Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la réforme engagée au sein de la Défense, à Paris le 1er octobre 2010.

Prononcé le 1er octobre 2010

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontre avec des jeunes de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), à Paris le 1er octobre 2010

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Présidente,
Amiral,
Mesdames, Messieurs,
De par votre cursus de formation, vos choix professionnels ou vos centres d'intérêt personnels, vous êtes appelés à être demain des acteurs majeurs du monde de la défense et de la sécurité. Un monde qui s'élargit, qui englobe des problématiques de plus en plus vastes et entraîne une implication croissante d'acteurs civils et privés aux côtés des militaires et des spécialistes de la sécurité.
C'est vrai en opérations extérieures, où les considérations tactiques doivent désormais s'intégrer dans le champ plus vaste de la reconstruction des Etats et des économies et de la politique.
C'est vrai également en ce qui concerne l'évolution de l'institution militaire elle-même, qui procède désormais autant, sinon plus, d'enjeux industriels, technologiques ou sociaux que de confrontations guerrières potentielles. C'est d'ailleurs en cela que votre implication en tant que civils et citoyens dans les questions de défense a du sens et est indispensable à la définition d'objectifs et de politiques pertinents.
Permettez-moi aujourd'hui de vous faire un point d'étape de la réforme sans précédent que j'ai engagée.
En trois ans seulement, cette réforme nous a permis de franchir des étapes majeures dans la modernisation de notre outil de défense.
Je pense à la gouvernance, et notamment à la mise en place du comité exécutif et du comité ministériel d'investissement.
Je pense aussi au regroupement des unités. Après les 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009, ce sont plus de 100 unités qui sont cette année concernées par les restructurations et près de 120 autres qui le seront en 2011.
Je pense enfin à la mutualisation des soutiens, avec par exemple la mise en place de la chaîne interarmées du soutien, la fusion des services des trois commissariats et la rationalisation du maintien en condition opérationnelle.
D'autres étapes seront franchies très prochainement, comme la généralisation dès 2011 des bases de défense ou la signature au printemps prochain du contrat de partenariat du projet Balard, pour accueillir l'administration centrale du ministère en 2014.
Toutes ces réformes, nous les avons menées en continuant à remplir nos missions, qu'il s'agisse de la posture permanente de sûreté, de la gestion des crises humanitaires et des catastrophes naturelles ou de nos engagements opérationnels.
Nous les avons menées en poursuivant une modernisation profonde de notre action internationale, qu'il s'agisse du soutien aux exportations (de 5,7 à 8,2), de notre montée en puissance dans l'OTAN, ou encore de l'adaptation de notre dispositif permanent, avec la création d'une base aux Emirats arabes unis et la révision de nos accords de défense avec les pays africains.
Ces réformes demandent beaucoup aux femmes et aux hommes de la Défense. Ils en sont les premiers acteurs. Et s'ils ne ménagent pas leurs efforts pour les mettre en oeuvre, c'est non seulement parce qu'ils sont convaincus qu'elles sont indispensables, mais également parce qu'ils constatent au quotidien l'esprit de responsabilité qui nous anime depuis trois ans.
Responsabilité d'abord vis-à-vis de nos soldats.
- Grâce à la procédure d'acquisition en urgence opérationnelle, nous adaptons en permanence l'équipement de nos forces déployées en opérations.
- Grâce à la commande de matériels parmi les meilleurs, nous assurons également dès à présent l'équipement de nos armées pour les 20 prochaines années. Je pense aux commandes du troisième BPC, de 3 frégates multimissions, de 60 rafales, de 332 véhicules blindés de combat d'infanterie et de plus de 16 000 équipements Félin.
Responsabilité vis-à-vis du personnel. J'en veux pour preuve la rénovation des grilles de rémunération des militaires et les mesures catégorielles fortes prises en faveur des civils, mais aussi le plan d'accompagnement des restructurations, qui permet de suivre avec la plus grande attention la situation de chacun. Je m'y étais engagé personnellement : personne n'a été ni ne sera laissé sur le bord de la route.
