Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Chers amis,
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver à Dakar pour une nouvelle réunion des ministres de la zone franc. Et j'espère que ce plaisir sera partagé par vous tous. Cette réunion est importante car c'est la première depuis l'introduction de l'euro. Elle nous permet de démarrer sur un constat : malgré les appréhensions qui s'étaient manifestées en Afrique, les faux devins ont reçu un démenti cinglant.
En effet, l'ancrage du franc CFA à l'euro s'est effectué sans heurts et dans les meilleures conditions possibles. D'abord, il est entré dans la réalité après avoir été clairement validé par l'Union européenne, ainsi que la France s'y était engagée auprès de vous. Ensuite - et c'est la grande nouvelle des premiers mois de 1999 - les bénéfices de l'euro ont été plus nets et plus rapides que prévu. L'euro a servi de bouclier face à la crise internationale et, ce faisant, ses bénéfices ont commencé à atteindre la zone franc. Même le risque d'une appréciation excessive de l'euro - risque qui, lui, n'était pas imaginaire - ne s'est pas vérifié.
Bien entendu la satisfaction ne doit jamais, lorsqu'on est ministre des Finances, conduire au relâchement. Mais je tenais à débuter mon propos par ce constat positif qui fait lui-même écho à bien des efforts.
Au-delà de l'épisode crucial que nous venons de vivre, ce qui est passé nous invite à une réflexion pour l'avenir. Cette réflexion, je vous propose de la faire porter sur l'intégration régionale : son rôle et ses bienfaits, mais aussi ses conditions de réussite. C'est dans cette perspective que je souhaite évoquer les enseignements que notre coopération monétaire peut, à mon sens, tirer des événements récents. A la lumière de ces analyses, je souhaiterais évoquer avec vous les moyens que nous pouvons mobiliser pour renforcer le dispositif institutionnel de convergence des politiques macro-économiques.
I) Les premiers pas de l'euro nous livrent un enseignement précis : la politique monétaire peut être une arme anti-crise si les finances publiques sont maîtrisées.
I.1 L'euro a accompli ses premiers pas dans une conjoncture délicate
Depuis plusieurs trimestres, l'Europe a commencé à ressentir les effets de la crise asiatique, notamment à travers le ralentissement de la demande mondiale. Il en résultait un risque indéniable de récession. Faire face à ce risque était pour nous un énorme défi, pour trois raisons. D'abord, il y avait l'enjeu conjoncturel classique. Mais, en plus, il y avait ce que l'on pourrait appeler l'épreuve du feu de l'euro : une mauvaise maîtrise de la politique économique pendant cette période inaugurale aurait fort mal auguré de la suite. Je ne voudrais pas employer de grands mots mais, en tant que ministres des Finances de l'eurolande, nous avions un vif sentiment de responsabilité à cet égard. Par ailleurs, nous avions une préoccupation particulière concernant la conjoncture mondiale : celle-ci était sur le fil du rasoir et la préservation d'une croissance correcte en Europe était donc essentielle vis-à-vis des autres continents - et là je pense bien sûr à l'Afrique - pour éviter que les vents mauvais de la récession ne l'emportent au plan global.
La question était donc de savoir comment la politique économique pouvait gérer ces risques de ralentissement et éviter toute réaction inappropriée. En schématisant, je dirai que, pour le baptême de l'UEM, la question était un peu de savoir quelle combinaison de politique économique allait prévaloir.
Allait-elle glisser vers le dosage "politique budgétaire laxiste/politique monétaire restrictive" pratiqué par le tandem Reagan-Volcker avec le succès inégal que l'on sait, ou parviendrait-elle à mettre en oeuvre la combinaison de finances publiques maîtrisée et de politique monétaire active à laquelle le tandem Clinton-Greenspan a attaché son nom ? Même si les situations sont
différentes, je suis depuis longtemps convaincu que le bon dosage pour l'Europe est plus proche de la seconde que de la première de ces deux expériences. Mais rien n'était joué d'avance car, s'ils ont entamé leur ajustement budgétaire depuis plusieurs années, ce n'est un mystère pour personne que les pays européens ne l'ont pas encore tout à fait achevé.
