Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, à La Chaîne Info le 1er décembre 2009, sur l'accord salarial dans la restauration, le plan de relance, le vote des Suisses contre la construction de minarets, la vaccination contre la grippe et la lutte contre le sida.

Prononcé le 1er décembre 2009

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Trois syndicats sur cinq, les principaux, rejettent tout accord salarial dans la restauration. Le Gouvernement fera-t-il une loi ?
 
On ne peut que regretter qu'il n'y ait pas un accord majoritaire sur la question des salaires dans la restauration. Vous savez que si nous avons souhaité baisser la TVA dans la restauration à 5,5 %, c'est pour obtenir des contreparties. Des contreparties sur les prix ; on a fait la moitié du chemin sur les prix, et c'est insuffisant. Sur l'emploi ; je pense qu'on a évité un certain nombre de fermetures de restaurants grâce à la TVA à 5,5 depuis six mois. Et puis enfin, c'est pour qu'il y ait un accord sur les salaires. Donc, il y a eu cette nuit un accord minoritaire, seulement deux syndicats ont accepté de signer...
 
Que faites-vous ?
 
Je crois qu'il faut aller plus loin, je crois que la messe n'est pas dite à mon sens, et les négociations, les discussions vont pouvoir continuer...
 
Il y a un ultimatum, aujourd'hui, vous donnez un sursis ?
 
C'est à H. Novelli de le décider, mais j'ai cru comprendre que la discussion n'était pas complètement close, et vous savez que le 15 décembre prochain, H. Novelli réunira le comité de suivi de toutes les contreparties de la baisse de la TVA à 5,5.
 
Pas grand-chose sur les prix, presque rien sur les salaires, 3 milliards de cadeau fiscal, c'était un marché de dupes cette baisse !
 
Ca n'est pas un cadeau fiscal, c'est la volonté que l'on rende la restauration plus attractive parce que c'est un réservoir d'emplois et d'activités économiques importants dans notre pays.
 
Elle est encore plus rentable pour les restaurateurs...
 
Oui, mais c'est un métier qui a des besoins d'investissements, de rénovation, pour garder sa compétitivité. Donc nous avons baissé la TVA dans cet état d'esprit, encore faut-il que les accords soient tenus et le Gouvernement y veillera.
 
Le Président détaille aujourd'hui le bilan et la suite du plan de relance. C'est vers la rigueur, vers la lutte contre les déficits que nous nous dirigeons ?
 
D'abord, un an après il faut rappeler le succès du plan de relance. Souvenez-vous, nous étions au début de la crise, N. Sarkozy le premier a perçu l'ampleur de cette crise sans précédent. Et la France, la première, a décidé d'un plan de relance basé sur l'investissement. Dieu sait si nous avons été critiqués à l'époque. Souvenez-vous, les socialistes voulaient que l'on augmente, l'on prenne des mesures en faveur de la consommation des ménages, qu'on baisse la TVA. La vérité c'est qu'un an après, la consommation ne s'est jamais aussi bien portée, on n'a pas eu besoin de baisser la TVA, et que le plan de relance par l'investissement est un succès. J'étais hier avec P. Devedjian pour inaugurer en région parisienne, en Ile-de-France, une école numérique rurale. Voilà un exemple, le numérique à l'école, d'avancée qui est liée à la relance par l'investissement.
 
Mais les déficits sont là, il va falloir...
 
Les déficits sont là, nous savions face à la crise que nous avions une période difficile à passer. En même temps, les pays européens ont fait le choix de miser, d'investir, de croire en l'investissement pour inverser la tendance, et d'ailleurs ça marche plutôt bien en France puisque dans un contexte de dépression totale, moins 4 % sur la zone euro, on devrait finir en France aux alentours de moins 2 %. Donc, nous amortissons plutôt mieux le choc qu'ailleurs, il y a des déficits, et d'ailleurs nous allons nous y atteler, le président de la République a proposé qu'il y ait une conférence globale sur les déficits, mais avec l'ensemble de ceux qui y contribuent, pas uniquement l'Etat, les collectivités locales et les acteurs de la santé publique.
 
Est-ce qu'on en saura plus aujourd'hui sur les choix du Président en matière de grand emprunt ?
 
Nous verrons tout à l'heure, le Président aura l'occasion de s'exprimer, il a reçu les préconisations de la commission Rocard-Juppé. Notre objectif c'est d'utiliser cet emprunt pour investir dans des secteurs qu'on appelle "à fort effet de levier", c'est-à-dire, dont on sait que ils vont générer de la croissance, de l'activité économique et de l'emploi ; quand on sait que ce sont des secteurs la France est compétitive.
 
"Investissement", disiez-vous. C. Estrosi propose une prime à la casse sur les machines-outils pour remplacer le parc de machines-outils. C'est une bonne idée ?
 
D'abord, c'est C. Estrosi qui est en charge de l'Industrie, ce n'est plus moi, donc c'est à lui faire ses propositions...
 
Vous connaissez bien...
 
Oui, je connais bien ces questions...
 
Ca serait bien de nouvelles machines ?
 
