Interview de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, à La Chaîne Info le 22 janvier 2010, sur l'arrivée en France d'enfants adoptés en Haiti, le référendum en Guyane et en Martinique et la réforme des collectivités territoriales.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- H. Proglio, sous la pression, a renoncé à la part Veolia de sa double rémunération. Injuste cabbale ou sage et juste décision ?
 
Sage décision. Je crois que vu la situation - la crise financière, le contexte économique mondial -, même si les grandes entreprises et les patrons ont besoin d'avoir une rémunération qui correspond à leur travail, leur juste travail, on tire bien les conclusions, aujourd'hui, de la décision de Proglio. Donc juste décision.
 
Est-ce qu'il ne faut pas aller plus loin : renoncer à la double casquette, c'est-à-dire il laisse tomber complètement Véolia et il se concentre sur EDF ?
 
Je crois qu'il a toujours dit qu'il fallait qu'il se concentre sur EDF et qu'il avait un grand projet pour EDF. Maintenant, Véolia aussi a été son secteur d'activité. Donc, c'est un grand chef d'entreprise, il lui appartient de voir dans quelle mesure il peut à la fois occuper des responsabilités au sein de Véolia et aussi au niveau d'EDF.
 
33 enfants haïtiens sont en route en ce moment même depuis Haïti via la Martinique pour Paris, où ils vont arriver ce soir. Est-ce que tous ceux qui étaient en cours d'adoption avant le séisme seront rapidement transférés ?
 
C'est la décision qui a été prise par le Gouvernement de considérer que lorsque les dossiers étaient aboutis, il fallait faire cette opération de rapatriement de tous les enfants, pour les dossiers qui ont fait l'objet d'une inscription jusqu'au bout. Et d'ailleurs, l'Outre-mer a joué un rôle important, parce que ces enfants sont passés par Pointe-à-Pitre et viennent ce matin à Paris. Donc, on voit aussi le rôle de l'Outre-Mer dans ces opérations humanitaires.
 
Y aura-t-il un autre avion dans les prochaines heures ?
 
Il y a un autre avion dans les prochaines heures, notamment toujours pour ces enfants qui étaient en cours d'adoption et dont les dossiers étaient finalisés. Mais pour le reste, il faut être prudent, même si le ministère des Affaires étrangères va assouplir, accélérer la procédure, parce qu'il faut protéger ces enfants, et vous voyez bien l'élan de solidarité par rapport à tous ces jeunes Haïtiens.
 
Et pouvez-nous dire quand N. Sarkozy pourra se rendre, lui, en Haïti, comme il l'a promis ?
 
Le Président n'a pas arrêté aujourd'hui la date de son déplacement. Il a fait part effectivement de son souhait de pouvoir aller en Haïti. Maintenant, je crois qu'il faut laisser les opérations humanitaires se poursuivre, et ce qui est important pour lui en tant que le chef de l'Etat, c'est aussi d'envisager la reconstruction d'Haïti.
 
Reconstruction, voyage du Président, il s'agit aussi de redorer l'image de la France alors que les Américains donnent l'impression d'avoir tout fait là-bas ?
 
Les Américains ont toujours été présents en Haïti. On le sait, de par l'histoire, ils sont soit intervenus pendant plus d'un temps en Haïti. Mais la France a une tradition, elle a une histoire très forte avec Haïti, et c'est normal que la France prenne part à cette reconstruction.
 
Vous êtes-vous sentie humiliée quand vous avez vu des avions français qui ne pouvaient pas atterrir, ou les Américains dominer complètement les secours ?
 
Pas du tout, puisque... d'ailleurs c'est parce que la France est dans cette zone, avec la Guadeloupe et la Martinique, nous avons été les premiers à arriver en Haïti, et nous avons apporté les premiers secours. D'ailleurs, le détachement d'intervention de catastrophe aéroporté est parti de la Martinique, qui est une zone de défense. Donc... Au contraire, j'ai vu cet élan de solidarité de la France, et je me félicite d'avoir aujourd'hui la possibilité de dire que l'Outre-Mer participe à cet élan de solidarité.
 
Les Etats-Unis refouleront les Haïtiens qui fuiront leur pays pour essayer de gagner les côtes américaines. Est-ce que la France en fera autant avec les Haïtiens qui essayeraient de joindre les Antilles ?
 
