Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans "Le Figaro" du 21 décembre 2009, sur le bilan de sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Louis Borloo - Ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

Texte intégral

Q - Doit-on parler d'un échec de Copenhague ?
R - Ce n'est pas un succès, c'est une étape difficile et importante. Il y a un incroyable décalage entre les convictions affichées, la prise de conscience, les décisions françaises et européennes, et la réalité du reste du monde.

Q - C'est-à-dire ?
R - La France vit dans une union sacrée, grâce au Grenelle environnement, qui lui a permis de faire un chemin considérable. Copenhague, en revanche, n'a pas été un Grenelle mondial. C'est cela qui crée en fait notre déception.
On mesure d'ailleurs à l'aune de ce qui s'est passé à Copenhague à quel point l'accord européen sur le climat adopté en décembre dernier a été une performance.
On trouve des pays pour qui se mettre autour de la table de négociations représente une énorme contrainte. Le mandat de Lula, c'est de nourrir sa population. Celui de la Chine ou de l'Inde, c'est de réduire le nombre d'habitants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et qui se comptent par centaine de millions.
Pour nous, c'était le rendez-vous de l'espoir pour ces pays, le rendez-vous de la difficulté.

Q - Quelles sont les avancées du texte ?
R - On entre dans un processus de construction commune. Désormais, la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, l'Afrique, le Brésil et, bien sûr, l'Europe sont assis autour de la même table. C'est très important. Il faut bien se rappeler qu'un processus comme celui de Kyoto a mis treize ans pour aboutir.
Il y a par ailleurs des engagements financiers importants : à court terme, d'ici 2012, dix milliards de dollars par an ont été actés. Ils sont destinés prioritairement aux pays les plus vulnérables, ce qui était une revendication française forte et qui représente pour eux un atout de développement majeur. A long terme, engagement est pris de monter en puissance, de telle façon qu'il y ait cent milliards par an en 2020. C'est une première étape.

Q - Est-on arrivé au bout d'un processus de négociation dans le cadre de l'ONU ?
R - Après deux ans de discussions intenses, les négociateurs de l'ONU n'ont pas réussi à produire un seul texte. Ou, tout du moins, ceux qu'ils ont produits étaient criblés de mots entre parenthèses demandant à être confirmés ou infirmés. On ne peut plus fonctionner avec un système d'unanimité qui impose un vote positif de 193 pays en même temps. On ne peut pas fonctionner avec un système d'unanimité, avec des intérêts aussi divergents qu'entre pays pétroliers et non pétroliers, qu'entre petits et grands pays.

Q - Maintenant, que va-t-il se passer ?
R - Le document qui a été validé à Copenhague vaut accord opérationnel pour que la Conférence climat applique les engagements. Mais, surtout, il y a des engagements multilatéraux. En matière de financement, par exemple, on peut parfaitement décider de la création d'un fonds géré paritairement entre les financeurs et les bénéficiaires s'appuyant sur la législation financière internationale. On n'a pas besoin d'attendre un traité de l'ONU. Je suis bien sûr favorable à ce que ce processus de négociations aboutisse à un traité, mais, s'il y a les mêmes règles qu'à Copenhague, la prochaine conférence, prévue à Mexico, sera confrontée aux mêmes difficultés en décembre prochain.

Q - L'Europe ne ressort-elle pas cabossée de cette négociation qui a vu s'affronter les deux géants du monde que sont la Chine et les Etats-Unis ?
R - L'Europe a été très présente. Sans l'action conjointe d'Angela Merkel, de Gordon Brown et de Nicolas Sarkozy, il n'y aurait pas eu un accord de Copenhague.

Q - L'Europe, qui s'était engagée à passer à 30% de réduction de gaz à effet de serre en cas d'accord satisfaisant, n'a pas l'air de vouloir en prendre la voie...
R - Nous espérons que ce sera la position commune de l'Europe. La France, en tout cas, s'y est engagée. Le président de la République l'a annoncé. Nous avons fait nos calculs et nous savons que nous pouvons le réaliser.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 décembre 2009