Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à La Chaîne Info le 26 novembre 2009, sur la participation d'étudiants en médecine à la campagne de vaccination contre la grippe A, la polémique sur la répartition des dons entre le Téléthon et le Sidaction et les élections régionales 2010.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- V. Pécresse, bonjour.
 
Bonjour.
 
Bousculades dans les centres vaccination contre la grippe A. Allezvous enfin, comme ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, débloquer les effectifs d'étudiants en médecine pour aider à vacciner ?
 
Je vais proposer effectivement aux présidents d'université et aux doyens des facultés de médecine d'aménager les horaires des étudiants en médecine de façon à ce qu'ils puissent être plus nombreux pour aider dans les centres de vaccination et pour permettre effectivement d'augmenter l'amplitude d'ouverture des centres.
 
Ils seront rémunérés ces étudiants ?
 
Non, ce sont des réquisitions, c'est le principe de la réquisition, mais ils sont étudiants en médecine, ils ont une mission de service publique à accomplir, et j'allais dire, c'est un bon test pour eux, une bonne expérience professionnelle que de voir la gestion d'une crise sanitaire.
 
Vous ne craignez pas que les Français se disent : "je ne veux pas être vacciné par un étudiant, je ne suis pas sûr qu'il soit bien formé" ?
 
Mais vous savez, les étudiants en médecine sont aujourd'hui des étudiants qui ont plusieurs années de formation ; ils ont quatre, cinq ans de formation, donc plus de formation qu'une infirmière par exemple diplômée.
 
Le ministère a mal organisé cette vaccination pour être débordé comme ça ?
 
Non, je crois que c'est une situation qui est un peu nouvelle, donc on apprend au fur et à mesure à gérer la situation. Il faut dire qu'il y a quelques semaines, il n'y avait personne dans les centres, et que aujourd'hui les gens prennent conscience que la vaccination protège et qu'elle ne vous protège pas individuellement seulement, que la vaccination est aussi altruiste, elle protège votre entourage, elle protège tous les autres. Donc c'est une prise de conscience qui nécessite aujourd'hui qu'on mette les moyens, parce qu'il y a eu un effet retard de la vaccination.
 
La polémique se poursuit entre P. Bergé et le Téléthon ; vous avez évoqué à l'Assemblée nationale une mutualisation des dons. Vous souhaitez une sorte de grand pot commun, et puis après l'Etat distribuera aux causes les plus intéressantes ?
 
Je crois que les Français donnent avec leur coeur, et ils donnent à la cause qui les touche. Donc, je ne suis pas favorable à ce qu'on mutualise toutes les causes dans une grande opération Téléthon qui serait pour tout le monde, parce que j'ai la crainte que du coup, ça mobilise moins de dons, et que ça tarisse les dons individuels. Je préfère que les Français sachent où va leur argent, qu'ils donnent vraiment à la cause qui les mobilise, que ce soit le cancer, le sida, les maladies orphelines. En revanche, là où je m'engage, c'est que je dis que les recherches qui sont faites, y compris en matière des maladies orphelines, en matière de génétique, sont des recherches dont nous allons tirer tous les bénéfices pour le reste des autres pathologies. Par exemple, quand on cherche sur la génétique avec les dons du Téléthon, on peut arriver à la découverte du Professeur Peschanski, c'est-à-dire, à reconstituer de la peau, et c'est-à-dire, à faire des travaux qui vont servir pour les grands brûlés. Et moi en tant que ministre de la Recherche je m'engage à ce que ces recherches puissent ensuite se poursuivre pour bénéficier à d'autres pathologies.
 
Y a-t-il trop d'argent placé par le Téléthon plutôt qu'investi directement dans la recherche ?
 
Je crois que toutes les associations d'une manière générale ont intérêt à faire la transparence absolue de leurs actions, comme ça les Français qui donnent sauront exactement où sont investis les dons. En ce qui concerne l'Association française contre les myopathies, l'association finance des projets de très grande envergure en matière de recherche génétique et ces projets sont des projets très solides et des projets d'excellence.
 
Vous créez (...) de la recherche pour rapprocher le privé et le public. En gros, les industriels vont pouvoir piller les laboratoires payés par les contribuables ?
 
Non, aujourd'hui il y a encore un certain nombre de Murs de Berlin qu'il faut casser en France. Et un de ces Murs de Berlin, c'est le cloisonnement qui existe entre la recherche privée et la recherche publique. Nous avons une recherche publique d'une extraordinaire qualité, avec des Prix Nobel, mais nous ne déposons pas suffisamment de brevets et, j'allais dire, pire encore, nous n'avons pas assez d'innovations dans nos entreprises. Alors il faut casser ce Mur de Berlin, et pour le casser, il faut des lieux de rencontre, des lieux de rencontres entre la recherche privée et la recherche publique pour qu'ils puissent travailler ensemble, se parler, se connaître, et avancer ensemble.
 
