Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à RTL le 7 décembre 2009, sur la menace de grève des transporteurs routiers et sur sa candidature à l'élection régionale en Poitou-Charentes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, D. Bussereau.
 
Bonjour.
 
Les routiers qui sont sympas sont aussi en colère. Ils veulent des augmentations de salaire - 4% au moins. Leurs patrons refusent et, du coup, les chauffeurs routiers menacent de bloquer à partir de dimanche prochain les plateformes d'approvisionnement des grands distributeurs, ce qui pourrait perturber l'organisation des fêtes de fin d'année. Vous avez reçu, D. Bussereau, la semaine dernière, les patrons de ces chauffeurs routiers et, cet après-midi à 16 heures à votre ministère, vous recevrez les syndicats de salariés des chauffeurs routiers. Pensez-vous pouvoir éviter ce conflit ?
 
Je vais faire tout pour, car les Français n'ont pas besoin pendant cette période de Noël de rajouter de la crise à la crise. On voit bien, d'ailleurs, que dans la crise économique actuelle, ce qui tient le mieux en France, c'est la consommation. Donc, si on touchait à la consommation des ménages en cette fin d'année, ça ne serait pas rendre un grand service à la reprise. Et puis, vous l'avez dit sur le mode de la plaisanterie avec V. Parizot, c'est vrai que c'est aussi les fêtes de fin d'année où chacun veut pouvoir trouver les cadeaux, les achats qu'il peut faire en fonction de ses moyens financiers. Donc...
 
Mais comment concilier des points de vue qui paraissent très très éloignés, aujourd'hui ?
 
Alors, les points de vue ne sont pas si éloignés que ça. En réalité, c'est une affaire de négociations salariales. Il y a le montant lui-même des salaires, des rattrapages pour les plus bas salaires, des problèmes de conventions collectives, des problèmes de 13ème mois...
 
Ca fait beaucoup ?
 
Oui.
 
1 milliard, disent les patrons de chauffeurs routiers.
 
Mais on peut traiter en plusieurs phases. Il y a des choses qu'on peut traiter immédiatement, il y a des choses pour lesquelles on peut ouvrir des négociations plus importantes.
 
Qu'est-ce qu'on peut traiter immédiatement ?
 
On peut traiter immédiatement, je pense, les salaires et les plus bas salaires. Mais ça, c'est la négociation qui va le dire. Donc cet après-midi en effet, à 16 heures, je reçois les syndicats routiers. Nous avons vu les organisations patronales la semaine dernière. Je désigne, également dans l'après-midi, un médiateur qui sera chargé d'être là et à partir de demain matin...
 
D'être là dans la négociation...
 
Dans la négociation, de faire en sorte que les choses se passent bien, de faciliter les choses. Et à partir de demain matin, doivent commencer les négociations. Et ces négociations doivent aboutir. On ne peut pas se permettre en fin de semaine à partir de 20h30, le 13 au soir, un blocage des plateformes de la grande distribution et de tout le commerce de notre pays.
 
Vous êtes donc optimiste, ce matin, D. Bussereau. C'est sans doute votre rôle, mais les syndicats de chauffeurs routiers demandent 4 % d'augmentation des salaires - pour ne parler que de ça - la FNTR qui est le principal représentant...
 
Qui est un des représentants...
 
Est prêt à accorder 1,5. C'est du "foutage de gueule" dit la CFDT.
 
Oui, j'ai lu ça.
 
Donc, on en est là.
 
Oui, il y a encore des différences, mais c'est normal : quand des négociations s'ouvrent il y a des différences. Mais enfin vous notez qu'entre 1,5, 2 et 4, ce n'est pas des choses inatteignables par rapport à d'autres revendications salariales. Mais je dois dire...
 
Ce n'est pas votre portefeuille !
 
Oui, ce n'est pas mon portefeuille. Mais je dois dire que les entreprises de transports routiers sont dans une situation difficile. Elles ont pris la crise de plein fouet, il y a eu beaucoup de défaillances d'entreprises, il y a des charges nouvelles qui sont issues des conséquences du Grenelle de l'Environnement.
 
Elles vous en veulent beaucoup, oui, ces organisations.
 
Donc, je comprends que les entreprises de transports routiers - en tout cas certaines - soient inquiètes. Il y a des défaillances, moi je l'ai vu chez moi : je parlais, ce week-end en Charente-Maritime, avec des transporteurs routiers : ils ont de vrais problèmes, c'est difficile pour eux. On va essayer de trouver une solution intermédiaire qui fasse que tout le monde puisse sortir la tête haute et que les fêtes de Noël se passent normalement dans notre pays.
 
Les patrons routiers parlent de pandémie fiscale. Ils vous en veulent beaucoup. Entre la taxe kilométrique poids lourd, la taxe carbone, l'extension au carburant du certificat d'économie d'énergie - ça a l'air compliqué, mais enfin ça ne leur plait pas - et l'augmentation du prix de l'essence, les pouvoirs publics ne nous laissent pas de marge de manoeuvre, selon les responsables FNTR.
 
Les choses ne sont pas simples que ça. D'abord, la taxe sur les poids lourds qui est issue du Grenelle de l'Environnement, c'est-à-dire que sur les routes nationales, sur les autoroutes, à partir de 2012, les chauffeurs routiers seront reliés par GPS et comme en Allemagne, comme en Suisse, paieront au kilomètre, ça c'est en 2012. La taxe carbone c'est dès cette année.
 
Hum...
 
Et... Attendez c'est en 2012 et ce sera remboursé en pied de facture. C'est-à-dire que le routier, la loi le prévoit, le transporteur le mettra en pied de facture et...
 
"Pandémie fiscale" ! Je trouve que la formule était forte.
 
