Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat aux aînés, sur l'organisation des soins palliatifs en Etablissement d'hébergement pour personnes Agées dépendantes (EHPAD) et à domicile, Guyancourt le 8 juin 2010.

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Texte intégral

Ce que j'ai pu voir dans cet établissement est exemplaire à plus d'un titre, Monsieur le directeur et je vous en félicite. Votre établissement démontre que les soins palliatifs dans les structures médico-sociales sont possibles et fonctionnent bien. Je tiens d'ailleurs à souligner le rôle primordial des réseaux de santé, comme ici avec le réseau de santé Le Pallium, qui permettent une bonne coordination dans la prise en charge du patient.
Le développement d'une culture des soins palliatifs dans les structures médicosociales est essentiel pour moi, car « Penser la mort, c'est penser la vie dans son authenticité » Cette formule d'un philosophe danois [Kierkegaard : Søren Aabye Kierkegaard (5 mai 1813 - 11 novembre 1855) est un écrivain, théologien protestant et philosophe danois.] nous rappelle combien la prise en charge de la douleur des personnes en fin de vie doit se faire au nom du respect de la dignité de la personne humaine. Et je crois en toute sincérité, que dans cet établissement, la dignité des personnes est respectée, tout au long de leur vie et aussi dans ces moments si essentiels de la fin de la vie.
Cette table ronde va être l'occasion d'échanger avec vous tous, médecins, aidants, réseaux de santé, infirmiers, bénévoles sur l'organisation des soins palliatifs en Ehpad, bien sûr, mais également à domicile.
Je tiens d'ailleurs à remercier Danièle d'avoir accepté de venir participer à cette discussion pour témoigner de son quotidien en tant qu'aidant. Mais assez parlé, je vous laisse maintenant la parole !
Je voulais tout d'abord vous remercier pour ces échanges riches et denses en humanité que nous avons partagés.
Au-delà des compétences techniques que nous avons abordées et qui sont indispensables, les soins palliatifs ne peuvent se concevoir sans cette dimension humaine qui unit le patient, les proches et les professionnels.
Apaiser la souffrance, soutenir la personne, écouter ses préoccupations et ses doutes, font aussi partie du travail des intervenants.
C'est pour toutes ces raisons que la diffusion de la culture des soins palliatifs est une priorité du Président de la République et constitue un objectif majeur du programme des soins palliatifs 2008-2012.
1) Les réseaux de santé
Si, comme nous l'avons vu aujourd'hui, les soins palliatifs sont possibles en Ehpad, il reste encore de grandes disparités entre les départements. C'est pourquoi, avec Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé et des Sports, nous allons continuer à renforcer ou à créer des réseaux de santé dans les territoires qui en sont insuffisamment pourvus.
Le Pallium nous a en effet montré aujourd'hui, le rôle primordial des réseaux de santé :
* dans la coordination, à domicile ou en Ehpad, de la prise en charge des personnes âgées, en accord permanent avec le médecin traitant,
* dans la formation des professionnels,
* mais également, auprès des aidants, grâce notamment aux bénévoles. Et n'oublions pas la place du questionnement éthique vis-à-vis de situations médicales complexes qui est favorisée par la présence d'une équipe tiers comme celle du réseau de santé.
2) Les bénévoles d'accompagnement
Les bénévoles ont d'ailleurs un rôle et une place spécifique par rapport aux professionnels, mais aussi par rapport au patient et à son entourage. Il n'est pas simple d'être bénévole dans les soins palliatifs puisqu'ils doivent à la fois se faire accepter par les soignants et ne pas s'imposer auprès des malades. Ils sont présents pour écouter une parole sans prendre parti ni influencer le patient.
On ne peut donc concevoir l'action de ces bénévoles d'accompagnement, et particulièrement au domicile, sans une formation spécifique ni une coordination adaptée. C'est pourquoi, le programme 2008-2012 prévoit le financement des formations des nouveaux bénévoles recrutés à hauteur de 1.5Meuros par an.
3) Equipes mobiles de soins palliatifs (EMSP)
Nous en avons peu parlé mais les équipes mobiles jouent aussi un rôle important dans la diffusion de la culture des soins palliatifs dans le secteur médico-social. Leur mission principale est la formation pratique et théorique des équipes professionnelles ainsi que la diffusion de bonnes pratiques.
