Interview de M. Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA à RTL le 16 octobre 2009, sur le plan d'urgence de soutien à l'agriculture, les éxonérations de taxes et de charges sociales et la crise de la production laitière.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

 
 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-M. Lemétayer.
 
Bonjour.
 
A quoi sert la journée de manifestations que vous organisez aujourd'hui ?
 
A nous faire entendre du chef de l'Etat, parce que c'est très clairement le président de la République qui est interpellé ce matin. Puisque dans notre pays, c'est le Président qui décide, eh bien nous lui disons : il est grand temps de prendre un plan d'urgence de soutien à notre agriculture et donc à ses paysans.
 
Le ministre de l'Agriculture ne vous aide pas dans cette histoire ?
 
Sans doute que si, puisque lui-même, hier, a déclaré qu'il était favorable à ce plan global de soutien à l'agriculture, donc attendons maintenant pour décider. Lorsqu'ils auront vu ces dizaines de milliers d'agriculteurs aux quatre coins de la France, dans les capitales régionales, chacun comprendra qu'il n'y a pas que le lait qui est concerné mais bien toutes les productions parce que nous n'avons sans doute jamais connu une telle situation en agriculture.
 
Vous demandez des exonérations de taxes, de charges sociales. Le coût du plan, vous l'évaluez vous-même à 1,4 milliard d'euros. Vous vous rendez compte dans l'état où sont les finances publiques françaises, de demander un milliard 400 millions d'euros ! C'est un peu surréaliste !
 
Non, ce n'est pas surréaliste ; vous croyez que le Gouvernement a hésité, l'an dernier, à mettre plusieurs milliards à la disposition des banques ? Lesquelles banques d'ailleurs remboursent aujourd'hui, tellement la situation s'est améliorée. Nous, on a besoin de passer cette année 2009, exécrable, insupportable, invivable pour les agriculteurs, et donc, je demande aux banques de jouer leur rôle puisque nous sommes des entreprises, toutes petites entreprises dans nos exploitations, et à l'Etat de prendre en charge le coût financier finalement de cette liquidité indispensable pour refaire de la trésorerie dans nos exploitations et faire en sorte que nos paysans, parce que ça ne se voit pas comme ça, mais ils se serrent la ceinture, ils dépensent moins, ils font attention ...
 
Tout le monde se serre la ceinture ! La crise frappe plein de gens.
 
Oui, mais ce que vous ne voyez pas...
 
... des familles qui sont touchées par le chômage et qui n'ont sans doute pas le poids, la possibilité de vous faire entendre que vous avez, vous, J.-M. Lemétayer...
 
Peut-être, mais je crois, heureusement, que les syndicats de salariés font bien leur travail aussi quand il y a des gros problèmes dans certaines entreprises. Nous ce que l'on veut faire comprendre, c'est qu'avec de telles baisses de prix...le cours du porc, hier, a approché de 1 euro, comment voulez-vous que ces producteurs puissent faire face à leur situation ? Au-delà même de vivre, de faire face tout simplement à leurs dettes ? Donc, on a besoin de financer toutes ces pertes finalement d'exploitation pour se redonner de l'espoir. Ce que je demande, ce n'est pas un milliard à l'Etat. Je demande un milliard de liquidités que l'Etat prendra en charge en termes de coût financier, plus l'exonération des taxes dont vous parliez à l'instant, pourquoi ? Parce que le président de la République lui-même lors de son interview, il y a quelque deux semaines, je crois, à New York, n'a pas manqué de dire que notre agriculture avait des problèmes de compétitivité, voire même des distorsions de concurrence que je vais dire négatives par rapport à nos propres voisins aux premiers rangs desquels les Allemands. Eh bien, il faut supprimer toutes les taxes qui sont des charges insupportables pour la production agricole et nous mettre en compétition équitable avec nos voisins européens.
 
Le président de la République, justement, est questionné dans Le Figaro, aujourd'hui, sur la crise que traverse l'agriculture française. Et sa réponse est assez générale :"L'agriculture et la ruralité sont deux éléments de notre identité nationale, dit-il. Il nous faut porter une nouvelle régulation agricole qui considèrera les agriculteurs comme des entrepreneurs". Il a l'air assez loin de vos préoccupations, finalement ?
 
Pas dans sa déclaration générale parce que nous sommes effectivement un élément fort d'identité nationale ; et il a raison de dire qu'il ne faut pas que nous soyons sacrifiés sur l'hôtel de la mondialisation. C'est une chose que je lui ai dite déjà depuis très longtemps. Maintenant on n'attend plus des paroles ; on attend du concret et du concret de la part du président de la République, c'est un plan d'urgence ...
 
