Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, sur la politique de l'eau, Metz le 27 novembre 2009.

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Circonstance : Adoption du SDAGE 2010-2015 lors du Comité de bassin Rhin-Meuse le 27 novembre 2009, à Metz (Moselle), le 27 novembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Président du comité de bassin,
Monsieur le Préfet coordonnateur de bassin,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Au commencement, il y avait l'eau.
Elle a fécondé la vie.
Et la vie a fécondé l'Homme.
C'est dire combien l'eau est un bien précieux qui doit être respecté et protégé comme un droit qui conditionne tous les autres :
- le droit à la santé
- le droit au développement
- le droit à la dignité humaine dont la première expression est certainement de pouvoir boire et se laver
Voilà pourquoi, la France met tout en oeuvre pour faire de l'eau la première politique publique écologique.
Voilà pourquoi, la France a acquis une expertise reconnue et une gouvernance de l'eau copiée par nombre de pays.
Voilà pourquoi, la France est légitime à porter ce message d'un droit universel d'accès à l'eau et à l'assainissement.
Mais pour ce faire, faut-il encore que la France continue d'être exemplaire.
* La France doit être exemplaire au niveau local
Grâce à vous, nous y sommes. C'est à l'ensemble des Comités de Bassin à qui je rends hommage.
Désormais, tous les SDAGE de métropole sont adoptés. C'est le résultat de sept années d'un travail intense et constructif qui a permis une adoption de tous les documents grâce à une majorité très confortable.
C'est pour moi, le signe d'une forte compréhension des enjeux environnementaux liés à l'eau, aux milieux aquatiques et à l'assainissement.
Mais c'est aussi dans son ambition qu'il faut voir le caractère exemplaire de la démarche. Ambition parce que vous avez su changer de méthode et passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats.
Et le résultat est ambitieux : deux tiers des masses d'eau en France devront être dans un bon état écologique. Mais il est aussi réaliste : le programme de mesures pour y parvenir est arrêté ; et, s'il le faut, nous le réviserons au besoin à mi-parcours pour effectivement atteindre ces objectifs.
Caractère exemplaire, aussi, dans la concertation. Les comités de bassin sont de véritables parlements locaux de l'eau. Dans un processus grenellien avant l'heure, vous avez su dégager des consensus.
Je sais que le consensus n'a pas été possible partout. Je sais que, ici et là, les discussions ont été âpres et des crispations ont pu naître. Mais j'ai le sentiment que vous avez su surmonter ces difficultés et rendre des arbitrages au plus près de l'Intérêt général.
Merci, donc, à tous, pour le travail accompli.
Mais le véritable enjeu aujourd'hui, pour moi, c'est aussi de savoir faire de l'eau un sujet de société.
Parce qu'une politique de l'eau sans impliquer et surtout y intéresser le consommateur, ce n'est pas une politique de l'eau. C'est un sujet de colloque. C'est un débat d'experts.
Et puis, on parle beaucoup en ce moment d'efficacité de la politique publique. Comment voulez-vous que la politique publique de l'eau soit efficace si l'on n'intègre pas celui qui ouvre son robinet ?
Le fait est que le citoyen a été impliqué : 28 millions de questionnaires ont été envoyés. Et je relève qu'ici vous avez veillé à ce que cet envoi soit personnalisé. Et je vous en félicite.
Sur l'ensemble du territoire, nous avons reçu 400.000 réponses... Alors j'entends déjà, d'ici, le choeur des pleureuses qui nous diront : « 400.000 retours sur 28 millions d'envois, c'est un taux de réponse de 0,7 %. C'est bien peu !
Moi je pense que c'est très positif... Car au-delà du seul taux de réponse, ce sont d'abord 28 millions de foyers Français qui ont reçu le questionnaire. Ce sont 28 millions de Français qui ont pris connaissance de ce sujet merveilleux et à qui nous avons dit : « en matière de politique de l'eau, devenez les acteurs de son devenir ».
Et en qualité, c'est 400.000 adhésions à notre ambition de remettre en bon état les eaux françaises. Mieux, ils y expriment un besoin.
Celui de l'information, de la participation et de la transparence. C'est vrai sur le prix. C'est vrai sur la performance.
Ecoutez-les. Entendons-les. Et c'est toute l'ambition de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement que j'ai installé, la semaine dernière, au salon des maires. Il est temps de rendre accessible les données de prix et d'efficacité aux usagers. Il est peut-être temps, aussi, de changer de sémantique : l'usager doit devenir un consommateur. Mieux : un citoyen au sens responsable du terme.
Etre exemplaire au niveau local. Etre exemplaire au niveau national.
C'est ici le besoin d'une stratégie nationale en matière d'eau.
* Une stratégie nationale exemplaire.
La loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 en a fixé les objectifs. Le Grenelle les a rehaussés.
Et ça été une surprise pour tout le monde.
Pourquoi ?
La loi sur l'eau venant d'être adoptée, rien ne laissait à penser que le sujet reviendrait sur la table ronde du Grenelle de l'environnement. Et pourtant il s'est imposé.
C'est la mise en place de plans d'action pour les 500 captages d'eau potable les plus menacés d'ici 2012. Quel gâchis de dépenser des millions d'euros pour le traitement de l'eau alors qu'il est si simple de ne pas la polluer.
- C'est ensuite l'acquisition, de 20 000 hectares de zones humides ; celles-ci nous rendent tant de services, encore trop souvent méconnus ! Il faut mettre fin au grignotage « invisible » des zones humides ; l'implication de tous est indispensable car les causes de déclin sont multiples et dispersées
- C'est enfin, la mise en place d'une trame verte et bleue d'ici à 2012. Il ne s'agit plus seulement, aujourd'hui, de protéger des zones bien délimitées, mais de créer un ensemble de connexions assurant les continuités écologiques indispensables à la vie ; c'est une inflexion majeure dans la politique de préservation de la biodiversité
C'est dans ce cadre que j'ai annoncé le 13 novembre dernier le plan d'action pour la restauration de la continuité écologique visant notamment à effacer 1200 ouvrages d'ici fin 2012.
Je tiens beaucoup à cette notion de trame bleue et je crois aussi au fait de trouver un équilibre entre restauration des cours d'eau développement de l'hydroélectricité et navigation.
Cet enjeu est d'une acuité particulière dans le contexte international des bassins Rhin et Meuse.
Je soulignerai ici le caractère à la fois original et véritablement intense de la coordination conduite avec nos voisins allemands, belges, luxembourgeois, néerlandais notamment, dans le cadre des 3 Commissions internationales du Rhin, de la Meuse et de Moselle-Sarre. C'était indispensable pour garantir la cohérence des objectifs, mais aussi celle des moyens à mettre en oeuvre, au plan des résultats, comme du calendrier.
Je vois qu'au terme de négociations intenses, vous arrivez aujourd'hui à converger au sein de la Commission du Rhin pour mettre vraiment sur les rails le projet de restauration de la continuité écologique de ce grand fleuve en amont immédiat de Strasbourg (aménagement du barrage de Strasbourg avant 2015 et lancement des travaux sur le barrage de Gersheim d'ici 2015, en relation étroite avec l'aménagement des affluents allemands à l'amont immédiat). Cela allie une ambition forte et un pragmatisme réel qui tient compte :
- de la complexité technique des projets
- des enjeux financiers
- mais également de l'impérieuse nécessité de veiller à ce que tout cela « fonctionne » sur le plan écologique
Le but n'est pas d'engager des dépenses, mais de s'assurer qu'elles sont à la fois optimisées, utiles et engagées au bon moment pour donner les meilleurs résultats.
Etre exemplaire aux niveaux local et national, c'est notre légitimité au niveau international.
* La France porteuse d'un message universel sur l'eau
Mesdames, Messieurs,
Ouvrons les fenêtres et regardons.
Regardons ce milliard d'êtres humains privé d'eau potable.
Regardons ces femmes réduites, quotidiennement, à marcher des heures durant pour aller au puits.
Regardons ces dix mille enfants qui meurent, tous les jours, pour avoir bu une eau impropre.
Nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps ce crime contre l'Humanité.
Huit ans après l'adoption des objectifs de développement du millénaire, si des progrès ont pu être réalisés, le constat reste tragique.
Et si nous ne voulons pas devoir affronter la catastrophe sanitaire et humanitaire qui s'annonce et dont l'issue est bien incertaine, alors, il nous faut replacer d'urgence l'eau au coeur de nos politiques publiques mondiales. Il nous faut revoir nos pratiques et nos méthodes en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement de par le monde.
Ce sera tout l'enjeu du prochain Forum mondial de l'eau de 2012 dont la France s'est vu confier l'organisation.
C'est dire combien elle veillera à ce que celui-ci se saisisse de trois sujets prioritaires :
- Reconnaitre un droit universel d'accès à l'eau et à l'assainissement
- Porter une gouvernance mondiale de l'eau en veillant de promouvoir des cadres institutionnels et réglementaires adaptés à chaque territoire
- Affirmer le principe d'une gestion juste et équilibrée des eaux transfrontalières. L'eau est un bien qui se partage mais ne se dispute pas
Mesdames, Messieurs,
Définitivement, vous tenez un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la politique de l'eau en France.
Sans vous, il n'y aurait pas d'ambition française pour l'eau.
Source http://www.eau-rhin-meuse.fr, le 9 décembre 2009