Texte intégral
G. Durand- L. Wauquiez, bonjour.
Bonjour.
Bienvenue sur l'antenne de Radio Classique. Vous avez probablement lu l'article du président de la République, hier, dans Le Monde. Le pays se passionne pour cette histoire d'identité nationale, la gauche et la droite s'empoignent, et personne à l'Assemblée, cinquante députés. Est-ce que c'est vraiment sérieux ? (...Des secondes de silence, ndlr). Je sais bien que je vous prends à froid le matin, mais enfin quand même c'est vrai que pour l'opinion c'est un peu bizarre.
Oui, la première chose, et qui je pense est une vraie leçon, de ce que vous avez dit, c'est vrai que c'est un débat qui intéresse beaucoup les Français.
Et pas les députés !
Et pas une certaine partie des députés. Et je pense que c'est un vrai signal d'alerte pour la classe politique.
Mais qu'est-ce qu'ils font quand on parle d'identité nationale les députés ? Ils sont dans leur circonscription ? Je sais bien que ça paraît un peu agressif, dès le matin, à 8h30 ?
Il y a une partie - je vais être assez brutal - je pense qu'il y a une partie de la classe politique qui n'a pas compris les leçons du 21 avril. Je vais prendre un exemple précis. J.-F. Kahn a dit : « ce ne sont que des discussions de bistrot ». Je suis assez halluciné par ce mépris pour le peuple, c'est-à-dire qu'on a d'un côté des citoyens qui s'y intéressent, qui considèrent que, bon, voilà, bon sur le moment, c'est maintenant que ça arrive et on y va, ce n'est pas un débat qu'on fuit, et puis de l'autre côté une classe politique qui tâte du bout de l'orteil et qui n'a pas envie de plonger dans le débat. Et ça me semble une vraie erreur parce que quand les Français voient qu'on ne veut pas débattre d'un sujet, eh bien ça aboutit à des conséquences qui sont assez graves. Quand on a nié les questions d'insécurité, on a eu le 21 avril. Quand on a refusé d'entendre l'inquiétude des Français sur la mondialisation, on a eu le non à l'Europe. Et donc, j'ai envie de dire à tous ces politiques qui n'ont pas envie d'assumer des débats qui sont pourtant des vraies questions pour les Français : « quittez vos petits salons parisiens et allez peut-être dans les bistrots, allez sur le net ».
L. Wauquiez, c'est vous qui avez employé ce verbe, justement, « quittez ». Est-ce que ce débat il est sain quand on prononce des phrases du genre « la France on l'aime ou on la quitte », parce que c'est peut-être pour ça qu'ils sont pas là, c'est qu'il y a une sorte de désolidarisation. L'absence c'est une prise de position, ce n'est pas une indifférence.
Quand on est un élu du peuple, sa responsabilité c'est précisément de faire en sorte que les débats se situent au bon niveau. Et la responsabilité d'un élu ce n'est pas de mettre comme de la poussière sous le tapis parce que vous n'avez pas envie de le faire, la responsabilité c'est de répondre aux questions et aux inquiétudes des Français mais de le faire en élevant le débat. Et finalement, c'est ce qu'a fait, hier, le président de la République, avec sa tribune dans Le Monde, il a placé le débat sur l'identité nationale au niveau où il doit être. C'est quoi ce débat ? Ce débat c'est de dire ^ : dans la mondialisation, il y a un équilibre à trouver entre d'une part l'ouverture à la différence, et d'autre part le maintien de l'identité ; ouverture à la différence, acceptation de l'autre, acceptation d'un Islam de France, acceptation de la différence dans un pays qui est ouvert.
Il y a beaucoup de gens qui disent "stigmatisation", c'est-à-dire que l'acceptation de la différence et en même temps cette nécessité de se situer justement dans la mondialisation, ça tout le monde est d'accord. Mais pendant ce temps-là, il y a les contrôles d'identité au faciès, pendant ce temps-là il y a un comportement... on a entendu un élu dans une ville de province dire qu'il y avait trop d'Arabes en France, vous le savez, vous le connaissez, vous êtes député de Haute- Loire, vous n'êtes pas un type qui ne connaissez pas du tout ce que c'est que la France profonde.
Surtout que...enfin, un, moi, je connais parce que je suis élu effectivement d'un département, la Haute-Loire, où ces questions sont aussi de des questions qui intéressent, et puis aussi parce que je parle arabe, que j'ai vécu en Egypte. Donc, ce n'est pas des questions que je prends à la légère. Si je prends le cas de la Haute-Loire, chez moi, je suis maire d'une ville, le Puy-en-Velay, qui fait 20 000 habitants, qui est une ville dans laquelle la tradition chrétienne est importante - c'est un des points de départ de Saint-Jacques-de-Compostelle. Et dans le même temps, j'ai une communauté musulmane qui est importante, qui vit dans le plus grand respect de la ville, qui a construit une mosquée parfaitement intégrée dans le paysage urbain, et j'ai eu il y a un mois une femme qui est venue en burqa dans la piscine et qui s'est dirigée directement vers le bassin de la piscine. On l'a arrêtée.
Une !
Une. N'empêche que ça a posé une question et que dans la ville ça a fait quand même une espèce d'électrochoc. On voit bien sur cet exemple-là, qui est un exemple simple, dans un département - ce n'est pas la couronne parisienne, ce n'est pas Marseille, c'est la Haute-Loire - et dans lequel on voit bien l'équilibre.
