Texte intégral
Q - Les frappes de lOTAN vont-elles intervenir ce week-end ?
R - Non. Cela ne se présente pas exactement comme cela. Nous avons dû constater, Robin Cook et moi - après nous être concertés avec Mme Albright, M. Ivanov, M. Dini et M. Fischer - que cela navait plus de sens de poursuivre les négociations de Paris.
Nous avons donc déclaré aujourdhui quil ny aura pas de reprise des discussions sauf si la partie serbe exprimait son adhésion aux accords ce que, malheureusement, elle na pas fait, ni à la fin de Rambouillet, ni à Paris. Ensuite, nous avons annoncé que nous engagions les consultations avec nos partenaires et nos alliés - cela inclut les partenaires de lUnion européenne, les pays du Groupe de contact et les alliés de lAlliance. Nous avons indiqué que nous saisissions le Secrétaire général de lOTAN. Voilà où nous en sommes. Cest un sujet sérieux. Cest un sujet important. Dans chaque capitale, il y a une délibération, une réflexion à ce sujet. Vous avez pu voir dans certaines dépêches que le président Clinton recevait des membres du Congrès. Dans les autres capitales concernées, il y a un débat sur ce point. Cest dans les prochains jours que nous allons conclure.
Q - Pour ce qui concerne la France, sil y a débat, est-il tranché ? Cest-à-dire, est-ce que la France, pour ce qui la concerne, est favorable à des frappes ?
R - On nest jamais favorable en soi. On ne peut pas dire les choses comme cela. Cest désolant davoir à employer ce type de moyen mais on peut y être malheureusement contraint.
Cela fait des mois que nous employons tous les moyens de persuasion politiques et diplomatiques pour faire entrer dans les faits cet accord de règlement qui permettrait aux Kossovars et aux Serbes de cohabiter enfin de façon pacifique. Si on ny arrive pas, nous avons préparé, pris des dispositions pour avoir recours à des actions militaires dans le cadre de lOTAN. A lété dernier, nous avons étudié des plans. A lautomne dernier, nous avons pris les décisions réglementairement nécessaires. A lautomne dernier, il y a eu une résolution du Conseil de sécurité à propos des risques de catastrophe humanitaire au Kossovo. Donc, les dispositions ont été prises. La France a toujours été partie prenante de ces décisions. Nous avons examiné tous les scénarios à lavance.
Mais on nest jamais pour des frappes en soi. Sil y a des frappes, cest parce quà un moment donné, nous sommes obligés demployer ce type de moyen dabord pour empêcher le redémarrage à grande échelle des affrontements au Kossovo - beaucoup de troupes y sont massées soit dedans, soit juste à côté - et pour, en quelque sorte, forcer la décision.
Q - Est-ce quon est, en fait, entré après tous les préparatifs que vous venez de rappeler, dans la phase militaire réellement ? Cest-à-dire, est-ce que Milosevic a les moyens de prendre au sérieux la menace ?
R - Mais cest une menace qui est sérieuse depuis le début. Leffort diplomatique et politique était lui aussi sérieux. On en est surtout convaincu quand on regarde le projet de règlement qui avait été préparé. Je vous rappelle que les Kossovars eux-mêmes ont hésité pendant plusieurs semaines par rapport à cet accord auquel ils nont adhéré que lundi dernier. Les autorités yougoslaves ne doivent pas se tromper à ce sujet. La détermination de la communauté internationale est extrêmement forte. Elle est exprimée par le Groupe de contact de façon très unie depuis maintenant mars 1998, dune façon encore plus aiguë maintenant. Donc, ils ne doivent pas se tromper. Les dispositions sont prises.
Q - Y a-t-il la même détermination chez les Américains ? Parce que, parfois, on a limpression de plus trop sy retrouver. La France était, comme vous le rappelez dailleurs, plutôt contre des frappes puisquon sinterroge toujours sur leur utilité après...
R - Non. On na jamais été contre des frappes. Il ne faut pas opposer les moyens. Nous pensons quil faut employer tous les moyens pour parvenir à imposer cette solution de coexistence entre les Kossovars et les Serbes. Si on peut y arriver par des moyens politiques et diplomatiques, naturellement, cest beaucoup mieux. Tout le monde pense cela, les Européens comme les Américains.
Q - Bien sûr mais là...
R - Si on ne peut pas y arriver par ces moyens, il faut en employer dautres et nous sommes daccord là-dessus aussi.
Q - Les Américains qui étaient très favorables à des frappes - enfin ils lont répété maintes fois, semblent aujourdhui beaucoup moins pressés de faire agir lOTAN. Et cest pour cela que la réunion de cet après-midi na pas donné de résultat probant - en tout cas, visible. Alors on ne sait plus trop quel est le jeu des Américains. Est-ce quil est le même que celui de la France ?
