Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "Radio Classique" le 11 février 2010, sur sa candidature dans la région centre, la situation d'endettement de la France.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

G. Durand.- Toute la presse vous présente comme l'homme qui pourrait empêcher M. Aubry de faire le grand Chelem dans cette fameuse région Centre. Est-ce que vous avez le sentiment effectivement que vous pouvez gagner et sur quels critères repose ce sentiment ?

On ne va pas aux élections pour perdre. Donc, lorsque je me suis engagé, il y a plusieurs mois, j'avais bien envie de gagner, et j'ai toujours cette envie. Mais une élection elle n'est jamais jouée, et jusqu'au bout il faut faire ce que j'ai fait depuis le début, c'est-à-dire : un, faire un état des lieux de la région, en toute objectivité, pas d'agressivité fondée sur des fausses vérités, non, un bilan. Ce bilan me permet de dire que la région Centre ne va pas bien, c'est une région qui n'a pas d'identité, alors que les provinces qui la représentent ont une identité, elle n'a pas une identité globale de telle sorte qu'il y en a certains qui veulent quitter cette région...

A partir de ce constat, maintenant vous êtes présenté un peu comme le champion de la droite dans cette bataille. C'est-à-dire, celui, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, celui qui éventuellement peut empêcher M. Aubry de faire le grand Chelem.

Oui...

Et vous avez reçu le renfort du président de la République ; C. Lagarde vient vous voir vendredi. Enfin, la majorité se bat beaucoup.

Et moi en premier. Mais je le fais, bien sûr, je suis au Gouvernement et je dis que les réformes que nous avons faites sont bonnes et que la région à tort par esprit de système de s'en priver. Et j'ai aussi un projet très ancré sur la réalité de ces territoires, qui sont merveilleux, qui sont le Val-de-Loire, le Berry, la Touraine, bref, l'histoire de notre pays. L'identité régionale elle existe, mais aujourd'hui elle est gommée. Tout cela me mobilise. J'ai souhaité, c'est vrai, que C. Lagarde, qui est la ministre avec laquelle je travaille depuis maintenant presque trois ans, vienne parler de la nouvelle croissance, et le Premier ministre se rendra entre les deux tours à Orléans pour me soutenir. Le président de la République...

Vous avez de la chance, vous êtes l'un des rares candidats qui va avoir droit au président de la République, le Premier ministre, la ministre de l'Economie...

Le président de la République est partout le bienvenu, et ça n'est pas moi qui l'ai invité. Il rendait compte des Assises...

Il passait par hasard...

Non, et j'en suis très heureux, et c'est toujours... J'étais avec lui dans ce déplacement, vous l'avez rappelé, les habitantes et les habitants de ces régions étaient très heureux de voir le Président, parce que ce sont des territoires enclavés, ce sont des territoires où on ne se rend pas forcément avec beaucoup de rapidité, et pour eux c'était très bien, et pour moi aussi.

Vous êtes donc chargé notamment des PME. Ce matin, Le Figaro dit qu'en 2009, ça a été une année assez terrible pour l'industrie en France. Est-ce que, pour les PME, on peut avoir un autre visage, une autre réalité ?

Bien sûr. Cela fait des années que j'estime que les PME ne sont pas assez considérées dans notre pays.

Mais est-ce que ça a été une mauvaise année pour les PME, 2009 ?

Oui, oui, ça a été une mauvaise année parce qu'elles ont souffert de la crise et elles ont plus souffert que les grands groupes, parce qu'elles sont plus fragiles : elles manquent de fonds propres, elles ont des relations plus difficiles avec les banquiers. On demande souvent la caution personnelle.

Est-ce que les banques, qui sont soutenues par l'Etat et qui sont sorties de la crise grâce à l'Etat, jouent le jeu actuellement ? Parlons franchement.

Nous faisons tout pour qu'elles le fassent. Aujourd'hui, j'en discutais avec le Président justement en venant dans ce déplacement, les banques doivent faire un effort. Les banques doivent faire un effort...

Elles ne jouent donc pas le jeu, elles ne jouent pas vraiment le jeu ?

Elles devraient faire plus confiance, plus confiance en ce moment, parce que nous sommes à un moment crucial, qui est le moment où l'on voit la sortie de crise, et c'est dans ces périodes que les PME ont besoin du soutien des banques ; sans faire de soutien abusif, on peut mieux accompagner les PME, ce que dira C. Lagarde tout à l'heure.

