Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Europe 1 le 23 novembre 2009, sur les distributeurs de préservatifs à 20 centimes dans les universités, le Téléthon et les élections régionales 2010.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- Il y a tellement à dire avec V. Pécresse. Bonjour. Les propos de P. Bergé ont donc provoqué une secousse et une vaste polémique. Pourquoi trouvent-t-ils un tel écho dans le pays ? Est-ce qu'il a totalement tort ?
 
Je crois que derrière le cri de P. Bergé, qui est un cri qui peut paraître excessif, il y a un vrai problème de santé publique, c'est le problème du sida. Aujourd'hui, on donne de moins en moins pour la recherche sur le sida parce que les Français pensent que vivre avec le sida, aujourd'hui c'est possible, et que la question de santé publique du sida est résolue. Ce n'est pas vrai, nous avons 7.000 nouveaux cas de séropositivité par an, dont 20 % ne le savent pas et malheureusement un étudiant sur deux dit qu'il n'utilise pas aujourd'hui de préservatif.
 
 Est-ce pour cette raison que vous lancez tout à l'heure un préservatif à 20 centimes d'euro dans toutes les facultés, c'est-à-dire trois fois moins cher qu'aujourd'hui ?
 
Exactement. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il se trouve que les distributeurs de préservatifs ne sont pas généralisés dans les facs. Je vous ai donné ce chiffre d'étudiants qui n'utilisent pas de préservatifs, plus de la moitié des étudiants ne les utilisent pas systématiquement. Avec C. Dechavanne et son association "Sortez couverts", nous allons lancer 1.000 nouveaux distributeurs dans toutes les facs, dans toutes les résidences étudiantes.
 
Et la proposition de S. Royal de distribuer des patchs contraceptions pour les adolescents dans les lycées.
 
C'est une idée.
 
Bonne ou mauvaise ?
 
C'est une mesure de prévention, mais elle n'est pas à la hauteur pour moi de tous les problèmes de santé publique qui touchent les jeunes. Il y a des problèmes en matière de transmission du sida. Quand on parle contraception, on ne peut pas parler qu'aux filles, il faut parler aussi aux garçons. On ne peut pas parler que de pilule, il faut parler préservatif et je le répète.
 
Ce que vous faites. Pendant des années, le Téléthon a permis des découvertes sur le génome, ses applications sur d'autres maladies, c'est vrai a sauvé des jeunes vies, a donné une place sociale et de l'espoir à des familles. Le reconnaître n'est que justice, mais est-ce que cela suffit ?
 
Je crois que le Téléthon a été une idée de génie. Cela a été une idée de génie parce que ces maladies orphelines, personne ne s'en occupait parce qu'elles touchaient trop peu d'enfant. Et puis il faut savoir que le Téléthon a permis de lancer complètement la recherche en matière génétique en France. C'est grâce au Téléthon qu'on a décodé le génome humain. Et toutes les découvertes qui sont faites grâce à l'argent du Téléthon, nous nous efforçons, au ministère de la Recherche, et les chercheurs eux-mêmes s'efforcent, de les diffuser dans l'ensemble du champ de la recherche. Par exemple le professeur Echansky vient de trouver dans son laboratoire Istem financer par le Téléthon en travaillant sur les cellules souches un moyen de réparer la peau humaine.
 
Une découverte formidable.
 
C'est une découverte absolument magistrale si elle se confirmait et cela pourrait servir aux grands brûlés. Donc vous voyez qu'on ne traite pas seulement les myopathes, les maladies orphelines avec l'argent du Téléthon. On travaille sur toute la thérapie génique.
 
J'ai noté que D. Auteuil ce matin sur Europe 1, et dans le Parisien le généticien A. Kahn, donnent tort à P. Bergé de s'exprimer comme il l'a fait, mais ils le comprennent.
 
Je crois que ce qui est important, c'est vraiment de penser qu'on est dans un monde d'innovation ouverte aujourd'hui. Cela veut dire qu'on ne peut pas enfermer les laboratoires sur une seule thématique. On ne peut pas dire à un chercheur "vous cherchez mais cela ne peut être que pour cette maladie". On doit laisser le chercheur ouvrir et si son équipe de recherche trouve des choses qui concernent d'autres maladies, il faut l'accepter.
 
Longtemps, grâce à la générosité collective, le Téléthon a suppléé les carences de l'aide de l'Etat à certaines recherches. Heureusement en effet, comme vous l'avez dit,qu'il a été inventé. Cela on ne peut pas le nier. L'Etat aurait dû être beaucoup plus présent. Je peux ajouter que le président de la République va bientôt décider de l'attribution des sommes du grand emprunt. La commission Jupé-Rocard met les pleins feux sur les sciences et la recherche. Est-ce qu'il faut continuer à faire appel massivement au mécénat, aux fonds privés et à solliciter le citoyens ?
 
