Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de vous retrouver ce matin, pour inaugurer avec vous le site qui, demain, accueillera notre nouveau supercalculateur de classe mondiale. Car cet équipement exceptionnel est, à mes yeux, le symbole des ambitions retrouvées de la France en matière de calcul intensif.
* Le rang retrouvé de la France pour le calcul intensif
Vous le savez, malgré une longue tradition d'excellence cultivée par le CEA comme par l'INRIA, nous avions fini, faute d'investissements suffisants, par prendre du retard sur les autres nations du monde. Cette époque est révolue : car en multipliant par 30 la puissance de calcul de la recherche publique française depuis 2007, nous avons bel et bien comblé ce retard. Et nous l'avons fait en trois ans à peine, grâce à un effort financier d'une ampleur inédite - plus de 80 Meuros - qui nous a permis de passer de 20 à 600 teraflops.
Avec le supercalculateur qui, bientôt, sera installé dans ces murs, c'est dans une tout autre dimension que nous allons entrer : à lui seul, il représente une puissance de calcul de 1,6 petaflops. Pour les personnes qui, comme moi, ne sont pas spécialistes d'informatique, un petaflop représente un million de milliards d'opérations par seconde, soit à peu près la puissance de calcul de cent mille ordinateurs portables haut de gamme. Je tiens ici à saluer le constructeur Bull sélectionné au terme d'un processus compétitif conduit par GENCI. Ce nouveau supercalculateur nous fait changer d'échelle, en démultipliant les capacités de simulation et d'analyse qui, demain, seront à la disposition de nos chercheurs.
Avec ce nouvel investissement, qui représente 100 millions d'euros sur 5 ans, la France fait plus que retrouver son rang : elle s'installe durablement en tête des nations du monde pour le calcul intensif. S'il était d'ores et déjà opérationnel, nous disposerions ici, au coeur du très grand centre de calcul du CEA, du supercalculateur le plus puissant d'Europe et parmi les trois plus puissants du monde.
* Décloisonnement et mutualisation à l'échelle nationale et européenne
Car à l'heure de la bataille mondiale de l'intelligence, c'est bien à l'échelle de l'Europe qu'il nous faut désormais réfléchir et agir ensemble. Et c'est pourquoi, loin d'investir seule, la France unit désormais ses forces avec les autres nations européennes pour permettre à l'ensemble de nos chercheurs de disposer d'équipements dont la puissance de calcul défie l'imagination.
Grâce au projet de grand équipement européen PRACE (Partnership for Advanced Computing in Europe), nous disposerons d'instruments qui nous mettront à portée d'expérience virtuelle les plus intimes lois de la matière et du vivant. Nous pourrons, par exemple, prévoir les tremblements de terre avec une précision jamais atteinte. Nos équipes ont ainsi été sollicitées par le gouvernement italien suite au tremblement de terre de l'Aquila, l'année dernière, pour en modéliser les éventuelles répliques. La simulation numérique va également nous permettre d'atteindre des précisions extrêmes pour mieux détecter des tumeurs cancéreuses et optimiser certains traitements thérapeutiques.
Et c'est la raison pour laquelle nous avions le devoir de mettre ces équipements à la disposition non pas seulement de telle ou telle équipe, mais de l'ensemble de la communauté scientifique. Avec le Comité stratégique du calcul intensif et la société civile GENCI, nous disposons désormais d'une stratégie d'ensemble pour piloter l'acquisition et l'exploitation de ces grands moyens de calcul qui sont des très grandes infrastructures de recherche à part entière.
Je veux vous redire ce matin tout le prix que j'attache à cette mutualisation portée par GENCI. Car à mes yeux, l'acquisition du supercalculateur PRACE est l'un des plus beaux exemples de décloisonnement que j'appelle de mes voeux pour notre politique de recherche : à lui seul, aucun de nos organismes, aucune de nos universités n'aurait pu porter un tel projet.
Cette logique, la France l'a également défendue tout au long de sa Présidence de l'Union européenne et elle continue à le faire aujourd'hui.