L'UMP arrêtera samedi ses têtes de listes départementales presque partout pour les régionales. Bisbilles en Ile-de-France, chez vous, en Seine-Saint-Denis. Qui soutenez-vous parmi les trois candidats, les trois prétendants : E. Raoult, P. Dallier ou P. Toulmet ?
 
Il y a trois candidatures de très grande qualité en Seine-Saint-Denis, deux élus j'allais dire reconnus, le sénateur-maire de Pavillons-sous- Bois, P. Dallier, le député-maire du Raincy, E. Raoult, mais ils sont déjà en situation de cumul des mandats. C'est pour cela que j'ai fait une proposition un peu plus audacieuse à la commission d'investiture, un peu plus nouvelle, une personnalité d'ouverture, le président de la Chambre des métiers de Seine-Saint-Denis, qui a créé un campus des métiers pour les jeunes en situation de chômage en Seine-Saint-Denis, pour 2.000 jeunes, à Bobigny, et qui en plus est lui-même en situation de handicap, et je crois que ce serait un signe très fort de la part de l'UMP de choisir un tête de liste en situation de handicap.
 
C'est l'UMP qui choisit, c'est vous, c'est N. Sarkozy ?
 
Je fais des propositions à la commission d'investitures, qui est souveraine évidemment pour décider des investitures pour toute la France. C'est à elle de vérifier que nous respectons nos accords avec le Nouveau Centre, avec tous les alliés de la majorité. Mais c'est aussi à elle de vérifier que la parité est respectée et que la diversité est prise en compte. Mais j'essaye de lui faire les propositions les plus audacieuses et celles qui parlent au coeur des Franciliens.
 
Vous en avez parlé au président de la République de ce chois de P. Toulmet ?
 
Bien sûr, je parle toujours de mes choix avec le président de la République.
 
J.-L. Romero, sortant UMP, candidat sur la liste PS à Paris, vous confirmez ?
 
J.-L. Romero a fait un cheminement politique depuis qu'il a été élu, puisqu'il a quitté le groupe UMP, il a ensuite été, je crois, au groupe MoDem, et puis maintenant il est au groupe Radical de gauche. Donc il a fait un chemin vers la gauche qui l'a rapproché de J.-P. Huchon.
 
Vous vous désolez de l'éviction de J. Dray, la tête de liste PS en Essonne, pour cause d'ennuis judiciaires. Vous rappelez les ennuis judiciaires de J.-P. Huchon. Etes-vous une candidate des coups bas ?
 
Non, pas du tout. Je crois qu'il y a un principe qui est fondamental dans la République française, qui est celui de la présomption d'innocence. Et ce principe ne peut pas être bafoué, y compris dans une élection régionale.
 
La Cour des Comptes rejette le "Métrophérique", qui est au coeur du Grand Paris. Faut-il renoncer à ce projet ?
 
Ce que je crois, c'est qu'il y a aujourd'hui un projet qui est une révolution des transports, et ce projet c'est le Grand Paris. C'est une révolution des transports parce que, enfin on va construire une toile d'araignée des transports à partir d'une grande double boucle qui reliera la banlieue à la banlieue, et à l'intérieur de cette double boucle, toutes les lignes qui permettent de relier, j'allais dire tous les points de l'Ile-de-France qui ne le sont pas...
 
C'est cher !
 
Ca fait 35 milliards d'euros...
 
C'est l'Etat qui doit payer ?
 
L'Etat a pris l'engagement de s'investir aux côtés des acteurs classiques, la région, qui n'arrive malheureusement pas à sortir les projets de transports dans des délais raisonnables.
 
Le texte de loi Grand Paris est en procédure d'urgence au Parlement. Ne faudrait-il pas se donner du temps, le sortir de l'urgence ? Accoyer, Copé, Larcher le réclament ?
 
Je ne suis pas favorable à ce qu'il y ait l'urgence sur le texte du Grand Paris. Je pense que ce texte est un texte qui mérite qu'on l'enrichisse, qu'on y réfléchisse, qu'on en parle, qu'on en débatte, et c'est... D'ailleurs le texte qui à l'Assemblée n'est qu'une toute petite partie de ce projet magnifique du Grand Paris, dont je voudrais que la région soit le moteur.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 novembre 2009