I.2 Grâce à des politiques budgétaires ordonnées autour de règles claires, la Banque centrale européenne a pu baisser ses taux
Tout n'est pas gagné mais, depuis le 8 avril dernier, nous savons que nous tenons, si j'ose dire, le "bon bout". Le 8 avril, c'est le jour où nous avons appris la "bonne nouvelle" : la décision prise par la Banque centrale européenne de ramener de 3 % à 2,5 % le taux du Repo. Cette baisse des taux conforte le rôle de bouclier que joue notre monnaie face aux turbulences internationales. Elle a une portée d'autant plus grande qu'elle s'applique au grand ensemble régional que constitue l'eurolande. C'est la première leçon.
Deuxièmement, cette baisse des taux s'est produite, j'y ai fait allusion, à un moment où l'ajustement budgétaire n'était pas encore complètement parachevé. Comment cela a-t-il été possible ? Pourquoi la confiance - car, c'est de cela qu'il s'agit - a-t-elle été au rendez-vous dans les rapports entre la Banque centrale et les autorités politiques nationales ?
Beaucoup d'éléments sont entrés en ligne de compte mais, fondamentalement, à la base, il y a les règles que nous nous sommes données et les moyens dont nous nous sommes dotés pour les faire respecter. C'est cela la base de la confiance et celle des premiers pas réussis de l'euro.
Comme vous le savez, la mise au point de l'Union économique et monétaire européenne a été un processus long et difficile. La France était depuis longtemps acquise à cette idée car elle a toujours été - et vous êtes bien placés pour le savoir - très sceptique sur les bienfaits supposés du flottement des monnaies. Mais convaincre nos partenaires européens n'a pas été une tâche facile. Les pays qui avaient fait les premiers le choix de la stabilité avaient peur de perdre les bénéfices de leur longue sagesse. Pour être tout à fait franc, ils craignaient de nous voir obtenir la monnaie unique sans en payer le prix, et ils nous soupçonnaient de convoiter les avantages d'une monnaie stable (c'est-à-dire, en pratique, des taux d'intérêt faibles) sans consentir aux disciplines que cela suppose.
Telle est la raison pour laquelle la signature d'un Pacte de stabilité a été proposée et même, disons-le, exigée. Cette discussion a fait couler beaucoup d'encre, car à la clé il y avait un cadre très strict de contrôle des finances publiques. On a beaucoup parlé de la limitation des déficits budgétaires, les fameux critères de Maastricht et leur plafond de 3 %. On a également parlé des sanctions qui sont prévues en cas de non-respect des critères. Mais on a moins parlé du reste et, notamment, de tout ce qui accompagne la limitation des déficits. Car, pour être pleinement effective, celle-ci suppose tout un dispositif d'harmonisation des comptes, de production à bonne date des balances du trésor, de détection des déséquilibres et des manquements, de surveillance multilatérale permanente.
Les pays de l'eurolande ont dû accepter toutes les règles et je peux dire qu'aujourd'hui, nous ne le regrettons pas. Les bénéfices se situent à plusieurs niveaux. C'est d'abord la confiance, non seulement entre nous, ministres des Finances de l'eurolande, mais aussi avec la Banque centrale européenne. Qu'est-ce que la confiance, sinon la certitude d'une discipline partagée ? C'est ensuite une certaine forme d'apaisement politique sur lequel je me permettrais, mes Chers Collègues, d'attirer votre attention. Certains croient que le sommet de l'art politique consiste à avoir les mains le plus libres possible. C'est peut-être vrai dans certains domaines, mais cela ne l'est pas en politique économique. En cette matière le pire danger consiste à avoir la latitude de faire n'importe quoi, car alors on s'épuise à résister aux pressions. Mieux vaut, croyez-moi, être lié par quelques règles de bon sens. C'est vrai en Europe. Ce que je sais de l'Afrique, me dit que cela l'est peut-être plus encore ici, sur votre continent.
J'ajoute que la convergence par les règles, ce n'est pas la fin du débat, ni la mort de l'initiative politique. Car là encore la confiance, en même temps qu'elle tourne de mauvaises pages, ouvre des horizons. L'un des bénéfices indirects de la discipline est de rendre la coordination possible. Bien sûr il y faut de la volonté politique. Mais avec la création du Conseil de l'euro, nous avons là aussi une expérience concluante...
