Interview de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délagué à l'enseignement professionnel, à France-Inter le 24 avril 2001, sur l'enseignement professionnel, l'orientation scolaire, l'apprentissage et la culture technique dans l'enseignement général.

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Média : France Inter

Texte intégral

Patricia MARTIN
Est ce un sujet tabou que nous allons traiter ce matin ? On aurait plutôt envie de dire un sujet sensible, épidermique, quant on sait qu'en France, dès que l'on touche à l'éducation de nos enfants chacun se sent concerné. Faut-il réformer tout le système, de la maternelle à la faculté ? Faut-il en finir avec le collège unique mis en place il y a maintenant plus de vingt cinq ans, sachant que l'accès au savoir devrait être égal pour tous ? Le ministre de l'éducation nationale a déjà fait connaître ses propositions en la matière. Ce matin vous verrez d'ailleurs dans le journal LE PARISIEN AUJOURD'HUI EN FRANCE, ses autres projets. Jean-Luc MELENCHON, bonjour.
Jean-Luc MELENCHON, ministre délégué à l'enseignement professionnel
Bonjour.
Patricia MARTIN
Vous êtes ministre délégué à l'Enseignement professionnel. Comment ça va avec Jack LANG ?
Jean-Luc MELENCHON
Plutôt bien, plutôt bien. Evidemment, moi, je profite un peu de la manière d'être qui est la sienne, qui est une manière ouverte. Bon, il lance des débats et moi j'y participe. mais il est clair qu'il a en charge l'ensemble de l'Education nationale, moi j'ai en charge l'enseignement professionnel dans l'ensemble du monde éducatif, c'est à dire du secondaire au supérieur. Je m'acharne, si j'ose dire, hein, beaucoup, je m'attache beaucoup à faire avancer dans le secondaire, qui représente la moitié de chaque tranche d'âge. Les gens ne le savent pas, en général. Quand on parle de tout ça, ils croient que c'est quelques élèves. Non, c'est la moitié de chaque classe d'âge qui entre dans le circuit de l'enseignement professionnel sous statut scolaire, s'y ajoutent les apprentis, hein, qui sont quatre cent mille dans notre pays. Voilà, j'insiste sur ces chiffres parce que ma foi je suis un peu le porte-parole de ceux qui n'ont pas souvent le droit à la parole, c'est à dire les gens qui travaillent, leurs enfants, les enfants qui ont envie de faire des beaux métiers et qui, et bien ma foi, sont rarement les héros de l'histoire. Pourtant ce sont les plus nombreux et ce sont eux qui font la richesse et la grandeur de notre pays.
Patricia MARTIN
Jean-Luc MELENCHON, on sait que vous vous êtes plutôt partisan d'une réforme en profondeur, une sorte de réforme radicale, c'est à dire la suppression du collège unique. Vous vous êtes exprimé là-dessus...
Jean-Luc MELENCHON
Vous voulez ma... Il y a une vie après l'émission, hein?
Patricia MARTIN
Non mais c'est quand même ce que... Vous avez un petit peu... Vous n'avez pas pris le train en marche, c'est le moins qu'on puisse dire alors que ce que propose Jack LANG, on va y revenir, c'est une sorte de réaménagement, un petit peu, de ce qui existe. Parce que vous, vous dîtes en ce moment, vous avez employé, je crois, l'expression, je l'ai trouvée sous votre plume, "d'acharnement pédagogique", c'est-à-dire qu'il y a des élèves qu'on maintient dans un système qui n'est pas fait pour eux.
Jean-Luc MELENCHON
Attendez, on va prendre la bonne expression : j'ai parlé d'acharnement académique, hein. Parce que l'acharnement pédagogique c'est bien, c'est d'ailleurs pour ça qu'on paye les profs, hein? Il faut qu'ils s'acharnent. D'ailleurs ils le font. Moi mon propos si vous voulez n'a pas pour objectif de dire ce qu'il y a lieu de faire dans l'ensemble du collège. De ce point de vue Jack LANG a pris un ensemble de mesures qui est assez équilibré, qui tient compte de mon point de vue et qui, aussi, nécessairement, tient compte du point de vue des autres protagonistes de ce débat. Personne ne peut lui en vouloir d'avoir essayé de trouver un point d'équilibre. Bon, alors, moi mon intervention elle concerne deux choses, concernait, puisque d'une certaine manière le débat est clos pour l'instant, deux points particuliers. Je crois que sur ce point nous partageons complètement la même sensibilité avec Jack LANG. Les voici : premièrement, à l'évidence, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et le résultat on l'a sous les yeux. Il y a seize mille élèves qui en classe de quatrième ont plus de quinze ans, ça veut dire seize ans, dix sept ans, etc. Bon, à l'évidence la forme de l'enseignement qu'ils reçoivent ne leur convient pas. A partir de là il y a deux diagnostics possibles. Soit on peut dire, ce sont des imbéciles, il n'y a rien à en tirer, ils sont bons à rien, et puis voilà, on les pousse dans le dos jusqu'à ce qu'ils arrivent à la troisième et puis une fois qu'ils ont finie la troisième on les fait passer en seconde et là, patatras ! Comme on a poussé, poussé, poussé, poussé en dépit de tout bon sens et bien on fait un deuxième constat, il y a un deuxième chiffre terrible qui arrive à ce moment là, plus de vingt pour cent qui arrivent dans cette seconde générale et technologique ne sont pas à leur place puisqu'il faut les réorienter, réorganiser leur cursus. Onze mille quittent l'école sans aucune espèce de qualification à ce moment là, après avoir fait une seconde, et dix sept mille triplent la classe de seconde. Voilà, il n'y a pas besoin d'être un grand génie pour comprendre qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Donc moi mon idée, c'était de dire "donnons la possibilité à tout jeune qui a quinze ans de choisir, quel que soit l'endroit ou il se trouve, c'est à dire au collège ou au lycée, son orientation." Même âge, même droit. Pourquoi je dis même âge, même droit ? Parce que de toute façon, à quinze ans, quant on a suivi une scolarité normale on choisit. Soit parce qu'on est en fin de troisième et là on doit choisir si on va en seconde générale et technologique ou bien si on va dans l'enseignement professionnel. Soit parce qu'on est en seconde et on va choisir un choix qui est très lourd, dont je demande qu'on réfléchisse à la force. Il va choisir si il va aller plutôt côté techno ou plutôt côté matières générales. Et quand il fait le choix général il doit choisir entre sciences et lettres qui sont des choix décisifs pour sa vie intellectuelle et aussi pour le pays si vous permettez de tant à autres, quand même, qu'on parle de l'intérêt général. Et quand on fait le choix de la techno on va choisir entre des différences qui sont aussi lourdes que d'aller, par exemple, dans l'industriel ou d'aller dans le tertiaire. Donc, un jeune de quinze ans qui suit une scolarité normale fait normalement un choix à quinze ans. Donc moi j'ai proposé qu'il puisse le faire où qu'il se trouve. Bon, alors, sur ce sujet il a suffit que j'ai dit ça pour qu'aussitôt toutes sortes de vieux turbans se réveillent et viennent me faire un procès assez amusant compte tenu de l'homme politique que je suis en unité républicaine. Bon, alors voilà.