A quelle échéance ?
 
Dans les semaines qui viennent, dans les toutes prochaines semaines. Il faut que d'ici la fin de l'année, nos exploitations agricoles qui souffrent, nos paysans qui souffrent retrouvent de la trésorerie pour préparer l'année 2010 ; et puis, surtout, la politique européenne et internationale, elle est du ressort du chef de l'Etat. Et donc, je l'avais demandé lorsque la France présidait l'Europe, qu'il y ait une déclaration non seulement d'intentions, mais même d'orientations avec sa politique agricole. Le Président de la République va avoir l'occasion de nous démontrer si ce qu'il dit, là, aujourd'hui, il le mette en acte parce que...
 
Vous avez des doutes ou vous avez confiance ?
 
Ecoutez, j'aurais confiance quand on aura changé la politique agricole européenne. Et c'est de sa responsabilité. Je pense qu'il doit convaincre madame Merkel et quelques autres grands dirigeants de l'Union européenne.
 
Ce n'est pas demain qu'elle changera, sans doute !
 
Ecoutez, on ne peut pas simplement dire - et le ministre B. Lemaire que je soutiens parce qu'il se bat pour une meilleure régulation de la politique agricole et donc de la régulation des marchés au niveau européen - il faut que ça se traduise en actes concrets parce qu'on ne peut pas vivre que de belles paroles, on ne peut pas vivre que de mots. Derrière le mot "régulation", ça veut dire : être moins dépendant des marchés mondiaux pour ne pas faire en sorte que les prix, par exemple le prix du lait, le prix du porc, le prix des céréales, ne soit pas un jour en train de flamber et le lendemain, très, très bas avec une forte dose de spéculation absolument insupportable pour les producteurs.
 
Dans la récente crise du lait, les producteurs de lait vous ont reproché à vous, J.-M. Lemétayer d'être trop proche du pouvoir, pas assez combatif ?
 
Oui, écoutez c'est parce qu'ils ne me suivent pas suffisamment parce que je crois que combatif, je l'ai toujours été... Quand on est train de faire avancer le dossier de la régulation, un certain nombre d'orientations, aujourd'hui pour avoir un plan d'urgence, je me bats auprès du Pouvoir pour justement qu'ils prennent rapidement des décisions. Si j'ai été mal compris, il faut que je m'explique. C'est vrai qu'on peut...
 
On dit toujours que la FNSEA est proche de la droite ; alors peut-être que certains exploitants disent "ras-le-bol, quoi !"
 
Oui-non, je pense que la question ne se pose pas comme ça. La question est de faire en sorte que notre profession agricole, qu'on soit viticulteur, producteur de fruits et légumes qui ont manifesté, d'ailleurs, à Bastille, il y a trois jours, les producteurs de porcs, les producteurs de lait, les producteurs de céréales, toutes ces productions puissent se faire entendre, qu'on soit compris du Gouvernement mais aussi d'ailleurs de l'opinion publique, tout simplement même des consommateurs parce que souvent, les consommateurs ne comprennent pas que nos prix soient très bas chez nous, que l'on ne gagne pas notre vie et qu'eux mêmes paient des produits souvent trop chers.
 
On vous a même vu en Auvergne, c'était le 7 octobre, bousculés par des agriculteurs. C'est terrible comme image, J.-M. Lemétayer ?
 
 Non, non, mais il y a eu un peu maldonne. Vous savez, le ministre a été mal accueilli. Quand je suis arrivé pour rejoindre le stand de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, beaucoup de gens présents qui sont effectivement de la Fédération nationale bovine et de la FNSEA, croyaient que c'était l'arrivée du ministre.  
 
Vous n'êtes pas coupé des agriculteurs, J.-M. Lemétayer ?
 
Pas du tout, pas du tout, attendez, je trais mes vaches encore aussi souvent, c'est-à-dire au moins toutes les deux semaines sur mon exploitation. Chez moi, il y avait l'ensilage encore, hier, je n'y étais pas mais je suis très, très proche... Et vous savez, il peut toujours y avoir un ou deux producteurs dans ma commune qui ne soient pas à mes côtés, mais je sais que je peux compter sur les producteurs de ma commune, de mon canton et tout simplement du pays.
 
J.-M. Lemétayer, président de la FNSEA, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 octobre 2009