Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à RMC le 8 décembre 2009, sur la menace de grève des transporteurs routiers et la médiation menée sur leurs revendications salariales.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Avant de parler des transports et des routiers, quelques mots sur H. de Charette, votre famille politique. Il quitte l'UMP qu'il trouve trop à droite, je cite ce qu'il a dit ce matin sur RTL : "L'UMP est trop à droite, le débat sur l'identité nationale est mal parti. E. Besson prend les électeurs pour des billes. Quand je vois qu'on se passionne pour cette affaire de minarets, j'ai honte", et il rejoint le Nouveau centre. Vous le comprenez ?
 
D'abord, j'ai beaucoup de passé commun avec H. de Charette...
 
Oui, c'est votre famille politique...
 
... des équipes du président Giscard d'Estaing, nous avons beaucoup de points communs ensemble, donc je suis triste. En même temps, H. de Charette ne jouait plus dans notre famille un rôle important, il faisait partie un peu de la vieille garde, on le voyait peu à l'Assemblée nationale, il a beaucoup d'activités, surtout des liens avec le monde arabe. Voilà, ce n'est pas un événement politique. Quant à son analyse sur la droitisation de l'UMP...
 
Vous ne la partagez pas ?
 
Non, je ne la partage pas. J'ai fait partie de ceux qui ont créé l'UMP, avec H. Gaymard et R. Dutreil en 2000, parce que nous pensions que toute notre génération était unie sur l'Europe, sur les valeurs libérales, sociales, la décentralisation, et qu'au lieu de se promener dans différentes familles politiques, il valait mieux faire partie d'une grande famille politique. Et je pense que tout ce qui affaiblit cette grande famille politique n'est pas bon, et que il faut...
 
H. de Charette en partant affaiblit sa famille politique ?
 
Oui, et puis il pouvait très bien discuter. Nous avons eu un dernier bureau politique présidé par X. Bertrand, dans lequel H. de Charette a exprimé son désaccord sur certains points de la réforme des collectivités locales. J'ai noté que B. Hortefeux et X. Bertrand tenaient compte de ce qu'il disait et avaient mis un certain nombre d'infléchissements ensuite dans leur discours, c'est ça le débat. Il vaut mieux avoir le débat dans sa famille qu'être à côté de la famille.
 
73 % des Français trouvent justifiée la revendication des salariés du transport. Vous aussi ?
 
Je trouve d'abord que ce sondage est intéressant. Vous vous souvenez de l'émission, vous parliez de RTL tout à l'heure, on est sur RMC, avec Max Meynier "les routiers sont sympas". C'est vrai qu'il y a toujours une image extrêmement sympathique auprès des Français, il y a un camion qui vous embête, qui vous empêche de doubler, et puis il y a le camion qui vous apporte la nourriture et qui fait marcher votre usine. Donc il y a une bonne image des routiers, et les Français comprennent que ce sont des métiers pas faciles. Vous avez différents types de salaires chez les routiers...
 
On va en parler.
 
...vous avez celui livre entre Roissy et Rungis et celui qui va en Hongrie livrer une machine-outil. Ce n'est naturellement pas le même tarif. Mais ça ne m'étonne pas que cette affaire soit populaire auprès des Français, si évidemment il y avait un blocage des plates-formes de distribution, c'est-à-dire plus rien dans les supermarchés, pas de jouets dans les grandes surfaces de jouets ou dans les magasins de jouets à partir de lundi, je pense que l'opinion publique, comme c'est toujours le cas, s'inverserait. Mais cette sympathie montre qu'on doit trouver une solution et je crois c'est un appel.
 
Mais je vous repose la question...
 
Pardon, c'est un appel aux chauffeurs et aux entreprises que je réunis, de se mettre au boulot et de trouver une solution.
 
On va parler de ce que vous faites par que je sais que vous voulez absolument un accord avant dimanche.
 
Absolument, même avant dimanche.
 
Même bien avant dimanche. Mais je vous repose la question : 73 % des Français trouvent justifiées les revendications des salariés du transport, et notamment les revendications salariales. Vous aussi ?
 
Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur le sujet...
 
Vous aussi, vous les justifiez ces revendications salariales ?
 