Vous n'avez pas l'impression quand même que l'écosystème politique de l'endroit a été entièrement perturbé par la présence d'une femme qui s'est présentée à une piscine avec une burqa. Probablement, elle est repartie, l'affaire est terminée, on en a parlé dans les journaux locaux et puis basta.
Oui, mais ce que ça montre c'est que, et c'est là où nous aide, c'est que ça montre la ligne de partage entre d'une part un islam de France qu'on ne doit pas stigmatiser, auquel on doit s'ouvrir, auquel on doit laisser toute sa place, et d'autre part des pratiques qui sont des pratiques qui ne sont pas compatibles avec ce qu'est notre pays et notre République. Et c'est finalement cette ligne de partage qui ne nécessite pas des stigmatisations, qui ne nécessite pas des polémiques excessives, qui nécessite juste de la part des élus un effort pour situer le débat là où il doit être situé.
Je voudrais que vous écoutiez un certain nombre de réactions ce matin sur, justement, ce qui s'est passé hier soir à l'Assemblée nationale. RTL, 07 h 54, E. Besson, la question d'Apathie c'est « faut-il interdire les drapeaux étrangers dans les mairies et les préaux des mairies au moment des mariages, comme le demandent une centaine d'élus UMP ? ». La réponse d'E. Besson.
(Extrait interview d'E. Besson - RTL).
Voilà. Et France Inter, 8h23, M. Aubry sur l'identité nationale, elle considère donc qu'on instaure un très mauvais climat en France.
M. Aubry (Extrait interview à France Inter). : Je le dis très franchement : c'est quoi ce climat qu'on est en train de nous installer en France ? Un jour, c'est le mariage gris, le lendemain c'est la burqa, le troisième jour ce serait les drapeaux étrangers dans les mairies. Donc, ce climat délétère qui vise à montrer l'étranger, celui qui est différent, il est contraire à ce nous sommes.
Voilà, donc le point de vue de M. Aubry. C'est vrai que on a le sentiment que non pas tout ça dérape mais que c'est totalement disproportionné avec la situation qui existe en France, ou est-ce que je me trompe totalement ?
Là encore, enfin on a l'impression que pour le PS c'est un débat qui les met mal à l'aise, ils ont pas envie de débattre, et pire que ça ils n'ont pas envie que les Français débattent. Sur ces questions de drapeaux, moi je n'ai aucun problème à ce que quelqu'un ressente une double identité et qu'il ait une double appartenance. Ce n'est pas dans la tradition républicaine française, c'est vrai, parce que la tradition française, notamment au début du 20e siècle, c'était : « vous vous intégrez à la France, vous laissez de côté de l'identité, le pays dont vous venez » ; « vous êtes italien, vous oubliez l'Italie ; vous êtes polonais, vous oubliez la Pologne ; vous êtes espagnol, vous oubliez l'Espagne ». Je pense que notre identité nationale au 21e siècle, ce n'est pas la même chose et ça ne peut pas être la même chose, et ça ne peut pas être la même chose.
C'est-à-dire qu'il y a une évolution de la République.
Oui, bien sûr !
On n'est plus dans la République "laïcarde", simple ?
Pas avec ce modèle de creuset républicain où vous ne pouvez devenir Français qu'en abandonnant vos origines. Ma conception, c'est que arrivez, vous avez une histoire, vous venez d'un pays, qui peut être l'Algérie, qui peut être le Maroc, il y a ces racines auxquelles on ne vous demande pas de renoncer. La seule chose qu'on vous demande c'est d'accepter une autre identité et d'avoir cette double identité. Du coup, moi, je n'ai aucun problème à ce quelqu'un prenne le drapeau algérien. Par contre, ce qui me gêne c'est quand on siffle La Marseillaise, ou quand on brûle le drapeau français. Ca, c'est inacceptable. Et là encore, ce n'est pas des petits débats, on le voit bien, c'est pour ça que la position du PS consistant à tirer vers le bas le débat ne me semble pas intéressante.
On termine là-dessus parce qu'il faut qu'on parle d'économie...
... Et sociale, surtout.
On parle d'économie. C'est vrai que les chiffres du chômage ne sont pas bons, vous les connaissez, tout le monde les connaît d'ailleurs, le dernier c'est +52 000.
Oui, oui, si je puis quand même me permettre, le dernier chiffre c'est la stabilisation du taux de chômage au 3e trimestre.
Oui, mais on va en parler, non mais ce que je voudrais savoir d'abord, c'est : est-ce que vous avez comme crainte, vous qui êtes un des responsables au Gouvernement des questions économiques, que l'affaire des menaces qui pèsent sur les transports, justement, paralysent la fin d'année et paralysent la consommation intérieure si jamais on ne donne pas raison aux salariés du transport routier ? Il y a une crainte là !
On est dans une période qui est une période d'activité syndicale, notamment avec le congrès de la CGT, et dans un contexte comme celui-ci qui est un contexte de fin d'année, il est assez habituel que les syndicats aient des déclarations ou des revendications.
Mais est-ce que le Gouvernement a poussé les patrons à céder sur les revendications salariales de manière à ce que les achats de Noël aient lieu normalement ? Est-ce que vous le souhaitez, vous ?