Je crois que la réponse est oui. Chaque euro qui doit être investit aujourd'hui doit l'être dans des grandes causes. Et la recherche, l'innovation ou le capital humain et sa formation c'est-à-dire l'université sont des grandes causes. C'est à travers elles que l'on développera le pays mais j'ajoute qu'évidemment c'est une très bonne nouvelle pour moi de voir les propositions de la commission Jupé- Rocard, 25 milliards d'euros pour l'enseignement, la recherche et l'innovation c'est un nouvel âge d'or de la recherche qui va commencer
 
Quand on voit l'état des universités, leur gouvernance souvent maladroite et divisée, on se demande qui va répartir ces sommes et comment qui va contrôler des fonds certes nécessaires, mais en partie qui risquent d'être gaspillés ?
 
Ce que j'ai proposé à la commission Jupé-Rocard et ce que je reproposerai au président de la République - vous savez qu'il doit définir une méthode et qu'il doit donner ses arbitrages sur ce grand emprunt en décembre - ce que je proposerai, c'est qu'on soit dans une logique de sélection des meilleurs projets, d'appel à projets, ce qui permet en réalité de faire de ce plan d'investissement un moteur de la réforme pour aller à l'étape 2 de la réforme universitaire, c'est-à-dire aux alliances entre universités et grandes écoles.
 
Les retombées du grand emprunt ne vont-elles pas obliger à ne pas laisser le Téléthon sous sa forme actuelle ? Pourquoi un jour ne pas reverser les dons recueillis à différentes associations ? Pourquoi se figer éternellement dans cette formule qui a magnifiquement servi mais qui a 20 ans, 25 ans ?
 
Je crois que quand on reçoit autant de dons que l'AFM, c'est vrai qu'on doit...
 
Partager.
 
Non, on doit donner une grande transparence sur l'utilisation de ces dons. Et l'AFM en le faisant montrera que les dons du Téléthon servent à toute la recherche française.
 
Même si c'est dur à dire, au fond on a envie de dire "merci P. Bergé", parce que, grâce ou à cause de lui, nous n'oublierons pas le Sida et nous offrons une nouvelle jeunesse au nécessaire Téléthon, voilà.
 
J'en accepte l'augure.
 
Vous êtes aussi une politique. Deux questions : R. Yade, qui l'a sélectionnée pour être dans les Hauts-de-Seine, vous, X. Bertrand ou le président de la République ?
 
Mon rôle en tant que...
 
Non, mais qui ?
 
Mon rôle en tant que tête de liste c'est de faire émerger des talents. Vous avez vu que dans cette campagne, nous n'en manquerons pas : C. Jouanno, N. Kosciusko-Morizet, D. Douillet, R. Yade. Faire émerger des talents et les répartir sur le territoire de l'Ile-de-France. Alors, j'avais proposé à R. Yade d'être tête de liste dans le Val-d'Oise. Pourquoi ? Parce que je souhaitais une tête de liste pour Rama.
 
D'abord, mais vous le confirmez, vous condamnez ce que disait J. Chapuis, tout à l'heure ?
 
J'avais proposé une tête de liste à R. Yade dans le Val-d'Oise, sachant que dès le début je voulais faire l'alliance avec A. Santini ; je voulais que l'UMP ne soit pas seule dans ce combat régional, je voulais une grande alliance de la droite et du Centre, et je savais qu'A. Santini se présenterait...
 
Donc, le président de la République ou X. Bertrand, lequel a décidé ?
 
Non, pas du tout ! Il y a toujours eu deux options possibles. Il y avait l'option Rama tête de liste dans le Val-d'Oise, qui est une proposition ; il y avait une deuxième option qui était possible, qui était celle qu'elle soit derrière...
 
Mais elle va être dans les Hauts-de-Seine !
 
...qu'elle soit derrière A. Santini dans les Hauts-de-Seine.
 
Derrière Santini, mais qui a décidé ?
 
Mais ce n'est pas une question de "qui a décidé ?", les deux options ont toujours été ouvertes, ça a toujours été possible, après c'est une question de cohérence.
 
Maintenant il n'en reste plus qu'une.
 
C'est une question de cohérence de parcours pour Rama. Rama est élue de Colombes, elle souhaite s'installer dans cette circonscription, la reprendre, c'est un combat politique extrêmement difficile, je comprends la cohérence de son action.
 
Oui, et qui l'a décidé ?
 
Mais écoutez, c'est une décision collégiale, et nous sommes tous d'accord.
 
Ce n'est pas le président de la République, ce n'est pas X. Bertrand ? C'est vous ?
 
Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est plus cohérent pour Rama d'aller dans les Hauts-de-Seine et c'est très bien parce qu'elle s'investira à fond dans cette campagne, dont elle est je vous rappelle porte-parole depuis le début.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 novembre 2009