Vous savez que - vous ne savez peut-être pas, mais en tout cas - sur Radio Classique, le matin, on vous confronte- les invités - aux grandes déclarations de tous les leaders qui ont été interviewés sur les autres grandes radios, et notamment, je vais vous permettre d'écouter F. Bayrou, qui était chez J.-M. Aphatie à 7h55 : il considère qu'en matière d'endettement, la France n'est évidemment pas la Grèce, mais ça pourrait y ressembler furieusement, F. Bayrou.

F. Bayrou à RTL ce matin chez J.-M. Aphatie : La Cour des comptes avance un chiffre qu'il faut qu'on retienne : l'impôt sur le revenu des Français, ça rapporte à peu près 40 milliards d'euros. A l'heure actuelle, la charge des intérêts c'est la même somme, 40 milliards d'euros. La Cour des comptes dit : "d'ici deux à trois ans, on peut être non plus à 40 milliards, mais à 90 milliards d'euros pour payer les intérêts de la dette". Les responsables politiques, en France, qui adoptent l'attitude qui a été celle des responsables politiques grecs, il y a encore trois ou quatre mois, en disant que ce n'était pas grave, que ça s'arrangerait, ceux-là, à mon sens, ne rendent pas service au pays !

Voilà. Est-ce que ça veut dire que après les régionales, il pourrait y avoir un gigantesque plan de rigueur, c'est ce que dit la gauche ?

La gauche peut toujours faire peur aux Français, et ça n'est pas bien. L'ensemble des pays ont été confrontés à cette crise économique, et nous avions une situation, on le sait bien, budgétaire et financière très fragile, pour ne pas dire plus, depuis maintenant près de 30 ou 40 ans. Et donc, ça n'a rien arrangé. Et c'est vrai qu'il va falloir, comme le propose E. Woerth, comme le président de la République en est convaincu, il va falloir, après la crise, dès lors qu'on aura repris une croissance qui sera positive...

Après la crise ou après les régionales ?

Non, après la crise. On prend des décisions économiques pour des raisons économiques, pas politiques. Cet endettement, ces déficits, ne sont pas tolérables à moyen terme, il faut donc adopter des mesures qui ne soient pas forcément des mesures qui fassent mal. On peut très bien réformer les finances d'un pays sans faire mal. On peut très bien adopter des réformes qui soient perçues positivement.

Mais si l'intérêt de la dette finit par ressembler, ou finit par être l'équivalent de deux fois l'impôt sur le revenu, dans les années qui viennent, c'est une catastrophe quand même !

Oui, mais...

Je vous rappelle que, dans le rapport de la Cour des comptes, pardonnez-moi d'être précis sur ce sujet-là, mais les magistrats disent que la dérive des déficits en France n'est liée qu'à 50 % à la crise, le reste c'est la gestion par le pouvoir des Finances publiques !

Ce sont des chiffres incontestables, et c'est pour cela qu'il va falloir faire en sorte que, enfin on réforme les structures collectives de notre pays pour baisser...

Donc, le sarkozysme change de politique économique ?

Non.

...Donc arrête de baisser les impôts...

Non, parce que N. Sarkozy était ministre de l'Economie et des Finances, il avait déjà ce discours, il avait un certain nombre de propositions. Je crois qu'aujourd'hui il faut vraiment réfléchir à la manière de baisser les dépenses publiques, c'est ça la réalité.

Oui d'accord, mais il y a bien un moment où il va falloir augmenter les impôts ?

Si vous baissez les dépenses...

Prenons un secteur comme le vôtre, par exemple, la restauration, ça dépend de chez vous : on donne des avantages fiscaux aux restaurateurs, mais à partir du moment où l'Etat est en faillite, comme le disait F. Fillon, est-ce que c'est vraiment justifié, nécessaire ?

En tout cas, ça a évité grand nombre de faillites pour une branche qui a connue le plus grand nombre de défaillances d'entreprises cette année. Et si on n'avait pas fait cela, il suffit d'écouter les restaurateurs dans les petits territoires, dans les territoires ruraux, pour comprendre qu'on aurait eu une série de faillites. Il faut baisser les dépenses. On n'est pas forcé d'imposer et de demander toujours plus d'impôts à nos concitoyens. On peut réfléchir à la manière dont les dépenses sont gérées dans ce pays et au périmètre de ces dépenses. Le Canada, il y a quelques années, était dans la même situation que nous. Ils ont réformé leurs structures et aujourd'hui, c'est un pays qui est en excédent, en quelques années. Donc, c'est une affaire, je le crois de volonté politique et aussi de réflexion forte. Il ne s'agit pas de raboter tout le monde, de faire du moins 10 partout, il s'agit de réfléchir au périmètre de nos structures et de voir comment on peut...