II) Quelles sont les caractéristiques d'une politique budgétaire responsable et comment l'environnement institutionnel de la zone franc peut-il les améliorer ?
II -1 En Europe la bonne coordination entre ministères des Finances et banque centrale illustrée par la récente baisse des taux de la BCE ne relève pas du hasard.
L'architecture que nous avons mise au point pour l'élaboration de la politique macro-économique au sein de la zone euro repose sur des fondations solides: elle comprend à la fois un partage net des responsabilités entre les autorités budgétaires des Etats membre et l'autorité monétaire européenne, et une définition claire des objectifs que chaque intervenant doit poursuivre. Nous avons clairement inséré dans notre traité un code de politique budgétaire qui met l'accent sur le besoin de politiques responsables en matière de finances publiques, et nous avons élaboré une législation secondaire qui assure que les Etats membres tiennent cet engagement. Ainsi, chaque année, nous devons transmettre avant le ler mars un programme de stabilité sur trois ans à nos partenaires européens dans lequel nos prévisions macro-économiques et nos perspectives de finances publiques sont présentées en détail. Au sein du conseil économique et financier, ces documents sont ensuite examinés. Si le conseil constate un dérapage significatif, il adresse une recommandation à l'Etat membre concerné, l'invitant à prendre les mesures d'ajustement nécessaires.
Comme vous le voyez, c'est tout un arsenal de mesures qui s'est mis en place de façon à encadrer la procédure budgétaire, sous le contrôle des autres Etats avec lequel nous partageons la même monnaie.
II-2 Dans la zone franc, sans chercher à copier le cadre européen, le cadre institutionnel favorisant la convergence doit être renforcé.
Si les règles du processus de décisions ne sont en effet pas assez strictes ou si elles ne sont pas assorties d'une procédure suffisamment contraignante pour être respectées, les doutes de chacun sur l'attitude des autres pourraient conduire les autorités responsables à adopter collectivement un dosage de politiques inappropriées. Les conséquences d'un tel choix de fait pourraient s'avérer sérieuses.
Il serait regrettable par exemple que la Banque centrale soit contrainte de resserrer sa politique monétaire du fait des dérapages incontrôlés intervenus dans la gestion des finances publiques dans un seul pays, au préjudice de la croissance et de l'équilibre des conditions de financement dans le reste de la zone. A l'inverse, une Banque centrale se doit de durcir sa politique monétaire si les déséquilibres dans un seul Etat sont susceptibles de nuire à la stabilité de l'ensemble de la zone.
Pour sortir de ce dilemme, il est nécessaire de renforcer des procédures de coordination efficaces entre les gouvernements de la zone, ainsi qu'entre eux et la Banque centrale. C'est seulement si un climat de dialogue et de confiance mutuelle dans la capacité des partenaires à assumer leurs engagements se raffermit, que la zone franc sera en mesure de définir et de mettre en oeuvre des politiques appropriées dans le contexte actuel.
Evidemment, les pays de la zone franc ont depuis plusieurs années entamé ce renforcement institutionnel par la mise en place d'une surveillance multilatérale, à partir de 1994, fondée sur des critères de convergence dont le respect est examiné régulièrement par des instances appropriées. Mais, au vu des événements de 1998, force est de constater que ce dispositif n'a pas empêché l'apparition de déséquilibres importants.
Aussi, à court terme, il est nécessaire que, dans les cas concernés, une politique économique suffisamment rigoureuse soit rapidement mise en oeuvre de façon à réduire les déficits et les arriérés et permette une reprise de la collaboration avec les institutions de Bretton Woods.
Mais il faut penser aussi à un avenir plus lointain. C'est pourquoi je souhaite, à la suite de la discussion intervenue entre experts hier, que les réflexions conduites actuellement au sein de l'UEMOA et au sein de la CEMAC puissent associer des représentants de mes services dans un groupe de travail ad hoc qui nous soumette, dès que possible, des propositions communes de renforcement de la surveillance multilatérale. Il s'agira ainsi de montrer de façon éclatante notre volonté commune de poursuivre résolument notre coopération monétaire vieille de plus de 50 ans et de garantir la pérennité de nos engagements.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 avril 1999)
Messieurs les Gouverneurs,
Chers amis,
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver à Dakar pour une nouvelle réunion des ministres de la zone franc. Et j'espère que ce plaisir sera partagé par vous tous. Cette réunion est importante car c'est la première depuis l'introduction de l'euro. Elle nous permet de démarrer sur un constat : malgré les appréhensions qui s'étaient manifestées en Afrique, les faux devins ont reçu un démenti cinglant.
