Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et de l'économie numérique à Canal Plus le 17 mars 2010, sur le taux d'abstention lors du premier tour des élections régionales et sur l'accord entre le PS et les Verts en Ile-de-France.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

C. Roux et  M. Biraben.- M. Biraben : ...Hier F. Fillon a tapé du point sur la table, un rappel  à l'ordre cinglant à ceux qui avaient osé émettre des critiques sur la  majorité, les réformes et le Président. Tous sont accusés par le  Premier ministre d'affaiblir leur camp. Pour leurs règlements de  compte, prière d'attendre le second tour. N. Kosciusko-Morizet  bonjour. 
 
Bonjour. 
 
C. Roux : Bonjour.  M. Biraben : Soyez la bienvenue.  C. Roux : Alors est-ce que la critique est encore autorisée à l'UMP  ou est-ce que c'est tous le petit doigt sur la couture du pantalon ? 
 
Mais l'UMP n'est pas un régiment, ce n'est pas le sujet. Simplement  c'est vrai qu'on ne commente pas le match en même temps qu'on joue,  nous on n'est pas des commentateurs sportifs. On voudrait depuis  dimanche soir, depuis le 1er tour nous mettre dans ce rôle-là, moi je  vois bien toutes les invitations que j'ai sur des plateaux, on me demande  de commenter... Moi je suis en train de faire le second tour, je suis en  train de convaincre les électeurs de venir se réunir autour des listes que  je conduis en Essonne... 
 
C. Roux : Tirer des leçons du 1er tour et donc aller chercher des  électeurs, c'est ça commenter, c'est ce que fait par exemple A.  Juppé, H. de Charette qui ont émis un certain nombre de critiques  sur le fonctionnement de l'UMP, sur les réformes lancées par le  président de la République et le Premier ministre ? Ça, c'est être  dans le rôle de commentateur ? 
 
A un moment, quand on est trop là-dedans, on est dans le rôle de  commentateur, on est à la fois, je vous dis, sur le terrain de sport et en  train de le commenter à côté avec un micro à l'oreille... à la bouche.  Nous on est dans le second tour, on est dans la dynamique... 
 
. Roux : Ils jouent contre leur camp justement, puisque vous... 
 
Non... 
 
C. Roux : Sportive ? 
 
Mais non, ils ne sont pas sur le terrain, je veux dire maintenant ce qui se  passe c'est sur le terrain, maintenant ce qui se passe, c'est les quelques  réunions publiques qui restent, c'est convaincre les abstentionnistes de  venir voter parce que la première chose qui a fait mal dimanche, c'est  tous les abstentionnistes qui sont restés chez soi et ça, ça fait mal à tous  les militants politiques et à tous ceux qui se mobilisent pour la  démocratie, c'est ça qui se passe cette semaine... 
 
C. Roux : C'est très précisément ce qu'ils vous disent... 
 
Ce n'est pas la question de savoir si on a eu raison ou tort de faire ceci  ou cela, d'ailleurs évidemment chacun a son point de vue sur la  question. Je pourrais vous le développer pendant des heures, je pourrais  vous défendre la stratégie pendant des heures. Mais à la limite  aujourd'hui, ce n'est pas ça le sujet. Moi j'ai envie de vous donner les  raisons pour lesquelles il faut voter pour nous. 
 
C. Roux : Justement on va y venir, mais c'est très précisément ce  que disent ceux qui se sont exprimés depuis lundi soir en disant : il  faut entendre ce qu'on nous a dit, il faut écouter la colère des  électeurs de N. Sarkozy de 2007 qui ne sont pas revenus. 
 
Il faut aller les écouter sur le terrain. Hier soir moi, j'organisais avec V.  Pécresse une réunion publique, pas un meeting, une réunion publique  sur le Plateau de Saclay sur lequel les habitants ont beaucoup voté Vert  parce qu'ils ont des inquiétudes sur le devenir du Plateau de Saclay,  pour expliquer nos projets et partager l'ambition qu'on a pour le  Plateau. Je pense que c'est comme ça que ça se joue une campagne de  second tour, ce n'est pas en échangeant des petites phrases sur ce qui  s'est passé au premier. 
 
C. Roux : Donc les abstentionnistes qui ne sont pas allés voter au  1er tour, à qui on dit « il ne s'est rien passé, on va continuer à faire  campagne comme on l'a fait avant le 1er tour », vous pensez que ça,  ça peut convaincre votre électorat ? 
 
Mais bien sûr qu'il s'est passé des choses... 
 