Pour que ces équipes interviennent dans de bonnes conditions, il est nécessaire d'organiser leur modalité d'intervention au sein de l'établissement.
C'est tout l'objectif de la circulaire qui va être envoyée très prochainement aux Agences Régionales de Santé mais également aux directeurs d'établissement. Une convention type jointe à la circulaire permettra d'organiser les relations mais aussi les engagements réciproques entre l'établissement de santé et l'EHPAD.
Cette circulaire va renforcer le décloisonnement entre le champ sanitaire et le champ social qui est, et je le rappelle, l'un des objectifs majeurs de la création des ARS (Agences régionales de santé).
Leur création, en avril dernier, représente en effet un apport sans précédent pour notre système de santé parce qu'elle permet enfin une articulation des acteurs, des pratiques et des expériences.
Que la formation s'effectue par l'intermédiaire des réseaux de santé ou par les équipes mobiles, il est dans l'intérêt des EHPAD d'avoir recours à des professionnels extérieurs, qui pourront apporter aux équipes une formation aux soins palliatifs mais également et surtout un soutien.
4) Premiers résultats de l'étude réalisée dans le cadre du programme
Les premières conclusions de l'étude portant sur les pratiques de soins palliatifs en Ehpad et réalisée dans deux régions de France (Midi Pyrénées et Languedoc Roussillon) sont encourageantes.
Elles révèlent en effet que si plus de 60% des établissements disposent d'un volet soins palliatifs dans leur projet de soins, ils sont néanmoins 70% à souhaiter améliorer leur coopération avec le secteur sanitaire et les équipes mobiles et renforcer les formations sur ce sujet.
L'enquête montre, que d'une manière générale, la formation en soins palliatifs devra être accentuée sur les établissements de petite ou moyenne taille qui peuvent difficilement faire appel aux ressources internes ou qui ne les inscrivent pas toujours dans leur programme de formation.
Les témoignages des référents soins palliatifs qui viennent d'être formés par le Pallium sont, à ce titre, très intéressants. Je compte bien sûr sur le Dr Régis Aubry pour cibler ces établissements qui ne disposent que de peu de moyens.
A ce titre, je tiens d'ailleurs à rappeler qu'il existe des outils gratuits de formation et de sensibilisation aux soins palliatifs à destination des professionnels des établissements sanitaires et médico sociaux. 2 900 outils de formation aux soins palliatifs et à l'accompagnement de fin de vie du programme « Mobiqual » ont par exemple déjà été diffusés par la Société Française de Gériatrie et Gérontologie depuis 2007. L'objectif est aujourd'hui de les adapter aux services de soins à domicile et d'aide à la personne et qu'ils puissent être diffusés dès la rentrée prochaine auprès des professionnels.
5) Etude comparative sur la présence d'infirmière de nuit en EHPAD
Au sein même des Ehpad, il existe parfois des freins au développement des soins palliatifs. Nous savons par exemple que l'absence de possibilités de réaliser des soins infirmiers la nuit est un véritable obstacle au maintien du patient dans l'établissement.
Si le réseau le Pallium, dispose, comme ils nous l'ont expliqué, de permanence téléphonique le soir et week-end, ce n'est pas forcément le cas pour les autres établissements qui ne peuvent assurer une permanence constante de leur patient, notamment la nuit.
C'est pourquoi, nous allons lancer une étude d'une durée de 6 mois, qui démarrera à la rentrée prochaine, sur la prise en charge de soins palliatifs en EHPAD la nuit. Il s'agit de comparer ceux qui disposent d'une infirmière de nuit d'astreinte ou exerçant sur place, de ceux qui n'en disposent pas.
Cette étude réalisée dans les 22 régions de France métropolitaine a pour objectif principal d'améliorer l'offre de soins palliatifs dans les structures médico-sociales et de diminuer les hospitalisations grâce aux astreintes d'infirmières la nuit.
L'étude réalisée dernièrement par le pôle gérontologique du CHU de Toulouse le prouve, les allers-retours entre hôpital et maisons de retraite contribuent à fragiliser encore davantage les personnes âgées. Chaque Agence régionale de santé disposera ainsi d'une enveloppe de 50 000euros afin d'expérimenter les astreintes opérationnelles de nuit.