En effet, l'ancrage du franc CFA à l'euro s'est effectué sans heurts et dans les meilleures conditions possibles. D'abord, il est entré dans la réalité après avoir été clairement validé par l'Union européenne, ainsi que la France s'y était engagée auprès de vous. Ensuite - et c'est la grande nouvelle des premiers mois de 1999 - les bénéfices de l'euro ont été plus nets et plus rapides que prévu. L'euro a servi de bouclier face à la crise internationale et, ce faisant, ses bénéfices ont commencé à atteindre la zone franc. Même le risque d'une appréciation excessive de l'euro - risque qui, lui, n'était pas imaginaire - ne s'est pas vérifié.
Bien entendu la satisfaction ne doit jamais, lorsqu'on est ministre des Finances, conduire au relâchement. Mais je tenais à débuter mon propos par ce constat positif qui fait lui-même écho à bien des efforts.
Au-delà de l'épisode crucial que nous venons de vivre, ce qui est passé nous invite à une réflexion pour l'avenir. Cette réflexion, je vous propose de la faire porter sur l'intégration régionale : son rôle et ses bienfaits, mais aussi ses conditions de réussite. C'est dans cette perspective que je souhaite évoquer les enseignements que notre coopération monétaire peut, à mon sens, tirer des événements récents. A la lumière de ces analyses, je souhaiterais évoquer avec vous les moyens que nous pouvons mobiliser pour renforcer le dispositif institutionnel de convergence des politiques macro-économiques.
I) Les premiers pas de l'euro nous livrent un enseignement précis : la politique monétaire peut être une arme anti-crise si les finances publiques sont maîtrisées.
I.1 L'euro a accompli ses premiers pas dans une conjoncture délicate
Depuis plusieurs trimestres, l'Europe a commencé à ressentir les effets de la crise asiatique, notamment à travers le ralentissement de la demande mondiale. Il en résultait un risque indéniable de récession. Faire face à ce risque était pour nous un énorme défi, pour trois raisons. D'abord, il y avait l'enjeu conjoncturel classique. Mais, en plus, il y avait ce que l'on pourrait appeler l'épreuve du feu de l'euro : une mauvaise maîtrise de la politique économique pendant cette période inaugurale aurait fort mal auguré de la suite. Je ne voudrais pas employer de grands mots mais, en tant que ministres des Finances de l'eurolande, nous avions un vif sentiment de responsabilité à cet égard. Par ailleurs, nous avions une préoccupation particulière concernant la conjoncture mondiale : celle-ci était sur le fil du rasoir et la préservation d'une croissance correcte en Europe était donc essentielle vis-à-vis des autres continents - et là je pense bien sûr à l'Afrique - pour éviter que les vents mauvais de la récession ne l'emportent au plan global.
La question était donc de savoir comment la politique économique pouvait gérer ces risques de ralentissement et éviter toute réaction inappropriée. En schématisant, je dirai que, pour le baptême de l'UEM, la question était un peu de savoir quelle combinaison de politique économique allait prévaloir.
Allait-elle glisser vers le dosage "politique budgétaire laxiste/politique monétaire restrictive" pratiqué par le tandem Reagan-Volcker avec le succès inégal que l'on sait, ou parviendrait-elle à mettre en oeuvre la combinaison de finances publiques maîtrisée et de politique monétaire active à laquelle le tandem Clinton-Greenspan a attaché son nom ? Même si les situations sont
différentes, je suis depuis longtemps convaincu que le bon dosage pour l'Europe est plus proche de la seconde que de la première de ces deux expériences. Mais rien n'était joué d'avance car, s'ils ont entamé leur ajustement budgétaire depuis plusieurs années, ce n'est un mystère pour personne que les pays européens ne l'ont pas encore tout à fait achevé.
