Texte intégral
P. Lapousterle Ce matin exactement, J. Chirac a achevé sa sixième année à l'Elysée, c'est l'anniversaire de son élection. Il entame donc sa dernière année à l'Elysée.
- "Peut-être ..."
"Peut-être", vous avez raison. Vous qui avez soutenu la candidature de J. Chirac et qui avez été ministre du tout-premier Gouvernement Juppé, que pensez-vous du bilan ?
- "Bilan contrasté. Incontestablement, J. Chirac est encore un candidat formidable mais on ne peut pas ne pas avoir une certaine amertume quand on pense à toutes les chances qui ont été un peu gâchées. En 1995, j'avais senti au cours de cette campagne que j'avais faite avec J. Chirac un immense espoir, notamment chez les jeunes. Je me souviens de la formidable fête le soir même. Tout cela a été un peu perdu dans les sables de la gestion quotidienne. Ce que je souhaite, c'est que J. Chirac puisse retrouver l'enthousiasme des années 95 et qu'il puisse porter son message et cette fois le réaliser. Je suis conscient du fait qu'il reste dans l'électorat de droite une partie de déception dont il faudra tenir compte dans la future campagne présidentielle, si J. Chirac voulait solliciter un deuxième mandat."
Est-ce que ce bilan contrasté est suffisant pour justifier la volonté de se représenter qui apparemment est celle de J. Chirac ?
- "Oui, car je pense que le Président de la République a le sentiment du travail inachevé. Je crois qu'il porte en lui une grande partie du souffle dont a besoin la France. Ce qui frappe quand on regarde la politique française aujourd'hui, aussi bien à droite qu'à gauche, c'est qu'au fond les Français s'ennuient - ils regardent des émissions à la télévision et ils s'ennuient. Tout cela manque de souffle. La France a besoin de grandes réformes. Je ne sens pas le Premier ministre susceptible d'apporter aux Français la rénovation nécessaire et je souhaite que J. Chirac ou d'autres à droite ..."
Chirac ne l'a pas fait non plus...
- .".. soient enfin en mesure de donner aux Français les grandes réformes de modernisation dont on parle tant et qu'on ne fait jamais."
Vous allez soutenir la candidature de monsieur Madelin, président de votre mouvement ou bien celle de J. Chirac ?
- "On verra cela en fin d'année. Je crois que pour le moment, il faut que le débat d'idées s'élève. Il est plutôt terne pour le moment. Je crois vraiment à la nécessité d'un vrai débat qui pousse la France à se moderniser. Regardez ce qui se passe en Italie en ce moment : l'Italie est au fond une nation qui a réussi sa reconversion, mais les Italiens jugent que ce n'est pas suffisant."
Ils voteront dimanche prochain.
- "Ils vont sans doute pousser au pouvoir S. Berlusconi. Pourquoi ? Parce que S. Berlusconi est en train leur proposer la modernisation d'un système administratif et d'un Etat qui est obsolète. Je crois que, en dehors des critiques que font les Français sur les Italiens, il faudrait réfléchir. La France a besoin de vraies réformes."
A droite, vous avez subi des attaques et des moqueries devant vos difficultés à réaliser l'union, pensez-vous qu'à gauche la majorité plurielle va subir un sort difficile dans l'année qui vient ? Je parle de l'année prévue avant la présidentielle.
- "De toute évidence, il n'y a plus de majorité plurielle. La deuxième évidence, et c'est particulièrement frappant quand on est à l'Assemblée, c'est que le Gouvernement, depuis un an, n'est plus le Gouvernement d'il y a trois ans. Il y a trois ans, ce Gouvernement faisait des réformes - j'étais contre mais enfin au moins il y avait quelque chose -, on sentait une sorte d'empreinte politique que voulait mettre ce Gouvernement sur la France. Depuis, il n'y a plus rien, ce Gouvernement est ensablé. Il ne réussit plus rien, les textes qu'on appelle en langage parlementaire "les diverses dispositions" se multiplient. Il y a de tout : diverses dispositions sur la sécurité..."
Loi de modernisation sociale ...
- "Loi de modernisation. C'est un ensemble de petites mesures, comme si le Gouvernement, tétanisé devant l'élection présidentielle, n'osait plus avancer ni le bras droit ni le gauche, ce qui fait que la France n'est pas gouvernée, qu'il n'y a plus de majorité plurielle et qu'on a le sentiment d'une France profondément ensablée. Ce qui justifie, bien entendu, l'ouverture de la campagne présidentielle et je l'espère de véritables initiatives de la part des candidats de droite."
Faudrait-il raccourcir le temps qui nous sépare des élections, selon vous ?
- "Je pense que le Gouvernement ne durera pas comme cela pendant un an. Monsieur Jospin sera bien obligé de gouverner, ce qu'il ne fait pas."
Les langues régionales - vous vous êtes intéressé depuis toujours aux affaires d'éducation nationales - approuvez-vous le projet de J. Lang ou bien les critiques qui ont été adressées par le Conseil de l'éducation nationale ?
