Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "RMC" le 3 décembre 2009, sur la politique de l'emploi, le nombre de chômeurs, les difficultés du pôle emploi.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Bonjour.

Merci d'être là. Qu'avez-vous fait des CV récoltés avec R. Yade, avant-hier soir ?

Juste pour expliquer. Donc j'étais à un Forum pour l'emploi des jeunes, qui était organisé par Rama à Colombes. Et c'était pour moi très intéressant, parce que là, pour le coup, c'était la confrontation ; nous on a fait des outils au niveau national, comment ça tourne sur le terrain. Il y en a deux notamment qui m'ont marqués. C'est une jeune fille qui avait fait un master 5 en commerce, et qui me disait : moi, quand il y a marqué "Colombes" sur mon CV - elle était noire - je n'ai pas de place, je n'y arrive pas. Le deuxième exemple qui était très intéressant, c'était un jeune qui travaillait dans l'automobile, et qui cherchait une formation. Et il me disait : normalement, je croyais que vous aviez mis en place des outils de formation, et moi, j'ai du mal à avoir un financement. Et puis le troisième, à l'inverse, c'était quelqu'un pour qui ça avait bien marché, qui me disait : je n'avais pas mon permis de conduire, ça m'empêchait d'arriver à trouver un emploi. Là, pour le coup, Pôle Emploi a pu répondre, j'ai eu un financement permis de conduire et j'ai trouvé mon job.

Et alors qu'allez-vous faire de ces CV ?

D'abord, un, je vais m'occuper de ces CV, chacun les uns après les autres.

Les uns après les autres ?

Oui, c'est normal. Mais surtout, ce que je vais essayer de faire, ce n'est pas seulement de m'occuper des CV individuels, c'est de voir derrière, les conséquences qu'il faut que j'en tire au niveau national. Et ça, j'essaie de le faire depuis un an, c'est-à-dire il y a des mesures qu'on prend et au fur et à mesure, toujours corriger le tir, pour voir comment les améliorer.

Est-ce que vous avez les chiffres du chômage, chiffre du Bureau International du Travail, indicateur sur le marché du travail, sur les chiffres du 3ème trimestre 2009, concernant la France ?

Alors c'est des chiffres qu'on vient d'avoir...

Oui à l'instant.

Donc je les livre à l'instant. Ils montrent que la France a arrêté sur le 3ème trimestre la progression du chômage.

C'est-à-dire ?

On était à 9,1 %, au 3ème trimestre, on a arrêté la hausse du chômage, et on est toujours à 9,1 %.

9,1 % c'est le chiffre ?

Oui ! Alors c'est un résultat qui est important, parce que vous le savez, on a eu des inquiétudes au mois d'octobre. Ce résultat il est important, d'abord parce qu'il est sur plusieurs mois, à la différence de celui qu'on avait sur le mois d'octobre. Donc il a plus de sens. Ensuite, vous l'avez dit, c'est un chiffre qui est du BIT, avec les critères du BIT et qui donc est incontestable, tiré d'une comparaison internationale, tous les pays sont sur la même ligne. Et il montre clairement que la France fait partie des pays qui ont le mieux amorti le choc, de la crise sur le front de l'emploi. Mais pour autant, je veux être clair, il n'y a aucune place pour le triomphalisme. Dans cette période, avec les difficultés qu'ont les gens sur le terrain, il n'y a pas de place pour le triomphalisme. Mais en même temps, il envoie aussi un message : il confirme qu'on a fait les bons choix, et que surtout on doit rester mobilisé. Notre objectif dans cette période : garder le sang froid, tenir le cap et faire tourner à plein tous les outils de politique de l'emploi qu'on a.

Les autres chiffres dans les autres pays d'Europe, l'Allemagne, par exemple, vous avez les autres chiffres ?

Il y a trois pays, je ne l'ai pas tous là, parce qu'ils viennent de tomber. Mais il y a trois pays qui clairement s'en sortent mieux. Il y a surtout l'Allemagne et la France, ainsi que l'Italie à un moindre niveau.

Et puis il y a des pays qui s'en sortent très bien, comme les Pays- Bas, qui sont à 4 % de chômage, de taux de chômage, par exemple ?

Et à l'inverse, il y a des pays qui s'en sortent très mal.

...très mal comme l'Espagne.

