Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur l'action des militaires au service de la sécurité des Français, la réforme des armées et sur les anciens combattants africains, à Paris le 13 juillet 2010.

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Circonstance : Réception organisée en l'honneur des personnels de la défense, à Paris le 13 juillet 2010

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire d'Etat, cher Hubert,
Madame, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le chef d'état-major des armées,
Messieurs les chefs d'état-major d'armées,
Mesdames, Messieurs les Directeurs et chefs de services,
Messieurs les officiers généraux, officiers, sous-officiers et militaires du rang,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir ce soir dans les jardins de l'Hôtel de Brienne, en cette veille de fête nationale.
Vous le savez, en dépit d'une conjoncture budgétaire très difficile, j'ai tenu à maintenir la tradition de cette rencontre au ministère de la Défense. Car le 13 juillet, c'est la veille du 14 juillet, et le 14 juillet, c'est non seulement la fête nationale, mais c'est aussi la fête des armées, l'expression la plus forte du lien entre les Armées et la Nation.
Et ce 13 juillet, c'est pour le Ministre de la défense le moment de mettre à l'honneur les unités qui défilent demain, de mettre en exergue celles et ceux qui se sont particulièrement distingués, tant en opération extérieures que sur le théâtre national, et enfin, de rendre un hommage, à travers la présence de leur famille, à nos soldats qui sont allés jusqu'au bout d'eux-mêmes et qui ont donné leur vie dans l'accomplissement de leur mission.
Mesdames, Messieurs,
Cette réception à l'Hôtel de Brienne s'inscrit dans la double tradition que perpétue notre fête nationale depuis son institution en 1880 : le bonheur du moment présent et la solennité du souvenir, les feux d'artifice et les drapeaux bleu blanc rouge, les bals populaires et les défilés militaires.
Ce soir, dans nos villes et nos campagnes, les Français fêteront leur unité, alors qu'ils ont souvent le sentiment qu'elle s'évanouit chaque jour davantage. Ils célèbreront l'ambition collective sans laquelle les talents individuels ne sauraient s'épanouir. Ils réaffirmeront leur attachement à nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.
Demain, nos compatriotes témoigneront leur soutien et leur admiration à celles et ceux qui portent nos armes, défendent nos valeurs et garantissent notre sécurité.
Permettez-moi à cet instant de remercier chaleureusement tous les soldats qui, depuis des semaines, souvent dès l'aube, travaillent sans relâche pour offrir aux Français le grand défilé qui marque cette communion entre la Nation et ses armées.
Vous qui défilerez demain sur les Champs Elysées et qui êtes présents ce soir, cette réception, c'est la vôtre.
Vous incarnez l'engagement de nos forces pour la paix et la sécurité du monde. A travers vous, nous saluons le courage, le savoir-faire et le savoir-être dont nos soldats font preuve en Afghanistan, en Afrique, au Kosovo, dans le Golfe d'Aden, au large de la Somalie ou encore au Liban.
Vous incarnez la contribution essentielle de nos forces à la gestion des crises humanitaires. En France, / avec la tempête Xynthia ou les inondations dans le Var, ou en dehors de nos frontières, notamment en Haïti, avec les stagiaires du Service militaire adapté /, vous avez montré le plus beau visage de nos armées : le visage de la générosité, de la solidarité et de l'humanisme.
Vous incarnez cette belle image de reconnaissance de l'effort et de récompense du mérite que les Armées sont probablement la dernière institution de la République à porter avec autant d'élan. Je pense tout particulièrement à vous, les apprentis-marins de l'Ecole des Mousses, fermée en 1987 de façon incompréhensible et dont j'ai décidé la réouverture dans le cadre du plan égalité des chances que j'ai lancé dès 2007. Vous y apprenez le courage et le dépassement de soi, l'engagement et l'esprit d'équipage. Vous acquerrez un métier et vous y apprenez ces belles valeurs militaires que nos armées font rayonner dans notre société en proie à la tentation du matérialisme.