R - Oui, il est le même. Par rapport à ce qui sest passé il y a quelques années dans lex-Yougoslavie - notamment laffaire de la Croatie et de la Bosnie où, à lépoque, il y avait un désaccord profond entre lAllemagne et les autres Européens, entre les Européens et les Russes, entre ceux-là et les Américains -, je peux vous dire que la grande différence est que, dans cette affaire du Kossovo, depuis maintenant plusieurs mois, il y a une véritable unité de manoeuvre entre les Européens, les Américains et les Russes. Cela est fondamental.
Q - Est-ce encore le cas ce soir ? Vous diriez que le Groupe de contact nest pas divisé ?
On voit les déclarations des Russes, on voit aussi certaines déclarations américaines.
R - Je dirais que, face à une décision aussi lourde de conséquence, aussi grave, cest la moindre des choses quon puisse attendre de différents gouvernements : quils prennent des décisions sérieusement et complètement mûries. Cest normal quil y ait cette réflexion.
Mais je vous dirais en même temps, vivant de lintérieur ces consultations, ces échanges téléphoniques, ces réunions, et lavis du Groupe de contact, que nous sommes unis sur lobjectif et que, jusquà maintenant, nous avons agi de façon homogène et cohérente. Je suis convaincu que cela va continuer et cela me paraît déterminant de garder cette cohérence pour la suite, que nous ayons brusquement une bonne surprise qui serait lapprobation des Serbes à laccord préparé ou que, malheureusement, il faille passer par des actions militaires pour atteindre lobjectif. Cest très important de garder cette méthode de travail qui, encore une fois, tranche complètement avec ce qui sétait passé il y a quelques années. Il ne faut donc pas se laisser abuser parce que - cest vrai - il y a beaucoup de dépêches, de déclarations heure après heure. Ce sont les différentes facettes et les différentes étapes dune réflexion qui a lieu en ce moment et qui est bien légitime.
Q - Quel est le « deadline » ? Cest quoi ? Cest la semaine prochaine ?
R - Il ny a pas de « deadline » annoncé. Nous y serons quand nous aurons fini ces consultations.
Q - Et quand aurez-vous fini les consultations ?
R - Cela ne peut pas être dans très longtemps.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr le 23 mars 1999)
R - Non. Cela ne se présente pas exactement comme cela. Nous avons dû constater, Robin Cook et moi - après nous être concertés avec Mme Albright, M. Ivanov, M. Dini et M. Fischer - que cela navait plus de sens de poursuivre les négociations de Paris.
Nous avons donc déclaré aujourdhui quil ny aura pas de reprise des discussions sauf si la partie serbe exprimait son adhésion aux accords ce que, malheureusement, elle na pas fait, ni à la fin de Rambouillet, ni à Paris. Ensuite, nous avons annoncé que nous engagions les consultations avec nos partenaires et nos alliés - cela inclut les partenaires de lUnion européenne, les pays du Groupe de contact et les alliés de lAlliance. Nous avons indiqué que nous saisissions le Secrétaire général de lOTAN. Voilà où nous en sommes. Cest un sujet sérieux. Cest un sujet important. Dans chaque capitale, il y a une délibération, une réflexion à ce sujet. Vous avez pu voir dans certaines dépêches que le président Clinton recevait des membres du Congrès. Dans les autres capitales concernées, il y a un débat sur ce point. Cest dans les prochains jours que nous allons conclure.
Q - Pour ce qui concerne la France, sil y a débat, est-il tranché ? Cest-à-dire, est-ce que la France, pour ce qui la concerne, est favorable à des frappes ?
R - On nest jamais favorable en soi. On ne peut pas dire les choses comme cela. Cest désolant davoir à employer ce type de moyen mais on peut y être malheureusement contraint.
Cela fait des mois que nous employons tous les moyens de persuasion politiques et diplomatiques pour faire entrer dans les faits cet accord de règlement qui permettrait aux Kossovars et aux Serbes de cohabiter enfin de façon pacifique. Si on ny arrive pas, nous avons préparé, pris des dispositions pour avoir recours à des actions militaires dans le cadre de lOTAN. A lété dernier, nous avons étudié des plans. A lautomne dernier, nous avons pris les décisions réglementairement nécessaires. A lautomne dernier, il y a eu une résolution du Conseil de sécurité à propos des risques de catastrophe humanitaire au Kossovo. Donc, les dispositions ont été prises. La France a toujours été partie prenante de ces décisions. Nous avons examiné tous les scénarios à lavance.