C'est justement ce à quoi réfléchit, pardonnez moi, J.-F. Copé, 7h54, France 2.

J.-F. Copé : Nous sommes aujourd'hui dans une phase de crise économique aigue, il était normal, il n'y avait pas d'autre solution, que de mettre un plan massif d'interventions publiques. Et cela a créé forcément de la dette. Donc quel est le grand enjeu maintenant ? C'est de la résorber. Il faut engager un processus de baisse des dépenses publiques inutiles, et des réformes qui permettront de le faire. Moi, vous savez, ça concerne l'Etat, les collectivités locales et la Sécu, c'est les trois volets.

Voilà le point de vue de J.-F. Copé, mais quelle est l'idée - justement, parce qu'il vient de bien définir le périmètre - sur laquelle travaille le Gouvernement actuellement ?

Nous avons engagé une revue générale des dépenses publiques, ça s'est appelé la RGPP. Je crois qu'il faudra tracer des perspectives pour engager une phase 2 de cette RGPP. Mais avec une réflexion, qui n'est plus simplement à l'intérieur du périmètre qu'a défini J.-F. Copé, les trois blocs, Sécu, collectivités locales, Etat, il faut regarder la frontière. Et donc regarder comment nous pouvons faire en sorte qu'un certain nombre de dépenses publiques sortent du périmètre et soient assumées par d'autres. C'est une réflexion forte.

Diminuer la proportion des fonctionnaires, augmenter, les impôts ?

Non, pas augmenter les impôts. Je crois qu'il faut...

Mais ça c'est le dogme du sarkozysme, c'est-à-dire qu'il ne peut pas puisqu'il les a baissés au début...

Non, ce n'est pas un dogme. C'est une obligation parce que nous avons le taux de prélèvements obligatoires qui est parmi les plus importants au monde. Et donc, ça veut dire que nous sommes maintenant à un seuil que nous ne pouvons pas dépasser. Et donc, la réflexion elle doit porter beaucoup plus sur les dépenses que sur les recettes. Aujourd'hui, nous avons près de 30...

Une piste, par exemple ?

Mais une piste c'est par exemple de réfléchir aux allégements de charges. Nous avons aujourd'hui dans ce pays 30 milliards d'allégements de charges pour des raisons diverses. Par exemple, nous payons les 35 heures ; nous avons payé pour les imposer, et maintenant, nous payons pour les assouplir. Je crois qu'il y a cette réflexion qu'il faut mener et ça, ça fait 30 milliards.

L. Fabius était invité d'Europe 1. On a parlé de la région Centre tout à l'heure dans la perspective des régionales ; lui, il revient sur le résultat global, qui, semble-t-il, d'après lui, sera excellent pour le PS.

L. Fabius, ce matin à Europe 1 : On ne connaît pas le résultat, par définition. Mais enfin, en gros, quand on regarde ce qui se prépare, les gens veulent prolonger les présidents de gauche, qui ont bien travaillé, et ils veulent changer la politique économique et sociale. Dans ces conditions, on ne s'étonne pas que les résultats prévus en soient pas bons.

J.-P. Elkabbach : Et si M. Aubry ne réalise pas le grand chelem prévu et promis, est-ce qu'elle doit quitter la direction du Parti socialiste ?

L. Fabius : Non, je pense que les résultats seront bons.

Est-ce que vous considérez, vous, qu'il y a un espoir pour que ces régionales ne soient pas au niveau global, une Bérézina pour la droite ?

Bien sûr, bien sûr ! Vous savez, je ne suis pas d'accord - ce n'est pas étonnant - avec L. Fabius. Il dit "les gens sont contents de leurs présidents". Enfin, chez moi, par exemple, ils ne le connaissent pas. Je ne crois comment on peut être content de quelqu'un qu'on ne connaît pas !

F. Bonneau, il s'appelle...

Dans ce cas, cela fait douze ans d'exécutif socialiste. Les gens n'ont pas constaté des projets forts, des projets structurés, des projets dont ils puissent se dire "ça c'est bien, notre région elle fait ça, c'est merveilleux !", non. Eh bien, à partir de douze ans, on peut exprimer un désir de changement.

Donc il n'y aura pas de grand chelem de M. Aubry ?

En tout cas, je ferai tout pour l'éviter, en ce qui me concerne.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 février 2010