Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat aux aînés, sur les soins à domicile, le vieillissement, l'autonomie des personnes âgées et le projet "Vivre chez soi", Nice le 17 juin 2010.

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Circonstance : Présentation du projet "Vivre chez soi" à Paris le 17 juin 2010

Texte intégral


Je suis très heureuse d'organiser la présentation des préconisations du projet Vivre chez soi dans cette magnifique ville de Nice. Nice, de part sa démographie et sa géographie, est une ville favorable au bien vieillir. Elle a été parmi les 4 villes françaises à avoir initié il y a plusieurs années la démarche « Les villes amies des aînés » lancée par l'OMS. Elle a reçu en février dernier le Label Bien vieillir, vivre ensemble que j'ai lancé en juillet 2009, à peine arrivée au Secrétariat d'Etat.
Nice, méritait ainsi amplement d'accueillir sur son site le Centre National de Référence - Santé à Domicile et Autonomie, présidé par le Professeur Alain Franco.
Si je suis aujourd'hui à Nice, ce n'est pas un hasard. Le Pr. Franco, de par ses compétences, son expérience, sa sensibilité généreuse et son regard novateur, m'a paru dès notre rencontre la personne à qui j'avais envie de confier un projet qui me tenait à coeur depuis ma nomination.
Face aux enjeux du vieillissement, nous avons mis des moyens et de l'énergie, en faveur d'une meilleure prise en charge de la dépendance qui préoccupe beaucoup nos concitoyens. Le secteur a ainsi connu des évolutions remarquables depuis les dernières décennies.
Depuis mon arrivée au Secrétariat d'Etat en charge des Aînés, et dans cette continuité, j'ai lancé plusieurs chantiers pour moderniser le secteur médico-social et pour améliorer la qualité des soins et des accompagnements à domicile et en établissements. Ces évolutions et ces acquis ne seraient pas sans l'impulsion donnée il y a presque 50 ans.
Le Rapport de Pierre LAROQUE, a été en effet l'acte fondateur des politiques publiques et reste une référence pour tous ceux qui interviennent dans le champ de la vieillesse.
Or, nous sommes loin du contexte de l'après-guerre. En effet, l'espérance de vie n'était pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui. Les plus âgés étaient peu nombreux dans une France marquée par un boom démographique et industriel.
Si la France est moins marquée par la baisse de la fécondité par rapport à d'autres pays d'Europe ou au Japon, le vieillissement de sa population est une tendance de fond prévisible de longue date. Il s'anticipe, il se prépare tant au niveau de chaque individu que pour la collectivité.
Le vieillissement impacte indéniablement nos comptes médicosociaux dont l'équilibre et la viabilité exigent des réformes courageuses. C'est ce que fait le Gouvernement à travers la réforme des retraites en cours et, à l'automne prochain, avec la loi sur la dépendance.
Il s'agit là d'un défi majeur, mais reconnaissant également les acquis formidables de l'allongement de la durée de vie, des politiques publiques et des évolutions de notre société. Il devient dès lors décalé de continuer à penser que la vieillesse est synonyme de maladie et pauvreté. C'est le cas en France, c'est aussi le cas dans presque tous les pays développés.
Certes, des inégalités selon les milieux sociaux existent ; une nouvelle forme de précarité liée au vieillissement et à l'isolement aussi. Cependant, la plupart des aînés ont des revenus suffisants, ils sont en bonne santé, autonomes, aident leurs enfants et petits-enfants, ils sont socialement actifs, et animent notre vie associative et notre vie politique locale.
Les avis et les rapports récents confirment tous cette révolution silencieuse en marche. Oui, l'allongement de la durée de vie est une chance pour chacun d'entre nous. C'est aussi un atout pour notre société et une véritable opportunité pour notre économie.
Il est ainsi temps de changer de regard sur les aînés.
Les aînés souhaitent majoritairement continuer à vivre chez eux et à participer pleinement à la vie de la cité. Plus de 92% des aînés de 80 à 84 ans vivent en logement autonome, soit 9 aînés sur 10 et près des ¾ des 90-94 ans (71%) continuent à vivre chez eux.
Ils sont fortement attachés à leur autonomie, à leur domicile et à leur milieu de vie ordinaire. Les données statistiques et les sondages d'opinion viennent le confirmer chaque jour. C'est une aspiration massive et légitime parce que le « vivre chez soi » renvoie à toutes les dimensions humaines, sociales et culturelles qui nous façonnent depuis notre enfance, depuis des générations.
Le chez soi est à la fois le foyer, le refuge, le lieu de l'intime, du rapport de soi à soi, aux siens, aux autres, au voisinage et au lieu dans lequel nous vivons.
Le chez soi est ce qui nous permet de demeurer, demeurer nous-même avec le temps qui passe et dans un environnement qui évolue. Se « sentir bien chez soi », c'est tout simplement « se sentir soi » comme il est si bien dit dans le Rapport qui m'a été remis mardi dernier.
Mais, avec l'avancée en l'âge, vivre chez soi se heurte à divers obstacles et limites qui le rendent difficile, risqué et parfois malheureusement impossible. Cela exige des aînés et de leur entourage familial une plus grande prévoyance qui est la condition même de la liberté de choix.
