Texte intégral
Q - Monsieur Bernard Kouchner, vous vous apprêtez à vous rendre en Haïti le week-end prochain. Quelle va être le sens de cette visite et est-ce que la France va annoncer de nouveaux investissements pour aider à la reconstruction de ce pays qui a été dévasté par un tremblement de terre ?
R - Ce sont des investissements énormes qui ont été promis par la France - 326 millions d'euros - et par la communauté internationale : des centaines de millions doivent être mis en place sur des projets. On ne doit pas reconstruire à l'identique, il faut inventer, imaginer et le faire avec les Haïtiens. Ce sera donc évidemment long. Cela s'arrange déjà un petit peu mais pas suffisamment. Les progrès sont lents, c'est évident.
Aujourd'hui, avec Mme Clinton et avec le Premier ministre Bellerive, nous avons signé un accord pour le financement de l'hôpital universitaire et je poserai la première pierre de cet hôpital samedi à Port-au-Prince. Mais un hôpital, cela ne fonctionne pas comme cela, tout de suite. Il faut aussi former le personnel ; il faut aussi que le matériel soit opérationnel et puis, surtout - et ce serait le symbole même des initiatives fécondes -, qu'il y ait une assurance-maladie qui soit mise en place pour que les plus démunis, pour que les indigents puissent être pris en charge par cet hôpital.
Mais c'est long vous savez, il ne faut pas trop d'impatience. Ce fut une catastrophe immense et on ne peut pas tout reconstruire du jour au lendemain. Il y a des gens au chômage, il faut créer des emplois. Il y a des gens qui doivent déplacer leur habitation, s'installer ailleurs. C'est très lent, c'est toute une culture à changer.
Q - Au-delà d'Haïti cette semaine à New York se tient ce Sommet sur les Objectifs du Millénaire, on voit bien que ces Objectifs sont très difficiles à atteindre, que l'aide publique n'est sans doute pas suffisante, sentez-vous qu'il y a une volonté justement d'apporter des financements alternatifs pour essayer d'atteindre ces Objectifs ou pensez-vous que c'est un voeu pieu de croire en ces objectifs pour 2015 ?
R - 2015, je n'en sais rien très honnêtement. Mais vous avez tout à fait raison, l'aide publique ne suffira pas. Il faut d'abord convaincre du bienfondé des objectifs que nous poursuivons, c'est-à-dire les financements innovants, en particulier la taxe - ou en tout cas la participation si le mot taxe fait peur - sur les mouvements de capitaux, sur toutes les transactions financières. Nous y travaillons - moi personnellement depuis 20 ans - ; des progrès sont réalisés. Aujourd'hui, le groupe pilote s'est réuni ; le document est prêt pour demain. Le président de la République, Nicolas Sarkozy a parlé très fortement, à l'Assemblée générale des Objectifs du Millénaire en disant : "nous n'y arriverons pas si nous ne mettons pas cela à pied d'oeuvre."
Je crois que cela aboutira. Le président de la République l'a dit ce matin, cela va être difficile mais nous pourrons peut-être - en tout cas toutes les ONG le veulent - lancer un mouvement avec plusieurs pays sans attendre que tous aient accepté.
C'est difficile mais nous allons le faire. Vous savez, il y avait un groupe de 60 pays menés par la France ; maintenant, la Présidence du groupe est au Japon. Il y a un texte, mais des textes et des rapports il y en a beaucoup. Tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un financement. Je souhaite que ce soit une participation sur les transactions financières. Vous envoyez 1 000 euros, d'un bout de la France à l'autre ou d'un bout du monde à l'autre, et cela coûtera 5 centimes d'euros - sans vous en rendre compte. Une petite pièce de 5 centimes face à 1 000 euros, c'est à cela qu'il faut arriver si on veut développer le tiers monde.
Q - New York, c'est aussi une scène diplomatique importante, on évoque évidemment le dossier israélo-palestinien, vous avez regretté l'absence d'une représentation européenne à la reprise des pourparlers israélo-palestiniens à Washington, est-ce que l'Europe est vouée à n'être qu'un bailleur de fonds ?
R - J'espère que non, l'Europe se lasse un peu d'être considérée comme avant tout un bailleur de fonds. Oui, nous avons très clairement regretté que l'Union européenne ne soit pas représentée à Washington. Nous sommes le plus gros fournisseur d'aide à l'Autorité palestinienne : 1 milliard d'euros chaque année. Je crois que cela valait une place à la table. Tout le monde a regretté notre absence, tout le monde a regretté aussi l'absence de Dmitri Medvedev ; d'autant que les Russes ont été parfaitement coopératifs dans cette affaire, ainsi que les pays arabes d'ailleurs. Nous regrettons que cela se soit passé comme cela, mais aujourd'hui nous espérons avant tout beaucoup que ces pourparlers directs mèneront à notre but à tous, c'est-à-dire à un Etat palestinien.
Q - Une dernière question. Est-ce qu'après la polémique qui a eu lieu en Europe sur le traitement réservé par la France à la population Rom, vous avez senti, ici à New York au cours de vos entretiens avec vos homologues étrangers, une hostilité de leur part par rapport à la France ? Avez-vous l'impression que l'image de la France dans cette affaire a été dégradée ?