Mais on nest jamais pour des frappes en soi. Sil y a des frappes, cest parce quà un moment donné, nous sommes obligés demployer ce type de moyen dabord pour empêcher le redémarrage à grande échelle des affrontements au Kossovo - beaucoup de troupes y sont massées soit dedans, soit juste à côté - et pour, en quelque sorte, forcer la décision.
Q - Est-ce quon est, en fait, entré après tous les préparatifs que vous venez de rappeler, dans la phase militaire réellement ? Cest-à-dire, est-ce que Milosevic a les moyens de prendre au sérieux la menace ?
R - Mais cest une menace qui est sérieuse depuis le début. Leffort diplomatique et politique était lui aussi sérieux. On en est surtout convaincu quand on regarde le projet de règlement qui avait été préparé. Je vous rappelle que les Kossovars eux-mêmes ont hésité pendant plusieurs semaines par rapport à cet accord auquel ils nont adhéré que lundi dernier. Les autorités yougoslaves ne doivent pas se tromper à ce sujet. La détermination de la communauté internationale est extrêmement forte. Elle est exprimée par le Groupe de contact de façon très unie depuis maintenant mars 1998, dune façon encore plus aiguë maintenant. Donc, ils ne doivent pas se tromper. Les dispositions sont prises.
Q - Y a-t-il la même détermination chez les Américains ? Parce que, parfois, on a limpression de plus trop sy retrouver. La France était, comme vous le rappelez dailleurs, plutôt contre des frappes puisquon sinterroge toujours sur leur utilité après...
R - Non. On na jamais été contre des frappes. Il ne faut pas opposer les moyens. Nous pensons quil faut employer tous les moyens pour parvenir à imposer cette solution de coexistence entre les Kossovars et les Serbes. Si on peut y arriver par des moyens politiques et diplomatiques, naturellement, cest beaucoup mieux. Tout le monde pense cela, les Européens comme les Américains.
Q - Bien sûr mais là...
R - Si on ne peut pas y arriver par ces moyens, il faut en employer dautres et nous sommes daccord là-dessus aussi.
Q - Les Américains qui étaient très favorables à des frappes - enfin ils lont répété maintes fois, semblent aujourdhui beaucoup moins pressés de faire agir lOTAN. Et cest pour cela que la réunion de cet après-midi na pas donné de résultat probant - en tout cas, visible. Alors on ne sait plus trop quel est le jeu des Américains. Est-ce quil est le même que celui de la France ?
R - Oui, il est le même. Par rapport à ce qui sest passé il y a quelques années dans lex-Yougoslavie - notamment laffaire de la Croatie et de la Bosnie où, à lépoque, il y avait un désaccord profond entre lAllemagne et les autres Européens, entre les Européens et les Russes, entre ceux-là et les Américains -, je peux vous dire que la grande différence est que, dans cette affaire du Kossovo, depuis maintenant plusieurs mois, il y a une véritable unité de manoeuvre entre les Européens, les Américains et les Russes. Cela est fondamental.
Q - Est-ce encore le cas ce soir ? Vous diriez que le Groupe de contact nest pas divisé ?
On voit les déclarations des Russes, on voit aussi certaines déclarations américaines.
R - Je dirais que, face à une décision aussi lourde de conséquence, aussi grave, cest la moindre des choses quon puisse attendre de différents gouvernements : quils prennent des décisions sérieusement et complètement mûries. Cest normal quil y ait cette réflexion.
Mais je vous dirais en même temps, vivant de lintérieur ces consultations, ces échanges téléphoniques, ces réunions, et lavis du Groupe de contact, que nous sommes unis sur lobjectif et que, jusquà maintenant, nous avons agi de façon homogène et cohérente. Je suis convaincu que cela va continuer et cela me paraît déterminant de garder cette cohérence pour la suite, que nous ayons brusquement une bonne surprise qui serait lapprobation des Serbes à laccord préparé ou que, malheureusement, il faille passer par des actions militaires pour atteindre lobjectif. Cest très important de garder cette méthode de travail qui, encore une fois, tranche complètement avec ce qui sétait passé il y a quelques années. Il ne faut donc pas se laisser abuser parce que - cest vrai - il y a beaucoup de dépêches, de déclarations heure après heure. Ce sont les différentes facettes et les différentes étapes dune réflexion qui a lieu en ce moment et qui est bien légitime.
Q - Quel est le « deadline » ? Cest quoi ? Cest la semaine prochaine ?
R - Il ny a pas de « deadline » annoncé. Nous y serons quand nous aurons fini ces consultations.
Q - Et quand aurez-vous fini les consultations ?
R - Cela ne peut pas être dans très longtemps.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr le 23 mars 1999)