Texte intégral
Monsieur le Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat,
Monsieur le Président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
En 2007, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, j'ai engagé l'une des transformations les plus ambitieuses que notre ministère ait connues.
Une transformation qui, en trois ans, grâce à l'engagement déterminé du CEMA, du DGA, du SGA, et de l'ensemble des grands subordonnés, nous a déjà permis de moderniser
profondément notre organisation.
Une réforme que j'entends poursuivre, car c'est à cette condition que nous pourrons conforter la place de la France dans le petit groupe des puissances militaires de premier rang.
I. En seulement trois années, des étapes majeures ont été franchies.
C'est vrai dans le domaine de la gouvernance, avec la publication en 2009 de nouveaux décrets d'organisation clarifiant les responsabilités de chacun des grands subordonnés du ministre donnant l'autorité complète du CEMA sur les chefs d'état major d'armée, avec le renforcement de la fonction financière et avec la mise en place du comité exécutif et du comité ministériel d'investissement, que je préside. Ce ne sont pas seulement deux structures de plus. C'est une nouvelle conception de la décision et de l'organisation du ministère, plus collective et plus transparente, qui permet d'éviter autant que possible les dérives du type bosse financière que nous avons connu.
C'est vrai aussi en matière de format de nos armées, dont nous avons redéfini les missions et les contrats opérationnels sur la base des travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
C'est vrai encore en matière de regroupement des unités. Après les 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009, ce sont plus de 100 unités qui sont cette année concernées par les restructurations et près de 120 autres qui le seront en 2011. Finalement, en privilégiant la discussion et l'explication, la pédagogie et la conviction, la fermeture d'un régiment de 1000 hommes a fait moins de bruit que celle d'un tribunal d'instance de 5 personnes.
C'est vrai enfin en matière de mutualisation des soutiens :
-Avec la mise en place en 2009 de la chaîne interarmées du soutien (COMIAS) et la fusion début 2010 des services des trois commissariats ;
-Avec la rationalisation du maintien en condition opérationnelle, grâce à la création de structures intégrées (ex : SIMMT, SMITer) et à la mise en oeuvre d'une politique de contractualisation pluriannuelle de l'entretien (ex : Rafale, Leclerc et bâtiments de la marine) ; qui nous permet de réduire les coûts et donne de la perspective au plan de charge des industriels.
-Avec la rationalisation de la politique d'achat, qui nous permet de nous fixer un objectif réaliste de 400 millions d'euros à l'horizon 2015. Nous avons d'ores et déjà réalisé une économie de 38% sur la téléphonie et de 48% sur les communications satellite.
D'autres étapes seront franchies très prochainement.
-La généralisation des bases de défense sera effective dès 2011.
-Le contrat de partenariat du projet Balard sera signé au printemps prochain pour accueillir l'administration centrale du ministère en 2014. Cette opération permettra un gain de 2 000 emplois à l'horizon 2014 ainsi que des économies significatives, les loyers versés à Balard étant inférieurs au coût du soutien des 15 implantations actuelles.
Toutes ces réformes, nous les avons menées en maintenant une posture de sûreté adaptée aux circonstances.
Nous les avons menées en apportant une contribution essentielle à la gestion des crises humanitaires et des catastrophes naturelles, sur le territoire national comme en dehors de nos frontières.
Nous les avons menées en conduisant des engagements opérationnels majeurs, en Afghanistan, en Afrique, au Kosovo, au large de la Somalie ou encore au Liban.
Nous les avons menées en poursuivant une modernisation profonde de notre action internationale, qu'il s'agisse du soutien aux exportations (8,16 milliards d'euros de commandes en 2009, 40% de plus qu'en 2007, un chiffre jamais atteint depuis 2000), qu'il s'agisse de notre montée en puissance dans l'OTAN, ou encore de l'adaptation de notre dispositif permanent, avec la création d'une base aux Emirats arabes unis et la révision de nos accords de défense avec les pays africains.
Ces réformes, j'en suis conscient, demandent beaucoup aux femmes et aux hommes de la Défense. Mais, je sais aussi que s'ils les acceptent, s'ils les soutiennent, c'est non seulement parce qu'ils sont convaincus qu'elles vont dans le bon sens, mais également parce qu'ils ont pu mesurer l'esprit de responsabilité qui nous anime depuis trois ans.
Responsabilité d'abord vis-à-vis de nos soldats.