Je sais qu'au moment où je vous parle, beaucoup d'entre vous ont une pensée pour leurs camarades déployés en opérations ; pour leurs camarades qui célébreront la fête nationale à des milliers de kilomètres de la France ; une pensée particulière , bien sûr, pour ceux qui ont donné leur vie ou qui ont été blessés dans l'exercice de leur mission. En votre nom à tous, je voudrais exprimer à leurs familles et à leurs proches qui sont ici, notre amitié, notre solidarité et notre profonde reconnaissance.
Vous me permettrez d'avoir aussi une pensée toute particulière pour la famille du général BIGEARD, ce grand soldat dont l'exemple a marqué des générations de combattants. Demain, quand retentira la Marseillaise, nous serons nombreux à éprouver à nouveau l'immense émotion ressentie en écoutant notre hymne national entonné par 3000 paras dans la cathédrale de Toul à l'occasion de ses obsèques.
Mesdames, Messieurs,
Derrière la variété des tenues et des uniformes, sous les képis, les shakos, les casquettes et les calots, c'est bien un même esprit qui vous anime et que je veux saluer : l'esprit de responsabilité des personnels de notre ministère, civils comme militaires. Un esprit de responsabilité qui s'exerce dans le métier des armes, mais aussi dans la mise en oeuvre de la réforme que j'ai lancée sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre il y a maintenant trois ans pour moderniser notre outil de défense. Un esprit de responsabilité qui est un formidable atout pour notre ministère, car il lui permet de préparer l'avenir avec pragmatisme et sérénité.
Cette réforme est désormais bien engagée.
- Je pense au regroupement des unités.
- Je pense aussi à l'effort sans précédent de mutualisation des soutiens, avec la généralisation des bases de défense prévue en 2011.
- Je pense enfin à la réorganisation de la gouvernance du ministère, avec notamment le projet de rassemblement de l'administration centrale sur le site de Balard. Un projet particulièrement novateur, que j'ai proposé au Président de la République en novembre 2007 lors de la définition des grandes lignes de la réforme du ministère, et qui nous permettra de travailler mieux ensemble tout en étant plus économes des deniers publics.
Cette réforme, je sais qu'elle vous demande des sacrifices personnels, je sais qu'elle remet en cause des habitudes et soulève des interrogations. Mais je sais aussi qu'elle est absolument nécessaire. Nous devons la réussir ensemble pour donner à nos armées les équipements dont elles ont besoin et poursuivre l'amélioration de la condition des personnels.
En opérations, et notamment en Afghanistan, où j'étais encore il y a quelques jours, vous avez pu mesurer la réalité des progrès accomplis en termes de matériel. J'en veux pour preuve les importantes commandes que j'ai notifiées en urgence à partir de janvier 2008, comme les kits de protection pour les véhicules blindés légers de l'armée de Terre ou les équipements individuels des soldats.
Je ne chercherai cependant pas à vous dissimuler la réalité.
Après trois années budgétaires excellentes, pour ne pas dire historiques, nos crédits progresseront moins vite que prévu initialement.
Mais vous connaissez ma conviction : la lutte contre les déficits, comme la politique de défense, c'est une question de souveraineté. La défense ne saurait s'exonérer de l'effort collectif.
Ce nécessaire effort confirme la justesse et la pertinence de notre réforme.
Sans elle, nous n'aurions pas eu la crédibilité nécessaire pour montrer que chaque euro investi dans notre défense est un euro bien dépensé. Un euro qui contribue à mieux équiper nos forces, à mieux protéger nos soldats et nos concitoyens, et à renforcer notre base industrielle et technologique de défense.
Je voudrais d'ailleurs profiter de cette occasion pour saluer la formidable réussite scientifique, technologique et humaine que représente le tir du missile stratégique M51 qui a eu lieu samedi matin à partir du sous-marin nucléaire lanceur d'engins Le Terrible . Avec la récente mise en service opérationnel du couple constitué par le Rafale et son missile stratégique ASMPA, ce tir conforte la place de la France au sein des très très rares nations dotées d'une force de dissuasion crédible.
