Discours de M. Valéry Giscard d'Estaing, ancien Président de la République, sur le rôle de la France et de l'Allemagne dans la construction politique et économique de l'Europe, Heidelberg le 13 novembre 1986.

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Dans un numéro spécial récemment consacré à l'Europe, un mensuel économique français retenait sept universités symbolisant l'Europe de demain : Cambridge, Coïmbra, Bologne, Salamanque, Louvain, la Sorbonne et Heidelberg.
Quel lieu se prête mieux que votre prestigieuse université à définir les contours de l'Europe de demain, et le rôle moteur que doit y jouer l'entente franco-allemande ?
Le présent éclaire le possible, et éclaire le souhaitable. Je décrirai donc l'état présent de la construction européenne, avant de traiter des deux composantes essentielles de notre action future : la monnaie et l'union politique de l'Europe.
1 - L'ETAT DE LA CONSTRUCTION EUROPEENNE
L'Europe traverse une période grise. Elle s'est faite par bonds successifs : le plan Schuman et le lancement du Marché Commun dans les années 1950 : la mise au point de la politique agricole commune et l'élargissement à la Grande-Bretagne, au Danemark et à l'Irlande, dans les années 1960 : la création du Système Monétaire Européen, l'élection du Parlement Européen au suffrage universel, et la mise en place du Conseil Européen dans la deuxième partie des années 1970.
La première partie de la décennie 80 a été plus terne : On a parachevé l'élargissement, avec l'entrée de l'Espagne et du Portugal faisant suite à celle de la Grèce. On a tant bien que mal concilié politique agricole commune, contraintes budgétaires globales et préoccupations nationales dans de fragiles compromis successifs. On a rassemblé dans un document commun « l'acte unique », la codification des procédures de décision permettant d'aller vers un grand marché intérieur unifié en 1992, et la description des procédures actuelles de la bien académique coopération politique.
C'est bien, mais c'est peu ! Bien entendu je suis un ferme partisan de la ratification de l'Acte unique, que le Parlement français s'apprête à approuver à une large majorité.
Dans la vie d'un être vivant, il est sans doute inévitable d'avoir de telles périodes de consolidation.
Il faut, de toute évidence, utiliser pleinement ce cadre pour faire progresser la réalisation du marché unique. Mais il faut, assurément, aller plus loin.
Le calendrier des élections nationales, avec d'abord les élections législatives chez vous au début de l'année prochaine, puis en Grande-Bretagne 1987 ou 1988, en Italie en 1988, et les élections présidentielles en France au printemps 1988, donne une signification politique importante aux dix-huit mois qui viennent.
Un nouvel élan pour l'Europe sera possible dans dix-huit mois, quand l'horizon politique sera dégagé. C'est un délai que nous devons utiliser pour préparer soigneusement les nouvelles actions communes.
A ce nouvel élan, la France et l'Allemagne se doivent de travailler ensemble. Rien ne peut se faire, et rien ne se fera, sans leur entente étroite.
Il y a à cela des raisons économiques : ce sont, en termes de produits nationaux bruts, les deux premiers pays de la Communauté, des raisons politiques : nos options de défense sont à la fois profondément différentes et profondément complémentaires, et des raisons historiques : quel meilleur symbole que les rencontres de Charles de Gaulle et Konral Adenauer à Reims et Trêves, et que l'amitié personnelle et confiante que j'ai développée pendant sept ans avec le Chancellier Schmidt ?
Je crois aussi qu'il y a une sorte d'alchimie entre nos conceptions. Nos deux peuples incarnent deux ordres de valeurs,présents chez chacun de nous en tant qu'individu et tous deux nécessaires à tout progrès : romantisme et classicisme, pragmatisme et rationalisme, centralisme et fédéralisme, tradition étatique et confiance dans les mécanismes de marché, indépendance et solidarité au sein de l'ensemble occidental, nécessaire regard vers l'Est et nécessaire regard vers le Sud.