...je connais bien ces questions. La prime à la casse sur les véhicules automobiles a fait ses preuves, elle a montré qu'elle avait un réel impact, elle nous a permis de sauver l'industrie automobile, je le rappelle. Le plan, le pacte automobile nous a permis en France de sauver nos deux constructeurs automobiles. Faut-il aller plus loin ? Ce sera au Premier ministre et au Président d'arbitrer.
 
La polémique sur les minarets dans la construction est désormais interdite en Suisse, a gagné la France. L'UMP dit : on peut avoir des lieux de prière, il n'est pas sûr que les minarets soient nécessaires. Que dit le Gouvernement ?
 
Ma position c'est que, je ne crois pas que ce débat soit d'actualité en France.
 
Attendez ! Il y a des mosquées qui se construisent, à Strasbourg il y aura un minaret...
 
Oui, sauf que nous avons une Constitution qui prévoit un certain nombre de choses, la Constitution prévoit que nous sommes dans un pays laïc, mais la Constitution prévoit aussi l'expression du droit de culte et de la liberté religieuse.
 
Il y le droit des communes aussi.
 
Oui et ensuite, je suis moi-même maire...
 
A Chaumont, il y aura une mosquée, vous autoriseriez un minaret, vous feriez un référendum ?
 
À Chaumont, je travaille avec les communautés musulmanes - parce qu'il y a plusieurs communautés - pour un lieu de culte unique, et je pense que c'est important que les maires soient les interlocuteurs de ces communautés.
 
Un minaret ça vous gênerait ? Le débat ne dépend pas... à Chaumont, il n'est pas question d'un minaret, premièrement. Deuxièmement, c'est aux autorités locales d'en décider. Et tout ça se passe dans une Constitution, dans une République qui a fait le choix d'être laïque mais en même temps de respecter le culte de chacun. Donc nous ne sommes pas du tout dans la situation suisse.
 
C'est différent de critiquer la burqa dans notre pays et alors...
 
Oui, parce que la burqa, il y a une vraie symbolique sur la représentation de la femme et la liberté des femmes. Lorsque la burqa, et c'est souvent le cas malheureusement, est subie, il y a plus que l'expression religieuse, il y a l'atteinte à la liberté féminine, l'atteinte à la liberté d'expression. Donc, c'est un vrai sujet, c'est l'objet de la mission parlementaire qui a été créée au Parlement.
 
Réunion aujourd'hui à Matignon sur la grippe A. Va-t-on passer au niveau 6 d'alerte, avec quelles mesures de restriction sur les transports, les spectacles ?
 
Ce qu'il faut bien comprendre c'est que, d'abord le Gouvernement se réunit chaque semaine depuis le mois de mai sur la question de la grippe A. Pendant très longtemps, on nous a expliqués : "le Gouvernement en fait trop ; il a inventé une pandémie pour détourner le débat des vrais sujets". Aujourd'hui, on est presque en train de nous expliquer qu'on n'en a pas fait assez. Donc, la réalité c'est que le Gouvernement adapte sa riposte à la propagation de l'épidémie.
 
Pas de 6 ?
 
C'est à R. Bachelot de le décider, aux autorit??s sanitaires. Elle avait indiqué encore récemment pourquoi elle souhaitait rester au stade 5, non pas aller au stade 6. Ce que le Gouvernement souhaite c'est que, dans des délais très courts, nous puissions améliorer l'accueil dans les centres de vaccination.
 
Il y a une solution simple : les mono doses sont arrivées, autorisez les médecins de villes à vacciner dans les cabinets.
 
Les mono doses ne sont pas encore en nombre suffisant, je rappelle qu'il y a 55.000 médecins de ville, et donc pour des raisons sûrement logistiques, répartir les doses en matière suffisante chez chacun des médecins libéraux, nous ne pouvons pas l'organiser sur l'ensemble du territoire. Donc, c'est le choix d'une vaccination dans des centres qui a été effectué, encore faut-il que ces centres soient bien ouverts, toute la journée, de 8 heures à 20 heures, sept jours sur sept, c'est la volonté du président de la République et nous nous réunissons autour du Premier ministre à 12h30 pour mettre en oeuvre ces mesures.
 
C'est la Journée mondiale de lutte contre le sida, comment sensibiliser les jeunes au risque qui demeure ?
 
D'abord, en rappelant que le sida ça n'est pas réglé. En France, il y a 7.000 nouvelles victimes du sida chaque année. Dans le monde, il y a chaque jour 7.000 personnes contaminées, donc on n'a pas trouvé toutes les solutions contre le sida. Donc il faut sensibiliser les jeunes. Au lycée, par exemple, nous avons généralisé la présence de distributeurs de préservatifs dans les lycées, et puis dans une heure, je serai avec le Comité régional d'information de lutte pour le sida d'Ile-de-France, et le Sidaction pour lancer une campagne qui s'appelle "HIV, pocket film", qui est un concours de vidéos sur téléphone potable, auprès des jeunes pour la lutte contre le sida.
 
Résultats, en juin 2010.
 
Absolument.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er décembre 2009