I.2 Grâce à des politiques budgétaires ordonnées autour de règles claires, la Banque centrale européenne a pu baisser ses taux
Tout n'est pas gagné mais, depuis le 8 avril dernier, nous savons que nous tenons, si j'ose dire, le "bon bout". Le 8 avril, c'est le jour où nous avons appris la "bonne nouvelle" : la décision prise par la Banque centrale européenne de ramener de 3 % à 2,5 % le taux du Repo. Cette baisse des taux conforte le rôle de bouclier que joue notre monnaie face aux turbulences internationales. Elle a une portée d'autant plus grande qu'elle s'applique au grand ensemble régional que constitue l'eurolande. C'est la première leçon.
Deuxièmement, cette baisse des taux s'est produite, j'y ai fait allusion, à un moment où l'ajustement budgétaire n'était pas encore complètement parachevé. Comment cela a-t-il été possible ? Pourquoi la confiance - car, c'est de cela qu'il s'agit - a-t-elle été au rendez-vous dans les rapports entre la Banque centrale et les autorités politiques nationales ?
Beaucoup d'éléments sont entrés en ligne de compte mais, fondamentalement, à la base, il y a les règles que nous nous sommes données et les moyens dont nous nous sommes dotés pour les faire respecter. C'est cela la base de la confiance et celle des premiers pas réussis de l'euro.
Comme vous le savez, la mise au point de l'Union économique et monétaire européenne a été un processus long et difficile. La France était depuis longtemps acquise à cette idée car elle a toujours été - et vous êtes bien placés pour le savoir - très sceptique sur les bienfaits supposés du flottement des monnaies. Mais convaincre nos partenaires européens n'a pas été une tâche facile. Les pays qui avaient fait les premiers le choix de la stabilité avaient peur de perdre les bénéfices de leur longue sagesse. Pour être tout à fait franc, ils craignaient de nous voir obtenir la monnaie unique sans en payer le prix, et ils nous soupçonnaient de convoiter les avantages d'une monnaie stable (c'est-à-dire, en pratique, des taux d'intérêt faibles) sans consentir aux disciplines que cela suppose.
Telle est la raison pour laquelle la signature d'un Pacte de stabilité a été proposée et même, disons-le, exigée. Cette discussion a fait couler beaucoup d'encre, car à la clé il y avait un cadre très strict de contrôle des finances publiques. On a beaucoup parlé de la limitation des déficits budgétaires, les fameux critères de Maastricht et leur plafond de 3 %. On a également parlé des sanctions qui sont prévues en cas de non-respect des critères. Mais on a moins parlé du reste et, notamment, de tout ce qui accompagne la limitation des déficits. Car, pour être pleinement effective, celle-ci suppose tout un dispositif d'harmonisation des comptes, de production à bonne date des balances du trésor, de détection des déséquilibres et des manquements, de surveillance multilatérale permanente.
Les pays de l'eurolande ont dû accepter toutes les règles et je peux dire qu'aujourd'hui, nous ne le regrettons pas. Les bénéfices se situent à plusieurs niveaux. C'est d'abord la confiance, non seulement entre nous, ministres des Finances de l'eurolande, mais aussi avec la Banque centrale européenne. Qu'est-ce que la confiance, sinon la certitude d'une discipline partagée ? C'est ensuite une certaine forme d'apaisement politique sur lequel je me permettrais, mes Chers Collègues, d'attirer votre attention. Certains croient que le sommet de l'art politique consiste à avoir les mains le plus libres possible. C'est peut-être vrai dans certains domaines, mais cela ne l'est pas en politique économique. En cette matière le pire danger consiste à avoir la latitude de faire n'importe quoi, car alors on s'épuise à résister aux pressions. Mieux vaut, croyez-moi, être lié par quelques règles de bon sens. C'est vrai en Europe. Ce que je sais de l'Afrique, me dit que cela l'est peut-être plus encore ici, sur votre continent.
J'ajoute que la convergence par les règles, ce n'est pas la fin du débat, ni la mort de l'initiative politique. Car là encore la confiance, en même temps qu'elle tourne de mauvaises pages, ouvre des horizons. L'un des bénéfices indirects de la discipline est de rendre la coordination possible. Bien sûr il y faut de la volonté politique. Mais avec la création du Conseil de l'euro, nous avons là aussi une expérience concluante...