-Grâce à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, nous adaptons en permanence l'équipement de nos forces déployées en opérations. Fin 2008 et en 2009, 187 millions d'euros ont ainsi été engagés. Cette année, l'analyse du retour d'expérience des opérations menées en 2009 devrait nous conduire à engager environ 103 millions d'euros (ex : système de veille optronique, radar de surveillance du sol, alerteur terrestre contre les tirs indirects, système ROVER pour les avions et les drones).
-Dès à présent, nous assurons aussi l'équipement de nos armées pour les 20 prochaines années grâce à des commandes des meilleurs matériels. Je pense aux commandes du troisième BPC, de 3 frégates multimissions, de 60 rafales, de 332 véhicules blindés de combat d'infanterie et de plus de 16 000 équipements Félin.
Responsabilité vis-à-vis de nos soldats.
-La condition des militaires a été améliorée grâce à la rénovation des grilles de rémunération, et des mesures catégorielles fortes ont été prises en faveur des civils (Sur la période 2008-2010, 285 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration de la condition du personnel : 239 millions d'euros pour les militaires, dont 188 millions d'euros dans le cadre de la refonte des grilles indiciaires, et 46 millions d'euros pour les civils).
-Comme je m'y étais engagé personnellement, le plan d'accompagnement des restructurations permet de suivre avec la plus grande attention la situation de chacun : personne n'a été ni ne sera laissé sur le bord de la route. L'an dernier, 99% des 815 personnes concernées par les dissolutions et transferts ont ainsi été reclassées. Cette année, au premier septembre, 84% des 1653 personnes concernées avaient déjà été reclassées, les autres dossiers étant en cours de traitement.
Responsabilité vis-à-vis des élus et des territoires. Outre les cessions à l'euro symbolique, les 10 Contrats de Redynamisation de Site de Défense ou Plans locaux de restructuration signés depuis 3 ans donnent une nouvelle chance à chacun des territoires concernés.
Responsabilité vis-à-vis de nos entreprises, pour qui le ministère de la Défense a contribué au plan de relance à hauteur de 1,6 milliards d'euros, tout en maintenant un effort spécifique pour aider nos PME à innover, à accéder aux marchés de défense et à exporter. Le 25 octobre prochain, je lancerai d'ailleurs le deuxième volet du plan PME.
Responsabilité sociale et environnementale, enfin, avec le vote de la loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dont je remercie chaleureusement les parlementaires pour leur soutien, et avec les trois plans suivants :
-Le plan « Handicap » (entre 2007 et 2010, le taux d'emploi de travailleurs handicapés au MINDEF est passé de 4,52 % à 6,3%) ;
-Le plan « Egalité des chances » que j'ai lancé en 2007 (cette année, les lycées militaires accueillent plus de 407 élèves méritants issus de milieux défavorisés -290 dans les classes de lycée et 117 dans les Classes de Préparation aux Etudes Supérieures. Rapportés aux 149 élèves inscrits cette année dans les CPES des établissements de l'Education nationale et aux dimensions respectives des dispositifs d'enseignement des deux ministères, ces chiffres témoignent de l'effort consenti par la Défense) ;
-Le plan « Environnement »(ex : installation de panneaux photovoltaïques à Istres, engagement de doter les 80 navires principaux de la Marine nationale d'un passeport vert à l'horizon 2012, sachant que 20 en disposent d'ores et déjà).
En seulement trois années, nous avons beaucoup fait. Et ce n'est pas un hasard si, dans le dernier rapport du Ministre du Budget au Conseil de modernisation des politiques publiques, le ministère de la Défense se place au premier rang des acteurs de la réforme de l'Etat.
II. Pour autant, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Vous connaissez ma conviction : la lutte contre les déficits publics est aussi un enjeu de souveraineté. La défense ne saurait s'exonérer de l'effort collectif. La nouvelle donne budgétaire conforte les orientations que nous avons prises, c'est-à-dire le redéploiement maximum de crédits de fonctionnement vers l'investissement et l'équipement de défense.
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres :
-A l'horizon 2015, nous aurons réduit nos effectifs de 54 000 ETP, ce qui, avec le regroupement des implantations et la rationalisation des soutiens, générera une économie récurrente de l'ordre d'1,6 milliards par an.
-Tout au long de la loi de programmation militaire, la priorité est donnée à l'équipement, qui doit atteindre une moyenne de 17 milliards par an contre un peu plus de 15 milliards lors de la précédente LPM. L'objectif a été dépassé en 2009, avec un montant de 18 milliards. Compte tenu de la prochaine programmation triennale, il sera de 16 milliards en 2011, pour remonter à 16,8 en 2012 et à 17,4 milliards d'euros en 2013.