Mesdames, Messieurs,
A cet hommage que nous rendons ce soir à nos armées, je voudrais associer nos hôtes venus du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Congo Brazzaville, de Côte d'Ivoire, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger, de République Centrafricaine, du Sénégal, du Tchad et du Togo, qui nous font l'honneur et l'amitié de leur présence.
Je salue tout particulièrement mes homologues, ainsi que les délégations qui ouvriront demain notre défilé. A travers leur présence, ils symbolisent la fraternité d'armes entre la France et l'Afrique.
Je voudrais également saluer chaleureusement les 26 anciens combattants qui les accompagnent.
Messieurs les anciens combattants,
Vous êtes les héritiers de la « force noire », de ces soldats qui, au cours des deux guerres mondiales, ont quitté la terre de leurs pères pour rejoindre la lointaine métropole, participer à la libération de notre pays et sauver l'honneur de la République.
Vous êtes les héritiers / de ces tirailleurs qui se sont illustrés de la bataille de l'Yser au fort de Douaumont, de Bir Hakeim à la bataille de France, / de ces soldats africains tombés « sous la pluie, sur des touffes de plantes froides dont il(s) ne savai(en)t pas les noms », pour reprendre la jolie phrase de Marcel PAGNOL.
C'est en souvenir des batailles menées ensemble, en hommage aux souffrances et aux sacrifices consentis sous le même drapeau, que nous avons souhaité vous dire, 50 ans après les indépendances, que nous n'oublierons jamais ce que la France vous doit.
Le Président de la République vient de le rappeler aujourd'hui même, en mettant un terme définitif à une pratique qui était vécue à juste titre comme une injustice. Je veux parler de la cristallisation des pensions militaires, décidée lors des indépendances.
Le Gouvernement, sous la proposition d'Hubert FALCO, a décidé ce matin, en Conseil des Ministres, la décristallisation complète de toutes les prestations, achevant ainsi le processus engagé en 2007 pour la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité.
Forts de notre histoire partagée, forts de notre longue tradition de coopération, nous voulons faire de la relation entre la France et l'Afrique une relation toujours plus forte et fraternelle, mais une relation en phase avec son temps, notamment dans le domaine de la défense.
Cette relation résolument tournée vers l'avenir s'exprime à travers nos nouveaux accords de défense fondés sur le partenariat, sur la transparence, par l'adaptation de notre dispositif militaire prépositionné, davantage tourné vers la coopération régionale et par notre volonté d'appuyer la nouvelle architecture africaine de paix et de sécurité.
Elle s'exprime aussi par notre ambition de faire de l'Union européenne un partenaire majeur. Non seulement nos pays ont un passé commun, mais nos peuples ont un destin commun.
Mesdames, Messieurs,
Dans quelques instants, avant de partir pour une réunion - mais je reviendrai après ! - je remettrai la croix de la valeur militaire à dix soldats qui se sont distingués en opérations extérieures. Je remettrai également la médaille de la défense nationale à deux fonctionnaires du ministère de la Défense particulièrement émérites.
A travers cet hommage, c'est le savoir-faire et le professionnalisme de l'ensemble des personnels de la défense que nous mettons à l'honneur. C'est aussi leur engagement pour construire l'armée de demain et permettre ainsi à notre pays de conserver sa place au rang des grandes nations.
Car « nous ne saurions oublier que c'est de nos oeuvres que l'avenir sera pétri ». Alors que nous venons de célébrer le 70e anniversaire de l'appel du 18 juin, ces mots du général de Gaulle, ces mots de l'homme qui « dans le terrible sommeil de notre pays en maintint l'honneur comme un invincible songe » (Malraux), / résonnent d'un écho toujours renouvelé.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 juillet 2010