II) Quelles sont les caractéristiques d'une politique budgétaire responsable et comment l'environnement institutionnel de la zone franc peut-il les améliorer ?
II -1 En Europe la bonne coordination entre ministères des Finances et banque centrale illustrée par la récente baisse des taux de la BCE ne relève pas du hasard.
L'architecture que nous avons mise au point pour l'élaboration de la politique macro-économique au sein de la zone euro repose sur des fondations solides: elle comprend à la fois un partage net des responsabilités entre les autorités budgétaires des Etats membre et l'autorité monétaire européenne, et une définition claire des objectifs que chaque intervenant doit poursuivre. Nous avons clairement inséré dans notre traité un code de politique budgétaire qui met l'accent sur le besoin de politiques responsables en matière de finances publiques, et nous avons élaboré une législation secondaire qui assure que les Etats membres tiennent cet engagement. Ainsi, chaque année, nous devons transmettre avant le ler mars un programme de stabilité sur trois ans à nos partenaires européens dans lequel nos prévisions macro-économiques et nos perspectives de finances publiques sont présentées en détail. Au sein du conseil économique et financier, ces documents sont ensuite examinés. Si le conseil constate un dérapage significatif, il adresse une recommandation à l'Etat membre concerné, l'invitant à prendre les mesures d'ajustement nécessaires.
Comme vous le voyez, c'est tout un arsenal de mesures qui s'est mis en place de façon à encadrer la procédure budgétaire, sous le contrôle des autres Etats avec lequel nous partageons la même monnaie.
II-2 Dans la zone franc, sans chercher à copier le cadre européen, le cadre institutionnel favorisant la convergence doit être renforcé.
Si les règles du processus de décisions ne sont en effet pas assez strictes ou si elles ne sont pas assorties d'une procédure suffisamment contraignante pour être respectées, les doutes de chacun sur l'attitude des autres pourraient conduire les autorités responsables à adopter collectivement un dosage de politiques inappropriées. Les conséquences d'un tel choix de fait pourraient s'avérer sérieuses.
Il serait regrettable par exemple que la Banque centrale soit contrainte de resserrer sa politique monétaire du fait des dérapages incontrôlés intervenus dans la gestion des finances publiques dans un seul pays, au préjudice de la croissance et de l'équilibre des conditions de financement dans le reste de la zone. A l'inverse, une Banque centrale se doit de durcir sa politique monétaire si les déséquilibres dans un seul Etat sont susceptibles de nuire à la stabilité de l'ensemble de la zone.
Pour sortir de ce dilemme, il est nécessaire de renforcer des procédures de coordination efficaces entre les gouvernements de la zone, ainsi qu'entre eux et la Banque centrale. C'est seulement si un climat de dialogue et de confiance mutuelle dans la capacité des partenaires à assumer leurs engagements se raffermit, que la zone franc sera en mesure de définir et de mettre en oeuvre des politiques appropriées dans le contexte actuel.
Evidemment, les pays de la zone franc ont depuis plusieurs années entamé ce renforcement institutionnel par la mise en place d'une surveillance multilatérale, à partir de 1994, fondée sur des critères de convergence dont le respect est examiné régulièrement par des instances appropriées. Mais, au vu des événements de 1998, force est de constater que ce dispositif n'a pas empêché l'apparition de déséquilibres importants.
Aussi, à court terme, il est nécessaire que, dans les cas concernés, une politique économique suffisamment rigoureuse soit rapidement mise en oeuvre de façon à réduire les déficits et les arriérés et permette une reprise de la collaboration avec les institutions de Bretton Woods.
Mais il faut penser aussi à un avenir plus lointain. C'est pourquoi je souhaite, à la suite de la discussion intervenue entre experts hier, que les réflexions conduites actuellement au sein de l'UEMOA et au sein de la CEMAC puissent associer des représentants de mes services dans un groupe de travail ad hoc qui nous soumette, dès que possible, des propositions communes de renforcement de la surveillance multilatérale. Il s'agira ainsi de montrer de façon éclatante notre volonté commune de poursuivre résolument notre coopération monétaire vieille de plus de 50 ans et de garantir la pérennité de nos engagements.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 avril 1999)