Patricia MARTIN
Alors les vieux turbans. Il faut dire, Marie-Christine LE DU, que ça a fait du papier parce qu'à voir les dossiers qu'il y a sur votre bureau, vous qui êtes spécialiste des questions d'éducation à la rédaction de FRANCE INTER. C'est absolument incroyable l'encre que ça a fait couler !
Marie-Christine LE DU, spécialiste des questions d'éducation à la rédaction de FRANCE INTER
Oui ça a fait beaucoup de papier et à chaque fois on retrouve les mêmes chiffres. Il ne faut toujours pas perdre de vue qu'il y a soixante cinq mille jeunes, on l'estime, ça peut être plus qui quittent l'école à seize dix sept ans, c'est à dire à l'issue de la classe de troisième sans formation, sans diplôme, et que la plupart ils ont passé au moins douze ans à l'école. Donc ils quittent l'école sans rien et puis c'est vrai, vous l'avez encore rappelé, il y a ce sondage, ce matin, dans LE PARISIEN, ça fait constamment parler. Alors on dit que 88 % des personnes interrogées sont plutôt favorables aux mesures présentées par Jack LANG avant les vacances. Il faudrait leur demander d'ailleurs ce qu'il y a dans cette réforme, je ne suis pas sûre qu'ils le sachent. Et puis il y a un autre sondage qu'il ne faut pas perdre de vue c'est que les enseignants du SNES qui ont moins de trente cinq ans, qui ont été interrogés par le SNES il y a quelques semaines, 73 % disent que ça ne se passe pas bien au collège. Donc c'est vrai, comme le disait monsieur MELENCHON à l'instant, il y a un problème et on ne peut pas négliger qu'il y a des jeunes qui se retrouvent à l'issue de la troisième éjectés du système scolaire et qui se retrouvent sans rien. Et ces jeunes, il faut bien s'en préoccuper et c'est pour cela que leur orientation si on peut la faciliter en quatrième, troisième, quand ils ont justement quinze ans - puisqu'ils ne se trouvent pas en seconde, ces jeunes - et bien c'est peut être une bonne chose à faire.
Patricia MARTIN
Et de tout cela, précisément, figurez-vous que nous allons en parler, je ne vous apprends rien, sur FRANCE INTER, dans ALTER EGO. Vos questions, donc, à Jean-Luc MELENCHON et à Marie-Christine LE DU au 01 45 24 7000, vos témoignages, aussi, que vous soyez enseignants, parents d'élèves, élèves heureux ou malheureux. Dites-nous ce que vous pensez du système éducatif.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, enfin, à cette heure là les élèves ils sont à l'école, hein, j'espère.
Marie-Christine LE DU
Pas dans toutes les zones. Il y en a qui sont encore en vacances.
Jean-Luc MELENCHON
Ah! oui... Moi comme je n'en ai pas eu, de vacances, j'ai tendance à croire que les autres n'en ont pas.
Patricia MARTIN
En tous cas je peux vous dire que Romane, Julie et Sandrine sont en charge du standard ce matin. Elles attendent vos appels de pied ferme. Vous disposez également pour nous contacter d'Internet. Notre adresse c'est toujours la même : FRANCE INTER.COM rubrique ALTER EGO.
pause musicale
Patricia MARTIN
" Tomber la Chemise ". Ca vous plait bien, ça, Jean-Luc MELENCHON.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, oui.
Patricia MARTIN
Ca met en forme le matin. Laetitia bonjour.
Laetitia
Bonjour ! Voilà, moi je souhaitais réagir. Je suis stagiaire en anglais cette année, j'ai été mutée dans le nord et c'est la grosse, grosse désillusion. Et en fait, donc, je me suis rendue compte que le collège unique ça ne fonctionnait pas, je pense. C'est à dire qu'on a en face de nous, enfin je suis professeur d'anglais, des élèves qui dès la cinquième sont complètement démotivés, qui ont des gros problèmes en français et qui, bon, et bien pour leur apprendre l'anglais c'est vraiment extrêmement difficile et, en fait, les professeurs de collège nous disent à nous, stagiaires, et bien voilà, ces élèves sont très faibles donc on les laisse passer, ils font la cinquième, ils passent en quatrième, ils passent en troisième avec des résultats absolument catastrophiques dans toutes les matières. En troisième, il faut les réorienter quelque part donc ils essaient de postuler en BEP, ils essaient de postuler pour rentrer dans des CAP. Ils ne sont pas toujours pris et il n'y a rien, il n'y a rien. Donc les élèves qui ont des, comment dire, on pense qu'ils peuvent s'en sortir, on va les faire redoubler. Et ça c'est vraiment... Quant on arrive, quant on a passé les concours, qu'on est vraiment plein d'enthousiasme et qu'on arrive dans l'Education nationale c'est vraiment quand même très difficile à avaler et moi vraiment cette année de formation en IUFM je trouve ça extrêmement difficile. D'autre part, on n'arrête pas de nous dire qu'il faut rendre les élèves plus flexibles, adaptables. Enfin on se demande un petit peu ce que ça veut dire et ce qu'on attend de nous. Et, bon, moi je me rends bien compte que je ne peux pas faire mon métier, je ne peux pas leur enseigner l'anglais, c'est pas possible. Et quand j'entends qu'en sixième un des buts maintenant ça devient l'apprentissage de la lecture et de l'écriture c'est vrai que je me fais vraiment beaucoup de soucis et je me demande où on va. Il y a plein de système de remédiation pour essayer de remettre les élèves à niveau mais, bon, ils arrivent du primaire dans le secondaire ils ont déjà d'énormes difficultés et voilà, quoi.
Patricia MARTIN
Jean-Luc MELENCHON. Elèves malheureux, professeurs malheureux, on vient de l'entendre.