La responsabilité des pouvoirs publics est de faire en sorte que cette aspiration et cette liberté de choix puissent s'accomplir dans les meilleures conditions.
C'est précisément pour cela que j'ai lancé le projet Vivre chez soi.
Faut-il rappeler que le domicile, lieu préféré des Français, est le premier lieu de risques : isolement, solitude, accidents domestiques, en particulier les chutes, abus de confiance,... L'enjeu est de sécuriser le vivre chez soi en réduisant les risques liés à un habitat inadapté, à des installations non conformes et à un environnement inaccessible et insécure. Toutefois, des adaptations physiques et techniques du logement ne suffiront pas à garantir la qualité de vie qui met en jeu d'autres volets : confort, mobilité, activités physiques et cognitives, accès aux services d'aide, télé-services, télé-santé, communication...
Il s'agit là aussi d'un levier formidable de développement économique pour peu que nos industriels, nos entreprises du bâtiment, nos banques, nos assurances et nos services à la personne, en prennent la mesure. Ce changement de regard et cette exigence d'innovation sont un incontestable levier en faveur de la création de richesses, d'entreprises et d'emplois, souvent non délocalisables, de dynamisme territorial, de solidarités.
Cela nous oblige à adapter nos politiques, à innover nos démarches et nos outils d'action, à faire évoluer notre environnement.
Cela est d'autant plus important que la solidarité nationale est contrainte et que les solidarités familiales ne peuvent répondre à tous les besoins et les attentes de nos aînés.
Que nous disait le Président Laroque ! Je cite : « La politique de la vieillesse ne se suffit pas à elle-même. Elle n'est et ne peut être qu'un aspect d'une politique plus large, tendant à assurer un aménagement harmonieux de l'ensemble de la société, en vue de permettre à chacun d'occuper, à tout moment, la place qui lui assure l'épanouissement le plus complet de sa personnalité. »
Ne croyez-vous pas que cette vision doit plus que jamais nous inspirer dans les responsabilités qui sont les nôtres et dans nos actions de tous les jours ?
En effet, vivre plus longtemps aurait-il un sens sans cet « épanouissement » dans un milieu favorable et sans un sentiment d'appartenir à « Nous » solidaire ?
C'est cette exigence qui nourrit mon engagement politique. C'est elle qui m'a aussi conduite aujourd'hui en tant que ministre à construire le projet Vivre chez soi : ni confinement, ni ségrégation, mais une approche du « chez soi » qui soit aussi large que possible, ouverte sur l'environnement de la personne, du domicile au quartier en passant par tous les lieux de vie.
En effet, le projet Vivre chez soi s'articule autour de 6 volets prioritaires animés par une vision positive et inclusive : diagnostic autonomie habitat, technologies et services pour l'autonomie, mobilité et urbanisme, métiers, compétences et formations, inclusion et prévention des discriminations, et enfin, optimisation de la gestion des services.
Dès l'impulsion initiale, mon objectif était, après un état des lieux, d'identifier les outils essentiels et les mesures concrètes à mettre en oeuvre.
J'ai opté pour un partenariat original avec le Centre National de Référence Santé à Domicile et Autonomie, « maître d'oeuvre » du projet. Je remercie son président, le Pr. Alain Franco et toute son équipe pour leur dynamisme et leur engagement à mes côtés...
J'ai également décidé d'associer dès le départ différents acteurs institutionnels et politiques : la Caisse Nationale de l'Assurance Vieillesse, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, la Direction Générale de la Cohésion Sociale, l'Agence Nationale des Services à la personne, la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole, l'AGIRC ARRCO, l'Association des Maires de France et l'Assemblée des Départements de France.
J'ai voulu également poser les fondations d'une approche interministérielle en constituant un Comité de pilotage national réunissant des représentants de nombreux ministères et institutions publiques concernés par les thématiques du projet Vivre chez soi. Qu'ils soient tous remerciés pour leur volonté de partager avec vous et avec moi leurs réflexion et expériences, et de prendre pleinement leur part dans sa réalisation future.
Près de trois cent personnes issues des secteurs public, privé et associatif, ont contribué à un travail considérable en peu de temps sous l'animation des six chargés de mission et des dix rapporteurs que j'ai nommés. Que ces derniers me pardonnent de ne pas pouvoir les nommer toutes et tous ici, mais vous ferez leur connaissance lors des tables rondes et dans le Rapport. Je les remercie chaleureusement.
Le projet Vivre chez soi a donné lieu à des collaborations inédites et prometteuses d'une dynamique nouvelle.
D'ores et déjà, des éléments de consensus notables sont partagés, un langage commun nous anime et des mesures opérationnelles ont été identifiées, que je vous laisse découvrir et débattre cet après midi.
Merci
source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 22 juin 2010