C. Roux : Ah ! 
 
Mais on ne convaincra pas les abstentionnistes en commentant les  motifs pour lesquels, ils ne sont pas allés voter... 
 
C. Roux : Non, en leur disant « on vous a entendus »... 
 
On convaincra les abstentionnistes en leur donnant les bonnes raisons  d'aller au second. Et les bonnes raisons... 
 
C. Roux : Alors quelles sont-elles les bonnes raisons ? 
 
Moi en Ile-de-France, je leur dis une chose très simple. En 2004,  Huchon et les Verts - parce que c'était déjà ensemble à l'époque - il y a  eu une campagne sur deux choses, plein de choses mais deux  notamment : les « transports zéro défaut » et l'écorégion, c'était les  deux slogans d'Huchon. 6 ans après... 
 
C. Roux : J.-P. Huchon. 
 
Pardon, J.-P. Huchon. 6 ans après, entre la galère des RER et les  embouteillages, si vous avez l'impression que les transports sont zéro  défaut, côté écorégion si vous avez l'impression que votre région a  vraiment réussi le pari de l'écologie, alors vous ne changez rien.  Dimanche en effet, soit vous allez voter J.-P. Huchon, soit vous vous  abstenez, vous ne changez rien... Mais si comme nous, vous pensez  qu'avec un budget de 11 milliards d'euros par an en tout, budget de la  région + budget du Syndicat des Transports d'Ile-de-France, on peut  mieux faire pour les transports et on peut mieux faire pour l'écologie,  vous venez voter et vous votez V. Pécresse. C'est ça le message que j'ai  envie de passer, et pas commenter les petites phrases du soir du 1er  tour. 
 
C. Roux : Alors ça, il faut le dire à vos petits camarades de ne pas  les lancer les petites phrases, c'est plus simple. 
 
Vous jouez un peu à ça aussi ! 
 
C. Roux : Alors juste... Pour le coup, je vous ferai passer la liste  après l'émission, à mon avis vous les connaissez toutes les petites  phrases. Il y a eu un accord signé entre J.-P. Huchon et C. Duflot  pour faire avancer l'écologie de gauche. Est-ce que vous vous dites :  cet accord est cohérent ; manque de cohérence...
 
 Moi je le trouve grandiose... 
 
C. Roux : Quelle appréciation vous avez ? 
 
Grandiose, grandiose. Ils avaient de nombreux points de désaccord et  ils en avaient notamment un sur le Pass Navigo. Alors J.-P. Huchon,  (président) sortant depuis 12 ans - parce que quand il nous annonce la  révolution, les milliards, l'urgence, ça fait quand même 12 ans qu'il est  là - nous disait : le Pass Navigo, on ne peut pas faire un Pass à tarif  unique... 
 
M. Biraben : C'est un abonnement pour circuler en Ile-de-France. 
 
Oui, c'est l'abonnement pour l'Ile-de-France. C. Duflot disait : nous  voulons un Pass Navigo à tarif unique, à 65 euros. Donc l'un disait « ce  n'est pas possible », l'autre disait « on le veut », alors devinez comment  ils se sont mis d'accord : on le fera mais à mi-mandat, là c'est un  mandat de 4 ans, on le fera dans 2 ans. Ecoutez il faut savoir, soit c'est  possible soit ce n'est pas possible, mais ce n'est pas possible de le faire  à mi-mandat et pas possible de le faire aujourd'hui. C'est ça les fusions  de listes, c'est ça les accords d'entre deux tours, c'est cette cohérence-à.  Et c'est vrai en Ile-de-France, mais je pourrais vous la refaire dans  toutes les régions... 
 
C. Roux : Ça fait avancer le dossier à mi-mandat... non, ça n'est pas  satisfaisant ? 
 
Non mais comment on peut dire ça, soit c'est possible soit ce n'est pas  possible, mais... 
 
C. Roux : Non, je vous pose la question, c'est pour les gens qui vont  payer leur Pass Navigo à tarif unique à mi-mandat, c'est juste la  question... 
 