Jean-Luc MELENCHON
Oui, mais il faut faire attention. Bon, vous êtes stagiaire, hein, donc vous arrivez. Moi je ne vais pas vous apprendre votre métier, vous êtes vous-même en train de l'apprendre. Mais pas de panique. D'abord c'est le rôle de l'école d'élever les jeunes. D'accord ! Donc ça fait partie du métier. Voilà alors on a des jeunes, ils sont en difficulté, la vie a fait souffrir leurs parents des fois, eux-mêmes souffrent. Et bien le métier consiste à les amener, avec toutes les difficultés que ça comporte vers le savoir qui est libérateur et émancipateur. Alors après, bon... Ca il faut le rappeler, hein. C'est ça le métier ! Ce n'est pas simplement d'ouvrir un robinet, de savoir qui doit couler sur les têtes jusqu'à ce que ça rentre ! Bon, alors, maintenant c'est vrai qu'il y a des difficultés dont le public se rend peu compte parce que nous avons aussi maintenant..., arrivent dans les classes les enfants de la crise, ceux dont les parents ont vécu ces vingt terribles années. Ce sont les jeunes parents qui ont maintenant des jeunes enfants et ces parents, autant que les enfants, ont beaucoup souffert. Donc on a des enfants qui, souvent, sont blessés. A plus forte raison dans les régions ouvrières ou d'industries traditionnelles où les mutations ont été faites mais enfin la période d'avant a été très cruelle. Donc c'est en effet difficile. Alors, dans les mesures qui ont été prises, il y a des mesures qui sont prise très fortes qui marquent la prise de conscience du fait que c'est en amont que se situent les problèmes. Tout ce qui a été dit sur le renforcement de l'apprentissage de la lecture, là je vous donne 1000 fois raison, il est extrêmement difficile d'apprendre une autre langue quant on ne maîtrise pas la sienne, ça c'est tout à fait évident. Là dessus, vous avez complètement raison et je pense que les mesures qui ont été prises pour valoriser la lecture, l'apprentissage de la lecture, c'est à dire les apprentissages fondamentaux dans le primaire vont pouvoir nous donner un petit peu de respiration, et dans l'intervalle et bien il faut faire, voilà. Alors, par rapport à tout cela il faut bien qu'on se comprenne : l'enseignement professionnel est une chance de réalisation de soi pour les jeunes. La mission fondamentale de l'école c'est d'émanciper les jeunes et il y a plusieurs manières d'entrer dans le savoir. Il y a la manière académique, et puis il y a une autre manière, on appelle ça, c'est un grand mot, hein, déductive. Et puis il y a une autre manière que l'on va appeler inductive, plus concrète. Alors cette manière plus concrète, c'est plutôt celle que nous pratiquons, nous, dans l'enseignement professionnel. Mais au bout du compte, il faut bien que tous ceux qui m'entendent le comprennent, on apprend les mêmes choses. Les mathématiques par la voie académique ou les mathématiques dans l'enseignement professionnel c'est les mêmes. Simplement la voie d'accès n'est pas la même. Moi, mon plaidoyer a seulement été pour valoriser cette autre manière d'enseigner et l'enseignement professionnel qui par tradition historique, parce que tout simplement les machines, les techniques changent sans arrêt, a été conduit sans cesse à améliorer, affiner, repenser sa pédagogie. C'est donc un lieu où on a une pratique pédagogique extrêmement forte. Voilà, c'est tout. Je dis "cette possibilité se présente".
Patricia MARTIN
Sauf que là, si vous me permettez, vous avez quand même du travail devant vous. Il faut faire changer je dirais presque les mentalités, dans l'esprit des gens. L'enseignement technique professionnel c'est quand même la fameuse gestion de l'échec, c'est à dire parce qu'on n'en a pas voulu ailleurs, dans l'enseignement général, que ces élèves se retrouvent là.
Jean-Luc MELENCHON
Attendez ! Je ne peux pas vous démentir, parce que je sais très bien ce qui se passe.
Patricia MARTIN
Même si c'est fou. Mais c'est ce que se disent les gens.
Jean-Luc MELENCHON
Mais c'est ça la catastrophe si vous voulez. Ca c'est un vieux problème. C'est : quel statut on reconnaît au travailleur qualifié, à ceux qui font vivre ce pays dans l'imaginaire collectif, hein ? Or ce que ne savent pas les gens, et notamment, je le dis franchement, les gens de mon âge qui sont dans l'élite qui décide aujourd'hui, moi j'ai cinquante ans. Quand j'étais en faculté avec mes jeunes camarades.
Patricia MARTIN
Vous avez fait des études de philosophie, de lettres.
Jean-Luc MELENCHON
Oui de philosophie. Oui.. Ben j'aurais... Ca c'est passé comme ça.
Patricia MARTIN
Oui. Mais attendez, ce n'est pas une tare?
Jean-Luc MELENCHON
Non mais je ne le prends pas... Mais j'en ai quelques regrets parce que je suis une illustration de ce que je voudrais dire. C'est qu'une certaine forme de gavage académique a fait de moi un mutilé de la vie. Alors je suis capable avec vous de parler savamment et doctement de toutes sortes de choses.
Patricia MARTIN
Mais si j'ai une panne de moteur dans ma voiture vous ne pouvez pas m'aider. Zut alors!
Jean-Luc MELENCHON
N'est-ce pas. Vous-même vous êtes en train de parler dans un micro, il y a derrière cette vitre des gens qui font un métier, vous ne connaissez pas le début du commencement de comment tout cela fonctionne. Est-ce que ça n'est pas terrifiant que les intellectuels, les décideurs, soient séparés du savoir technique de leur époque par un tel gouffre ? Bien. Alors dans la vie c'est comme ça que ça se passe. Les gens qui ont mon âge continuent à projeter des images du métier et de la professionnalisation qui sont celles d'il y a trente ans, quand le travail était ultra taylorisé, lorsqu'on demandait peu d'initiatives à l'ouvrier. Ce monde là est fini. On est dans un autre monde. Les métiers de notre époque sont des sciences pratiques avec un haut niveau de technique et de savoirs fondamentaux qui est requis. Allez voir dans une classe de Bac professionnel le niveau de ce qui est enseigné. C'est un de mes petits jeux quand je visite les établissements je prends le cahier de l'élève et je demande aux inspecteurs qui m'entourent de m'expliquer l'exercice. Je peux vous dire qu'il y en a qui changent de couleur. Bien sûr. Pourquoi ? Parce que le niveau s'est considérablement élevé.
Patricia MARTIN
Oui mais justement. L'électronique, l'informatique, tout ça, ça peut-être redorer précisément le blason de la technologie. Ca serait peut-être une chance à saisir.
Jean-Luc MELENCHON
Oui mais ça c'est déjà fait, hein, je vous le signale, parce qu'il n'y a plus une industrie, il n'y a plus une activité dans laquelle il n'y ait pas d'informatique, pas de technologies avancées. Ca c'est la vraie révolution, la vraie Net économie, si on peut dire, dans l'économie productive.
Patricia MARTIN
Mais est-ce qu'il ne faudrait pas faire entrer une sorte de culture technique et professionnelle dans un enseignement général ? C'est à dire avoir des options technologiques.
Jean-Luc MELENCHON
Voilà. C'est ce qui est en partie ouvert par la réforme de Jack LANG. Mais si on allait, si on rêvait un instant à une grande révolution culturelle à l'école franchement c'est ça qu'on devrait se dire, c'est que tous les enfants de France devraient recevoir une culture technique parce que ce sont les humanités modernes, c'est ça le savoir fondamental dont on a besoin pour se comporter comme un vrai citoyen. Voyez cette société qui est de plus en plus technique. Comment voulez-vous que nous ayons un avis informé et éclairé au sens de l'Honnête Homme du 18ème siècle quand nous ne connaissons rien aux techniques qui sont mises en oeuvre, rien. Et des masses de gens se présentent devant l'existence comme des mutilés de l'intelligence. Bon, alors tout ça dans l'enseignement professionnel est réalisé. Pas seulement pour les métiers dits d'avant garde qui sont à la mode. Bon on va parler d'informatique. Mais tous les métiers, y compris les métiers traditionnels, le métier dont on est bien content que quelqu'un les fasse, non. Et quand c'est bien fait... Hein, le beau métier de charcutier par exemple. Bon, et bien c'est un métier que vous ne pouvez plus pratiquer aujourd'hui sans des connaissances techniques qui sont des connaissances avancées. Il faut non seulement avoir du goût, il faut avoir le tour de main, il faut avoir l'idée de la recette, mais il faut aussi savoir manier tout le reste : la chaîne du froid, la chaîne de l'emballage, toutes ces techniques qui sont appelées. Donc il n'existe plus de métier qui soit simplement une espèce de savoir-faire rudimentaire. Tous les métiers sont des sciences pratiques et vous entendez la force de la passion que j'y mets mais c'est que je sais que c'est l'avenir, que c'est grâce à ça que nous sommes un grand pays, et qu'il y a une certaine mystification à raconter qu'en passant par je ne sais quelle voie qui serait la voie royale académique tout le monde finira à je ne sais quel sommet et Olympe sociale. C'est faux ! La structure de reproduction de la société est identique depuis plus de trente ans. Les mêmes se succèdent aux mêmes aux mêmes endroits.
