Texte intégral
HEDWIGE CHEVRILLON
Vous êtes le président de la CFE-CGC. Hier c'était un peu votre grand « O » en vue d'un second mandat en février 2010. Un grand oral devant votre fédération d'origine, celle de la Métallurgie. Vous nous direz dans un instant comment ça s'est passé. Mais d'abord, une réaction : la CFE-CGC et l'UNSA avaient décidé mercredi de quitter les discussions chez FRANCE TELECOM, exigeant un véritable projet industriel collectif - je vous cite. Bernard VAN CRAEYNEST, il y a eu hier ce 25e suicide à FRANCE TELECOM. Comment vous réagissez ? Qu'est-ce qu'il faut faire de plus ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien, si malheureusement nous sommes confrontés à de tels drames, c'est parce que depuis des années la direction de FRANCE TELECOM et le « top management » ont mené des restructurations à marche forcée, en ignorant totalement les conséquences sur les salariés de ces entreprises. Et ce que nous demandons - et c'est pour ça que nous avons manifesté par notre sortie de la table des négociations -, c'est qu'il y ait véritablement un cap et un projet industriel. Parce que, à quoi assistons-nous ? Depuis des années, et cela continue, une réduction d'emplois massive, en partie consécutive à la délocalisation de beaucoup d'activités, que ça soit les centres d'appels, la R & D maintenant vers la Jordanie, beaucoup d'activités sont délocalisées. Et il y a un sentiment, petit à petit, qui s'est installé, d'inutilité. Les salariés, ils se disent : mais nous, là-dedans, qu'est-ce qu'on va devenir, à quoi servons-nous ?
HEDWIGE CHEVRILLON
Mais en même temps, est-ce qu'il n'y a pas un projet industriel - peut-être trop, justement ? C'est peut-être ce qu'on peut reprocher à la direction de FRANCE TELECOM ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ah, mais le problème, c'est que leur projet, aujourd'hui, conduit à avoir de moins en moins d'emplois en France, et de plus en plus d'activités à l'étranger. Et donc, les salariés de notre pays, pour FRANCE TELECOM, se disent qu'après 22.000 suppressions d'emplois ces trois ou quatre dernières années, plus de 10.000 programmées d'ici fin 2011, quand cela va-t-il s'arrêter ? Et quand va-t-on véritablement montrer que, non, il y a encore des perspectives d'avenir pour l'emploi dans les télécoms, dans notre pays ?
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, alors justement, Bernard VAN CRAEYNEST, est-ce que cette politique, devant cette situation dramatique, est-ce que la politique de la chaise vide que vous menez ? Puisque vous vous êtes retiré des négociations. Est-ce que c'est vraiment la bonne attitude ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
C'est pour marquer qu'il y a un vrai malaise, et qu'on ne règlera pas la situation très difficile de FRANCE TELECOM en faisant uniquement de la com - c'est le cas de le dire - et en manifestant que, oui, oui, on s'en occupe. Il nous faut des mesures concrètes, une véritable volonté. Bon, c'est simplement pour qu'on se mette bien d'accord sur la manière dont on va travailler pour déboucher rapidement sur des résultats concrets. Dès que nous sommes d'accord là-dessus...
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc vous revenez à la table... ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
...nous reviendrons à la table des négociations.
HEDWIGE CHEVRILLON
Alors justement, plus précisément, pour revenir à cette table des négociations, qu'est-ce que vous demandez ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien, que...
HEDWIGE CHEVRILLON
Concrètement ? Là, on sait qu'il y a un questionnaire très important qui va être lancé ; qu'est-ce que vous demandez ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
...eh bien, que, au-delà, la direction nous indique la manière dont cette entreprise va être gérée, managée, comment on va former l'encadrement à l'écoute, au dialogue, comment on va orienter l'activité de l'entreprise dans les prochaines années, avec quel part de l'humain, quel part d'emplois en France, plutôt que de continuer à tout bouleverser et à délocaliser à outrance.
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc ça veut dire que vous n'allez pas revenir rapidement, hein !
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ah, pourquoi pas ! Si on est en capacité de se mettre d'accord rapidement sur le calendrier de travail, le programme, les objectifs, et la volonté de tendre vers tel ou tel résultat.