R - Non, je n'ai senti aucune hostilité. J'ai fourni des explications parce qu'il y a eu des demandes d'explications. Ce matin, il y a eu une rencontre très sympathique et très ouverte entre Mme Merkel et M. Sarkozy. J'y assistais, je vous assure qu'il n'y avait aucune trace de cette fausse polémique. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de polémique autour des Roms, il y en a une, mais entre l'Allemagne et la France, il n'y en a pas.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2010
R - Ce sont des investissements énormes qui ont été promis par la France - 326 millions d'euros - et par la communauté internationale : des centaines de millions doivent être mis en place sur des projets. On ne doit pas reconstruire à l'identique, il faut inventer, imaginer et le faire avec les Haïtiens. Ce sera donc évidemment long. Cela s'arrange déjà un petit peu mais pas suffisamment. Les progrès sont lents, c'est évident.
Aujourd'hui, avec Mme Clinton et avec le Premier ministre Bellerive, nous avons signé un accord pour le financement de l'hôpital universitaire et je poserai la première pierre de cet hôpital samedi à Port-au-Prince. Mais un hôpital, cela ne fonctionne pas comme cela, tout de suite. Il faut aussi former le personnel ; il faut aussi que le matériel soit opérationnel et puis, surtout - et ce serait le symbole même des initiatives fécondes -, qu'il y ait une assurance-maladie qui soit mise en place pour que les plus démunis, pour que les indigents puissent être pris en charge par cet hôpital.
Mais c'est long vous savez, il ne faut pas trop d'impatience. Ce fut une catastrophe immense et on ne peut pas tout reconstruire du jour au lendemain. Il y a des gens au chômage, il faut créer des emplois. Il y a des gens qui doivent déplacer leur habitation, s'installer ailleurs. C'est très lent, c'est toute une culture à changer.
Q - Au-delà d'Haïti cette semaine à New York se tient ce Sommet sur les Objectifs du Millénaire, on voit bien que ces Objectifs sont très difficiles à atteindre, que l'aide publique n'est sans doute pas suffisante, sentez-vous qu'il y a une volonté justement d'apporter des financements alternatifs pour essayer d'atteindre ces Objectifs ou pensez-vous que c'est un voeu pieu de croire en ces objectifs pour 2015 ?
R - 2015, je n'en sais rien très honnêtement. Mais vous avez tout à fait raison, l'aide publique ne suffira pas. Il faut d'abord convaincre du bienfondé des objectifs que nous poursuivons, c'est-à-dire les financements innovants, en particulier la taxe - ou en tout cas la participation si le mot taxe fait peur - sur les mouvements de capitaux, sur toutes les transactions financières. Nous y travaillons - moi personnellement depuis 20 ans - ; des progrès sont réalisés. Aujourd'hui, le groupe pilote s'est réuni ; le document est prêt pour demain. Le président de la République, Nicolas Sarkozy a parlé très fortement, à l'Assemblée générale des Objectifs du Millénaire en disant : "nous n'y arriverons pas si nous ne mettons pas cela à pied d'oeuvre."
Je crois que cela aboutira. Le président de la République l'a dit ce matin, cela va être difficile mais nous pourrons peut-être - en tout cas toutes les ONG le veulent - lancer un mouvement avec plusieurs pays sans attendre que tous aient accepté.
C'est difficile mais nous allons le faire. Vous savez, il y avait un groupe de 60 pays menés par la France ; maintenant, la Présidence du groupe est au Japon. Il y a un texte, mais des textes et des rapports il y en a beaucoup. Tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un financement. Je souhaite que ce soit une participation sur les transactions financières. Vous envoyez 1 000 euros, d'un bout de la France à l'autre ou d'un bout du monde à l'autre, et cela coûtera 5 centimes d'euros - sans vous en rendre compte. Une petite pièce de 5 centimes face à 1 000 euros, c'est à cela qu'il faut arriver si on veut développer le tiers monde.
Q - New York, c'est aussi une scène diplomatique importante, on évoque évidemment le dossier israélo-palestinien, vous avez regretté l'absence d'une représentation européenne à la reprise des pourparlers israélo-palestiniens à Washington, est-ce que l'Europe est vouée à n'être qu'un bailleur de fonds ?
R - J'espère que non, l'Europe se lasse un peu d'être considérée comme avant tout un bailleur de fonds. Oui, nous avons très clairement regretté que l'Union européenne ne soit pas représentée à Washington. Nous sommes le plus gros fournisseur d'aide à l'Autorité palestinienne : 1 milliard d'euros chaque année. Je crois que cela valait une place à la table. Tout le monde a regretté notre absence, tout le monde a regretté aussi l'absence de Dmitri Medvedev ; d'autant que les Russes ont été parfaitement coopératifs dans cette affaire, ainsi que les pays arabes d'ailleurs. Nous regrettons que cela se soit passé comme cela, mais aujourd'hui nous espérons avant tout beaucoup que ces pourparlers directs mèneront à notre but à tous, c'est-à-dire à un Etat palestinien.
Q - Une dernière question. Est-ce qu'après la polémique qui a eu lieu en Europe sur le traitement réservé par la France à la population Rom, vous avez senti, ici à New York au cours de vos entretiens avec vos homologues étrangers, une hostilité de leur part par rapport à la France ? Avez-vous l'impression que l'image de la France dans cette affaire a été dégradée ?
R - Non, je n'ai senti aucune hostilité. J'ai fourni des explications parce qu'il y a eu des demandes d'explications. Ce matin, il y a eu une rencontre très sympathique et très ouverte entre Mme Merkel et M. Sarkozy. J'y assistais, je vous assure qu'il n'y avait aucune trace de cette fausse polémique. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de polémique autour des Roms, il y en a une, mais entre l'Allemagne et la France, il n'y en a pas.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2010