Patricia MARTIN
Tout à l'heure, nous allons entendre par le biais d'un reportage des élèves dans un centre de formation d'apprentis.
Jean-Luc MELENCHON
Ca c'est autre chose, ça.
Patricia MARTIN
Oui c'est autre chose, mais nous entendrons également le responsable de ce centre là. Marie-Christine LE DU, vous qui êtes, je le rappelle, spécialiste des questions d'éducation, vous vous êtes baladée dans un certain nombre d'établissements où les élèves sont heureux d'apprendre des choses pratiques que nous on serait bien incapable de faire.
Marie-Christine LE DU
Comme vous le disiez, j'ai eu l'occasion d'aller beaucoup dans des centres de formation d'apprentis. Alors c'est différent des bacs pros, des lycées professionnels puisque ça vous emmène jusqu'au bac pro. C'est une autre forme d'apprentissage. Il n'y a pas, d'ailleurs, de concurrence entre les deux. c'est complémentaire, c'est complémentaire. Bon alors c'est vrai que dans ces centres de formation d'apprentis. Il y en a deux, par exemple, que je vais citer, à Paris. C'est celui de la boulangerie et de la pâtisserie qui se trouve à Bercy, à Paris, et puis celui qu'on appelle la Bonne Graine, c'est également à Paris, pas très, très loin du faubourg Saint Antoine, pour l'ameublement etc. J'ai rencontré des jeunes, et notamment, par exemple, une jeune fille à la Bonne Graine qui a fait des études supérieures, qui a passé un Bac général puis qui a fait des études à l'université et, depuis toujours, en fait, ce qu'elle souhaitait, elle, c'était être tapissier décorateur. Et, donc, après avoir fait ses études, elle est rentrée dans cette école et j'y ai vu des élèves qui étaient plutôt heureux dans un environnement agréable en plus avec des profs motivés. Voilà.
Patricia MARTIN
Bonjour Marie.
Marie
Oui bonjour.
Patricia MARTIN
Nous vous écoutons Marie, vous êtes en Corrèze.
Marie
Voilà ? Je suis en Corrèze et j'ai eu envie de témoigner parce que je suis professeur de Lettres dans l'enseignement professionnel agricole. Donc, dépendante du ministère de l'Agriculture. J'ai des classes de collège, également des classes de lycée, BEP, Bac Pro, Bac technologique. Et j'enseigne également dans un IUT d'informatique et électronique industriel. Donc, j'ai une approche de ce qu'est l'enseignement professionnel et technologique. Et dans mon lycée agricole, je souffre énormément de ne pas pouvoir enseigner le français, les lettres comme je pense je dois le faire. Comme les programmes prévoient comme le disait votre interlocuteur que l'on doit le faire parce que malgré tout dans l'enseignement professionnel et technologique il y a le sentiment que ce sont, chez certains, que ce sont des matières inutiles, secondaires, qu'on n'a pas besoin d'embêter les élèves avec ça, que l'orthographe ça ne compte pas, que bon. Donc, je pense que le danger de séparer l'enseignement professionnel de l'enseignement c'est ça. C'est se trouver dans un cas de figure où l'enseignement général sera délaissé ou on va considérer que c'est une catégorie de population qui n'a pas droit à connaître la poésie, à connaître la littérature enfin bon, tout ce qui participe à notre culture.
Patricia MARTIN
N'en rajoutez pas de trop parce que Jean-Luc MELENCHON va pas rester jusqu'à la fin de l'émission. Hein Marie, il va partir.
Jean-Luc MELENCHON
Non, allez-y. Non, je boue en vous écoutant.
Marie
Oui parce que je suis de votre avis pour ce que vous avez dit et moi, je penserais plutôt que l'enseignement technologique, et bien il devrait être dans tout enseignement et non pas le contraire. Surtout pas qu'il y ait cette séparation entre le collège général et le collège technologique ou professionnel et pour le lycée, de la même façon. Parce qu'on court à une dérive de ce côté-là, qui n'est pas obligatoire. Mais, moi, je la vis dans mon lycée agricole. Je la vis et j'ai une pression de la direction, sournoise, insidieuse qui fait qu'on dit à mes élèves " pouf ! avec ce qu'on vous fait faire, c'est pas avec ça que vous allez avoir le brevet, c'est pas avec ça que vous allez avoir le BEP etc "
Patricia MARTIN
Alors, Marie, Jean-Luc MELENCHON va vous répondre.