Est-ce que je peux me permettre de vous répondre ? Je les juge non disproportionnées. Parfois je me trouve - on parlera peut-être tout à l'heure du conflit du RER, avec des revendications énormes qui portent sur plus de 200 euros par mois, mais je comprends que c'est très difficile pour l'entreprise. Là, il s'agit d'ajustements de salaires qui n'ont pas été augmentés depuis deux ans, c'est très difficile pour les entreprises parce que les entreprises du transport routier ont beaucoup souffert de la crise et ce sont souvent de toutes petites entreprises où la marge est très faible, coincée entre les grandes centrales d'achat et les salaires qui représentent environ 45 % des dépenses des entreprises de transport routier. Donc c'est difficile pour les entreprises, mais c'est vrai que les salaires n'ont pas été augmentés depuis deux ans. Tous les gens de bonne volonté. J'ai d'ailleurs entendu ce matin avec plaisir, J.- P. Deneuville, le délégué général de la FNTR, il n'est pas le président, il en est le patron de l'appareil, le délégué général, mais qui est un bon connaisseur du transport routier, dire qu'il y avait une marge de négociation.
 
Il parle de 2 % et les salariés demandent 4 %. Il faut trouvez un moyen terme entre 4 et 2 ?
 
Dans un pays de gens raisonnables, ce qui est le cas de la France, entre 2 et 4, quand ce sont des gens qui travaillent dans les mêmes entreprises, qui se connaissent, qui souvent s'appellent par leur prénom, qui ont grandi ensemble - c'est souvent le cas de la plupart des entreprises moyennes et petites de transport routier -, quand on est entre 2 et 4, on doit trouver une solution.
 
Donc, on peut augmenter les salaires de 3 % par exemple ?
 
Vous êtes assez bon en math ! Très franchement, on doit trouver une solution. J'ai nommé trois médiateurs qui vont discuter avec tout le monde. Aujourd'hui, tout le monde discute, demain matin...
 
Vous réunissez tout le monde.
 
Je réunis tout le monde, et je pense qu'à partir de mercredi vont s'engager les négociations et je suis persuadé que la bonne volonté triomphera.
 
Oui, mais vous savez ce que disent les responsables, notamment, J.- P. Deneuville, le délégué général de la FNTR - Fédération nationale des transporteurs routiers, des transports routiers -, il dit : "l'Etat est responsable de l'aggravation de la fiscalité, c'est à l'Etat de faire un effort".
 
L'Etat a déjà fait un certain nombre d'efforts. Je vais vous donner un certain nombre d'idées. La taxe carbone...
 
L'Etat doit mettre la main à la pâte", dit-il....
 
D'abord, on a créé, vous le savez, on en a souvent parlé sur votre antenne, une écotaxe à partir de 2012, pour l'instant elle n'est pas là. Et à partir de 2012, cette écotaxe, c'est-à-dire le fait que les routiers payent avec un GPS leur transport sur des routes nationales ou sur des autoroutes gratuites, ça sera compensé en (inaud.) de facture, donc payé par le donneur d'ordre, par l'entreprise qui est charge. Première chose. Là, il y a la taxe carbone, c'est vrai que c'est une charge supplémentaire pour le transport routier mais le Parlement a décidé, sur proposition du Gouvernement, d'en diminuer de 35 % la charge pour les transporteurs routiers, par le biais d'une diminution sur la TIPP, enfin sur ce qu'ils payent pour leurs produits pétroliers en taxe. On a diminué la taxe à l'essieu, on a fait beaucoup de gestes. Dans cette affaire, le Gouvernement est attentif, s'il est interrogé, il répondra, mais c'est avant tout une négociation entre les salariés et les entreprises.
 
Pourquoi un cabinet de médiation privé, ça coûte combien ?
 
Très franchement, je n'en sais rien. C'est un cabinet qu'on fait beaucoup travailler au ministère des Transports, qui est déjà intervenu dans d'autres types de conflits. Ce sont des gens dont c'est le métier d'écouter et c'est toujours bon d'avoir un regard extérieur. Moi, je suis ministre des Transports depuis deux ans, je l'ai été déjà, je connais tous les gens personnellement, j'ai des relations personnelles avec eux, je connais leur caractère, etc. Ces hommes que nous avons choisis ne connaissent personne, ils arrivent neutres, et ils sont mieux à même peut-être d'écouter ou de comprendre des choses que nous n'aurions pas entendues.
 