6) Le rôle des aidants
J'aimerais enfin terminer sur la place des aidants.
Prendre soin de l'être cher dans le cours d'une maladie grave et plus particulièrement en fin de vie est une tâche extrêmement difficile devant laquelle les aidants se trouvent le plus souvent très désarmés.
Si l'on veut permettre à ceux qui le souhaitent de terminer leur vie chez eux, cela implique d'assurer une formation et un accompagnement des familles et des aidants car leur place devient centrale et le domicile devient la « première unité de soins ».
C'est pourquoi, je vais lancer à la rentrée prochaine, dans le cadre du programme de soins palliatifs, une formation qui s'adressera aux soignants de proximité afin qu'ils initient à leur tour les proches dans l'accompagnement du malade à domicile.
Cette formation, financée à hauteur de 2 Meuros par an, permettra aux aidants de savoir comment réconforter le malade, comment maintenir une communication efficace avec lui, comment apporter sa contribution dans la gestion de la douleur et des symptômes pour lui offrir un maximum de qualité de vie. Il ne s'agit pas de substituer le soignant par l'aidant, mais au contraire de lui apporter la réassurance et la sécurisation dont il a besoin tout au long de l'accompagnement de son proche.
Cette formation a aussi pour objectif de repérer les signes de souffrance et d'épuisement chez les aidants. Cette question est souvent occultée mais elle est pourtant indispensable.
Comment en effet ne pas éprouver des sentiments d'anxiété face à la mort, de culpabilité ou d'impuissance lorsqu'on s'occupe d'un proche en fin de vie. Cette formation permettra aux soignants d'orienter les proches vers des bénévoles d'accompagnement ou des professionnels susceptibles de les aider.
7) Les maisons d'accompagnement
Les maisons d'accompagnement qui ouvriront à la fin de cette année offriront également un lieu d'accompagnement et de répit aux aidants.
Les malades relevant de soins palliatifs, ne pouvant ou ne souhaitant pas rester à leur domicile sans pour autant relever d'une hospitalisation disposent actuellement de peu d'offres adaptées. C'est pourquoi, il importe d'expérimenter de nouvelles réponses à la recherche de qualité de vie.
Avec Roselyne Bachelot, nous allons donc expérimenter trois maisons d'accompagnement qui offriront, bien au-delà du cadre médical, la dimension humaine et le bien être aux patients. 500000euros par an et par maison permettront d'assurer l'expérimentation des 3 maisons pendant 2 ans, soit 3Meuros au total. Par ailleurs, je tiens à rappeler qu'une étape décisive a été franchie avec l'adoption par le Parlement, en février dernier, de la création de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
Cette allocation journalière de 49 euros sera versée pendant 21 jours à une personne qui interrompt son activité professionnelle. Elle favorisera, j'en suis convaincue, l'accompagnement à domicile d'un proche en fin de vie, conformément à un souhait exprimé par la majorité de nos concitoyens.
Afin de souligner et de valoriser l'importance de l'entourage de la personne malade ou vulnérable, je vais organiser le 6 octobre prochain un colloque dédié aux aidants dont l'objectif est d'instituer une « journée nationale des aidants ».
Cette journée permettra de mieux reconnaître l'action remarquable des centaines de milliers de personnes qui se dévouent au quotidien pour le bien être des malades et de la société toute entière.
Ce sera l'occasion d'aborder avec eux, mais aussi avec les associations et les professionnels, des questions aussi importantes que la santé des aidants, la répercussion de leur engagement sur leur entourage familial mais aussi professionnel. Vous serez d'ailleurs tous conviés à cette journée
Le sujet des soins palliatifs est un sujet passionnant qui recouvre tant de champs sociétaux que je pourrais continuer à en parler pendant des heures !
Si beaucoup d'étapes dans la diffusion de la culture des soins palliatifs ont été franchis, il faut rester vigilants et poursuivre nos efforts.
Je sais que le Docteur Régis Aubry s'y attèle quotidiennement, et je l'en remercie.
Pour conclure, je voudrais vous témoigner de toute ma reconnaissance pour votre action quotidienne sur un sujet difficile qui est la fin de vie et vous remercier chacun pour ces échanges captivants que nous avons eus.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 9 juin 2010