Jean-Luc MELENCHON
Il y a beaucoup de choses dans tout ce que vous dites. D'abord vous êtes dans un lycée agricole, moi je ne me prononce pas, je ne connais pas et je ne les ai pas en charge. J'en profite pour dire que dans le rêve que je faisais tout à l'heure, de l'enseignement généralisé des sciences et des techniques pour l'avenir, moi, j'aimerais aussi qu'on comprenne que compte tenu de ce qu'est l'évolution des métiers de notre époque, les savoirs qui sont requis sont extrêmement transversaux. Je vais essayer d'être simple. Pour moi, par exemple, il n'y a pas de différence entre le tertiaire qui est enseigné dans l'enseignement agricole et celui qui est enseigné en lycée professionnel dans l'industrie. Mais, enfin, voilà, nous continuons à marcher avec de vieilles organisations d'enseignement par ordre. Alors, il y a l'école pour les agriculteurs, même si 70% de ceux qui vont dans les lycées agricoles ne viennent pas de la terre et que 80% n'ont pas l'intention d'y aller. Il y a l'école pour les ouvriers, et puis, comme vous le savez, la voie générale qui elle mènerait à la gloire pure. Ce qui est, comme vous le savez aussi, très loin d'être le cas. Bon, alors, je ne me prononce pas sur la façon dont on enseigne dans les lycées agricoles, en disant modestement que je ne la connais pas. Par contre, je sais comment on enseigne dans l'enseignement professionnel secondaire. Et alors là, il faut d'abord donner raison à Marie sur un point. Il ne peut pas être question de séparer l'enseignement des matières générales de l'enseignement des matières techniques. De même que vous m'avez vu plaider tout à l'heure pour le technique, je ne peux pas lâcher prise sur la question de l'enseignement général. Pour la raison même que j'ai indiqué tout à l'heure. Les métiers sont des sciences pratiques. On a donc besoin de savoirs fondamentaux qui soient enseignés. Alors, évidemment, il y a des endroits où c'est plus difficile et pourquoi ? Notamment dans l'enseignement professionnel, parce que quant on a pendant tant d'années, donné aux jeunes le dégoût d'eux-mêmes, qu'on a fini par les convaincre que c'étaient eux qui étaient mauvais et non pas le système qui les a menés à cette situation. Et bien, souvent, ils ont une espèce de rejet de ces matières, ils les considèrent comme du superflu, ça les renvoie à leur propre échec. Pourtant, dès que la pédagogie se met au travail, dès que le prof commence à s'investir, hop ! le déclic se fait. Et on voit, on voit ce qu'on voit. A savoir que la moitié des poèmes, vous m'entendez, la moitié des poèmes, qui arrivent dans la catégorie, je ne sais plus comment elle s'appelle, bon bref de l'extérieur du " Printemps des Poètes " vient de l'enseignement professionnel. Voilà. Que dans l'enseignement professionnel, dès que la matière de culture générale est mise en relation avec le vécu du concret, par exemple, les tapissiers tout à l'heure. Bon, je vais prendre cet exemple. Nous avons mis au point dans l'enseignement général quelque chose qui porte un nom épouvantable parce qu'on a la spécialité dans l'Education nationale pour trouver des noms imprononçables. Donc, on appelle ça un projet pluridisciplinaire à caractère professionnel. Une fois que l'avez dit vous ne savez pas de quoi il s'agit. Bon, c'est fait pour ça peut-être. Alors, c'est-à-dire qu'on a un projet et autour de ce projet, réalisé une uvre collective, l'ensemble des enseignants font leur enseignement disciplinaire. J'ai vu dans un lycée du Nord, par exemple, qu'autour du baroque, le réhabillage, vous savez de ces horribles chaises de réunion qu'on voit un peu partout dans toutes les salles de réunion, donc, on donne aux élèves, le thème est : reconstruire ces sièges pour leur donner une dimension esthétique qui va dans le baroque. Ecoutez, c'est une merveille. Alors, vous avez le prof d'arts appliqués qui se met au travail, bon, toute sorte de professeurs : le professeur de français, le professeur qui est en même temps le professeur d'histoire. Et on travaille autour de l'idée du baroque, de la période pendant laquelle ça s'est développé et on fait à la fois cette mutation : la chaise qui est ensuite une merveille. Moi-même, je me suis assis sur plusieurs de ces sièges invraisemblables de beauté et de complexité. Et en même temps, on apprend le contenu de cette période. Et nous sommes l'ordre d'enseignement où il n'y a pas de différence entre l'apprentissage culturel, artistique et l'apprentissage professionnel. Je vous donne un autre exemple si j'ai le temps de le donner. On avait une classe qui marchait pique pendre dans un BEP. Je prends mon exemple parce que j'en ai des milliers en tête hein. Je le prends à l'île de la Réunion où on fait un énorme effort pour l'enseignement professionnel puisque 75% de la jeunesse de ce département est scolarisé dans l'enseignement professionnel. Bon, ça ne marchait pas, les élèves très absents, bon, ça n'allait pas. Les profs décident de se mobiliser autour d'un projet culturel dans cette classe. Ils décident de leur faire faire une uvre d'art en métallerie. Alors, c'est des objets géants. Alors, on emmène les élèves voir des expositions, on fait venir des sculpteurs, on discute, on réfléchit, on regarde toutes sortes de choses et les élèves se mettent à produire leurs uvres qui sont des uvres monumentales bien. Après, vous en pensez ce que vous voulez des uvres en question. Moi, il y en a que j'ai trouvé très belles, d'autres, ça ne me parlait pas. A eux, ça leur parlait. Mais, qu'est-ce qui s'est passé ? Dans le processus même d'apprentissage, on a appris qu'est-ce que c'était que l'expression abstraite, qu'est ce que les différents auteurs qu'ils avaient vus avaient produit ? Et on a fait soi-même. Mais pour faire, il a fallu faire de la métallerie, de la chaudronnerie, découper, calculer en physique comment on organisait pour que cela tienne debout. Il a fallu souder, il a fallu, bref, des dizaines de techniques ont été mises en uvre qui sont les techniques de compétences professionnelles, de savoir-faire professionnel. Donc, dans cet enseignement, la pédagogie permet de faire la soudure entre ce qu'on appelle, ailleurs, de manière pédante, la culture générale n'est-ce pas ? Et le savoir-faire pratique et concret. Bon, et bien, moi, ça m'emballe. Et je pense que les parents qui ont leurs enfants dans ces classes savent le résultat que ça donne. En l'occurrence, cette classe, on a vu le taux d'absentéisme chuter, c'est-à-dire les élèves sont venus, ont cessé de sécher les cours. On a vu les résultats s'améliorer de façon spectaculaire. Cette technique du projet pluridisciplinaire à caractère professionnel, nous l'avons généralisée dans tous les lycées professionnels de France.
Patricia MARTIN
Et là, vous parlez d'absentéisme. Mais c'est vrai que tout est lié : la violence, les problèmes de délinquance et tout ça.
Jean-Luc MELENCHON
Mais bien sûr quelqu'un qui ne s'aime pas, comment voulez-vous qu'il aime les autres ? Et si on le dresse à lui dire qu'il est bon à rien, alors évidemment que ça ne le rend pas très ami avec lui-même.
Patricia MARTIN
Marie-Christine LE DU, un mot ?
Marie-Christine LE DU
Oui, et puis il y a une chose importante à préciser. Là monsieur MELENCHON, justement parlait du travail en équipe. Les enseignants, y'a pas de secret. Là où ça marche, que ce soit le collège ou le lycée, c'est lorsqu'il y a un directeur, un proviseur, un principal qui a une équipe qui ne bouge pas, qui est stable et également les personnels de l'éducation, et que soient aussi impliqués les parents. Ca, c'est mon dada, mais je pense qu'il faut pas les oublier non plus. Et ça marche dans ces cas-là. Il ne faut pas que les équipes bougent et il faut que tout le monde travaille ensemble.
Patricia MARTIN
Et l'homme emballé, c'est le ministre délégué à l'Enseignement professionnel Jean-Luc MELENCHON qui est ce matin notre invité jusqu'à 11 heures.
Pause musicale
Patricia MARTIN
Vous êtes très très nombreux à la fois à nous avoir appelés au standard et également à être entrés en contact avec nous par le biais d'Internet. Jean-Luc MELENCHON, apparemment, c'est un sujet, dès qu'on parle de l'enseignement et du collège, mais on s'en doutait. Vous, vous le savez, c'est votre pain quotidien.
Jean-Luc MELENCHON
Oui. Mais quant on parle de l'enseignement professionnel, ça passionne parce que je vous rappelle qu'il y a dans ce pays 8 millions d'ouvriers, 7 millions d'employés, 3 millions de professions intermédiaires, c'est-à-dire des millions de gens qui font leur métier, qui l'aiment souvent, qui en connaissent la difficulté et qui sont un peu frustrés de voir qu'on ne parle jamais d'eux et qu'on n'essaye pas non plus de dire à leurs enfants " vous savez, ce que fait votre père, votre mère, c'est une belle chose et ça vaut la peine de le faire ".