Responsabilité vis-à-vis des territoires, comme en témoignent les 10 Contrats de Redynamisation de Site de Défense ou Plans locaux de restructuration signés depuis 3 ans.
Responsabilité vis-à-vis de nos entreprises, pour qui le ministère de la Défense a contribué au plan de relance à hauteur de 1,6 milliards d'euros, tout en maintenant un effort spécifique pour aider nos PME à innover, à accéder aux marchés de défense et à exporter.
Nous avons beaucoup fait, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
La nouvelle donne budgétaire valide les orientations que nous avons prises, c'est-à-dire le redéploiement maximum de crédits de fonctionnement vers l'investissement et l'équipement de défense. Si nous voulons préserver les fondamentaux du Livre blanc et de la LPM, nous devons aller au bout des réformes en cours et poursuivre notre réflexion sur la modernisation et la rationalisation de notre ministère. Parmi les grands chantiers incontournables des prochaines années, il y en a trois que j'aimerais évoquer plus particulièrement avec vous.
Le premier d'entre eux, c'est la création d'une nouvelle relation entre les grandes puissances européennes.
Face aux tensions sur nos budgets de défense et à la pression qu'exercent les grandes nations exportatrices, il est plus urgent que jamais d'identifier sans tabou de nouvelles coopérations et de mettre un terme aux coûteuses duplications entre nos bureaux d'études et nos industries. Cette dépendance mutuelle est incontournable si nous voulons continuer à doter nos forces des systèmes d'armes les plus complexes ou à nous imposer sur les marchés extérieurs.
Nous travaillons depuis longtemps en ce sens avec mon homologue allemand, mais aussi et depuis quelques mois avec mon nouvel homologue britannique dans la perspective du sommet de Londres du 5 novembre.
Dans le domaine des missiles, par exemple, je suis pour ma part convaincu que nous pouvons nous appuyer sur les acquis de la coopération franco-britannique pour intégrer nos capacités industrielles et préparer l'avenir au sein d'un « one MBDA ».
Mais dans ce domaine comme dans tous les autres, nous serons d'autant plus convaincants que nous aurons mis notre industrie nationale en ordre de marche.
Ce qui m'amène à notre deuxième chantier, la politique industrielle.
Concernant les missiles, nous devons encourager le rapprochement entre les trois acteurs nationaux du secteur tout en préservant un socle de souveraineté. C'est tout le sens de l'étude globale de cette filière que j'ai confiée au Délégué Général pour l'Armement.
Les rectifications de frontières sont désormais inéluctables entre THALES et SAFRAN : cette évidence n'échappe à personne, et les intéressés le reconnaissent. En tout état de cause, ce n'est pas au contribuable français de supporter le coût de la duplication des bureaux d'études.
Enfin, dernier chantier : la réforme de l'OTAN.
Avec le Royaume-Uni, nous avons initié une réforme ambitieuse de l'Alliance avec trois objectifs :
- Alléger et moderniser les structures de commandement ;
- Rationaliser les multiples agences de l'OTAN ;
- Mettre fin à la fuite en avant des budgets, en imposant une vraie gouvernance financière, une hiérarchisation de nos priorités et un plan de retour à l'équilibre.
Aujourd'hui, les Américains nous ont rejoints dans ce combat. Cela doit nous encourager à redoubler d'efforts dans la perspective du Sommet de Lisbonne.
Cet engagement doit aussi ranimer notre ambition européenne qui est aujourd'hui vacillante. C'est dans cet esprit qu'il y a quelques jours, à Gand, j'ai appelé mes homologues européens et Mme ASHTON à un sursaut pour donner à l'Union européenne une véritable capacité d'action internationale.
Mesdames, Messieurs,
Vous le voyez, nous avons beaucoup à faire pour mener à bien cette transformation du ministère de la Défense et conforter ainsi la place de la France dans le petit groupe des puissances militaires de premier rang. Je sais pouvoir compter sur vous, chacun dans ses fonctions, actuelles et futures, pour y contribuer. Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 octobre 2010