* Partenariats publics-privés
Et ce décloisonnement entre les acteurs, vous le savez, j'ai souhaité qu'il s'élargisse à la recherche privée. Le site même où nous nous trouvons aujourd'hui en est un symbole. Nous sommes à quelques kilomètres seulement du plateau de Saclay et du pôle mondial de compétitivité System@tic, qui sont deux hauts lieux de science, bien sûr, mais aussi de coopération étroite entre le monde scientifique et le monde économique. Et surtout, nous nous trouvons au coeur du projet Ter@tec, qui regroupe les grands acteurs industriels et académiques, offreurs et utilisateurs de calcul intensif, et les collectivités locales. Je souhaite saluer ici l'action du CEA, qui a mis sa puissance de calcul au service du monde industriel, de la recherche et des entreprises pour créer un écosystème du calcul intensif en lien avec Saclay.
Car en matière de calcul intensif plus encore que dans toute autre, la coopération est absolument essentielle. Cette puissance de calcul va accélérer non seulement la recherche la plus fondamentale, mais aussi la recherche appliquée : on ne compte plus aujourd'hui les innovations qui, dans les domaines de l'automobile, de l'aéronautique ou de l'énergie par exemple, sont dues aux nouveaux outils de simulation.
L'enjeu, aujourd'hui, c'est d'ouvrir plus largement encore l'accès à ces très grands équipements, en particulier à nos PME. Démocratiser le calcul intensif, c'est en effet permettre à toutes nos jeunes pousses innovantes d'accélérer leur développement en disposant d'un atout jusqu'alors réservé aux plus grands.
Je tiens d'ailleurs à saluer la décision de GENCI, de l'INRIA et d'Oséo qui, en partenariat avec nos quatre pôles de compétitivité mondiaux, ont choisi il y a quelques semaines d'ouvrir aux PME un accès privilégié à nos supercalculateurs. Avec l'initiative « HPC-PME », tous nos centres de calculs nationaux et régionaux vont se mobiliser pour offrir à nos PME non seulement un accès aux ressources de calcul, mais encore une expertise scientifique et technologique et un accompagnement personnalisé pour les aider à financer leur développement.
Et à la clef, Mesdames et Messieurs, il y a la croissance et les emplois de demain. Les PME ne doivent pas craindre de sauter le pas de la recherche collaborative et du calcul intensif. C'est en effet une opportunité unique qui s'offre à elles.
Car les plus grandes entreprises du monde ont elles aussi compris tout le fruit qu'elles pouvaient tirer de liens étroits entretenus avec les acteurs français du calcul intensif. J'en veux pour preuve la participation d'INTEL au laboratoire commun de recherche sur le calcul intensif, qui réunit le CEA, GENCI et l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en Yvelines et qui, à quelques pas d'ici, ouvrira officiellement ses portes cet après-midi.
* Investissements d'avenir
L'engagement d'un acteur de renommée mondiale comme Intel le montre : la France est bel et bien redevenue une grande puissance du calcul intensif. Mais je voulais aussi vous le dire ce matin : nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin !
Avec le Programme d'investissements d'avenir lancé par le Gouvernement et les 22 milliards qu'il réserve à l'enseignement supérieur et à la recherche, notre pays se donne les moyens de rester dans la course des pays les plus innovants.
Je pense au volet « développement de l'économie numérique », doté de 4,5 milliards d'euros. Ce volet permettra notamment d'approfondir encore nos actions de recherche et développement en matière de calcul intensif, et aussi d'améliorer notre position dans le domaine des logiciels, dans lequel les autres pays investissent massivement. Les partenariats publics-privés ont donc encore de très beaux jours devant eux, mais à une condition : celle de ne pas limiter vos ambitions et d'oser présenter, ensemble, les projets les plus innovants.
A vous de vous mobiliser pour saisir cette occasion exceptionnelle : je sais que je peux compter sur vous.
Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 26 octobre 2010