Très franchement, ça coûte cher ou pas ?
 
Je ne pense pas que ça coûte très cher, et même si ça coûtait un tout petit peu d'argent, par rapport à ce que coûterait à l'économie française et à chacune et chacun d'entre nous, dans notre pouvoir d'achat la grève des routiers, je crois que c'est un très, très bon investissement.
 
Il y a des salaires...
 
Je me renseignerai sur le prix, je vous le dirai.
 
Il y a des salaires en dessous du Smic aujourd'hui dans les transports routiers ?
 
Oui.
 
C'est inadmissible, non ?
 
Il y a des gens qui en effet touchent aux alentours de 1.300 euros à peine...
 
Lorsqu'ils commencent ?
 
Quand ils commencent. Et ceux-là sont en effet en réelle difficulté.
 
Est-ce que vous dites ce matin : "il n'y aura plus de salaires en dessous du Smic" ? Est-ce que vous demandiez à ce qu'il n'y ait plus de salaires en dessous du Smic ? Cela paraît logique, non ?
 
Si j'ai désigné des médiateurs, c'est pour qu'ils écoutent tout le monde, et c'est pour ne pas donner à RMC et à BFM-TV le résultat des négociations avant qu'elles n'aient commencé.
 
On parle beaucoup de Copenhague, les défenseurs de l'environnement ne sont pas très contents parce qu'ils vous disent que vous faites trop de cadeaux au transport routier, beaucoup trop de cadeaux. Vous parliez tout à l'heure de l'écotaxe, notamment...
 
L'écotaxe, ce n'est pas un cadeau...
 
Vous faites trop de cadeaux, parce que vous exonérez une partie des taxes.
 
Non, je vous ai dit très précisément qu'on exonère, comme pour les agriculteurs, une partie de la taxe carbone. Je veux dire également que pour tout ce qui est transport public, par exemple le TGV, le métro, le RER, le tramway qui passe devant vos studios, tout ça c'est zéro taxe carbone. Donc on a vraiment une politique qui est sur le report modal. Et on vient de décider avec J.-L. Borloo d'investir 7 milliards d'euros dans le fret ferroviaire, on vient de créer à La Rochelle la semaine dernière le premier opérateur ferroviaire de proximité, on va en créer sur tout le territoire français. Naturellement, le camion continuera à jouer un rôle essentiel dans notre économie mais nous avons engagé une politique de report modal vers le train, vers le bateau et vers les fleuves.
 
Parlons du train, j'ai vu que les cheminots manifestaient aussi pour des revendications salariales, là encore. Les salaires, principale insatisfaction des Français. Vous comprenez cela ?
 
Je suis fils et petit-fils de cheminots, donc je sais ce que c'est qu'un salaire de cheminot, je l'ai vécu dans mon enfance et dans mon adolescence. Les cheminots ne sont pas les plus à plaindre dans la société française par rapport à leurs salaires, mais il y a aussi au début de l'échelle, pour des jeunes qui sont embauchés, qui parfois viennent d'une région et qui habitent à Paris, etc., certainement des difficultés de niveau de vie. Je pense que G. Pépy, qui est un homme de dialogue social, mène un bon dialogue social. Il y a aussi, vous n'en avez pas encore parlé, des risques de grève à la fin de cette semaine pour les contrôleurs, et vous savez que les grèves de contrôleurs, ça touche en particulier beaucoup les TER. Pour les conducteurs de trains, je parle de tout cela avec G. Pépy....
 
Revendications salariales toujours...
 
Revendications salariales, et plus que ça, il y a des problèmes d'organisation aussi.
 
D'organisation du travail...
 
Tous les ans, on change les horaires, c'est ce qu'on appelle "le changement de service". Cela intervient le 13 décembre, et traditionnellement, il y a toujours à ce moment-là un petit moment d'ajustement et un peu d'agitation. Moi, je fais confiance à G. Pépy pour mener le dialogue social. Là encore, si cette grève des contrôleurs et si cette grève des conducteurs peuvent être évitées par le dialogue social, qui est prévu dans la loi sur le service minimum, à partir du moment où il y a dépôt d'un préavis de grève, si ce dialogue peut servir à éviter la grève, naturellement tous les Français et moi-même en serions très satisfaits.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2009