Patricia MARTIN
Marguerite est en ligne. Marguerite, vous êtes enseignante, vous êtes professeur, vous appelez de Savoie.
Marguerite
Oui, c'est ça. Bonjour. Je voulais apporter mon témoignage. Donc, j'ai 24 ans, l'an dernier, j'étais en formation chez moi en Alsace et ça s'est très bien passé et j'ai été vraiment passionnée surtout par tout ce qu'on nous a montré sur les nouvelles pratiques au collège. Donc, je trouvais ça super en fait. Tous les changements qu'il y a eu récemment dans les programmes en français et en latin, ça tend vers plus, rendre les choses plus intéressantes pour les élèves. Et donc, en fait, le but, si vous voulez, pour résumer pour les gens qui ne connaissent pas c'est que l'élève construit lui-même son savoir. Il est acteur, donc, c'est plus comme autrefois, la leçon de grammaire qui vient du prof, qu'il faut apprendre par cur etc C'est l'élève qui découvre tout par lui-même, il doit en fait lui-même construire sa leçon. Donc, c'est passionnant. Moi, j'étais vraiment, j'ai découvert ça parce que moi, de mon temps au collège, c'était pas ça quoi. Et, j'ai été mutée dans le Nord, près de Valenciennes où je suis prof de français et latin, et là, en fait, j'ai vraiment eu un choc terrible. Et ce que je vais dire, ça va un peu contredire monsieur MELENCHON, je suis désolée surtout ce qu'il a répondu à Laetitia tout à l'heure. Mais, c'est bien gentil de dire que profs, il faut pas se décourager, c'est notre boulot, c'est de faire passer des choses et tout. Mais la façon dont on m'a dit de les faire passer ces choses, je peux absolument pas l'appliquer dans les classes que j'ai eues. C'est-à-dire que, pour prendre un exemple, j'ai une 5ème, il y a 24 élèves, donc, c'est une ZEP, bien sûr il n'y a que ça dans le coin de toute façon. Sur ces 24 élèves, il y en a véritablement 4 ou 5 qui ne savent pas lire et pas écrire. Il y en a, en revanche, 4 ou 5, super sages, super motivés, des gamins adorables, qui se taisent, qui attendent que les autres se taisent, qui sont prêts à apprendre. Dès que je pose une question, on voit qu'ils cherchent pour essayer de répondre. Enfin, c'est charmant. Mais, bon, quand on est prof là-dedans, bon puis les 15 autres, ils attendent, bon ils sont plus moyens. Mais il y a une telle hétérogénéité que c'est quasiment impossible de faire ce qu'on nous appris quoi. Et autant l'an dernier, j'avais un silence utérin dans les classes où j'ai fait mes stages. L'inspecteur me disait même " attention, vous allez les traumatiser, ne soyez pas trop autoritaire etc ". Autant cette année, j'ai essayé de faire la même chose, si vous voulez dans mes nouvelles classes et ça a été tout de suite beaucoup plus bruyant etcPourquoi ? Pendant que je distribuais une feuille, pour prendre un exemple concret quoi, on distribue un document sur lequel les élèves doivent travailler, en 5 minutes, il y en a une dizaine d'élèves qui ont déjà tout collé dans leur classeur, répondu aux quatre premières questions et qui sont impatients qu'on aborde la suite etc.. Et il y en a d'autres qui sont en train de réfléchir dans quel sens on prend la feuille, qui se prêtent des ciseaux, qui savent même pas découper. Enfin, donc voilà.
Patricia MARTIN
Jean-Luc MELENCHON, qu'est-ce que vous pouvez répondre à Marguerite ?
Jean-Luc MELENCHON
Attendez, d'abord on va dire une chose simple. Moi, j'ai pas réponse à tout, je ne suis pas prof, je ne suis que Ministre. Donc, moi, je ne connais pas le métier de pédagogue, j'ai enseigné il y a très longtemps. Bon, n'en parlons plus.
Patricia MARTIN
C'est un des projets de Jack LANG, hein j'ai vu précisément dans Le PARISIEN ce matin. C'est la formation des maîtres qui devrait être plus proche du métier qu'ils ont à exercer.
Jean-Luc MELENCHON
Oui. Oui, là-dessus, nous avons vraiment une vision commune. Il ne faut pas oublier qu'enseigner est un métier. Ce n'est pas simplement, ce n'est pas une nouveauté ce que je suis en train de dire parce qu'il y a souvent des polémiques sur ce sujet, mais enfin, j'ai retrouvé un texte de Jules FERRY où il explique très bien que c'est une chose de savoir mais c'est une chose très compliquée de savoir enseigner ce qu'on sait. Donc, c'est un métier. Ca s'apprend. Donc, nous, dans les moyens qu'on met en uvre au collège, on essaye de diversifier les parcours. Ces propositions qu'a fait Jack LANG pour essayer de briser la monotonie du moule unique. Mais, je redis deux choses simples. D'abord, on a, dans le cas qui est signalé, des élèves en très grande difficulté, on a aucune raison de douter de ce que nous dit cette enseignante. On a là, elle dit dans sa classe 3, 4 qui savent ni lire ni écrire. Ou qui ne savent pas écrire, j'ai pas très bien compris. Mais enfin, une grosse difficulté, celle-là on doit la traiter d'une façon particulière dans l'organisation du collège. J'insiste, sinon, c'est une souffrance. Moi, je demande qu'on comprenne ce que c'est que la vie du jeune qui heure après heure est confronté à ses limites, à son impuissance. Au fait ce qu'il ne sait pas, qu'il est toujours le mauvais. C'est une torture et vous avez de grandes chances que celui-là devienne violent. Et pourtant, celui-là, a le même potentiel de talents, de capacités. Donc, il faut y travailler. Après, l'hétérogénéité, il faut quand même se calmer un peu. Bien sûr qu'on a intérêt à faire en sorte que dans une classe, chacun puisse s'y retrouver. Mais le métier d'enseignant prévoit que l'on éduque, pas seulement conforme et qu'on qualifie mis qu'on éduque et donc, il faut prendre les petits français comme ils sont. Et les amener tous ensemble. Et c'est ça, le boulot d'enseignant. Alors, moi, je comprends que cette jeune professeur, qui est très motivée, ça fait plaisir à entendre à l'oreille, les gens qui se passionnent pour à la fois leur savoir mais aussi.
Patricia MARTIN
Sauf qu'elle a 24 ans, qu'elle est motivée maintenant et que peut-être dans dix ans, elle le sera moins et qu'elle baissera les bras. Et que ça, c'est dangereux et c'est un peu ce qui
Jean-Luc MELENCHON
Attendez, il faut pas être fataliste. Vous n'en savez rien, c'est une passion.
Patricia
Oui, mais il y a des passions qui s'érodent vous savez bien monsieur le ministre, que des passions, ça ne durent pas toute une vie.