- "Je pense que le moment n'est peut-être pas venu parce que J. Lang arrive au moment du débat sur la Corse Or, ce débat a donné le sentiment aux Français qu'on voulait imposer la langue corse qui est une langue régionale. Mais sur le fond, je trouve que la plupart des commentateurs sont trop durs à l'égard de l'initiative de J. Lang - je suis souvent dur à son égard aussi. Je suis assez favorable et même favorable à l'enseignement des langues régionales dans les écoles, à condition que les gens le souhaitent, parce que les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel - je dis peut-être cela parce que je suis breton. On ne doit pas le laisser mourir. De plus, je suis plutôt favorable à l'addition des apprentissages linguistiques. On apprend le français, l'anglais, les langues régionales ; je souhaite que les Français parlent 15 langues dans quelques années, comme cela se fait dans un certain nombre de pays."
Sur la Corse : on voit que le RPR bouge. Le secrétaire général du RPR a dit que, au vu des derniers événements, il se pourrait que le RPR vote le
projet ?
- "Oui, peut-être, mais la déclaration qui a été faite est plus ambiguë. Nous nous réunissons très fréquemment sur le sujet corse, on le fait en catimini, mais on le fait sérieusement. C'est un sujet qui nous interpelle. Ce qui me gêne beaucoup dans ce projet, c'est qu'on nous demande en réalité de légiférer pour 2004. Je n'aime pas trop légiférer pour 2004 ! On légifère tout de suite ou on ne légifère pas. Cette méthode, qui est très Jospin, de considérer qu'il faut jeter des coups de pied en touche pour régler un problème qui est un problème brûlant, ne me paraît pas une bonne politique. Là encore, c'est l'ensablement."
Général Aussasseres : que faut-il faire ? On a l'impression qu'il faut faire quelque chose ?
- "Oui, je crois qu'il faut faire quelque chose, non pas pour le général Aussaresses - on a tout dit sur ce personnage - mais il faut faire quelque chose pour éclaircir le contentieux historique entre la France et l'Algérie. Je souhaite que l'Algérie fasse un geste aussi car monsieur Bouteflika doit aussi éclairer l'opinion sur ce qui s'est passé du côté du FLN."
Est-ce le travail à Bouteflika, est-ce son devoir ?
- "Je crois que c'est son devoir. La France et l'Algérie ont un passé commun et un avenir commun sans doute. Je crois qu'il faut qu'il y ait désormais des historiens algériens et français qui disposent des archives algériennes et des archives françaises - on ne les a toujours pas - ; qu'ils puissent sereinement éclairer les Français, les Algériens, ceux qui sont en France aussi - je pense au climat qu'a suscité sans doute dans les banlieues les propos du général Aussaresses. Tout cela doit être apuré dans la sérénité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 mai 2001)
- "Peut-être ..."
"Peut-être", vous avez raison. Vous qui avez soutenu la candidature de J. Chirac et qui avez été ministre du tout-premier Gouvernement Juppé, que pensez-vous du bilan ?
- "Bilan contrasté. Incontestablement, J. Chirac est encore un candidat formidable mais on ne peut pas ne pas avoir une certaine amertume quand on pense à toutes les chances qui ont été un peu gâchées. En 1995, j'avais senti au cours de cette campagne que j'avais faite avec J. Chirac un immense espoir, notamment chez les jeunes. Je me souviens de la formidable fête le soir même. Tout cela a été un peu perdu dans les sables de la gestion quotidienne. Ce que je souhaite, c'est que J. Chirac puisse retrouver l'enthousiasme des années 95 et qu'il puisse porter son message et cette fois le réaliser. Je suis conscient du fait qu'il reste dans l'électorat de droite une partie de déception dont il faudra tenir compte dans la future campagne présidentielle, si J. Chirac voulait solliciter un deuxième mandat."
Est-ce que ce bilan contrasté est suffisant pour justifier la volonté de se représenter qui apparemment est celle de J. Chirac ?
- "Oui, car je pense que le Président de la République a le sentiment du travail inachevé. Je crois qu'il porte en lui une grande partie du souffle dont a besoin la France. Ce qui frappe quand on regarde la politique française aujourd'hui, aussi bien à droite qu'à gauche, c'est qu'au fond les Français s'ennuient - ils regardent des émissions à la télévision et ils s'ennuient. Tout cela manque de souffle. La France a besoin de grandes réformes. Je ne sens pas le Premier ministre susceptible d'apporter aux Français la rénovation nécessaire et je souhaite que J. Chirac ou d'autres à droite ..."
Chirac ne l'a pas fait non plus...
- .".. soient enfin en mesure de donner aux Français les grandes réformes de modernisation dont on parle tant et qu'on ne fait jamais."
Vous allez soutenir la candidature de monsieur Madelin, président de votre mouvement ou bien celle de J. Chirac ?
- "On verra cela en fin d'année. Je crois que pour le moment, il faut que le débat d'idées s'élève. Il est plutôt terne pour le moment. Je crois vraiment à la nécessité d'un vrai débat qui pousse la France à se moderniser. Regardez ce qui se passe en Italie en ce moment : l'Italie est au fond une nation qui a réussi sa reconversion, mais les Italiens jugent que ce n'est pas suffisant."