Quelle est la responsabilité du Gouvernement dans un conflit comme celui-là ? C'est un conflit entre d'une part les routiers, d'autre part les employeurs dans le secteur. La responsabilité du Gouvernement, c'est de faire en sorte qu'il y ait un dialogue, que ce dialogue ait lieu, et que les arguments puissent être échangés et que tout le monde soit autour de la table dans un climat respectueux. La responsabilité du Gouvernement ce n'est pas de se substituer ni aux routiers, ni aux employeurs. Par contre, nous, on a une deuxième responsabilité...
Il y a beaucoup d'exemples où quand on ne s'est pas substitué, il n'y a pas eu d'accord et il y a eu grève.
C'est pour ça que ce qu'a fait D. Bussereau en le prenant tout de suite à bras le corps, et je pense qu'il a eu raison, c'est de immédiatement faire que l'Etat joue ce rôle de médiateur, c'est-à-dire que le dialogue ne soit pas rompu, qu'on se retrouve pas chacun dans la ligne de tranchée, avec un affrontement où on n'échange plus. Et, on le sait bien, enfin surtout maintenant, moi, ces questions de dialogue sociale sont des questions qui m'intéressent beaucoup, et sur lesquelles je pense que notre pays a beaucoup à évoluer, il ne faut surtout pas s'enfermer dans des positions de tranchées. Donc, la responsabilité du Gouvernement c'est maintenir tout le monde autour de la table, continuer à avoir un échange, mais pas d'ingérence... Juste, si vous me permettez, un deuxième point, parce qu'en temps que ministre de l'Emploi, ça me préoccupe, c'est la question d'être attentif à l'emploi dans ce secteur, veiller à l'évolution des charges sur le transport routier, veiller aux questions de compétitivité de nos entreprises, parce que moi ce que je ne veux pas c'est qu'on rajoute la crise à la crise, et que du coup on perde des emplois dans le secteur routier.
Quand la gauche réclame l'augmentation de six mois de la durée d'indemnisation, justement, du chômage, avec toujours un salaire à 80 %, est-ce que vous considérez que c'est une bonne idée ou pas, pour palier justement la crise telle qu'elle existe actuellement ?
Vous savez, hier, on a fait une grande après-midi de travail...
... on va en parler, mais là, la question précise : est-ce qu'il faut augmenter la durée d'indemnisation ?
Pour l'instant, on a amélioré l'indemnisation de l'assurance chômage, ou plutôt les partenaires sociaux ont amélioré le fonctionnement de l'Assurance chômage. Elle permet de mieux indemniser sur une durée qui est plus longue et qui est plus claire. Donc, pour l'instant, à ce stade, on n'a pas encore des situations qui sont des situations qui peuvent être très difficiles de chômeurs de longue durée. Les partenaires sociaux ont commencé à en discuter, c'est de leur responsabilité, c'est un système qui est géré par les partenaires sociaux, donc j'attends de voir comment évoluent leurs discussions. C'est un point important : dans le domaine social, il y a des champs qui sont de la responsabilité des partenaires sociaux, il y a des champs qui sont de la responsabilité du Gouvernement. Et par le passé, on a trop confondu.
Donc, il ne faut pas, vous ne le souhaitez pas.
Non ! Pour l'instant, je dis les partenaires...
... oui, c'est les partenaires sociaux, mais vous avez un point de vue, vous n'êtes pas...
Je l'ai exprimé : un, le point de vue c'est qu'on a déjà une Assurance chômage qui a été améliorée ; deux, ce problème est un problème qui se posera peut-être, pour l'instant il n'est pas dans l'urgence ; et trois, on a déjà des partenaires sociaux qui ont commencé à étudier la question.
Avant qu'on en vienne à votre colloque, pour terminer cet entretien, on a quand même le sentiment que le système de protection sociale a amorti la crise - puisque c'est un colloque sur l'après-crise - en France, mais qu'en même temps il est aussi un handicap pour le redémarrage, comme on le voit dans le système, enfin dans le monde de l'emploi aux Etats-Unis. Alors, est-ce qu'on a mieux amorti et est-ce que ça veut dire que comme on a mieux amorti, on va moins bien redémarrer ?
Alors, un, la première chose, oui la France...
... il faut aller vite parce qu'il faut parler du colloque.
...La France a mieux amorti la crise, c'est très clair.
Et est-ce qu'on redémarre moins bien, plus tard ?
...Deux, l'autre question c'est que le social dans l'après-crise ne peut pas être le même que dans l'avant-crise, tout simplement parce qu'on va avoir la question des déficits, mais pas que ça, parce qu'on va avoir des blessures qui auront été liées à la crise et qu'il faudra qu'on soit capables de panser.
Mais il y a des gens qui se suicident, il y a des SDF qui sont morts.
C'est pour ça qu'on aura besoin aussi de social.
300 SDF en 2009.
C'est pour ça qu'on aura besoin de social aussi dans l'après-crise. Et puis, trois, il faut qu'on arrive à sortir de cette espèce de polémique où on oppose d'un côté le social et l'économique.
Mais quand vous faites un colloque, par exemple, sur la politique sociale de la droite, qu'est-ce que ça pourrait être par rapport à celle de la gauche ? Est-ce que c'est vraiment le moment de se poser cette question alors qu'on est en plein marasme, c'est-à-dire « voilà ce que nous on pense, la droite » ?
La question qu'on a posée...
... c'était une coproduction de l'après-guerre, en fait, le social, en France.
La question qu'on a posée hier ce n'était pas ça. La question qu'on a posée hier c'est que pour une fois, et c'était assez rare, il y avait des chefs d'entreprise, il y avait H. Proglio, il y avait L. Parisot, il y avait H. de Castries ; il y avait des syndicalistes, il y avait J.-C. Mailly, il y avait F. Chérèque, il y avait N. Notat qui est une ancienne responsable syndicale.