Attendez, et c'est l'entreprise qui paiera. J'ajoute ensuite, sur la taxe carbone, qui sera payée par tout le monde, cette année, que comme pour les agriculteurs, il y aura un remboursement partiel assez important pour les routiers. On a fait beaucoup d'effort également sur la taxe à l'essieu, sur la taxe sur les produits pétroliers. Je ne dis pas qu'il n'y a pas encore des efforts à faire pour la profession, mais nous avons tenu compte de leurs difficultés.
 
Et vous - je ne voudrais pas dire mais vous avez l'air de pencher du côté des salariés, D. Bussereau - vous avez dit : "Leurs revendications sont justifiées".
 
J'ai dit que l'on pouvait vraiment aboutir à un accord. S'il y avait des demandes d'augmentation de salaires de 15% ou 20%, on voit bien que c'est du domaine de l'impossible. Ce qui est posé sur la table est difficile pour les entreprises. Je pense que les entreprises sont des gens réalistes, ils ont également tous leurs clients qui leur demandent qu'il n'y ait pas de mouvement social en fin d'année. Je pense que l'on pourra se mettre d'accord. Ca mettra peut-être un peu de temps. Il y aura peut-être quelques nuits longues de négociations cette semaine, mais on doit arriver à un accord.
 
Vous restez avec nous, D. Bussereau. A 8h30, sans doute des chauffeurs routiers, des employeurs de chauffeurs routiers seront avec nous.
 
Oui, ou ceux qui veulent leur dinde pour Noël.
 
Oui, ceux-là, bien sûr...
 
... Ou des huîtres de Marennes Oléron.
 
Ils souhaitent que vous trouviez une solution. On va parler des élections régionales : F. Bayrou a rejeté l'offre d'alliance dès le premier tour en Poitou-Charentes que lui proposait S. Royal. Vous êtes, vous, l'adversaire direct de Ségolène Royal...
 
Pas adversaire : je suis concurrent.
 
Concurrent : d'accord. Vous êtes soulagé du refus de F. Bayrou.
 
Ecoutez : je trouve que S. Royal a une propension assez extraordinaire à jouer les coucous. Elle nous l'a fait déjà à Dijon. Ce pauvre V. Peillon, qui est un garçon brillant, qui avait monté un rassemblement qui avait de l'allure, etc. Pof ! On lui tombe dessus. Là, c'est le congrès du MoDem à Arras chez J.-M. Vanlerenberghe. A nouveau pof ! Voici que la présidente sortante du Conseil régional arrive avec des idées. Bon, c'est la stratégie du coucou. J'ai dit hier, à Cognac...
 
Et vous allez le répéter ce matin.
 
J'ai dit hier à Cognac en riant que je demandais si la prochaine étape ne serait pas de demander aux Simpsons s'ils ne sont pas libres pour entrer sur la liste. Je veux dire que ça a un aspect un peu pathétique de fuite en avant. Bon, mais Madame Royal...
 
Donc merci à F. Bayrou.
 
Non. Mais je trouve que F. Bayrou est logique. Il a une position que je ne partage pas. Mais je connais F. Bayrou depuis longtemps, je n'ai pas d'antipathie pour lui, il a une position que je peux comprendre, dans un positionnement politique. Il reste sur son positionnement politique de premier tour. Ce qu'il ne faut pas c'est que ça annonce un MoDem qui, systématiquement au deuxième tour, irait avec la gauche parce que là, je pense qu'une grande partie des adhérents du MoDem ne seraient plus sur cette ligne-là.
 
Craignez-vous, D. Bussereau, que le débat sur l'identité nationale française tourne en eau de boudin ?
 
Ecoutez, je pense que c'est pas le débat le plus d'actualité pour l'instant pour les Français. Mais le président de la République et E. Besson ont eu raison de le poser parce que ça permet...
 
Mais pas maintenant alors...
 
... ça permet d'éviter de dire beaucoup de bêtises, ça permet d'éviter des dérives racistes, ça permet de redire les choses de manière républicaine.
 
Si ce n'est pas d'actualité, il ne fallait pas le poser maintenant, c'est ça ?
 
Attendez, vous savez dans la vie politique, on pose les débats quand on peut les poser. Il y avait à un moment, une inquiétude. On sentait des sentiments extrémistes un peu noirs monter chez une catégorie de la population. Il vaut mieux poser les choses sur la table et en discuter que de laisser des relents se faire dans les esprits.
 
Un pas en avant, un pas en arrière, D. Bussereau.
 
Non, non. Je suis de formation giscardienne c'est-à-dire centriste, social, libéral, européen. Voilà, ça décrit mon personnage.
 
Est-ce que vous vous sentez bien à l'UMP ?
 
Oui bien sûr j'en suis un des fondateurs. Et parce que j'avais estimé avec H. Gaymard et R. Dutreil que des gens qui pensaient la même chose sur l'Europe, sur la décentralisation, sur le modèle d'entreprise et sur la dimension sociale devaient travailler dans la même formation politique.
 
Eh bien, à votre place, D. Bussereau, demain se trouvera un membre fondateur de l'UMP qui va le quitter : "Trop à droite", dit-il, lui-même.
 
C'est peut-être... Ah bien, je ne sais pas qui... J'ai bien quelques idées, mais j'écouterai demain RTL à 7h50.
 
Eh bien, on vous retrouvera demain matin avec plaisir demain, D. Bussereau
 
V. Parizot : On va faire un quiz, on va donner les paris : qui sera l'invité de J.-M. Aphatie demain ? Ah ! Mais j'ai décidé de répondre non à chaque suggestion de personnalité que l'on me soumettra jusqu'à demain matin.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 décembre 2009