Nous représentons, à nous deux, France et Allemagne, la dialectique des complémentaires.
Cela signifie que toute orientation définie ou acceptée en commun par la France et l'Allemagne a toute chance de se situer au confluent des différentes tendances qui traversent l'Europe.
C'est un peu l'image japonaise du pêcheur aux longues jambes pouvant s'avancer loin dans l'eau, portant sur ses épaules le pêcheur aux longs bras pouvant aller chercher loin sous l'eau les poissons de la pêche commune.
Que pouvons-nous raisonnablement attendre de cette pêche commune Où devons-nous tendre nos filets ?
Les ambitions ne manquent pas : citoyenneté européenne, espace judiciaire, espace social, coopération industrielle et technologique, unité économique, unité culturelle, unité politique, défense européenne.
Mais, comme l'exemple de Jean Monnet l'a montré, face aux pesanteurs des données nationales i1 faut, pour créer le mouvement, ne pas chercher à globaliser l'ensemble des problèmes et agir sur un petit nombre de leviers. Je vois pour ma part deux leviers essentiels :
- la monnaie, comme levier de l'union économique,
- les institutions, comme levier de l'union politique et de l'union de défense.
et ce sont ces deux points que je voudrais maintenant développer devant vous, en souhaitant que nous puissions arriver à une position commune franco-allemande, que nous nous efforcerions d'étendre à l'Europe.
Il - LA MONNAIE ET L'UNION ECONOMIQUE
A - LA MONNAIE EUROPEENNE
Le système monétaire européen, que mon ami Helmut SCHMIDT et moi-même avons lancé en 1979, a aujourd'hui sept ans, "l'âge de raison". Il a été un remarquable succès. Selon une étude du F.M.I., il a réduit d'un tiers les variations de taux de change entre monnaies européennes, et apporté une sécurité accrue à ceux qui exportent, investissent, embauchent, en Europe.
Rappelons que 50 % du commerce extérieur des pays de la CEE est constitué par le commerce avec les autres pays de la CEE.
Simultanément les disciplines internes qu'imposait le SME ont permis d'arrimer à l'Europe les pays tentés par des expériences de navigation solitaire, un bon exemple étant fourni par la France au début de l'année 1983.
Par rapport aux intentions de ses promoteurs, le système a toutefois connu une double dérive :
- une dérive négative, d'abord : en amenant chaque pays à définir sa monnaie en termes d'ECU, nouvelle unité constituée par un panier de monnaies européennes, en organisant le dépôt contre ECU de 20 % des réserves nationales de change, en imposant le respect de marges de fluctuations limitées autour des taux centraux définis en commun pour chaque monnaie, en instituant un indicateur de divergence permettant entre deux monnaies de déceler celle qui s'écarte de la moyenne européenne, en assurant des facilités mutuelles de crédits à très court, court et moyen terme, les promoteurs du système pensaient que l'ECU deviendrait l'instrument essentiel de règlement entre banques centrales européennes. Il n'en a rien été : la plus grande partie des interventions sur les marchés des changes a continué d'être opérée en dollars, et des crédits extérieurs ou des emprunts sur le marché libre ont été le plus souvent préférés à l'utilisation des facilités en ECU ouvertes par le système.
- une dérive positive, par bonheur : nous avions pensé que l'action des gouvernements précéderait l'action des opérateurs privés.
Or l'ECU privé s'est développé rapidement, sans se soumettre mi rythme trop lent du progrès de l'ECU officiel.
Les avoirs en ECU déclarés par les banques à la BRI sont passés de 12 milliards de dollars à fin 1983, à 28 à fin 1984 et 54 à fin 1985, dont 38 correspondant à des crédits internationaux. Les émissions internationales d'obligations libellées en ECU ont atteint 7 milliards de dollars en 1985, contre 3 milliards en 1984 et 2 milliards en 1983, et l'ECU est, après le dollar, le franc suisse et le deutsch mark, la quatrième monnaie de dénomination des emprunts. Enfin, un système de clearing des opérations interbancaires en ECU vient d'être institué sous l'égide de la BRI.