Chérèque qui demande l'augmentation des salariés de Pôle Emploi, vous le savez.
Oui, oui ! Il y avait J. Voisin, pardon. Sur ce sujet, peut-être un petit... vous souhaitez qu'on dise un petit mot sur l'augmentation des salariés de Pôle Emploi ?
Oui, il dit « c'est une urgence absolue, autrement on s'en tirera pas ».
Oui, on décidera au plus tard la semaine prochaine. L'augmentation portera à la fois sur des renforts temporaires d'effectifs et en même temps sur un recours renforcé aux agences d'intérim, et au plus tard la décision sera prise la semaine prochaine. Pôle Emploi a besoin qu'on lui donne les moyens d'affronter le choc de la crise.
C'est tout à fait nouveau, c'est la première fois que vous en parlez de cette augmentation des effectifs.
Oui, tout à fait ! Enfin, on a déjà fait des augmentations d'effectifs, le président de la République en a accepté le principe, C. Charpy nous a livré cette semaine ses premières évaluations, donc on ira.
Combien de gens ?
Pour l'instant...
... c'est des dizaines ou c'est 3-4 ?
... vous savez, quand on est en charge de la politique de l'emploi dans le Gouvernement, il ne faut pas lancer des choses au hasard. Donc, pour l'instant, on a eu les retours de C. Charpy, maintenant je veux évaluer, voir les régions qui souffrent le plus, là où on a le plus besoin, et pas lancer des chiffres au hasard. Mais si vous voulez, je vous en parlerai quand la décision sera prise.
Deux petites questions, il nous reste une minute. C'est quoi une politique sociale de droite, L. Wauquiez ?
Alors, la question c'est pas « qu'est-ce que c'es qu'une politique sociale de droite ? », la question c'est quelle est la bonne politique sociale pour l'après-crise ? Premier élément, c'est qu'il faut s'occuper des classes moyennes. La politique sociale ça ne peut plus être s'occuper uniquement des plus défavorisés.
Ben, c'est eux qui trinquent le plus !
Ben non ! Ceux qui trinquent le plus dans la crise c'est les classes moyennes, et il y a un moment où il faut arrêter le "politiquement social correct", ceux qui souffrent le plus en France aujourd'hui, c'est les classes moyennes et les classes moyennes modestes.
Et alors on fait quoi ? C'est par la fiscalité qu'on essaie de sortir de la situation ?
Non, il y a plusieurs éléments par exemple, c'est toute la question en fait des seuils qui est posée.
Il nous reste une minute.
Pourquoi est-ce que les classes moyennes n'ont jamais accès aux bourses de mérite pour leurs enfants ? Pourquoi est-ce que pour les aides au logement, les classes moyennes sont systématiquement exclues ? La réalité c'est qu'on a un système de protection sociale qui est fondé systématiquement sur des seuils de revenus et qui laisse de côté les classes moyennes, notamment modestes. C'est ça le problème et c'est un problème d'équité et de justice de notre système social. Et donc, dans l'après-crise, la pierre de touche fondamentale d'évolution de notre politique sociale, ce sera l'équité et la justice, notamment pour les classes moyennes.
Et pourquoi vous avez taclé, d'une certaine manière, J.-F. Copé, ça sera ma dernière question, en disant, finalement, en substance - c'est moi qui le dis - que c'était absurde la coproduction législative entre le Gouvernement et l'Assemblée seulement ?
Parce que je pense que c'est un concept totalement ringard. Pour deux raisons...
Ca doit lui faire plaisir, s'il nous écoute, ce matin !
Non, enfin, moi j'ai l'habitude de dire les choses...
... oui, vous avez entendu une sorte de petit miaulement d'E. Ruggieri qui vient d'entrer dans ce studio.
Oui ! Bon, après chacun son approche. Moi, j'essaie de regarder les choses avec un regard neuf dont je pense on a besoin.
Il nous reste 30 secondes.
Pourquoi c'est dépassé ? D'abord, parce que ça raisonne uniquement dans un tête-à-tête Gouvernement/Parlement. Il n'y a pas que le Gouvernement et le Parlement dans cet pays, il y a les entreprises, il y a les syndicats, il y a les associations, il y a tous les acteurs de terrain. Et puis, la deuxième chose c'est que ça raisonne seulement par la loi. Or, dans la crise, on s'est aperçus que souvent les mobilisations de terrain ont été plus efficaces. Quand H. Proglio a mobilisé...
...pas si mobiles que ça, les parlementaires, qui n'étaient déjà pas là hier soir, sur l'identité nationale, si vous leur dites qu'ils ne servent pas à grand-chose...
... eh ben, non, justement...
... ça va renforcer l'idée que le pouvoir fait tout...
Non.
... et que les entreprises accompagnent le pouvoir dans un...
Non. Entreprises, syndicats, etc. Mais justement, à mon avis l'évolution aussi du travail des parlementaires, c'est de contrôler cette multi production sur le terrain et d'être associés à l'application des mesures. Pas se contenter d'une belle loi, mais associer les parlementaires à l'application sur le terrain, ça me semble un peu plus moderne comme concept que la coproduction législative.
Merci, L. Wauquiez, d'être venu nous voir ce matin. Je rappelle que vous êtes chargé de l'Emploi au Gouvernement.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 décembre 2009
Bonjour.