Jean-Luc MELENCHON
Qu'est-ce que j'y peux moi ! il faut l'entretenir. Il faut aimer. Pardon de parler comme ça, c'est peut-être pas très ministériel mais quand on est prof, on aime les gosses et on a envie qu'ils s'élèvent. Et on a intérêt parce qu'il y a une obligation scolaire. Donc, les parents sont obligés de confier leurs enfants, donc, il faut les confier à des gens qui ont la passion de les élever. Bon alors moi, vous allez me trouver un petit peu père fouettard, vous qui m'écoutez. Mais voilà, moi, je dis à cette jeune professeur d'abord il faut avoir la modestie de se rappeler que vous avez 24 ans et que vous commencer et que c'est justement ça votre travail : vous devez tous les amener au bon niveau. M'entendez-vous ? Tous ! Il faut pas en laisser sur le bord de la route parce que c'est comme ça qu'on fait de la France un grand peuple de gens libres et formés.
Patricia MARTIN
Dites donc, vous ne deviez pas être commode comme prof. Nadège. Bonjour.
Nadège
Bonjour. J'aurais souhaité témoigner au nom de mon ami en fait. En fait, c'est pour prouver que la voie professionnelle peut être une voie de réussite. En fait, lui, en Primaire, il était assez bon élève. Il est entré en 6ème, il est devenu extrêmement perturbateur au point qu'il a été envoyé, à l'époque, en CPPN, qui était quand même la voie de garage par excellence. Heureusement, il a pu être récupéré en CAP de mécanique, puis en BEP, il a eu la chance, une fois encore de rencontrer des professeurs, sans aucun doute extraordinaires qui lui ont donné la chance d'aller en première d'adaptation et donc, en fait, il a fini sa scolarité avec un Bac technique, un DUT et une licence de mécanique. Il se trouve que maintenant, il est prof de mécanique dans un lycée professionnel. Ce qui prouve bien, quand même, que quand on donne la chance aux gens de ne pas rester dans le système, dans le système normal entre guillemets, on peut aussi réussir. Parce qu'il est intimement persuadé que si on l'avait forcé à aller en 4ème et en 3ème, il serait sans doute sorti du système sans aucun diplôme. Et puis l'autre chose sur laquelle j'aurais voulu témoigner, c'est qu'on a souvent une pression des parents parce que l'enseignement technique et professionnel a été tellement dévalorisé qu'on a une pression des parents pour ne pas envoyer les enfants dans cet enseignement. Je suis moi-même enseignante dans l'enseignement général, et quant on parle aux parents d'orienter leurs enfants en fin de seconde parce qu'ils ne réussissent pas dans l'enseignement général vers des BEP et bien, on a l'impression d'avoir des murs en face de nous et les gens refusent cette orientation et font tout, sont prêts à faire doubler voire tripler leurs enfants en seconde pour qu'ils restent dans l'enseignement général. Et autre chose aussi, il y a un mépris de certains enseignants, moi je le vois. Quand je dis que mon mari est prof est en lycée professionnel, on a des fois même un mépris de certains profs d'enseignement général envers l'enseignement professionnel. Et je crois que tant qu'on n'aura pas changé cette manière de voir, on a peu de chances qu'il y ait réellement une transformation du monde éducatif tel qu'on le connaît. Je crois que la culture savante, telle qu'on l'entend, on peut l'apprendre bien sûr au lycée, bien sûr en lycée professionnel mais tout au long de la vie. Et c'est pas parce qu'on n'a pas été bon au départ, si on peut dire, qu'on sera un déchet le reste de sa vie. Je crois qu'on peut réussir autrement que dans l'enseignement général.
Marie-Christine LE DU
Beau témoignage qui va faire plaisir à monsieur MELENCHON qui a retrouvé le sourire.
Jean-Luc MELENCHON
Ah! oui. Moi, je vous embrasse sur les deux joues madame. Je vous remercie de ce témoignage.
Marie-Christine LE DU
C'est important qu'elle parle des profs et de la qualité des profs dans l'enseignement professionnel parce que ça aussi quand elle dit " ah! quant on lui, qu'il est prof en enseignement professionnel, les autres profs dans l'enseignement général le regardent un peu de travers ". Il faut arrêter quoi.
Jean-Luc MELENCHON
Il y a des imbéciles partout ! Bon voilà. Mais, ça reproduit les préjugés dominants du petit monde, des élites bon qui regardent tout ça de haut. Mais, c'est une vision qu'on connaît bien mais qui ne connaît rien à la réalité. La réalité de la force, de la beauté, de la puissance des métiers de notre époque.
Patricia MARTIN
Alors, je vous ai parlé tout à l'heure d'un CFA, un centre de formation d'apprentis, celui-là, celui dont on va entendre des élèves témoigner, il est à Issy-les-Moulineaux.
Jean-Luc MELENCHON
Il est privé ou public ?
Patricia MARTIN
On va demander tout à l'heure à Pierre SICHE, parce qu'on aura son dirigeant, son proviseur en ligne. Je sais pas comment on dit : directeur, proviseur, en ligne tout de suite après. Mais d'abord, je voudrais que vous entendiez au micro de Thomas CHEVINEAU, des élèves qui sont des apprentis qui sont là-bas et qui sont plutôt, apparemment heureux d'y être.
Thomas CHEVINEAU
Comment vous êtes arrivé ici ?
Elève 1
Par hasard, en fait. C'est une professeur qui m'a dit de venir ici, j'ai fait les tests et puis j'ai fait une année de préparation à l'apprentissage et puis, après ça m'a intéressé dans l'outillage. A la préparation de l'apprentissage, on fait plusieurs métiers en fait. On nous montre un plateau de métiers et on doit choisir à la fin de l'année. Moi, j'ai choisi l'outillage, j'ai fait mon BEP et je suis en train de faire mon Bac Pro.
Thomas CHEVINEAU
Vous êtes entré ici à quel âge ?
Elève 1
Je suis sorti de 4ème. Je devais avoir 16 ans quoi.
Thomas CHEVINEAU
Donc, à 16 ans, vous étiez encore en 4ème ?
Elève 1
Ouais, parce que j'avais déjà redoublé ma 5ème.
Thomas CHEVINEAU
Ca a été laborieux alors, les études au collège ?
Elève 1
Ouais, c'est ça.
Thomas CHEVINEAU
Et le fait d'avoir été orienté, c'est quelque chose que vous avez jugé comme un plus ?
Elève 1
En fait l'apprentissage, on est à la fois dans l'entreprise et à la fois à l'école et on apprend mieux son métier en fait. Que d'être toujours à l'école, enfin c'est toujours la même chose quoi à l'école.
Thomas CHEVINEAU
Mais est-ce que l'idée de rentrer, par exemple, faire un CAP ou un BEP quand on est au collège, c'est mal vu par les autres élèves ?
Elève1
Y'en a qui disent " bon c'est mal vu ". Y'en a dit qui vont dire tant mieux pour toi, si c'est toi qui a choisi ça voilà !
Elève 2
Maintenant, ils sont dégoûtés quand on leur dit qu'on gagne de l'argent ou qu'on a un diplôme. Parce qu'ils sont pas sûrs de ce qu'ils vont faire eux.
Thomas CHEVINEAU
Alors, que vous, vous êtes sûr ?