Si nous voulons préserver les fondamentaux du Livre blanc et de la LPM, nous devons aller au bout des réformes en cours. Nous devons aussi poursuivre notre réflexion sur la modernisation et la rationalisation de notre ministère. Pour ma part, je vois six grands chantiers pour les prochaines années. Tous n'ont pas la même ampleur, mais tous sont incontournables.
Le premier d'entre eux, c'est la réforme des systèmes d'information et de communication.
J'avais évoqué ce sujet devant vous l'an dernier, à Saumur. Avec le renforcement de la Direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), nous avons accéléré le processus d'harmonisation dans tous les domaines : réseaux, serveurs, postes de travail et applications.
C'est une réforme de longue haleine, aux multiples facettes, qui passera nécessairement par un nouvel équilibre entre le rôle des acteurs étatiques et celui des prestataires privés.
Le projet Balard nous donne une chance historique de remettre à plat l'existant et de bâtir les systèmes d'information et de communication de demain. Ce qui est en jeu, ce sont non seulement des économies importantes, mais aussi l'efficacité du ministère.
Le deuxième chantier, c'est celui des externalisations, pour lesquelles nous avons mis en place les outils nécessaires :
-En matière d'expression du besoin, avec les travaux de la mission achats ;
-En matière d'analyse économique des offres, avec la création de la mission PPP ;
-En matière d'accompagnement du personnel, avec un dispositif nouveau de mise à disposition auprès des entreprises qui est bien accueilli par les agents concernés.
J'ai fixé des règles du jeu claires. Nous n'irons de l'avant que si, sur la base d'une expertise indépendante, nous avons la certitude que nos partenaires privés peuvent faire mieux pour moins cher sur le long terme, tout en offrant des solutions de reclassement attractives à nos personnels qui le souhaitent.
Les premiers contrats pourraient donc être signés d'ici la fin de l'année :
-En matière de restauration, avec une première expérimentation concernant 11 restaurants ;
-En matière de prestations « multiservices », sur la base de défense de Creil.
Dans le domaine de l'habillement, un appel d'offre a été lancé en juillet pour l'approvisionnement, le stockage et la logistique des effets non stratégiques. C'est un projet qui pourrait permettre d'économiser près de 70 millions d'euros par an en régime de croisière.
Le troisième chantier, c'est celui de l'évolution du haut encadrement militaire et de la formation, dans le contexte de la réduction du format des armées et de l'allongement des carrières.
J'approuverai le mois prochain le plan de modernisation du haut encadrement militaire, que j'ai demandé au CEMA lors de son entrée en fonctions et qui comporte notamment une réduction programmée du nombre d'officier généraux et un recul des limites d'âge de 57 à 59 ans (avec possibilité de prolongation au-delà). Ce mouvement nécessaire fera bien évidemment l'objet de mesures d'accompagnement pour permettre à nos officiers de vivre au mieux cette nouvelle donne.
Pour sélectionner les chefs de demain, les Armées doivent continuer à offrir de vraies perspectives de carrière aux jeunes diplômés, mais aussi favoriser la promotion des meilleurs quelle que soit leur filière de recrutement initial. La contrainte budgétaire nous impose d'adapter les différents flux de recrutement de nos officiers à nos justes besoins. A cet égard, la sélectivité accrue de l'accès au grade d'officier général, comme l'indispensable mobilité interne, rendent inévitables la réduction du volume des promotions de nos écoles d'officiers.
La formation est un autre domaine de progrès. J'ai demandé au collège des inspecteurs généraux des Armées et au Contrôle Général des Armées de réfléchir aux moyens de rationaliser et d'améliorer la formation de nos soldats, sous-officiers et officiers. Leur réflexion devra nous aider à tirer toutes les conséquences des évolutions en cours (format, BdD...) et à identifier les synergies entre les armées, mais aussi avec le monde extérieur.
Le quatrième chantier, c'est la création d'une nouvelle relation entre les grandes puissances européennes. Les tensions sur nos budgets de défense et la pression qu'exercent les grandes nations exportatrices, établies ou émergentes, doivent plus que jamais nous conduire à identifier sans tabou de nouvelles coopérations.
Sans l'acceptation de cette dépendance mutuelle, qui suppose de mettre un terme aux coûteuses duplications entre nos bureaux d'études et nos industries, nous n'aurons plus les moyens de doter nos forces des systèmes d'armes les plus complexes ou de nous imposer sur les marchés extérieurs. A titre d'exemple, il est d'ores et déjà clair pour tous qu'à l'horizon
2020, seule une réponse commune permettra de mettre en oeuvre une capacité de drone MALE basée sur des ressources européennes en matière d'ingénierie et de production.