Bienvenue sur l'antenne de Radio Classique. Vous avez probablement lu l'article du président de la République, hier, dans Le Monde. Le pays se passionne pour cette histoire d'identité nationale, la gauche et la droite s'empoignent, et personne à l'Assemblée, cinquante députés. Est-ce que c'est vraiment sérieux ? (...Des secondes de silence, ndlr). Je sais bien que je vous prends à froid le matin, mais enfin quand même c'est vrai que pour l'opinion c'est un peu bizarre.
Oui, la première chose, et qui je pense est une vraie leçon, de ce que vous avez dit, c'est vrai que c'est un débat qui intéresse beaucoup les Français.
Et pas les députés !
Et pas une certaine partie des députés. Et je pense que c'est un vrai signal d'alerte pour la classe politique.
Mais qu'est-ce qu'ils font quand on parle d'identité nationale les députés ? Ils sont dans leur circonscription ? Je sais bien que ça paraît un peu agressif, dès le matin, à 8h30 ?
Il y a une partie - je vais être assez brutal - je pense qu'il y a une partie de la classe politique qui n'a pas compris les leçons du 21 avril. Je vais prendre un exemple précis. J.-F. Kahn a dit : « ce ne sont que des discussions de bistrot ». Je suis assez halluciné par ce mépris pour le peuple, c'est-à-dire qu'on a d'un côté des citoyens qui s'y intéressent, qui considèrent que, bon, voilà, bon sur le moment, c'est maintenant que ça arrive et on y va, ce n'est pas un débat qu'on fuit, et puis de l'autre côté une classe politique qui tâte du bout de l'orteil et qui n'a pas envie de plonger dans le débat. Et ça me semble une vraie erreur parce que quand les Français voient qu'on ne veut pas débattre d'un sujet, eh bien ça aboutit à des conséquences qui sont assez graves. Quand on a nié les questions d'insécurité, on a eu le 21 avril. Quand on a refusé d'entendre l'inquiétude des Français sur la mondialisation, on a eu le non à l'Europe. Et donc, j'ai envie de dire à tous ces politiques qui n'ont pas envie d'assumer des débats qui sont pourtant des vraies questions pour les Français : « quittez vos petits salons parisiens et allez peut-être dans les bistrots, allez sur le net ».
L. Wauquiez, c'est vous qui avez employé ce verbe, justement, « quittez ». Est-ce que ce débat il est sain quand on prononce des phrases du genre « la France on l'aime ou on la quitte », parce que c'est peut-être pour ça qu'ils sont pas là, c'est qu'il y a une sorte de désolidarisation. L'absence c'est une prise de position, ce n'est pas une indifférence.
Quand on est un élu du peuple, sa responsabilité c'est précisément de faire en sorte que les débats se situent au bon niveau. Et la responsabilité d'un élu ce n'est pas de mettre comme de la poussière sous le tapis parce que vous n'avez pas envie de le faire, la responsabilité c'est de répondre aux questions et aux inquiétudes des Français mais de le faire en élevant le débat. Et finalement, c'est ce qu'a fait, hier, le président de la République, avec sa tribune dans Le Monde, il a placé le débat sur l'identité nationale au niveau où il doit être. C'est quoi ce débat ? Ce débat c'est de dire ^ : dans la mondialisation, il y a un équilibre à trouver entre d'une part l'ouverture à la différence, et d'autre part le maintien de l'identité ; ouverture à la différence, acceptation de l'autre, acceptation d'un Islam de France, acceptation de la différence dans un pays qui est ouvert.
Il y a beaucoup de gens qui disent "stigmatisation", c'est-à-dire que l'acceptation de la différence et en même temps cette nécessité de se situer justement dans la mondialisation, ça tout le monde est d'accord. Mais pendant ce temps-là, il y a les contrôles d'identité au faciès, pendant ce temps-là il y a un comportement... on a entendu un élu dans une ville de province dire qu'il y avait trop d'Arabes en France, vous le savez, vous le connaissez, vous êtes député de Haute- Loire, vous n'êtes pas un type qui ne connaissez pas du tout ce que c'est que la France profonde.
Surtout que...enfin, un, moi, je connais parce que je suis élu effectivement d'un département, la Haute-Loire, où ces questions sont aussi de des questions qui intéressent, et puis aussi parce que je parle arabe, que j'ai vécu en Egypte. Donc, ce n'est pas des questions que je prends à la légère. Si je prends le cas de la Haute-Loire, chez moi, je suis maire d'une ville, le Puy-en-Velay, qui fait 20 000 habitants, qui est une ville dans laquelle la tradition chrétienne est importante - c'est un des points de départ de Saint-Jacques-de-Compostelle. Et dans le même temps, j'ai une communauté musulmane qui est importante, qui vit dans le plus grand respect de la ville, qui a construit une mosquée parfaitement intégrée dans le paysage urbain, et j'ai eu il y a un mois une femme qui est venue en burqa dans la piscine et qui s'est dirigée directement vers le bassin de la piscine. On l'a arrêtée.
Une !
Une. N'empêche que ça a posé une question et que dans la ville ça a fait quand même une espèce d'électrochoc. On voit bien sur cet exemple-là, qui est un exemple simple, dans un département - ce n'est pas la couronne parisienne, ce n'est pas Marseille, c'est la Haute-Loire - et dans lequel on voit bien l'équilibre.