Pour que l'ECU connaisse un nouveau développement trois actions s'imposent dans l'immédiat.
Faire que dans tous les pays l'ECU soit accepté comme monnaie de compte des contrats de prêts et de dépôts : c'est essentiellement un problème propre à l'Allemagne, et je me félicite de l'évolution dont témoignent à cet égard les dernières déclarations des autorités allemandes ;
Accélérer la suppression du contrôle des changes dans des pays comme la France et l'Italie : le nouveau Gouvernement français a déjà pris des mesures significatives de libéralisation depuis le mois de mars, mais il faut aller plus loin, par exemple en autorisant librement la détention par tout Français de comptes en ECU auprès de banques installées dans la CEE ;
Unifier le système de fluctuation des taux de change, en ramenant toutes les marges de fluctuation à 2,25 % ; c'est essentiellement le problème de l'Italie et de la Grande-Bretagne. Nous savons tous que la démarche effectuée sur ce point par le Président de la BUNDESBANK auprès des autorités britanniques n'a pas conduit à un changement de la position de Londres, mais les accords d'intervention conjointe de la BUDESBANK et de la banque d'ANGLETERRE me paraissent préparer la voie aux nécessaires décisions à prendre ultérieurement.
Cette pleine reconnaissance du système étant assurée, il y aura bien sûr d'autres étapes à franchir : mise en commun plus active des réserves de change dans une perspective de meilleur équilibre mondial entre le dollar, le yen et l'ECU ; lien entre émission monétaires nationales et réserves déposées par les banques d'émission auprès d'une Banque Centrale Européenne ; mise en communication du marché de l'ECU officiel et du marché de l'ECU privé. Il y a là un ensemble de questions majeures dont la dimension politique est évidente.
C'est cette dimension politique qui nous a conduit, le Chancelier SCHMIDT et moi-même, en tant que fondateurs du SME, à prendre l'initiative de la création d'un COMITE POUR L'UNION MONETAIRE DE L'EUROPE.
Nous publierons demain, à HEIDELBERG, un communiqué conjoint donnant la composition du Comité, qui reflète un équilibre entre les douze pays de la Communauté, et entre hommes politiques, banquiers centraux, banquiers et industriels.
Les premiers travaux du Comité, et notamment la séance qu'il doit tenir à la fin de l'année avec le Président de la Commission des Communautés Européennes, Jacques DELORS, seront simultanément précisés. L'objectif est, par la diffusion de documents éclairant l'opinion sur les enjeux et par des contacts au niveau des grands décideurs politiques, de déterminer les prises de décisions-clés réellement nécessaires au progrès vers l'union monétaire.
B - L'UNION ECONOMIQUE
Bien entendu, la monnaie n'est pas une fin en soi. Et, nous savons que les grands problèmes de l'Europe sont économiques et sociaux : la croissance, l'équilibre extérieur, et l'emploi.
-Comment réduire le taux de chômage aujourd'hui supérieur à 11 % dans la CEE contre 7 % aux Etats-Unis et 3 % au Japon, et comment faire pour que la CEE soit de nouveau créatrice d'emplois ?
-Comment assurer une reprise plus forte et plus générale des investissements qui s'amorce en Allemagne, mais qui reste très modeste en France, alors que pour la CEE dans son ensemble l'investissement a crû depuis 1970 quatre fois moins vite qu'aux Etats-Unis et cinq fois moins vite qu'au Japon ?
-Comment assurer une croissance concertée. Les études de la Communauté montrent, par exemple, qu'une action conjointe de réduction significative des coûts salariaux par diminution des cotisations sociales payées par les employeurs pourrait entraîner un supplément de croissance de l'ordre d'un point par an sur les cinq années à venir si elle était engagée simultanément par tous les pays de la CEE.