Sur tous ces sujets, nous travaillons depuis longtemps avec mon homologue allemand, mais aussi et depuis quelques mois avec mon nouvel homologue britannique dans la perspective du sommet de Londres du 5 novembre. Il est encore trop tôt pour préjuger de l'issue des travaux en cours. Mais je suis personnellement convaincu que nous devons faire davantage ensemble. Par exemple, dans le domaine stratégique des missiles, nous pouvons nous appuyer sur les acquis de la coopération franco-britannique pour aller plus loin et véritablement intégrer nos capacités de recherche et de production pour préparer l'avenir au sein d'un « one MBDA ».
Mais dans le domaine des missiles comme dans tous les autres, nous serons d'autant plus convaincants que nous aurons mis notre industrie nationale en ordre de marche.
Ce qui m'amène à notre cinquième chantier, la politique industrielle.
J'ai demandé au Délégué Général pour l'Armement de conduire une étude globale sur la filière missile pour que nous puissions préserver un socle de souveraineté. Je souhaite que cette étude nous permette d'encourager l'indispensable rapprochement entre les trois acteurs nationaux du secteur.
Je ne mésestime pas la difficulté de la tâche, mais la nécessité de cette démarche est pour moi une conviction profonde. Les dirigeants de THALES et de SAFRAN le savent bien, comme ils savent que tôt ou tard, ils devront procéder à des rectifications de frontières. Ils nous ont demandé plus de temps pour trouver un terrain d'entente. C'est tout à fait respectable. Ceci dit, ce n'est pas au contribuable français de payer les duplications de leurs bureaux d'études. C'est pourquoi j'ai décidé il y a quelques mois de suspendre le financement de certaines études amont. Et je n'entends pas changer d'avis.
Parmi les premiers résultats de nos efforts, permettez-moi de souligner l'évolution en cours de la SNPE :
-Le projet industriel entre SNPE et SAFRAN visant à rationaliser le domaine stratégique de la propulsion solide est sur le point d'aboutir. Il garantira le maintien au meilleur niveau de compétences majeures pour la France.
-Par ailleurs, les activités stratégiques d'Eurenco seront pérennisées sur son site de Sorgues.
Sixième et dernier chantier : la réforme de l'OTAN et la défense européenne.
Avec le Royaume-Uni, nous avons initié une réforme ambitieuse de l'Alliance. Nous étions seuls sur ce sujet. Nous avons été rejoints par les Américains. Les choses vont désormais plus vite...
Nous avons trois objectifs très clairs :
-Alléger et moderniser les structures de commandement ;
-Rationaliser les multiples agences de l'OTAN en les regroupant autour de trois grandes fonctions - acquisition, soutien, communications ;
-Mettre fin à la fuite en avant des budgets, en imposant une vraie gouvernance financière, une hiérarchisation de nos priorités et un plan de retour à l'équilibre.
Cette réforme, nous devons la mener à son terme. Je serai après-demain à Washington pour évoquer ce sujet avec mon homologue américain et préparer les décisions qui seront prises par les chefs d'Etat et de gouvernement au Sommet de Lisbonne.
Mesdames, Messieurs,
Vous connaissez mes convictions européennes. Je vous ai souvent dit lors de nos discussions que notre retour dans l'Alliance va de pair avec la construction de l'Europe de la défense.
Avec la crise, avec la mise en place progressive des nouvelles équipes et des nouvelles structures à Bruxelles, il faut bien reconnaître que la dynamique de la PESD s'est quelque peu essoufflée. Raison de plus pour maintenir le cap et poursuivre sans relâche nos efforts de pédagogie.
Après le tremblement de terre à Haïti, Mme ASHTON m'avait dit avoir compris l'importance d'une structure permanente de commandement et de planification. Face aux inondations au Pakistan, l'Union européenne est une nouvelle fois le figurant muet d'un film dont elle-même et ses Etats-membres ont largement contribué à la production (232 millions d'euros, soit 50 %
de l'effort des Nations Unies). C'est pourquoi, à l'occasion de notre prochaine réunion des ministres de la Défense, à Gand, le 24 septembre, je plaiderai à nouveau pour que l'Union européenne se mette enfin en ordre de bataille.
Mesdames, Messieurs,
Je suis fier de porter cette transformation du ministère de la Défense sous l'autorité du Président de la République, car elle est légitime et nécessaire.
Je suis admiratif des efforts de tous pour la mettre en oeuvre.