Vous n'avez pas l'impression quand même que l'écosystème politique de l'endroit a été entièrement perturbé par la présence d'une femme qui s'est présentée à une piscine avec une burqa. Probablement, elle est repartie, l'affaire est terminée, on en a parlé dans les journaux locaux et puis basta.
Oui, mais ce que ça montre c'est que, et c'est là où nous aide, c'est que ça montre la ligne de partage entre d'une part un islam de France qu'on ne doit pas stigmatiser, auquel on doit s'ouvrir, auquel on doit laisser toute sa place, et d'autre part des pratiques qui sont des pratiques qui ne sont pas compatibles avec ce qu'est notre pays et notre République. Et c'est finalement cette ligne de partage qui ne nécessite pas des stigmatisations, qui ne nécessite pas des polémiques excessives, qui nécessite juste de la part des élus un effort pour situer le débat là où il doit être situé.
Je voudrais que vous écoutiez un certain nombre de réactions ce matin sur, justement, ce qui s'est passé hier soir à l'Assemblée nationale. RTL, 07 h 54, E. Besson, la question d'Apathie c'est « faut-il interdire les drapeaux étrangers dans les mairies et les préaux des mairies au moment des mariages, comme le demandent une centaine d'élus UMP ? ». La réponse d'E. Besson.
(Extrait interview d'E. Besson - RTL).
Voilà. Et France Inter, 8h23, M. Aubry sur l'identité nationale, elle considère donc qu'on instaure un très mauvais climat en France.
M. Aubry (Extrait interview à France Inter). : Je le dis très franchement : c'est quoi ce climat qu'on est en train de nous installer en France ? Un jour, c'est le mariage gris, le lendemain c'est la burqa, le troisième jour ce serait les drapeaux étrangers dans les mairies. Donc, ce climat délétère qui vise à montrer l'étranger, celui qui est différent, il est contraire à ce nous sommes.
Voilà, donc le point de vue de M. Aubry. C'est vrai que on a le sentiment que non pas tout ça dérape mais que c'est totalement disproportionné avec la situation qui existe en France, ou est-ce que je me trompe totalement ?
Là encore, enfin on a l'impression que pour le PS c'est un débat qui les met mal à l'aise, ils ont pas envie de débattre, et pire que ça ils n'ont pas envie que les Français débattent. Sur ces questions de drapeaux, moi je n'ai aucun problème à ce que quelqu'un ressente une double identité et qu'il ait une double appartenance. Ce n'est pas dans la tradition républicaine française, c'est vrai, parce que la tradition française, notamment au début du 20e siècle, c'était : « vous vous intégrez à la France, vous laissez de côté de l'identité, le pays dont vous venez » ; « vous êtes italien, vous oubliez l'Italie ; vous êtes polonais, vous oubliez la Pologne ; vous êtes espagnol, vous oubliez l'Espagne ». Je pense que notre identité nationale au 21e siècle, ce n'est pas la même chose et ça ne peut pas être la même chose, et ça ne peut pas être la même chose.
C'est-à-dire qu'il y a une évolution de la République.
Oui, bien sûr !
On n'est plus dans la République "laïcarde", simple ?
Pas avec ce modèle de creuset républicain où vous ne pouvez devenir Français qu'en abandonnant vos origines. Ma conception, c'est que arrivez, vous avez une histoire, vous venez d'un pays, qui peut être l'Algérie, qui peut être le Maroc, il y a ces racines auxquelles on ne vous demande pas de renoncer. La seule chose qu'on vous demande c'est d'accepter une autre identité et d'avoir cette double identité. Du coup, moi, je n'ai aucun problème à ce quelqu'un prenne le drapeau algérien. Par contre, ce qui me gêne c'est quand on siffle La Marseillaise, ou quand on brûle le drapeau français. Ca, c'est inacceptable. Et là encore, ce n'est pas des petits débats, on le voit bien, c'est pour ça que la position du PS consistant à tirer vers le bas le débat ne me semble pas intéressante.
On termine là-dessus parce qu'il faut qu'on parle d'économie...
... Et sociale, surtout.
On parle d'économie. C'est vrai que les chiffres du chômage ne sont pas bons, vous les connaissez, tout le monde les connaît d'ailleurs, le dernier c'est +52 000.
Oui, oui, si je puis quand même me permettre, le dernier chiffre c'est la stabilisation du taux de chômage au 3e trimestre.
Oui, mais on va en parler, non mais ce que je voudrais savoir d'abord, c'est : est-ce que vous avez comme crainte, vous qui êtes un des responsables au Gouvernement des questions économiques, que l'affaire des menaces qui pèsent sur les transports, justement, paralysent la fin d'année et paralysent la consommation intérieure si jamais on ne donne pas raison aux salariés du transport routier ? Il y a une crainte là !
On est dans une période qui est une période d'activité syndicale, notamment avec le congrès de la CGT, et dans un contexte comme celui-ci qui est un contexte de fin d'année, il est assez habituel que les syndicats aient des déclarations ou des revendications.
Mais est-ce que le Gouvernement a poussé les patrons à céder sur les revendications salariales de manière à ce que les achats de Noël aient lieu normalement ? Est-ce que vous le souhaitez, vous ?
Quelle est la responsabilité du Gouvernement dans un conflit comme celui-là ? C'est un conflit entre d'une part les routiers, d'autre part les employeurs dans le secteur. La responsabilité du Gouvernement, c'est de faire en sorte qu'il y ait un dialogue, que ce dialogue ait lieu, et que les arguments puissent être échangés et que tout le monde soit autour de la table dans un climat respectueux. La responsabilité du Gouvernement ce n'est pas de se substituer ni aux routiers, ni aux employeurs. Par contre, nous, on a une deuxième responsabilité...