Traiter les questions monétaires, c'est en réalité traiter les questions économiques : libérer les mouvements de capitaux, c'est accompagner la marche vers un grand marché intérieur fondé sur des espaces européens dérèglementés ; contraindre à une gestion rigoureuse des monnaies nationales, c'est faciliter la baisse des taux d'intérêt et contribuer à la reprise de l'investissement ; assurer la convergence automatique des politiques monétaires par des règles communes, c'est imposer la convergence des politiques économiques dans leur ensemble en direction d' une croissance compétitive.
III - LES INSTITUTIONS ET L'UNION POLITIQUE
L'ambition que nous devons avoir pour l'Europe ne doit pas se borner à l'économie et à la monnaie.
Comment, dans des lieux aussi chargés d'histoire que l'Université de Heidelberg, ne pas évoquer la tristesse que nous ressentons tous à voir que l'Europe, en termes politiques, est aujourd'hui un trou noir dans la galaxie des relations internationales.
Trois exemples ont frappé récemment les esprits:
- la désunion des pays européens lors du raid américain sur la Libye, et lors de la rupture des relations diplomatiques entre la Grande-Bretagne et la Syrie, alors qu'une position commune européenne était à la fois une forte et une solution protectrice ;
- la diversité des réponses à l'Initiative de Défense Stratégique américaine. On imagine ce qu'aurait pu être le poids d'une Europe négociant de manière unifiée !
- l'absence de l'Europe du débat stratégique qui commande son destin : lorsqu'à REYKJAVIK le Président REAGAN et M. GORBATCHEV ont été sur le point de conclure un accord éliminant complètement l'étage des Euromissiles, alors que s'est développée au cours des années récentes une supériorité évidente des Soviétiques en matière d'armes nucléaires tactiques, qui entendait dans la salle de réunion la voix de l'Europe, pourtant concernée au premier rang ?
Chacun de ces dossiers est un dossier immense, dont les données sont complexes et où s'affrontent des conceptions nationales.
Pour dominer la complexité et pour surmonter les affrontements, l'expérience historique montre que le levier des institution est en réalité le levier le plus puissant.
A - LES INSTITUTIONS
Les institutions européennes ont aujourd'hui trois pôles :
- le Conseil Européen et son prolongement : le Conseil des Ministres, dont la Présidence tourne tous les six mois ;
- la Commission des Communautés Européennes aujourd'hui composée de dix-sept membres ;
- l'Assemblée Européenne élue pour cinq ans au suffrage direct, mais selon des modalités et avec des listes distinctes selon les pays.
J'ai déjà eu l'occasion d'exposer à Bruxelles ce matin ce qu'était ma conception de l'évolution souhaitable de ces institutions, à un moment où l'on assiste dans l'opinion publique européenne à une convergence vers les mêmes valeurs, et à un recul des idéologies extrêmes.
Pour que l'Assemblée reflète mieux les grands courants de pensées communs à toute l'Europe, il serait bon que les élections de 1989 se fassent sur la base de listes se référant à l'une des quatre grandes familles politiques européennes : Conservateurs Libéraux, Démocrates-Chrétiens et Socialistes.
Simultanément, l'Europe a besoin d'une Présidence stable du Conseil Européen, pour assurer la continuité de l'action du Conseil Européen, et donner un visage à l'Europe, dans le siècle de la communication. Ce Président serait assisté par un Vice-Président tournant, suivant les règles actuelles de la rotation. La durée du mandat du Président serait la même que celle du Parlement. L'objectif serait de l'élire au suffrage universel. Pour une première période, on pourrait envisager le consensus des Chefs d'Etat et de Gouvernements.