L'Espagne qui a augmenté de 50 %, le Royaume-Uni qui a augmenté de 100 %. Pardon l'Espagne 100 %, le Royaume-Uni 50 %, les Etats-Unis plus de 100 %. Donc, la France fait vraiment partie des pays qui ont le mieux amorti le choc, et pour autant on doit continuer. Et notamment, ce qui est une de mes tâches, c'est de faire en sorte que dans chaque secteur de la politique gouvernementale, on mette un logiciel emploi. Que chez Estrosi à l'industrie, il y ait un logiciel emploi. Qu'avec J.-L. Borloo, on travaille sur le développement des emplois verts. Que chez Darcos, on travaille sur ce que j'appelle les "emplois gris", liés au vieillissement. Mais ce chiffre-là est vraiment important pour nous. Parce que même s'il ne laisse pas de place au triomphalisme, il montre qu'on ne doit pas se décourager. Ce qu'on fait a un sens, on peut arriver à amortir le choc de la crise, on ne doit pas baisser les bras.

Il y a combien de chômeurs en France ?

Parce qu'on donne des chiffres, on dit 3 millions de chômeurs, en fait, il y en a 5 millions, si on compte ceux qui ont un peu travaillé, on peut les compter comme chômeurs ? Franchement ! L. Wauquiez, ceux qui ont un peu travaillé dans le mois, qui ont travaillé quelques heures dans le mois ne sont plus comptabilisés comme chômeurs, ça fait quoi ? 5 millions à peu près aujourd'hui ?

Il y a une catégorie qui est utilisée depuis tout le temps, qui est ce qu'on appelle la catégorie A, c'est-à-dire c'est des gens qui cherchent, soit un CDI, soit un CDD, soit une activité à temps partiel, et qui eux-mêmes travaillent moins qu'un mi-temps.

Mais il ne faut pas avoir peur des chiffres, on est bien d'accord ?

Je n'ai pas des chiffres là-dessus.

Je sais.

Et surtout, il y a une chose, enfin dès le début et plusieurs fois je l'ai dit à ce micro, on a une situation qui est très dure, ce choc qu'on vit c'est deux fois plus grave que le choc pétrolier. Donc bien sûr qu'on a des chiffres qui sont très difficiles. Et puis surtout, comme vous y avez fait référence au temps, ce n'est pas que des chiffres, surtout des réalités que des gens vivent.

Bien sûr ! Alors il faut des mesures plus offensives sur l'emploi, lesquelles ? C'est ce que vous avez dit au Monde ?

Qu'est-ce que j'ai voulu dire par-là ? Notre travail, c'est faire tourner à plein régime tous les outils qu'on a conçus pour la politique de l'emploi. C'est quoi ces outils ? Zéro charge, c'est un outil offensif, essayer de faire en sorte qu'il y ait des embauches dans les petites entreprises. Une petite entreprise qui embauche, zéro charge.

Mais vous dites des mesures plus offensives ?

Oui ! Parce que quel est mon raisonnement ? Le raisonnement, c'est que dans le même temps où il faut qu'on évite aux gens d'être licenciés, dans le même temps, on doit essayer d'aller chercher les embauches. C'est des mesures qu'on a mises en place, par exemple le développement des emplois verts auxquels je faisais allusion. Là je sais qu'il y a des emplois à gagner, c'est tout le secteur de la croissance verte...

Mais alors, vous allez aider les entreprises qui veulent embaucher. Encore aider les entreprises qui veulent embaucher ?

Pas forcément, c'est un travail qu'on a enclenché avec les équipes de J.- L. Borloo et de V. Létard. Le but, c'est d'identifier quels sont les emplois de demain, dans le secteur des emplois verts ? Et d'aider des gens qui ont perdu leur emploi à se former pour pouvoir prendre ces emplois. Exemple simple : j'ai chez moi, en ce moment, un secteur qui est dans des situations très difficiles, qui est celui de la métallurgie. C'est des gens, qui souvent ensuite, qui ont un vrai savoir-faire, qui peuvent basculer, si on les forme, dans le secteur du développement durable. Apprendre à monter des panneaux photovoltaïques, apprendre à faire de la géothermie. Donc le but c'est de faire en sorte qu'on ne perde aucun emploi. Quand un employeur met un emploi sur la table, s'il n'y a pas tout de suite quelqu'un qui le prend, ça veut dire qu'il faut qu'on mette des formations pour reconvertir des gens. C'est ça que j'entends par des outils offensifs ?

Bien ! L. Wauquiez, je regardais le dernier sondage, pour Le Figaro Magazine : 34 % des Français font confiance à N. Sarkozy. Pourquoi, cette nouvelle baisse selon vous ?

Vous savez, et puis on en parle depuis le début de l'émission, on est dans une situation qui est très difficile. Les Français ils voient la crise, ils ont des inquiétudes, ils sont des angoisses. Donc, forcément ça rejaillit sur leur confiance, qui est leur confiance globale et qui est leur confiance dans le Gouvernement.

Donc c'est logique cette baisse ?