HEDWIGE CHEVRILLON
Alors votre Grand O, hier, Bernard VAN CRAEYNEST, comment ça s'est passé. On va rappeler rapidement les enjeux pour nos auditeurs. C'est la réforme de la représentativité qui bouscule un peu justement les plaques tectoniques, syndicales qui sont en place. Avec qui faut-il se rapprocher ou pas se rapprocher. On dit que vous êtes contesté. Est-ce que hier, vous avez réussi à trouver un accord avec notamment votre fédération de base, la Métallurgie ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Oui, nous nous sommes parlés très franchement sur, comme vous le dites, les enjeux liés à la réforme de la représentativité qui conduisent à bouleverser effectivement à terme, le paysage et l'accord que nous avons conclu est que, d'une part, bien évidemment la CFE CGC qui fêtait son 65ème anniversaire hier précisément...
HEDWIGE CHEVRILLON
Absolument, oui...j'allais le dire aussi...
BERNARD VAN CRAEYNEST
A 65 ans d'expérience au service des salariés de l'encadrement : les ingénieurs, les cadres, les agents de maîtrise, les techniciens.
HEDWIGE CHEVRILLON
Justement, est-ce qu'il faut que ça reste la CGC, c'est-à-dire le syndicat des cadres ? Est-ce que ça doit élargir son assiette, est-ce que ça doit se rapprocher à leur stratégie en vue de février 2010.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ce n'est pas seulement en vue de février 2010, c'est à horizon 2013 - 2017 mais quand on veut bâtir un syndicalisme moderne du XXIème siècle au service de tous les salariés, on doit y réfléchir très en amont. Donc bien évidemment nous allons capitaliser sur notre expérience et continuer à être représentatifs en tant que CFE CGC, probablement à l'horizon 2013 mais... puisque donc nous sommes catégoriels, mais il n'empêche que...
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc vous restez catégoriels...
BERNARD VAN CRAEYNEST
Dans un premier temps oui. Mais catégoriels ça veut dire quoi ? Quel en est le périmètre, quelles en sont les limites ? Le problème des ingénieurs, des cadres, des jeunes notamment qui Bac+5 - Bac+8 entrent dans la vie active sans être cadres, avec des salaires très bas, sans véritable perspective de carrière, avec tout le parcours initiatique : CDD, stages, intérim etc, ce n'est plus du tout les condition d'emploi de l'encadrement des années 50 - 60 ou 70. Nous voyons bien qu'il y a un top management des grandes entreprises qui représentent 0,2 ou 03% des salariés qui sont partis dans la stratosphère. Et pour le reste de l'encadrement aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de statut, tout cela s'est banalisé. Vous rappeliez à juste titre qu'il y a effectivement ...
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui... donc... alliance avec qui, comment... voilà... c'est un peu...
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien avec qui...
HEDWIGE CHEVRILLON
... c'est un peu simpliste mais il e faut de temps en temps.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Avec ceux qui voudront bien travailler avec nous, nous avons entamé en 2008 des travaux avec l'UNSA. Nous espérons bien poursuivre ces travaux, ce dialogue avec la CFTC, avec d'autres pour que nous constituions en étant acteur, le syndicalisme de demain...
HEDWIGE CHEVRILLON
Mais ça, dans votre grand O, hier vous l'avez...
BERNARD VAN CRAEYNEST
... plus rapproché...
HEDWIGE CHEVRILLON
... on vous a suivi, on vous a suivi ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Je l'ai redit...
HEDWIGE CHEVRILLON
On vous a suivi là-dessus.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Je l'ai redit ...
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, et... et...
BERNARD VAN CRAEYNEST
... et le texte que j'ai signé hier comporte deux points essentiels : c'est à la fois capitaliser, assurer la représentativité de la CFE CGC, mais aussi poursuivre ces travaux fondateurs ou refondateurs de rapprochement des organisations. Qu'est-ce qui fait que le syndicalisme n'est pas très bien perçu ? Trop grande politisation, trop grande division. La CFE CGC est une organisation indépendante des Partis politiques...
HEDWIGE CHEVRILLON
Voilà, puisque vous dites...
BERNARD VAN CRAEYNEST
Du patronat...
HEDWIGE CHEVRILLON
Puisque vous dite : la grande division...
BERNARD VAN CRAEYNEST
... et nous voulons rassembler.
HEDWIGE CHEVRILLON
Merci Bernard VAN CRAEYNEST. Il faut rassembler. Bernard VAN CRAEYNEST. Le message du président de la CFE CGC donc, qui passait un peu le grand « O » devant ses pairs hier soir. Merci d'avoir été avec nous.
Source http://www.cfecgc.org, le 6 novembre 2009