Pour le moment, je crois qu'il faut regarder les choses de manière posée. Il faut regarder aussi la situation dans le contexte de la zone. Nous avons déjà en Guadeloupe et Martinique une politique d'immigration compliquée, avec une pression migratoire qui est très forte. Pour l'instant, il y a des mesures qui ont été prises par le ministre de l'Immigration, E. Besson. Ce sont des mesures sages qui consistent effectivement, dans un premier temps, de stopper les reconduites à la frontière, mais il faut voir les choses avec un peu de recul, parce qu'il peut y avoir des conséquences qu'il faudra apprécier par la suite, et il faut aussi pouvoir se donner les moyens d'accueillir et de faire en sorte que cette communauté soit bien intégrée dans les sociétés antillaises.
 
Souhaitez-vous que la France quand même essaye de régulariser un maximum d'Haïtiens qui, en ce moment, sont en situation illégale aux Antilles ?
 
Je crois qu'il faut regarder la situation au cas par cas. Il ne faut pas, dans l'immédiat, prendre une mesure globale, cela nécessite que l'on regarde aussi comment vit la communauté haïtienne dans la zone. Aussi bien en Guadeloupe, Martinique et en Guyane, il y a aujourd'hui un élan de solidarité extraordinaire mais il faut apprécier aussi le fait qu'on ait aussi une forte pression migratoire dans le secteur. Et puis aussi, il faut que les Haïtiens participent à la reconstruction de leur pays, donc ça c'est aussi très important. Ils sont attachés à leur territoire. Ce n'est peut-être pas à partir d'une idée généreuse, ce n'est peut-être pas forcément une très bonne solution.
 
Deuxième référendum dimanche, en Guyane et en Martinique, pour créer ou non, une collectivité unique, fusion conseil général et conseil régional. Demandez-vous aux électeurs de voter "oui" ?
 
Le Gouvernement a toujours dit qu'il ne prenait pas part à cette consultation, parce que ce n'a pas été le projet du Gouvernement. Je vous rappelle que ce sont les élus réunis en Congrès qui ont souhaité cette consultation parce qu'ils ont considéré qu'aujourd'hui, avec le statut actuel, ils ne pouvaient pas aller au bout de la réalisation d'un certain nombre de projets et qu'il fallait cette évolution.
 
Le Gouvernement veut réformer les collectivités locales en France...
 
Dès lors qu'ils avaient demandé cette consultation le 10 janvier, on a vu les résultats, qui est un vote sans appel, qui est un refus de plus d'autonomie, il a semblé intéressant de pouvoir aussi poser la question de la collectivité unique puisque nous avons engagé, le Gouvernement a engagé la réforme des collectivités territoriales. Donc il fallait, en deux mots, purger la question de la collectivité unique avant d'aborder la réforme des collectivités territoriales, telle qu'elle devrait être appliquée en Outre-mer.
 
Donc si la collectivité unique est rejetée en Martinique et en Guyane, ce sera un échec pour N. Sarkozy dans cette réforme des collectivités territoriales ?
 
Non, ce n'est pas un échec puisqu'il n'a jamais porté l'évolution institutionnelle. Il a simplement dit qu'il ne pouvait pas y avoir de statu quo et de fait, il n'y aura pas de statu quo parce que si les Martiniquais et les Guyanais disent non dimanche à cette consultation, à cette création d'une collectivité unique, la situation sera examinée dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, avec la création d'un conseiller territorial qui va siéger à la fois au niveau de département et au niveau de la région.
 
Le refus de plus d'autonomie, le 10 janvier, c'était le signe donné que l'Outre-mer ne peut pas se passer de la perfusion de la Métropole ?
 
Je crois qu'il faut arrêter de penser que l'Outre-mer a toujours besoin de la France mais la France hexagonale aussi a besoin de l'Outre-mer. Et c'est l'un des messages très forts que le président de la République a passé lors des voeux qu'il a adressés à l'ensemble de l'Outre-mer. La solidarité, elle doit pouvoir s'exercer aussi bien sur le territoire national dans sa globalité, c'est-à-dire aussi bien en France hexagonale qu'en Outre-mer. Mais l'Outre-mer peut apporter beaucoup à notre pays, notamment dans le domaine du développement des énergies renouvelables et l'exemple de la Réunion est un exemple qu'il faut suivre.
 
Etes-vous pour une loi d'interdiction sévère de la burqa, ou bien vous craignez que dans les département d'Outre-mer, Réunion, Mayotte, où il y a beaucoup de musulmans, cela mette le feu aux poudres ?
 
La question ne se pose pas aujourd'hui à la Réunion, puisque la Réunion est vraiment l'exemple où toutes les communautés peuvent vivre ensemble. Simplement, sur cette question, je crois que la décision qui a été prise par le Gouvernement, d'envisager dans un premier temps, une résolution, et puis de voir s'il est nécessaire d'aller vers une loi dans un deuxième temps, je pense que c'est une sage décision.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 janvier 2010