Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du gouvernement, dans "Les nouvelles Calédoniennes" du 25 février 2010, sur le système scolaire en Nouvelle Calédonie, les filières professionnelles et le transfert des moyens de l'Etat.

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Les Nouvelles calédoniennes : La Nouvelle-Calédonie va assurer la compétence d'un système éducatif qui ne produit que 45 % de bacheliers par classe d'âge, contre 65 % en Métropole. Pensez-vous que l'État lui transmette un outil en bon état ?
Luc Chatel : L'état du système éducatif se mesure aussi par la progression des résultats. En Nouvelle-Calédonie, les résultats au baccalauréat progressent régulièrement. L'année dernière, on était à 49 % d'une classe d'âge et, si on observe le taux de réussite, il est en progression régulière puisqu'on atteint 82 %. Il faut aussi mesurer les moyens que l'État met en place pour l'Éducation. Je rappelle que dans le contexte national du non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, en Nouvelle-Calédonie on crée des postes. On en a créé douze l'an dernier et on a mis des moyens supplémentaires pour l'accueil du collégien après 16 heures... C'est tout ça qui sera transféré dans le cadre de la convention.
Les Nouvelles calédoniennes : Les moyens du pays dans les filières professionnelles sont nettement inférieurs aux besoins. Où en est-on du lycée professionnel, et qu'envisage l'État pour les filières post-bac ?
La réforme du bac pro en trois ans a été mise en oeuvre à la rentrée dernière dans l'Hexagone et va être cette année une vraie avancée pour la Nouvelle-Calédonie. Les filières sont plus courtes et plus accessibles et on a des places supplémentaires en 2010 : 137 en lycée professionnel et 79 en post-bac. Par exemple, le lycée professionnel Petro-Attiti, qui a ouvert, cette année, des locaux tout neufs, a 15 places en BTS étude et économie de la construction pour former les techniciens du bâtiment. On essaie d'adapter en permanence l'enseignement professionnel aux besoins locaux.
Les Nouvelles calédoniennes : La préparation des conventions préalables au transfert, notamment la mise à disposition des personnels,est-elle engagée ?
L'objet de mon déplacement est de préparer cette convention. Elle est en cours d'élaboration et elle vise à définir les conditions dans lesquelles l'État va apporter son concours pour la mise en oeuvre des compétences qui seront transférées. On a deux ans pour cela. La convention-cadre devrait être signée au mois d'avril. D'ici là, il faudra installer la commission que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a voulu mettre en place pour préparer le transfert. C'est au coeur de ma visite.
Les Nouvelles calédoniennes : La Calédonie doit commencer cette année l'installation du socle commun des connaissances et des compétences. Quels résultats cela a-t-il produit en Métropole ?
Il est un peu tôt pour avoir un retour puisque ça remonte à dix-huit mois. Dans le socle, en école primaire, on s'est concentré sur des programmes qui ont été réécrits et qui traitent de l'apprentissage des fondamentaux. Il y a aussi deux heures par semaine qui sont déployées pour les élèves qui rencontrent des difficultés, notamment dans l'apprentissage de la lecture. Cela sera très utile en Nouvelle-Calédonie. Dès le plus jeune âge, ça permettra d'apporter une aide et un soutien aux élèves.
Les Nouvelles calédoniennes : La correction locale du baccalauréat en Calédonie fait encore débat. Qu'en pensez-vous ?
Le baccalauréat est un diplôme national. Je suis très attaché à l'aspect national du diplôme pour qu'ensuite il soit reconnu, y compris d'ailleurs à l'étranger, au Japon, en Australie. Aujourd'hui, la Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité qui fait corriger ses copies en Métropole. Je souhaite que les Calédoniens puissent travailler sur des corrections locales, sous l'autorité et le contrôle d'un membre de l'université comme ça se fait dans toutes les académies. J'y suis favorable.
Les Nouvelles calédoniennes : À quelle échéance ?
Il faut simplement mettre en place le contrôle et l'autorité. Ce sera, à mon avis, un peu court pour l'année 2010, mais si on peut y travailler pour l'année prochaine, ce serait une bonne chose.
Les Nouvelles calédoniennes : Un sondage indique que 47 % des profs souffrent d'un manque de reconnaissance, et le nombre d'entre eux qui songent à démissionner atteint 27 %. Des chiffres inquiétants pour le ministre de l'Éducation nationale ?
L'ensemble de la collectivité doit se rappeler l'importance du rôle que jouent les professeurs. Les enseignants exercent un des plus beaux métiers, mais ils l'exercent souvent dans des conditions difficiles. C'est la raison pour laquelle, quand je suis arrivé dans ce ministère, j'ai annoncé que j'allais mettre en place un nouveau pacte de carrière. Ça consiste à payer mieux les enseignants en les valorisant davantage et ça consiste à les accompagner en matière de ressources humaines tout au long de leur carrière, en formation, en perspective d'évolution...
Les Nouvelles calédoniennes : Vous avez déclaré que 10 % des collèges et lycées concentraient 50 % des problèmes. Le fait visiblement nouveau, c'est que les actes commis sont plus graves. Quelle lecture avez-vous du phénomène ?
Ce n'est pas l'école qui est violente, c'est la société qui l'est. L'école est le reflet de la société et les jeunes sont davantage confrontés à des situations de violence que les générations qui les ont précédés. Face à cela, l'école doit s'adapter, se protéger de nouvelles formes de violence, notamment les intrusions. Le phénomène est nouveau avec des bandes qui cherchent à faire de l'école le lieu de leurs affrontements. Mais l'école doit aussi travailler en interne sur le retour à l'autorité, au respect des règles communes. L'école est parfois pour certains jeunes le seul lieu d'autorité et c'est surtout cela que je veux travailler dans le cadre des états généraux de la sécurité à l'école.
Les Nouvelles calédoniennes : L'une des solutions évidentes ne consiste-t-elle pas à renforcer le personnel d'encadrement dans ces établissements, ou à embaucher un personnel spécialement formé ? Et si c'est le cas, la règle du renouvellement d'un fonctionnaire sur deux n'est-elle pas une épine dans le pied de l'Éducation nationale ?
Nous avons créé des moyens supplémentaires en matière de sécurité. Nous avons créé, avec Brice Hortefeux, les équipes mobiles de sécurité, placées auprès des recteurs, qui ont vocation à venir renforcer les équipes d'encadrement en difficulté. Nous avons aujourd'hui 30 % de conseillers principaux d'éducation de plus qu'en 2002. On ne me dira donc pas que l'on a négligé ce point. Nous avons expérimenté dans certaines académies des stages de tenue de classe pour mieux préparer les enseignants à certaines situations, et nous avons créé un module de formation de quatre jours pour les proviseurs afin de les préparer à la gestion de crise avant de les envoyer dans des établissements qui peuvent être plus sensibles. Oui, la formation est un volet essentiel de la sécurisation et de la paix scolaire.
Les Nouvelles calédoniennes : Le ministre de l'Éducation nationale occupe un des postes du gouvernement les plus exposés. Etes-vous un ministre heureux ?
Je suis un ministre très heureux, parce que c'est un des plus beaux ministères. Le ministère de l'Éducation nationale incarne profondément les valeurs de la République. C'est le ministère de la transmission du savoir et puis c'est le ministère de l'avenir. Un pays qui croit en son avenir est un pays qui se mobilise pour son éducation, et moi, c'est mon rôle au sein du gouvernement. C'est un ministère passionnant, avec des projets, des défis, des enjeux. Je suis un ministre et un responsable politique heureux.
Source http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr, le 10 mars 2010