Je suis convaincu qu'elle permettra à nos soldats d'accomplir au mieux leur mission au service de notre pays et de ses valeurs.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 septembre 2010
Monsieur le Président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
En 2007, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, j'ai engagé l'une des transformations les plus ambitieuses que notre ministère ait connues.
Une transformation qui, en trois ans, grâce à l'engagement déterminé du CEMA, du DGA, du SGA, et de l'ensemble des grands subordonnés, nous a déjà permis de moderniser
profondément notre organisation.
Une réforme que j'entends poursuivre, car c'est à cette condition que nous pourrons conforter la place de la France dans le petit groupe des puissances militaires de premier rang.
I. En seulement trois années, des étapes majeures ont été franchies.
C'est vrai dans le domaine de la gouvernance, avec la publication en 2009 de nouveaux décrets d'organisation clarifiant les responsabilités de chacun des grands subordonnés du ministre donnant l'autorité complète du CEMA sur les chefs d'état major d'armée, avec le renforcement de la fonction financière et avec la mise en place du comité exécutif et du comité ministériel d'investissement, que je préside. Ce ne sont pas seulement deux structures de plus. C'est une nouvelle conception de la décision et de l'organisation du ministère, plus collective et plus transparente, qui permet d'éviter autant que possible les dérives du type bosse financière que nous avons connu.
C'est vrai aussi en matière de format de nos armées, dont nous avons redéfini les missions et les contrats opérationnels sur la base des travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
C'est vrai encore en matière de regroupement des unités. Après les 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009, ce sont plus de 100 unités qui sont cette année concernées par les restructurations et près de 120 autres qui le seront en 2011. Finalement, en privilégiant la discussion et l'explication, la pédagogie et la conviction, la fermeture d'un régiment de 1000 hommes a fait moins de bruit que celle d'un tribunal d'instance de 5 personnes.
C'est vrai enfin en matière de mutualisation des soutiens :
-Avec la mise en place en 2009 de la chaîne interarmées du soutien (COMIAS) et la fusion début 2010 des services des trois commissariats ;
-Avec la rationalisation du maintien en condition opérationnelle, grâce à la création de structures intégrées (ex : SIMMT, SMITer) et à la mise en oeuvre d'une politique de contractualisation pluriannuelle de l'entretien (ex : Rafale, Leclerc et bâtiments de la marine) ; qui nous permet de réduire les coûts et donne de la perspective au plan de charge des industriels.
-Avec la rationalisation de la politique d'achat, qui nous permet de nous fixer un objectif réaliste de 400 millions d'euros à l'horizon 2015. Nous avons d'ores et déjà réalisé une économie de 38% sur la téléphonie et de 48% sur les communications satellite.
D'autres étapes seront franchies très prochainement.
-La généralisation des bases de défense sera effective dès 2011.
-Le contrat de partenariat du projet Balard sera signé au printemps prochain pour accueillir l'administration centrale du ministère en 2014. Cette opération permettra un gain de 2 000 emplois à l'horizon 2014 ainsi que des économies significatives, les loyers versés à Balard étant inférieurs au coût du soutien des 15 implantations actuelles.
Toutes ces réformes, nous les avons menées en maintenant une posture de sûreté adaptée aux circonstances.
Nous les avons menées en apportant une contribution essentielle à la gestion des crises humanitaires et des catastrophes naturelles, sur le territoire national comme en dehors de nos frontières.
Nous les avons menées en conduisant des engagements opérationnels majeurs, en Afghanistan, en Afrique, au Kosovo, au large de la Somalie ou encore au Liban.
Nous les avons menées en poursuivant une modernisation profonde de notre action internationale, qu'il s'agisse du soutien aux exportations (8,16 milliards d'euros de commandes en 2009, 40% de plus qu'en 2007, un chiffre jamais atteint depuis 2000), qu'il s'agisse de notre montée en puissance dans l'OTAN, ou encore de l'adaptation de notre dispositif permanent, avec la création d'une base aux Emirats arabes unis et la révision de nos accords de défense avec les pays africains.
Ces réformes, j'en suis conscient, demandent beaucoup aux femmes et aux hommes de la Défense. Mais, je sais aussi que s'ils les acceptent, s'ils les soutiennent, c'est non seulement parce qu'ils sont convaincus qu'elles vont dans le bon sens, mais également parce qu'ils ont pu mesurer l'esprit de responsabilité qui nous anime depuis trois ans.
Responsabilité d'abord vis-à-vis de nos soldats.
-Grâce à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, nous adaptons en permanence l'équipement de nos forces déployées en opérations. Fin 2008 et en 2009, 187 millions d'euros ont ainsi été engagés. Cette année, l'analyse du retour d'expérience des opérations menées en 2009 devrait nous conduire à engager environ 103 millions d'euros (ex : système de veille optronique, radar de surveillance du sol, alerteur terrestre contre les tirs indirects, système ROVER pour les avions et les drones).