B - L'UNION POLITIQUE ET DE DEFENSE
La réforme des institutions n' est pas une fin en soi . Mais c'est un moyen essentiel pour avancer vers l'identité européenne dans deux dimensions : la perception de l'Europe par le citoyen et sa perception par les partenaires extérieurs.
La perception directe de l'Europe par le citoyen : l'élection au suffrage universel en serait le symbole. Elle ne doit pas s'arrêter là. Elle doit inclure l'identité culturelle, professionnelle et juridique, entre citoyens européens. Sur tous ces points des progrès sont en cours.
La perception externe d'une véritable unité de l'Europe pose, par contre, dans toute sa dimension le problème essentiel, celui qui domine l'avenir de l'Europe, celui qui est au coeur du dialogue franco-allemand, le problème de la défense.
Même si l'Europe parle d'une seule voix dans les négociations commerciales ou monétaires, même si elle est seule présente au nom des Etats membres dans le dialogue Nord-Sud, elle n'aura pas d'existence internationale véritable si elle n'est pas présente en tant que telle dans le grand dialogue Est-Ouest, et donc si elle n'élabore pas une position conjointe sur les grands enjeux de la défense de notre continent.
Je propose pour ma part d'aborder sans idée préconçue sur urne base franco-allemande la réflexion sur trois sujets essentiels :
1 - Quelle attitude à l'égard de l'Initiative de Défense Stratégique ?
L'Europe a une vulnérabilité spécifique à l'égard des missiles à courte durée de vol. Quand et comment peut-elle, en association avec les Etats-Unis, contribuer à réduire cette vulnérabilité ?
2 - Quelle doctrine d'emploi des forces nucléaires françaises est-elle compatible avec le maintien d'une force de dissuasion nationale, le cas échéant coordonnée avec celle du Royaume Uni, et l'exigence de soutien mutuel qu'appelle notre alliance.
3 - Quels programmes communs d'armement et quelles retombées technologiques pour nos industries ? J'ai déploré l'abandon du projet de char franco-allemand, et du projet de satellite militaire d'observation.
Des discussions concrètes sur d'autres grands projets communs doivent reprendre, en ayant le souci, à l'instar de notre coopération spatiale, d'organiser des retombées technologiques vers l'industrie de cet effort de défense.
Qu'il s'agisse de la monnaie, support de l'union économique, ou des institutions, vecteur de l'union politique et de l'union de défense, rien ne pourra se faire en Europe sans une approche commune de la France et de l'Allemagne.
C'est le sens de l'initiative qu'Helmut SCHMIDT et moi-même prenons avec le lancement du Comité pour l'Union Monétaire de l'Europe. C'est je l'espère, le sens que revêtiront, en écho à nos débats dans la prestigieuse Univertsité d'Heidelberg, les initiatives franco-allemandes qu'appelle, en matière d'institutions et de défense, la grande cause de l'Europe.
Nous assistons à une évolution de la vie politique de nos Etats, dont j'ai le sentiment que l'opinion publique la comprend mieux que l'opinion politique : nous sommes en train de passer sur beaucoup de sujets, de la dimension nationale à la dimension continentale.
C''est l'opinion publique qui a fait pression récemment, pour que l'Europe manifeste sa solidarité vis-à-vis des actions terroristes.
C'est l'opinion publique qui s'étonne du silence des dirigeants de l'Europe après la confusion de Reykjavik.
C'est l'opinion publique qui développe l'usage de l'écu, sans impulsion venant de décision administrative.
La vie politique de l'Europe retrouvera tout son prestige quand les peuples de nos pays auront le sentiment d'être conviés à une grande action.
Je souhaite que la France et l'Allemagne donnent l'impulsion à ce mouvement vers la dimension continentale.
L'Europe est le seul grand espoir de notre temps. Dans le temps d'une seule génération, Allemands et Français, nous avons été ennemis, puis aujourd'hui amis. Il nous reste à devenir les citoyens fraternels d'un même continent.