Ils voteront dimanche prochain.
- "Ils vont sans doute pousser au pouvoir S. Berlusconi. Pourquoi ? Parce que S. Berlusconi est en train leur proposer la modernisation d'un système administratif et d'un Etat qui est obsolète. Je crois que, en dehors des critiques que font les Français sur les Italiens, il faudrait réfléchir. La France a besoin de vraies réformes."
A droite, vous avez subi des attaques et des moqueries devant vos difficultés à réaliser l'union, pensez-vous qu'à gauche la majorité plurielle va subir un sort difficile dans l'année qui vient ? Je parle de l'année prévue avant la présidentielle.
- "De toute évidence, il n'y a plus de majorité plurielle. La deuxième évidence, et c'est particulièrement frappant quand on est à l'Assemblée, c'est que le Gouvernement, depuis un an, n'est plus le Gouvernement d'il y a trois ans. Il y a trois ans, ce Gouvernement faisait des réformes - j'étais contre mais enfin au moins il y avait quelque chose -, on sentait une sorte d'empreinte politique que voulait mettre ce Gouvernement sur la France. Depuis, il n'y a plus rien, ce Gouvernement est ensablé. Il ne réussit plus rien, les textes qu'on appelle en langage parlementaire "les diverses dispositions" se multiplient. Il y a de tout : diverses dispositions sur la sécurité..."
Loi de modernisation sociale ...
- "Loi de modernisation. C'est un ensemble de petites mesures, comme si le Gouvernement, tétanisé devant l'élection présidentielle, n'osait plus avancer ni le bras droit ni le gauche, ce qui fait que la France n'est pas gouvernée, qu'il n'y a plus de majorité plurielle et qu'on a le sentiment d'une France profondément ensablée. Ce qui justifie, bien entendu, l'ouverture de la campagne présidentielle et je l'espère de véritables initiatives de la part des candidats de droite."
Faudrait-il raccourcir le temps qui nous sépare des élections, selon vous ?
- "Je pense que le Gouvernement ne durera pas comme cela pendant un an. Monsieur Jospin sera bien obligé de gouverner, ce qu'il ne fait pas."
Les langues régionales - vous vous êtes intéressé depuis toujours aux affaires d'éducation nationales - approuvez-vous le projet de J. Lang ou bien les critiques qui ont été adressées par le Conseil de l'éducation nationale ?
- "Je pense que le moment n'est peut-être pas venu parce que J. Lang arrive au moment du débat sur la Corse Or, ce débat a donné le sentiment aux Français qu'on voulait imposer la langue corse qui est une langue régionale. Mais sur le fond, je trouve que la plupart des commentateurs sont trop durs à l'égard de l'initiative de J. Lang - je suis souvent dur à son égard aussi. Je suis assez favorable et même favorable à l'enseignement des langues régionales dans les écoles, à condition que les gens le souhaitent, parce que les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel - je dis peut-être cela parce que je suis breton. On ne doit pas le laisser mourir. De plus, je suis plutôt favorable à l'addition des apprentissages linguistiques. On apprend le français, l'anglais, les langues régionales ; je souhaite que les Français parlent 15 langues dans quelques années, comme cela se fait dans un certain nombre de pays."
Sur la Corse : on voit que le RPR bouge. Le secrétaire général du RPR a dit que, au vu des derniers événements, il se pourrait que le RPR vote le
projet ?
- "Oui, peut-être, mais la déclaration qui a été faite est plus ambiguë. Nous nous réunissons très fréquemment sur le sujet corse, on le fait en catimini, mais on le fait sérieusement. C'est un sujet qui nous interpelle. Ce qui me gêne beaucoup dans ce projet, c'est qu'on nous demande en réalité de légiférer pour 2004. Je n'aime pas trop légiférer pour 2004 ! On légifère tout de suite ou on ne légifère pas. Cette méthode, qui est très Jospin, de considérer qu'il faut jeter des coups de pied en touche pour régler un problème qui est un problème brûlant, ne me paraît pas une bonne politique. Là encore, c'est l'ensablement."
Général Aussasseres : que faut-il faire ? On a l'impression qu'il faut faire quelque chose ?
- "Oui, je crois qu'il faut faire quelque chose, non pas pour le général Aussaresses - on a tout dit sur ce personnage - mais il faut faire quelque chose pour éclaircir le contentieux historique entre la France et l'Algérie. Je souhaite que l'Algérie fasse un geste aussi car monsieur Bouteflika doit aussi éclairer l'opinion sur ce qui s'est passé du côté du FLN."
Est-ce le travail à Bouteflika, est-ce son devoir ?
- "Je crois que c'est son devoir. La France et l'Algérie ont un passé commun et un avenir commun sans doute. Je crois qu'il faut qu'il y ait désormais des historiens algériens et français qui disposent des archives algériennes et des archives françaises - on ne les a toujours pas - ; qu'ils puissent sereinement éclairer les Français, les Algériens, ceux qui sont en France aussi - je pense au climat qu'a suscité sans doute dans les banlieues les propos du général Aussaresses. Tout cela doit être apuré dans la sérénité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 mai 2001)