-Dès à présent, nous assurons aussi l'équipement de nos armées pour les 20 prochaines années grâce à des commandes des meilleurs matériels. Je pense aux commandes du troisième BPC, de 3 frégates multimissions, de 60 rafales, de 332 véhicules blindés de combat d'infanterie et de plus de 16 000 équipements Félin.
Responsabilité vis-à-vis de nos soldats.
-La condition des militaires a été améliorée grâce à la rénovation des grilles de rémunération, et des mesures catégorielles fortes ont été prises en faveur des civils (Sur la période 2008-2010, 285 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration de la condition du personnel : 239 millions d'euros pour les militaires, dont 188 millions d'euros dans le cadre de la refonte des grilles indiciaires, et 46 millions d'euros pour les civils).
-Comme je m'y étais engagé personnellement, le plan d'accompagnement des restructurations permet de suivre avec la plus grande attention la situation de chacun : personne n'a été ni ne sera laissé sur le bord de la route. L'an dernier, 99% des 815 personnes concernées par les dissolutions et transferts ont ainsi été reclassées. Cette année, au premier septembre, 84% des 1653 personnes concernées avaient déjà été reclassées, les autres dossiers étant en cours de traitement.
Responsabilité vis-à-vis des élus et des territoires. Outre les cessions à l'euro symbolique, les 10 Contrats de Redynamisation de Site de Défense ou Plans locaux de restructuration signés depuis 3 ans donnent une nouvelle chance à chacun des territoires concernés.
Responsabilité vis-à-vis de nos entreprises, pour qui le ministère de la Défense a contribué au plan de relance à hauteur de 1,6 milliards d'euros, tout en maintenant un effort spécifique pour aider nos PME à innover, à accéder aux marchés de défense et à exporter. Le 25 octobre prochain, je lancerai d'ailleurs le deuxième volet du plan PME.
Responsabilité sociale et environnementale, enfin, avec le vote de la loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dont je remercie chaleureusement les parlementaires pour leur soutien, et avec les trois plans suivants :
-Le plan « Handicap » (entre 2007 et 2010, le taux d'emploi de travailleurs handicapés au MINDEF est passé de 4,52 % à 6,3%) ;
-Le plan « Egalité des chances » que j'ai lancé en 2007 (cette année, les lycées militaires accueillent plus de 407 élèves méritants issus de milieux défavorisés -290 dans les classes de lycée et 117 dans les Classes de Préparation aux Etudes Supérieures. Rapportés aux 149 élèves inscrits cette année dans les CPES des établissements de l'Education nationale et aux dimensions respectives des dispositifs d'enseignement des deux ministères, ces chiffres témoignent de l'effort consenti par la Défense) ;
-Le plan « Environnement »(ex : installation de panneaux photovoltaïques à Istres, engagement de doter les 80 navires principaux de la Marine nationale d'un passeport vert à l'horizon 2012, sachant que 20 en disposent d'ores et déjà).
En seulement trois années, nous avons beaucoup fait. Et ce n'est pas un hasard si, dans le dernier rapport du Ministre du Budget au Conseil de modernisation des politiques publiques, le ministère de la Défense se place au premier rang des acteurs de la réforme de l'Etat.
II. Pour autant, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Vous connaissez ma conviction : la lutte contre les déficits publics est aussi un enjeu de souveraineté. La défense ne saurait s'exonérer de l'effort collectif. La nouvelle donne budgétaire conforte les orientations que nous avons prises, c'est-à-dire le redéploiement maximum de crédits de fonctionnement vers l'investissement et l'équipement de défense.
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres :
-A l'horizon 2015, nous aurons réduit nos effectifs de 54 000 ETP, ce qui, avec le regroupement des implantations et la rationalisation des soutiens, générera une économie récurrente de l'ordre d'1,6 milliards par an.
-Tout au long de la loi de programmation militaire, la priorité est donnée à l'équipement, qui doit atteindre une moyenne de 17 milliards par an contre un peu plus de 15 milliards lors de la précédente LPM. L'objectif a été dépassé en 2009, avec un montant de 18 milliards. Compte tenu de la prochaine programmation triennale, il sera de 16 milliards en 2011, pour remonter à 16,8 en 2012 et à 17,4 milliards d'euros en 2013.
