Interview de M. François Hollande, Premier secrétaire du PS, à France Inter le 12 mars 2001, sur les résultats du premier tour des élections municipales et les objectifs du second tour.

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Média : France Inter

Texte intégral


S. Paoli Pendant la campagne, à plusieurs reprises, vous aviez dit qu'il n'y aurait pas de vague rose et il n'y en a pas eu.
- "C'était des élections municipales où la question de l'avenir du Gouvernement n'était pas posée. Il y a des élections en 2002, législatives et présidentielles, dans un ordre qui n'est pas encore arrêté. C'est là que les Français fixeront le cap pour le pays pour les cinq prochaines années. C'était une tentation des uns et des autres - des commentateurs, des acteurs - d'avoir voulu faire jouer aux élections municipales un rôle qui n'était pas le leur. Elles sont là essentiellement pour désigner des équipes, des maires et ce sera le cas, avec une prime aux sortants. C'est une leçon de modestie pour tous. Les élections municipales servent à gérer les affaires de ville et ne sont pas faites pour avoir un plan de carrière."
Les journalistes et les analystes sont surpris : il y a encore une petite avancée de la droite. Par rapport à 1995, la droite est en progression.
- "Il y a un phénomène, dont je ne me plains pas, qui est le refus de l'extrême droite. Il faut regarder ce fait qui est un point très important par rapport aux élections de 1995. Il y a un transfert de voix de l'extrême droite à la droite. J'ai dit que je ne m'en plaignais pas parce qu'il y a là comme une normalisation, une banalisation de la vie politique qui va quand même dans le bon sens. De plus, ce sont des élections où il y a une prime aux sortants. N'essayons pas de faire jouer, là encore, un rôle d'indicateur à ces élections pour d'autres scrutins, puisque lorsque le maire sortant est de droite, il peut y avoir des électeurs de gauche qui votent pour lui ; l'inverse est également vrai. Les élections de 2002 sont ouvertes et je n'ai jamais pensé qu'on pouvait les gagner sans combattre. Même le bon bilan gouvernemental n'a pas été un élément du débat pour ces élections, ce qui est un grand progrès par rapport à ce qu'on avait pu connaître en 1977 lorsque la droite avait été sanctionnée ou en 1983 lorsque la gauche l'avait été sur un bilan gouvernemental qui avait été le centre même de la campagne. Tel n'a pas été le cas, donc respectons le choix des électeurs, qui n'ont d'ailleurs pas dit leur dernier mot - on le verra à Paris, Lyon, Toulouse. Il y a une stabilité du corps électoral. La droite va mal en haut mais elle ne se porte pas si mal en bas."
L'intelligence de ce résultat, c'est la double lecture qu'on peut en faire. Vous venez de parler des enjeux locaux, de la prime aux sortants et aux bons gestionnaires. Mais il y a un message politique pour J. Chirac et L. Jospin.
- "C'est un beau message que les Français s'envoient à eux-mêmes. C'est eux qui ont gagné les élections, ils ont choisi ceux qu'ils pensaient être les meilleurs. Pour J. Chirac, il y a une leçon à tirer et elle sera tirée au second tour à Paris. Elle a été tirée au premier tour à Tulle mais ce n'est pas comparable... La leçon pour L. Jospin, c'est de voir que son bilan n'a pas été mis en cause ; que son Gouvernement est populaire ; que cela marche pour certains membres du Gouvernement candidats - Villeneuve-Saint-Georges pour R.-G. Schwartzenberg, Eragny pour D. Gillot, et pour beaucoup de ministres qui étaient dans les équipes municipales sortantes. En revanche, pour aller en conquête, être ministre ne suffit pas. C'est une leçon majeure. On m'a demandé tout au long de la préparation des élections pourquoi le PS n'avait pas envoyé des poids lourds à Paris, Toulouse ou Lyon. Paradoxalement, c'est là où nous avons désigné des candidats localement impliqués, intégrés dans la vie locale qu'on a fait les meilleurs résultats et qu'on pourra peut-être gagner demain."
Vous savez que ce n'est jamais aussi simple. Si D. Strauss-Kahn avait été disponible, on l'aurait peut-être vu à Paris ?
- "Quel aurait été le résultat ? Nul ne le sait."
On ne peut pas dire ne pas être tentés d'envoyer les poids lourds quand on les a ?
- "Bien sûr, mais en conquête, ce n'est pas si facile pour un ministre qui est pris par mille tâches. Les ministres qui ont été candidats - en l'occurrence E. Guigou, J.-C. Gayssot, D. Voynet, P. Moscovici - dans des villes où la droite était très bien impliquée dans la vie locale, ont eu du courage. Je pense qu'au deuxième tour, ils doivent démontrer qu'ils seront disponibles, parce que ce que demande l'électeur, c'est que les candidats, qu'ils soient ministres, anciens ministres, connus ou moins connus, doivent faire le travail pour lequel on veut éventuellement leur confier la victoire aux élections municipales."
Dans toutes les villes où il va falloir faire des fusions, c'est le cas à Paris, les tractations ont duré toute la nuit. Maintenant c'est réglé. Les reports se feront-ils naturellement et bien entre les Verts et le PS ?
- "C'est fait pour Paris. Pour Toulouse, Zebda a dit qu'elle/il - je ne sais pas ce qu'il faut dire, si c'est féminin ou masculin, on me donnera la réponse tout à l'heure ..."
C'est mieux au féminin.
- "Prenons de toute façon les choses au féminin. Zebda va fusionner avec la liste de F. Simon, ce qui permet à la gauche plurielle d'avoir une chance sérieuse de l'emporter. Nous n'avons pas de problème pour savoir ce que nous allons faire à Paris ou à Lyon, parce que les choses sont claires."
La première qui ait parlé de l'importance des femmes dans ce scrutin, c'est madame Bachelot ce matin. Dans les résultats hier soir, on n'en parlait pas beaucoup, alors que pendant toute la campagne, "parité", "parité" était quasiment un slogan ?
- "Il n'y a plus besoin d'en parler, elle est faite. Elle est faite pour les candidatures..."
On ne l'a pas beaucoup dit hier soir.
- "Elle n'est pas faite pour les têtes de liste, elle n'est pas faite encore dans les exécutifs locaux. C'est un combat que madame Bachelot et d'autres heureusement, à gauche comme à droite défendent. On ne va pas revenir sur le débat de la parité, c'est maintenant derrière nous, mais ce combat n'est à l'évidence pas terminé."
La priorité, c'est de régler le deuxième tour. Il y a une semaine pour le faire. Derrière, va-t-on reprendre la lecture j'allais dire nationale de ce résultat, alors qu'on n'arrête pas de dire "attention, c'est un enjeu local" ?
- "Je ne cesse de dire que c'est un enjeu local. Je ne suis pas démenti par le résultat du premier tour. Au second tour, les Parisiens, les Toulounnais, les Lyonnais, et les habitants de toutes les villes de France vont se déterminer par rapport à leur propre avenir."
Cela veut dire qu'au deuxième tour on peut donner un sens un peu différent à son vote dans une municipale ?
- "Nous aurons beaucoup plus de résultats, puisque nous aurons des victoires et des défaites. Nous aurons des villes qui changeront ou qui ne changeront pas d'exécutif. Donc, nous aurons une interprétation qui sera plus claire que l'interprétation des forces en présence au premier tour. Je ne suis pas là pour dire que c'est un enjeu local au premier tour mais un enjeu national au second tour. J'espère que vous m'inviterez au second tour pour qu'il y ait au moins le mérite de la cohérence."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 12 mars 2001)