Oui et puis surtout, le but ce n'est pas de redresser les courbes dans le sondage. Le but c'est de redresser les courbes...

On se demande pourquoi l'Elysée commande tant de sondages d'ailleurs, entre parenthèses, non, L. Wauquiez ? A quoi ça sert ?

Oui, mais par exemple, je vais vous prendre un exemple précis. Moi, j'ai commandé des sondages pour savoir quelles étaient les attentes des demandeurs d'emploi ? Qu'est-ce qu'ils attendent...

Ça paraît plus utile ?

Mais ça fait partie des sondages qu'on commande, qui sont des sondages sur lesquels on travaille. Ça nous a permis de savoir qu'est-ce qu'ils attendent ? Ils disent : moi, j'ai besoin d'être accueilli, indemnisé vite. J'ai besoin d'avoir des aides à la mobilité...

On va parler de Pôle Emploi, justement, tiens !

J'ai besoin, quand j'ai envie de pouvoir me reconvertir et prendre un nouveau job, j'ai besoin de vous répondiez vite avec une formation. J'ai besoin d'avoir un site Internet qui fonctionne correctement...

Alors pour répondre à tous ces besoins, N. Sarkozy a dit : on va renforcer les équipes à Pôle Emploi. Vous avez des chiffres ?

Alors, depuis que N. Sarkozy l'a annoncé, c'est-à-dire il y a à peu près, à peine une dizaine de jours, on a travaillé intensivement avec C. Charpy le directeur de Pôle Emploi. Je lui ai demandé son chiffrage.

"La canaille" ?

Oui, alors...

Attendez, "la canaille" ce n'est pas moi qui le dis.

Je sais.

C'est B. Hamon qui l'a dit chez nous !

Je vais rebondir là-dessus.

Allez-y !

J'ai trouvé ça intensément médiocre, de la part de B. Hamon. Et je vais vous dire pourquoi ? B. Hamon a traité C. Charpy de « Canaille », le directeur de Pôle Emploi. Deux heures après, il avouait qu'il ne l'avait jamais rencontré, qu'il ne savait pas qui c'était, qu'il n'avait jamais eu de discussion avec lui. La politique, surtout quand on parle d'emploi, il faut que ça se fasse de façon digne.

Bien ! Revenons aux emplois, chez Pôle Emploi.

Oui, parce que ça, c'est plus intéressant.

Oui, on est dans le concret. Alors L. Wauquiez, renforcement des équipes, quel chiffre ?

Je ne peux pas vous donner le chiffre, je suis désolé, puisque j'attends le résultat pour la fin de semaine. Donc vendredi, demain, je dois avoir le résultat des évaluations de C. Charpy. Qu'est-ce qu'on a essayé de faire ? Un, je veux qu'on tienne le front de l'indemnisation. Etre sûr que quand quelqu'un a perdu son job, son dossier soit instruit, très vite et qu'il ait son indemnisation qui tombe le mois d'après.

C'est ce que vous m'avez dit tout à l'heure, vous allez employer en CDI ou en CDD ?

Alors là, je suis très clair, ce ne seront pas des emplois pérennes...

Donc des emplois précaires ?

Non, pas des emplois précaires. Pourquoi ? Parce que si jamais j'embauche à tout crin pour l'emploi, dans cette période, ce sont des gens, si je les prends en CDI, qu'on gardera y compris après la crise. Ca veut dire qu'on aura creusé le trou du déficit, et qu'on aura embauché au-delà de ce qui est nécessaire. Ce que j'essaie de faire, c'est mettre tous les moyens sur la table, avoir des renforts qui sont des renforts temporaires, pouvoir faire en sorte de s'appuyer aussi sur les agences d'intérim dans cette période, mobiliser les Missions locales, Cap Emploi, tout le monde, faire une vraie mobilisation générale, mais je ne veux pas signer des chèques en blanc.

Dans l'idéal, ça ferait combien d'emplois ? Combien d'emplois nécessaires dans l'idéal ? Quoi ? 2.000, 3.000 emplois supplémentaires ?

Monsieur Bourdin... vous le savez, j'ai horreur de faire dans l'approximation, j'ai un domaine qui est suffisamment sérieux, ce que je vous propose, c'est que je reviens...

Plusieurs milliers quoi ? Plusieurs milliers ?

Ce que je vous propose, c'est que je revienne quand j'ai le chiffre.

Plusieurs milliers non ?

Je vous propose de revenir quand j'aurais le chiffre.

Bon, bon, allez ! L. Wauquiez, vous êtes notre invité, ce matin, on vous retrouve dans deux minutes, sur BFM TV et sur RMC. (.../...)

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2009