Si nous voulons préserver les fondamentaux du Livre blanc et de la LPM, nous devons aller au bout des réformes en cours. Nous devons aussi poursuivre notre réflexion sur la modernisation et la rationalisation de notre ministère. Pour ma part, je vois six grands chantiers pour les prochaines années. Tous n'ont pas la même ampleur, mais tous sont incontournables.
Le premier d'entre eux, c'est la réforme des systèmes d'information et de communication.
J'avais évoqué ce sujet devant vous l'an dernier, à Saumur. Avec le renforcement de la Direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), nous avons accéléré le processus d'harmonisation dans tous les domaines : réseaux, serveurs, postes de travail et applications.
C'est une réforme de longue haleine, aux multiples facettes, qui passera nécessairement par un nouvel équilibre entre le rôle des acteurs étatiques et celui des prestataires privés.
Le projet Balard nous donne une chance historique de remettre à plat l'existant et de bâtir les systèmes d'information et de communication de demain. Ce qui est en jeu, ce sont non seulement des économies importantes, mais aussi l'efficacité du ministère.
Le deuxième chantier, c'est celui des externalisations, pour lesquelles nous avons mis en place les outils nécessaires :
-En matière d'expression du besoin, avec les travaux de la mission achats ;
-En matière d'analyse économique des offres, avec la création de la mission PPP ;
-En matière d'accompagnement du personnel, avec un dispositif nouveau de mise à disposition auprès des entreprises qui est bien accueilli par les agents concernés.
J'ai fixé des règles du jeu claires. Nous n'irons de l'avant que si, sur la base d'une expertise indépendante, nous avons la certitude que nos partenaires privés peuvent faire mieux pour moins cher sur le long terme, tout en offrant des solutions de reclassement attractives à nos personnels qui le souhaitent.
Les premiers contrats pourraient donc être signés d'ici la fin de l'année :
-En matière de restauration, avec une première expérimentation concernant 11 restaurants ;
-En matière de prestations « multiservices », sur la base de défense de Creil.
Dans le domaine de l'habillement, un appel d'offre a été lancé en juillet pour l'approvisionnement, le stockage et la logistique des effets non stratégiques. C'est un projet qui pourrait permettre d'économiser près de 70 millions d'euros par an en régime de croisière.
Le troisième chantier, c'est celui de l'évolution du haut encadrement militaire et de la formation, dans le contexte de la réduction du format des armées et de l'allongement des carrières.
J'approuverai le mois prochain le plan de modernisation du haut encadrement militaire, que j'ai demandé au CEMA lors de son entrée en fonctions et qui comporte notamment une réduction programmée du nombre d'officier généraux et un recul des limites d'âge de 57 à 59 ans (avec possibilité de prolongation au-delà). Ce mouvement nécessaire fera bien évidemment l'objet de mesures d'accompagnement pour permettre à nos officiers de vivre au mieux cette nouvelle donne.
Pour sélectionner les chefs de demain, les Armées doivent continuer à offrir de vraies perspectives de carrière aux jeunes diplômés, mais aussi favoriser la promotion des meilleurs quelle que soit leur filière de recrutement initial. La contrainte budgétaire nous impose d'adapter les différents flux de recrutement de nos officiers à nos justes besoins. A cet égard, la sélectivité accrue de l'accès au grade d'officier général, comme l'indispensable mobilité interne, rendent inévitables la réduction du volume des promotions de nos écoles d'officiers.
La formation est un autre domaine de progrès. J'ai demandé au collège des inspecteurs généraux des Armées et au Contrôle Général des Armées de réfléchir aux moyens de rationaliser et d'améliorer la formation de nos soldats, sous-officiers et officiers. Leur réflexion devra nous aider à tirer toutes les conséquences des évolutions en cours (format, BdD...) et à identifier les synergies entre les armées, mais aussi avec le monde extérieur.
Le quatrième chantier, c'est la création d'une nouvelle relation entre les grandes puissances européennes. Les tensions sur nos budgets de défense et la pression qu'exercent les grandes nations exportatrices, établies ou émergentes, doivent plus que jamais nous conduire à identifier sans tabou de nouvelles coopérations.
Sans l'acceptation de cette dépendance mutuelle, qui suppose de mettre un terme aux coûteuses duplications entre nos bureaux d'études et nos industries, nous n'aurons plus les moyens de doter nos forces des systèmes d'armes les plus complexes ou de nous imposer sur les marchés extérieurs. A titre d'exemple, il est d'ores et déjà clair pour tous qu'à l'horizon
2020, seule une réponse commune permettra de mettre en oeuvre une capacité de drone MALE basée sur des ressources européennes en matière d'ingénierie et de production.