Elève 2
On a plus de propositions. On est guidé quoi.
Thomas CHEVINEAU
Alors, qu'est-ce que vous allez faire ?
Elève 2
Moi, je vais le plus loin. Pour l'instant, je suis en Bac et je compte bien aller en BTS.
Thomas CHEVINEAU
Vous avez quitté le système classique à quel âge vous ?
Elève 2
A 15 ans.
Thomas CHEVINEAU
Donc, vous n'avez pas été jusqu'à la 3ème ?
Elève 2
Ah! non.
Rires
Thomas CHEVINEAU
Pourquoi ça vous fait rire ?
Elève 3
Pourquoi ça me fait rire ? Parce que moi aussi c'est pareil, je suis pas allé jusqu'à la 3ème quoi. Ouais, on est tous pareil.
Elève 4
Personne n'a été jusqu'en 3ème ici.
Elève 3
A peu près.
Elève
Tout le monde st sorti de 5ème, 4ème, c'est terminé.
Thomas CHEVINEAU
Au collège, justement, cette orientation comment elle s'est passée ?
Elève
Elle est nulle. Franchement elle est nulle. Rien aucune information. Rien. On vous jette là. Ils nous disent " bon, on veut plus de vous, alors allez passer des tests dans des lycées. Démerdez-vous quoi ". C'est démerdez-vous. Dégagez !
Elève 4
Moi, mon école m'avait dit " va voir le salon d'apprentissage et puis tu repères des adresses ". Et puis voilà, t'écris puis c'est tout.
Elève 5
Ils veulent plutôt se débarrasser des mauvais éléments. Et puis voilà. Après, le reste où tu vas, qu'est-ce que tu fais, il n'en n'ont rien à faire même si t'as pas d'école, du moment qu'ils ont plus toi, c'est comme ça.
Elève
A la limite, à partir de 16 ans, le collège n'est pas obligé de nous garder. Donc, ils peuvent nous laisser dans la rue, c'est pas grave. Donc, c'est ça le problème.
Patricia MARTIN
Pierre SICHE, vous êtes en ligne. Bonjour. Vous dirigez donc, ce centre de formation d'apprentis. Est-ce qu'une orientation, selon vous, une orientation qu'on appelle précoce, c'est-à-dire avant 16 ans est indispensable ?
Pierre SICHE
Ecoutez, ça me paraît en tout cas très intéressant parce que les gens qui viennent chez nous et qui ont 16 ans, sont déjà des jeunes en grande difficulté parfois, et on a beaucoup plus de mal à les gérer que des jeunes qui viennent chez nous à 14 ans. Dans des classes de CLIPA ou des tas de préparations à l'apprentissage. Donc, ce sont des jeunes, qui en général, on été un peu cassés par le système scolaire traditionnel. On a des livrets qui sont des livrets déplorables, " jeune paresseux, ne fais rien etc ". Et notre boulot à nous, c'est d'essayer de les remobiliser. Les remobiliser, en essayant de leur faire découvrir, comme ils l'ont dit, différents métiers. Et en essayant d'avoir une approche pédagogique qui soit différente de celle du collège. Et cette approche pédagogique, on essaye de la centrer sur les métiers. Mais quant on fait de l'électronique, par exemple, on fait forcément des mathématiques, on fait forcément un petit rapport, donc fait forcément du français, on fait forcément de l'anglais quand on cherche des composants dans un data book en anglais. On a, par l'intermédiaire du métier, la possibilité de renforcer, de faire acquérir pour certains d'entre eux, les savoirs de base qui sont de toute manière, des savoirs indispensables pour un futur jeune professionnel.
Patricia MARTIN
Et quand ils sortent de chez vous, ils trouvent du travail ?
Pierre SICHE
Oui. Effectivement, l'insertion fonctionne bien pour les jeunes qui sortent de CAP, BEP, Bac Pro. On a 95% aujourd'hui de réussite au niveau du placement, six mois après la sortie du CFA. Le savoir professionnel est porteur d'emploi.
Patricia MARTIN
Vous avez combien de jeunes dans votre Centre ?
Pierre SICHE
500.
Patricia MARTIN
500 bien. Et tous heureux ?
Pierre SICHE
Ecoutez, j'espère. On peut imaginer qu'il y a quelques exceptions. Mais ce que j'entends là, me rassure en tout cas et je trouve qu'effectivement, globalement, nos jeunes sont heureux d'être chez nous et ils s'y trouvent bien. La preuve, puisqu'ils y restent. Ils y restent des classes de CLIPA, donc de 14 ans aux classes de BTS jusqu'à 26 ans.
Patricia MARTIN
Merci Pierre SICHE. Il y a beaucoup de CFA en France Jean-Luc MELENCHON ?
Jean-Luc MELENCHON
Et bien oui. Puisqu'il y a quelque chose comme 400 mille jeunes en apprentissage. On est 6,1% dans les lycées professionnels, il y a des centres de formation des apprentis publics. Alors, l'apprentissage est une des voies d'accès à la formation professionnelle. C'est pas la seule. Je dis ça pas du tout pour méjuger le magnifique travail qui est fait, dont on entendait à l'oreille quelqu'un qui aime ce qu'il fait. Ca me bouleverse et je trouve ça formidable. Mais, l'apprentissage a plutôt explosé, augmenté. Alors, il faut faire attention, parce qu'il ne s'agit pas non plus d'en faire l'unique voie d'accès à la professionnalisation. Mais, bon voilà, si tout ça reste raisonnable, c'est une offre de formation qui doit être, qui doit figurer parmi les autres et permettre à chaque jeune de faire sa voie. Je peux faire deux remarques.
Patricia MARTIN
Très rapidement, parce que nous arriverons au terme de cette émission.
Jean-Luc MELENCHON
Non, alors je vous laisse conclure. Ca serait trop long.
Patricia MARTIN
Non concluez, vous ? Est-ce qu'il y a quelque chose d'important que nous n'aurions pas dit ? Vous vouliez parler du Bac pour tous ?
Jean-Luc MELENCHON
Je veux dire que l'objectif pour un grand pays développé, c'est d'amener le maximum de ses jeunes au plus haut niveau. Nous avons besoin de millions de Bacs professionnels. Voilà. Donc moi, toute mon énergie elle est tendue vers le fait que le bac doit être un horizon pour tous les jeunes de France et qu'à partir de là, tous les autres débats, ils doivent s'organiser en fonction de ça.
Marie-Christine LE DU
Vous me rappelez les deux chiffres. Combien de choix en CAP ? Combien de choix en Bac PRO ? 230 C'est très intéressant de le rappeler.
Jean-Luc MELENCHON
Des certificats d'aptitude professionnels il y en 230, des diplômes professionnels, il y en a 650. Et je rappelle que la moitié des bacheliers de France sortent de la voie technologique et professionnelle. A bon entendeur salut pour tous les gros malins qui ignorent cette partie de notre jeunesse.
Patricia MARTIN
Salut Jean-Luc MELENCHON. Merci à vous d'être venus jusqu'à nous. Merci à vous aussi Marie-Christine LE DU et merci à vous tous qui nous avez appelé. FIN
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 18 mai 2001)