Il y a beaucoup d'exemples où quand on ne s'est pas substitué, il n'y a pas eu d'accord et il y a eu grève.
C'est pour ça que ce qu'a fait D. Bussereau en le prenant tout de suite à bras le corps, et je pense qu'il a eu raison, c'est de immédiatement faire que l'Etat joue ce rôle de médiateur, c'est-à-dire que le dialogue ne soit pas rompu, qu'on se retrouve pas chacun dans la ligne de tranchée, avec un affrontement où on n'échange plus. Et, on le sait bien, enfin surtout maintenant, moi, ces questions de dialogue sociale sont des questions qui m'intéressent beaucoup, et sur lesquelles je pense que notre pays a beaucoup à évoluer, il ne faut surtout pas s'enfermer dans des positions de tranchées. Donc, la responsabilité du Gouvernement c'est maintenir tout le monde autour de la table, continuer à avoir un échange, mais pas d'ingérence... Juste, si vous me permettez, un deuxième point, parce qu'en temps que ministre de l'Emploi, ça me préoccupe, c'est la question d'être attentif à l'emploi dans ce secteur, veiller à l'évolution des charges sur le transport routier, veiller aux questions de compétitivité de nos entreprises, parce que moi ce que je ne veux pas c'est qu'on rajoute la crise à la crise, et que du coup on perde des emplois dans le secteur routier.
Quand la gauche réclame l'augmentation de six mois de la durée d'indemnisation, justement, du chômage, avec toujours un salaire à 80 %, est-ce que vous considérez que c'est une bonne idée ou pas, pour palier justement la crise telle qu'elle existe actuellement ?
Vous savez, hier, on a fait une grande après-midi de travail...
... on va en parler, mais là, la question précise : est-ce qu'il faut augmenter la durée d'indemnisation ?
Pour l'instant, on a amélioré l'indemnisation de l'assurance chômage, ou plutôt les partenaires sociaux ont amélioré le fonctionnement de l'Assurance chômage. Elle permet de mieux indemniser sur une durée qui est plus longue et qui est plus claire. Donc, pour l'instant, à ce stade, on n'a pas encore des situations qui sont des situations qui peuvent être très difficiles de chômeurs de longue durée. Les partenaires sociaux ont commencé à en discuter, c'est de leur responsabilité, c'est un système qui est géré par les partenaires sociaux, donc j'attends de voir comment évoluent leurs discussions. C'est un point important : dans le domaine social, il y a des champs qui sont de la responsabilité des partenaires sociaux, il y a des champs qui sont de la responsabilité du Gouvernement. Et par le passé, on a trop confondu.
Donc, il ne faut pas, vous ne le souhaitez pas.
Non ! Pour l'instant, je dis les partenaires...
... oui, c'est les partenaires sociaux, mais vous avez un point de vue, vous n'êtes pas...
Je l'ai exprimé : un, le point de vue c'est qu'on a déjà une Assurance chômage qui a été améliorée ; deux, ce problème est un problème qui se posera peut-être, pour l'instant il n'est pas dans l'urgence ; et trois, on a déjà des partenaires sociaux qui ont commencé à étudier la question.
Avant qu'on en vienne à votre colloque, pour terminer cet entretien, on a quand même le sentiment que le système de protection sociale a amorti la crise - puisque c'est un colloque sur l'après-crise - en France, mais qu'en même temps il est aussi un handicap pour le redémarrage, comme on le voit dans le système, enfin dans le monde de l'emploi aux Etats-Unis. Alors, est-ce qu'on a mieux amorti et est-ce que ça veut dire que comme on a mieux amorti, on va moins bien redémarrer ?
Alors, un, la première chose, oui la France...
... il faut aller vite parce qu'il faut parler du colloque.
...La France a mieux amorti la crise, c'est très clair.
Et est-ce qu'on redémarre moins bien, plus tard ?
...Deux, l'autre question c'est que le social dans l'après-crise ne peut pas être le même que dans l'avant-crise, tout simplement parce qu'on va avoir la question des déficits, mais pas que ça, parce qu'on va avoir des blessures qui auront été liées à la crise et qu'il faudra qu'on soit capables de panser.
Mais il y a des gens qui se suicident, il y a des SDF qui sont morts.
C'est pour ça qu'on aura besoin aussi de social.
300 SDF en 2009.
C'est pour ça qu'on aura besoin de social aussi dans l'après-crise. Et puis, trois, il faut qu'on arrive à sortir de cette espèce de polémique où on oppose d'un côté le social et l'économique.
Mais quand vous faites un colloque, par exemple, sur la politique sociale de la droite, qu'est-ce que ça pourrait être par rapport à celle de la gauche ? Est-ce que c'est vraiment le moment de se poser cette question alors qu'on est en plein marasme, c'est-à-dire « voilà ce que nous on pense, la droite » ?
La question qu'on a posée...
... c'était une coproduction de l'après-guerre, en fait, le social, en France.
La question qu'on a posée hier ce n'était pas ça. La question qu'on a posée hier c'est que pour une fois, et c'était assez rare, il y avait des chefs d'entreprise, il y avait H. Proglio, il y avait L. Parisot, il y avait H. de Castries ; il y avait des syndicalistes, il y avait J.-C. Mailly, il y avait F. Chérèque, il y avait N. Notat qui est une ancienne responsable syndicale.