Sur tous ces sujets, nous travaillons depuis longtemps avec mon homologue allemand, mais aussi et depuis quelques mois avec mon nouvel homologue britannique dans la perspective du sommet de Londres du 5 novembre. Il est encore trop tôt pour préjuger de l'issue des travaux en cours. Mais je suis personnellement convaincu que nous devons faire davantage ensemble. Par exemple, dans le domaine stratégique des missiles, nous pouvons nous appuyer sur les acquis de la coopération franco-britannique pour aller plus loin et véritablement intégrer nos capacités de recherche et de production pour préparer l'avenir au sein d'un « one MBDA ».
Mais dans le domaine des missiles comme dans tous les autres, nous serons d'autant plus convaincants que nous aurons mis notre industrie nationale en ordre de marche.
Ce qui m'amène à notre cinquième chantier, la politique industrielle.
J'ai demandé au Délégué Général pour l'Armement de conduire une étude globale sur la filière missile pour que nous puissions préserver un socle de souveraineté. Je souhaite que cette étude nous permette d'encourager l'indispensable rapprochement entre les trois acteurs nationaux du secteur.
Je ne mésestime pas la difficulté de la tâche, mais la nécessité de cette démarche est pour moi une conviction profonde. Les dirigeants de THALES et de SAFRAN le savent bien, comme ils savent que tôt ou tard, ils devront procéder à des rectifications de frontières. Ils nous ont demandé plus de temps pour trouver un terrain d'entente. C'est tout à fait respectable. Ceci dit, ce n'est pas au contribuable français de payer les duplications de leurs bureaux d'études. C'est pourquoi j'ai décidé il y a quelques mois de suspendre le financement de certaines études amont. Et je n'entends pas changer d'avis.
Parmi les premiers résultats de nos efforts, permettez-moi de souligner l'évolution en cours de la SNPE :
-Le projet industriel entre SNPE et SAFRAN visant à rationaliser le domaine stratégique de la propulsion solide est sur le point d'aboutir. Il garantira le maintien au meilleur niveau de compétences majeures pour la France.
-Par ailleurs, les activités stratégiques d'Eurenco seront pérennisées sur son site de Sorgues.
Sixième et dernier chantier : la réforme de l'OTAN et la défense européenne.
Avec le Royaume-Uni, nous avons initié une réforme ambitieuse de l'Alliance. Nous étions seuls sur ce sujet. Nous avons été rejoints par les Américains. Les choses vont désormais plus vite...
Nous avons trois objectifs très clairs :
-Alléger et moderniser les structures de commandement ;
-Rationaliser les multiples agences de l'OTAN en les regroupant autour de trois grandes fonctions - acquisition, soutien, communications ;
-Mettre fin à la fuite en avant des budgets, en imposant une vraie gouvernance financière, une hiérarchisation de nos priorités et un plan de retour à l'équilibre.
Cette réforme, nous devons la mener à son terme. Je serai après-demain à Washington pour évoquer ce sujet avec mon homologue américain et préparer les décisions qui seront prises par les chefs d'Etat et de gouvernement au Sommet de Lisbonne.
Mesdames, Messieurs,
Vous connaissez mes convictions européennes. Je vous ai souvent dit lors de nos discussions que notre retour dans l'Alliance va de pair avec la construction de l'Europe de la défense.
Avec la crise, avec la mise en place progressive des nouvelles équipes et des nouvelles structures à Bruxelles, il faut bien reconnaître que la dynamique de la PESD s'est quelque peu essoufflée. Raison de plus pour maintenir le cap et poursuivre sans relâche nos efforts de pédagogie.
Après le tremblement de terre à Haïti, Mme ASHTON m'avait dit avoir compris l'importance d'une structure permanente de commandement et de planification. Face aux inondations au Pakistan, l'Union européenne est une nouvelle fois le figurant muet d'un film dont elle-même et ses Etats-membres ont largement contribué à la production (232 millions d'euros, soit 50 %
de l'effort des Nations Unies). C'est pourquoi, à l'occasion de notre prochaine réunion des ministres de la Défense, à Gand, le 24 septembre, je plaiderai à nouveau pour que l'Union européenne se mette enfin en ordre de bataille.
Mesdames, Messieurs,
Je suis fier de porter cette transformation du ministère de la Défense sous l'autorité du Président de la République, car elle est légitime et nécessaire.
Je suis admiratif des efforts de tous pour la mettre en oeuvre.
Je suis convaincu qu'elle permettra à nos soldats d'accomplir au mieux leur mission au service de notre pays et de ses valeurs.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 septembre 2010