Entretien de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "Aujourd'hui en France" du 16 février 2010, sur les victimes des essais nucléaires français.

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Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - Nous nous sommes procuré un rapport confidentiel sur la manière dont furent pratiqués les essais au Sahara. Que vous inspire-t-il ?
R - Je ne connais pas ce rapport. Ce que je sais, c'est qu'en vertu de la nouvelle loi toute personne ayant participé aux essais nucléaires et qui est atteinte d'une maladie radio-induite est en droit de demander une indemnisation. La loi prévoit qu'elle pourra disposer de tout élément de preuve à l'appui de sa demande. J'ai demandé à mes services "d'ouvrir les placards", afin que chaque personne qui se pense victime des essais puisse avoir connaissance de ses relevés dosimétriques ou des éléments de dosimétrie d'ambiance. Cela étant, les doses reçues lors de ces essais étaient très faibles.
Q - Ce document est intitulé "tome I", suggérant que d'autres ont été écrits, par exemple sur la Polynésie...
R - N'ayant pas personnellement connaissance du tome I, il m'est impossible de connaître le tome II.
Q - On vient de fêter le cinquantième anniversaire de Gerboise bleue, la première bombe. Quel regard portez-vous sur cette époque ?
R - C'est une magnifique épopée, le symbole de la constance d'une nation à vouloir acquérir les moyens de sa propre souveraineté. C'est également le signe que l'Etat français, au-delà des majorités, quels que soient les gouvernements, de la IVe à la Ve République, a assuré la continuité de ce projet.
Q - En revanche, lorsqu'il s'est agi de prendre en compte les victimes de ces essais, les différents gouvernements n'ont pas assumé les actes de leurs prédécesseurs...
R - Je le reconnais. C'est pourquoi j'ai voulu prendre ce dossier à bras-le-corps. Je me suis heurté à un lobby, à une frange de l'appareil d'Etat qui nous expliquait que tout avait été fait correctement. Or, on sait que certains essais ont donné lieu à des retombées radioactives. Les procédures pour les vétérans étaient vraiment longues, coûteuses, indécises. Désormais, à l'instar de ce qu'ont fait les Américains ou les Anglais, ces personnes ont obtenu la reconnaissance de la nation. J'ai voulu aller au bout du chemin. Je suis très fier d'avoir fait adopter cette loi au Parlement.
Q - Pour certains vétérans, cette loi reste cependant au milieu du gué, par exemple en étant trop restrictive sur les maladies induites par les essais...
R - C'est un mauvais procès. Dix-huit maladies ont été retenues. La commission de suivi dira s'il y a lieu d'élargir cette liste. L'Etat est décidé à agir. Pourquoi voudrions-nous détourner aujourd'hui ce que nous venons de mettre en place ? 10 millions d'euros ont d'ores et déjà été provisionnés. Nous pourrons augmenter cette somme s'il le faut. Et la procédure est accessible aux travailleurs comme aux populations algériennes et polynésiennes qui s'estimeraient concernées.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 février 2010