu'elles soient ensuite capables de se battre sur tous les marchés, y compris sur les marchés internationaux.
Nous allons réformer les collectivités territoriales, en simplifiant l'organisation du territoire dans notre pays. C'est une nécessité, tout le monde le reconnaît, même s'ils sont encore très nombreux ceux qui préfèreraient remettre à demain cette décision-là.
Mesdames et Messieurs, la réforme, c'est un état d'esprit. C'est un état d'esprit qui est fait de volonté, de décision et d'action. C'est cet état d'esprit qui nous a permis de tenir le choc face à la crise financière qui s'est abattue sur le monde, et d'une certaine façon plus sévèrement sur les pays européens. En 2009, la France est le pays européen qui aura le mieux résisté à la récession. Elle aura une récession qui sera deux fois moins élevée que celle de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de l'Italie, et nous espérons, en 2010, avoir l'un des meilleurs taux de croissance de la zone euro.
La reprise en Europe se dessine, elle reste fragile, et nous avons le devoir de tout faire pour la consolider. C'est la raison pour laquelle nous allons poursuivre notre remise en ordre des comptes publics, parce que, s'il est naturel de s'endetter pour résoudre la crise, pour répondre à la crise, il est absolument nécessaire de se désendetter si l'on veut créer les conditions d'une croissance stable et forte. Et puis nous allons investir dans les secteurs les plus prometteurs pour l'économie française de demain, comme nos prédécesseurs avaient investi dans l'aéronautique, dans le spatial, dans le train à grande Vitesse, ou dans le nucléaire, il y a 30 ou 40 ans, nous donnant aujourd'hui des succès dont nous sommes extrêmement fiers, mais qui sont d'abord dus à des décisions politiques qui ont été prises par le général de Gaulle, par Georges Pompidou, et qui ont marqué le démarrage d'une industrie française moderne dans ses secteurs de pointe.
Et puis enfin, et je voudrais en terminer par là, nous allons continuer notre effort pour refonder les organisations internationales, pour refonder la gouvernance mondiale.
Je pense que vous pouvez être fiers de constater tous les jours que c'est la France qui est en pointe dans le combat pour la moralisation du système financier. Si la France ne s'était pas battue pour qu'il y ait un sommet du G20 à Londres, puis un sommet du G20 à Pittsburgh, qui initient un processus qui va permettre de mettre un petit peu plus de sécurité, un petit peu plus d'éthique dans le système financier international, jamais ces réunions ne se seraient tenues.
C'est la France qui se bat aujourd'hui pour la disparition des paradis fiscaux ; c'est la France qui se bat aujourd'hui pour qu'il y ait un véritable accord à Copenhague qui soit un accord réel, un accord qui permette, non pas comme celui de Kyoto de prendre de grandes décisions sans effets, mais d'engager ensemble, de façon réaliste, juste, pragmatique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans tous les pays, qu'ils soient développés ou qu'ils ne le soient pas, et naturellement en aidant ceux qui ont besoin de l'être. C'est la France qui se bat aujourd'hui pour créer une organisation mondiale de l'environnement ; c'est la France qui se bat aujourd'hui pour que les pays émergents soient mieux représentés dans les instances internationales, que les pays émergents aient leur voix au Fonds monétaire international, que les pays émergents soient mieux représentés au Conseil de sécurité des Nations Unies, que le G8 soit remplacé par le G20. Enfin qu'on rentre dans le XXI siècle et que l'on sorte d'une organisation mondiale qui était totalement inspirée des évènements qui ont marqué la fin de la Seconde guerre mondiale et qui n'ont plus grand-chose à voir avec la réalité du monde d'aujourd'hui.
Voilà, vous le voyez, mes chers compatriotes, la France est en plein effort ; elle est en plein renouveau. Naturellement, il y a encore beaucoup de difficulté à surmonter. La crise financière qui s'est abattue sur nous n'est pas encore terminée. Nous avons une bataille à engager contre le chômage dans notre pays qui est extrêmement difficile. Mais je veux vous dire, pour terminer, que je crois que nous pouvons avoir confiance. Nous pouvons avons confiance dans notre pays parce qu'il a montré qu'il était finalement capable, comme les autres, d'accepter les réformes ; confiance dans les réformes qui nous permettrons de mieux anticiper les enjeux à venir, et puis enfin confiance dans la manière dont nos concitoyens, au Vietnam comme partout dans le monde, contribuent à notre rayonnement et font de la France un pays dont la voix est entendue. Vive la communauté française au Vietnam, vive la France.
Source http://www.gouvernement.fr, le 17 novembre 2009