Intervention radiotélévisée de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la condamnation de l'épuration ethnique au Kosovo, la poursuite de la mission de l'OTAN, les conditions nécessaires à l'arrêt des frappes aériennes et la prochaine rencontre avec le Président Eltsine, Paris le 3 mai 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 5ème intervention radiotélévisée sur le Kosovo le 3 mai 1999

Média : Télévision

Texte intégral


Mes Chers Compatriotes,
Depuis quelques jours, les autorités de Belgrade semblent prendre des initiatives : propositions faites à lOTAN, libération des trois prisonniers américains, libération, aussi et heureusement du journaliste français, message au Président Clinton.
Sagit-il dun retour à la raison ou sagit-il de nouvelles manipulations visant à gagner du temps et à semer le trouble dans les pays de lAlliance ?
Laction, menée depuis 10 ans, dans la région, par Milosevic, sa détermination à mettre en oeuvre, au Kosovo, une volonté méthodique deffacement de tout un peuple, les témoignages toujours plus nombreux recueillis par les organisations humanitaires portant sur les meurtres, les viols, la terreur, des pratiques qui rappellent les heures les plus sombres de la barbarie, montrent bien quil ne faut pas se faire dillusion. Aucune confiance ne peut être faite aujourdhui aux autorités de Belgrade. Au moment même où elles libéraient trois prisonniers, leurs forces chassaient des dizaines de milliers de Kosovars de leur ville de Prizren.
Je ne vois, pour ma part, je vous le dis en conscience, aucune raison de changer de stratégie.
La volonté politique de Milosevic reste la même. Ce quil a fait depuis 10 ans, il continue à le faire au Kosovo et il continuera, si lon ny met pas un terme.
La question reste donc la même quau premier jour : acceptons-nous quau coeur de lEurope un régime pratique lépuration ethnique ? Si nous lacceptons, nous savons où cette lâcheté peut conduire les démocraties. Si nous le refusons, alors il faut poursuivre résolument laction engagée, en faisant tout pour épargner les populations civiles.
La démocratie nest pas la faiblesse. Les libertés doivent être défendues et avec elles le droit de chaque femme, de chaque homme, de vivre en paix et en sécurité, dans sa maison, parmi les siens.
LOTAN doit donc poursuivre sa mission.
Nous avons les moyens dobtenir des résultats, qui peuvent être décisifs. Le renforcement des capacités aériennes permet à lAlliance datteindre ses objectifs 24 heures sur 24. Les lignes dapprovisionnement de lappareil de guerre et de répression serbe sont coupées les unes après les autres. Le régime de Milosevic est privé inexorablement des outils de son pouvoir.
Le renvoi du Vice Premier ministre et de trois ministres, parce quils avaient dénoncé limpasse dans laquelle senferme le régime, montre dailleurs que le doute sest installé au coeur du pouvoir serbe.
Il ny a pas dautre solution conforme à la morale que dobtenir lacceptation par Belgrade de toutes les conditions exigées par la communauté internationale et rappelées par le Secrétaire Général de lOrganisation des Nations-Unies :
- arrêt des massacres et des destructions,
- retrait des forces serbes du Kosovo,
- retour des réfugiés,
- garantie de leur sécurité par une force de paix créée par le Conseil de Sécurité de lONU,
- mise en oeuvre dune large autonomie pour la province.
Sans nous laisser abuser par les leurres de Belgrade, nous poursuivons aussi, bien entendu, la recherche dune solution politique.
Et dans ce contexte, nos efforts doivent associer les Alliés et la Russie. La Russie qui a choisi de sengager avec eux dans une concertation prenant pleinement en compte les exigences énoncées par le Secrétaire Général des Nations Unies.
La France sen réjouit. Jai toujours souhaité, vous le savez, que la Russie participe activement à la construction dune Europe démocratique, sûre et pacifique. Et cest parce que la Russie a choisi ce chemin que je me rendrai à Moscou le 13 mai prochain pour rencontrer le Président Boris Eltsine et les dirigeants russes, afin daccentuer notre effort commun de recherche dune solution de la crise au Kosovo.
Mes Chers Compatriotes,
A vous tous, et en particulier aux générations qui nont pas connu la guerre, je veux dire que le combat daujourdhui est exemplaire. Il nest pas fondé sur des arrière-pensées économiques ou stratégiques, mais sur une conception de la morale et de lhonneur des nations. Accepter les horreurs dont nous sommes les témoins, ce serait perdre notre âme. Ce serait laisser la gangrène de linnommable sinstaller à nouveau sur notre continent. Au coeur du projet européen, au coeur de notre avenir commun, que nous construisons, pierre par pierre, depuis que nous avons relevé lEurope des ruines de la seconde guerre mondiale, se trouve, il ne faut jamais l'oublier, une certaine idée de lHomme.