Chérèque qui demande l'augmentation des salariés de Pôle Emploi, vous le savez.
Oui, oui ! Il y avait J. Voisin, pardon. Sur ce sujet, peut-être un petit... vous souhaitez qu'on dise un petit mot sur l'augmentation des salariés de Pôle Emploi ?
Oui, il dit « c'est une urgence absolue, autrement on s'en tirera pas ».
Oui, on décidera au plus tard la semaine prochaine. L'augmentation portera à la fois sur des renforts temporaires d'effectifs et en même temps sur un recours renforcé aux agences d'intérim, et au plus tard la décision sera prise la semaine prochaine. Pôle Emploi a besoin qu'on lui donne les moyens d'affronter le choc de la crise.
C'est tout à fait nouveau, c'est la première fois que vous en parlez de cette augmentation des effectifs.
Oui, tout à fait ! Enfin, on a déjà fait des augmentations d'effectifs, le président de la République en a accepté le principe, C. Charpy nous a livré cette semaine ses premières évaluations, donc on ira.
Combien de gens ?
Pour l'instant...
... c'est des dizaines ou c'est 3-4 ?
... vous savez, quand on est en charge de la politique de l'emploi dans le Gouvernement, il ne faut pas lancer des choses au hasard. Donc, pour l'instant, on a eu les retours de C. Charpy, maintenant je veux évaluer, voir les régions qui souffrent le plus, là où on a le plus besoin, et pas lancer des chiffres au hasard. Mais si vous voulez, je vous en parlerai quand la décision sera prise.
Deux petites questions, il nous reste une minute. C'est quoi une politique sociale de droite, L. Wauquiez ?
Alors, la question c'est pas « qu'est-ce que c'es qu'une politique sociale de droite ? », la question c'est quelle est la bonne politique sociale pour l'après-crise ? Premier élément, c'est qu'il faut s'occuper des classes moyennes. La politique sociale ça ne peut plus être s'occuper uniquement des plus défavorisés.
Ben, c'est eux qui trinquent le plus !
Ben non ! Ceux qui trinquent le plus dans la crise c'est les classes moyennes, et il y a un moment où il faut arrêter le "politiquement social correct", ceux qui souffrent le plus en France aujourd'hui, c'est les classes moyennes et les classes moyennes modestes.
Et alors on fait quoi ? C'est par la fiscalité qu'on essaie de sortir de la situation ?
Non, il y a plusieurs éléments par exemple, c'est toute la question en fait des seuils qui est posée.
Il nous reste une minute.
Pourquoi est-ce que les classes moyennes n'ont jamais accès aux bourses de mérite pour leurs enfants ? Pourquoi est-ce que pour les aides au logement, les classes moyennes sont systématiquement exclues ? La réalité c'est qu'on a un système de protection sociale qui est fondé systématiquement sur des seuils de revenus et qui laisse de côté les classes moyennes, notamment modestes. C'est ça le problème et c'est un problème d'équité et de justice de notre système social. Et donc, dans l'après-crise, la pierre de touche fondamentale d'évolution de notre politique sociale, ce sera l'équité et la justice, notamment pour les classes moyennes.
Et pourquoi vous avez taclé, d'une certaine manière, J.-F. Copé, ça sera ma dernière question, en disant, finalement, en substance - c'est moi qui le dis - que c'était absurde la coproduction législative entre le Gouvernement et l'Assemblée seulement ?
Parce que je pense que c'est un concept totalement ringard. Pour deux raisons...
Ca doit lui faire plaisir, s'il nous écoute, ce matin !
Non, enfin, moi j'ai l'habitude de dire les choses...
... oui, vous avez entendu une sorte de petit miaulement d'E. Ruggieri qui vient d'entrer dans ce studio.
Oui ! Bon, après chacun son approche. Moi, j'essaie de regarder les choses avec un regard neuf dont je pense on a besoin.
Il nous reste 30 secondes.
Pourquoi c'est dépassé ? D'abord, parce que ça raisonne uniquement dans un tête-à-tête Gouvernement/Parlement. Il n'y a pas que le Gouvernement et le Parlement dans cet pays, il y a les entreprises, il y a les syndicats, il y a les associations, il y a tous les acteurs de terrain. Et puis, la deuxième chose c'est que ça raisonne seulement par la loi. Or, dans la crise, on s'est aperçus que souvent les mobilisations de terrain ont été plus efficaces. Quand H. Proglio a mobilisé...
...pas si mobiles que ça, les parlementaires, qui n'étaient déjà pas là hier soir, sur l'identité nationale, si vous leur dites qu'ils ne servent pas à grand-chose...
... eh ben, non, justement...
... ça va renforcer l'idée que le pouvoir fait tout...
Non.
... et que les entreprises accompagnent le pouvoir dans un...
Non. Entreprises, syndicats, etc. Mais justement, à mon avis l'évolution aussi du travail des parlementaires, c'est de contrôler cette multi production sur le terrain et d'être associés à l'application des mesures. Pas se contenter d'une belle loi, mais associer les parlementaires à l'application sur le terrain, ça me semble un peu plus moderne comme concept que la coproduction législative.
Merci, L. Wauquiez, d'être venu nous voir ce matin. Je rappelle que vous êtes chargé de l'Emploi au Gouvernement.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 décembre 2009