Nous, on était pour un Pass Navigo sur 2 zones, on peut discuter  éternellement du Pass Navigo. Mais même sans entrer dans la question  de fond du Pass Navigo, comment vous pouvez croire quelqu'un qui  vous dit « non ce n'est pas possible de faire un tarif unique » et qui,  pour fusionner, vous dit « alors oui, on le rendra possible mais  seulement à mi-mandat ». Franchement, c'est pour ça que je vous dis  que c'est grandiose... Les fusions de listes, c'est difficile de les faire  sérieusement, ça ne se fait pas en deux jours en fait, c'est ça qui est  compliqué. Moi je les ai vécues en 2004 les fusions de listes, c'est  quelque chose qui est dur et encore nous, on avait une proximité avec  l'UDF qui était très forte. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a pu réussir à  faire des listes unies au 1er tour. Entre les Verts et le PS, il y a des  vraies divergences de fond. Je vous prends l'exemple du Plateau de  Saclay, je parlais d'une réunion qu'on faisait hier pour convaincre les  écologistes sur le Plateau de Saclay. Alors là c'est formidable, les  socialistes ils veulent urbaniser le plateau, les Verts ils ne veulent du  logement qu'en petite proportion et dans la vallée - c'est eux qui ont  raison au passage, moi je suis d'accord avec eux. Les socialistes, ils  veulent bien faire la grande boucle de transports, là je suis d'accord  avec eux... Les Verts ne la veulent pas. Alors c'est quoi leur programme  fusionné sur le Plateau de Saclay ? Vous voulez que je vous dise ! C'est  de ne rien faire, comme dans la région depuis 12 ans. 
 
C. Roux : Est-ce qu'il y a autant de points communs entre les Verts  et le PS qu'il y en a entre vous par exemple et les électeurs et P. de  Villiers ? La question est : il y a aujourd'hui un débat sur l'UMP et  aujourd'hui, on se rend compte que la majorité n'a pas de  partenaires avec lesquels s'entendre au second tour. Est-ce que  justement, à quelques jours du second tour, vous vous dites « il va  falloir revoir la stratégie de conquête du pouvoir de l'UMP ? 
 
Mais là vous posez deux questions différentes, la question de... 
 
C. Roux : Alors allons-y, l'une ou l'autre... 
 
L'accord du fond, et on a réussi à trouver un accord de fond et à avoir  des projets conjoints ; et la question de l'arithmétique, de l'addition des  voix entre les deux tours, c'est la question qu'il y a derrière le mot  « réserve ». 
 
C. Roux : C'est comme ça qu'on gagne les élections, en  additionnant des voix non ? 
 
Sauf que les électeurs, ils ne se laissent pas forcément additionner, sauf  que la politique c'est beaucoup une affaire de dynamique, c'est  beaucoup une affaire de réussir à rassembler autour de son projet. Et  qu'un électeur qui a voté Vert au 1er tour, il n'est pas forcément  condamné à voter PS au 2ème tour. Un électeur qui s'est abstenu au 1er  tour, il n'est pas forcément condamné à rester en dehors du jeu au 2ème  tour. Moi je suis maire, ma ville de Longjumeau, je tiens les bureaux de  vote, je vois les feuilles d'émargement. Vous savez qu'il n'y a pas  seulement quelques pour cent d'électeurs qui ont voté au 1er et qui ne  votent pas au 2ème... il n'y en a pas, l'élection du 2ème tour ce n'est  pas la même que l'élection du 1er tour. On en voit plein des électeurs  qui ne vont pas au 1er tour parce qu'ils pensent que tout se joue au  2ème tour dans une élection à 2 tours ; et d'autres qui vont au 1er tour  mais qui ont un choix très particulier, qui considèrent qu'ils ne sont pas  représentés au 2ème tour et qui ne viennent pas. 
 
C. Roux : Alors l'UMP reste une machine à gagner, certains ont dit  dans la majorité... pardonnez-moi d'y revenir, H. de Charette :  c'est une machine à perdre. Vous dites « c'est une machine à  gagner » ? 
 
Moi je dis surtout que ce n'est pas une machine, je n'aime pas du tout  l'expression « machine ». Non mais attendez, un parti pour ceux qui le  vivent c'est une aventure humaine, je suis désolée moi, pour tous les  militants qui nous écoutent (et il y en a, de droite comme de gauche  d'ailleurs, parce que je n'irai pas non plus qualifier les partis de gauche  de « machine »), c'est un lieu d'engagement. Et dimanche soir moi,  c'est la chose que j'avais envie de dire sur les plateaux si on nous  laissait causer un peu plus longtemps, j'avais envie d'abord de  remercier tous les militants d'où qu'ils soient qui s'étaient mobilisés  avant le 1er tour, tous les électeurs qui s'étaient mobilisés avant le 1er  tour pour faire vivre la démocratie. Il faut qu'ils soient plus nombreux  et il faut maintenant qu'ils aillent tous au second.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 mars 2010