Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à la prospective et au développement de l'économie numérique, sur l'aide à l'innovation, à Paris le 9 novembre 2010.

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Circonstance : Colloque organisé par le Centre d'analyse stratégique sur le thème "Les aides publiques à l'innovation en Europe : quels instruments pour quelle performance ?", à Paris le 9 novembre 2010

Texte intégral

Monsieur le Directeur général
Mesdames et Messieurs,
Merci Monsieur le Directeur général de ces quelques mots d’introduction. Ils nous permettent de bien de cerner, je crois, les ambitions de ce colloque.
Je voudrais tout d’abord remercier le Centre d’analyse stratégique d’organiser aujourd’hui cette journée de débats sur un thème aussi essentiel pour l’avenir du tissu économique français et européen. Merci en particulier à son directeur général Vincent CHRIQUI et à l’ensemble du département des affaires économiques et financières, placé sous la responsabilité d’Olivier PASSET.
Je rends aussi hommage à l’ensemble des personnes qui ont accepté de répondre à l’invitation du Centre d’analyse stratégique : décideurs, experts, universitaires, représentants du monde l’entreprise. La variété des intervenants fait, je crois, la richesse de ce colloque. Un autre grand mérite de ce colloque est je crois de réunir des experts de nombreux pays. Les meilleurs exemples étrangers ont beau ne pas être transposables tels quels dans notre pays, il est évident que nous avons des enseignements à tirer de ce qui se fait ailleurs, à commencer chez nos voisins européens.
J’apprécie également l’esprit de cette rencontre car elle ne vise pas à faire un énième plaidoyer en faveur de l’innovation.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité pour notre économie de préserver sa compétitivité. De regagner le terrain perdu depuis une quinzaine d’années, si l’on en juge notamment par les chiffres de notre commerce extérieur.
Nous avons tous en tête l’extraordinaire défi que nous lancent les pays émergents depuis le début de ce siècle, en particulier la Chine.
Des pays émergents qui ne sont plus les simples ateliers du monde, mais des puissances économiques capables de fabriquer des produits dont la valeur ajoutée ne cesse de croître.
Aujourd’hui des ordinateurs, des téléphones mobiles ou des trains à grande vitesse. Demain qui sait, des avions long courrier, des logiciels de haut niveau ou des centrales nucléaires ?
Face à une telle évolution, nous sommes obligés de réagir et de porter tous nos efforts vers une plus grande innovation.
C’est en créant de nouveaux produits et de nouveaux services, capables de se démarquer de la concurrence mondiale, que nous pourrons préserver notre place parmi les meilleures.
Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Il y a 10 ans, l’innovation était déjà la préoccupation des européens. Les objectifs de Lisbonne avaient pour ambition de faire de l’Europe, d’ici 2010, cette année donc, la première économie de la connaissance dans le monde.
Or nous devons le reconnaître, le pari n’a pas été gagné. Fallait-il pour autant jeter l’éponge et nous résigner à n’être qu’un magnifique continent-musée visité par les touristes du monde entier ?
Devions-nous considérer qu’après tout nous sommes désormais dans une économie de services et que notre industrie peut bien être réduite à nos domaines d’excellence traditionnels, le luxe, le vin ou les produits de beauté ?
Evidemment non. Pareille attitude ne ferait que nous promettre à un inévitable déclin. Il nous faut donc innover, créer des produits, des biens, de nouvelles applications.
Innover donc. Mais alors comment, avec quels moyens, dans quelles conditions ?
D’abord, les moyens financiers. Ils sont évidemment essentiels.
Ce n’est pas un hasard si la nouvelle « stratégie UE 2020 », qui a succédé à celle de Lisbonne, a repris la même ambition : celle de porter l’effort européen de recherche et développement (R&D) à 3% de son PIB.
Pour une entreprise, la phase de R&D est souvent lourde. C’est un investissement en fonds propres non financé par les clients. Un défi encore plus complexe pour une jeune entreprise qui ne dispose pas dans sa trésorerie des fonds nécessaires pour de tels investissements.
C’est pourquoi la puissance publique a un rôle décisif à jouer par son soutien direct ou indirect, par une fiscalité appropriée, par la commande publique.
La palette est large et il n’est pas toujours évident de cerner les meilleurs instruments selon les différents cas.
Il n’est pas dit non plus que les moyens disponibles soient affectés aux entreprises qui en ont le plus besoin ou aux projets les plus prometteurs.
Voilà pourquoi il est primordial d’évaluer la réelle efficacité des aides publiques en matière d’innovation.
Le besoin d’innovation est grand et les financements publics sont limités même si, dans le cas de notre pays, un effort exceptionnel vient d’être consenti par le biais du Grand Emprunt.
Il reste que nous n’avons ni le droit de gâcher l’argent du contribuable, ni celui de nous tromper de cible en privant les sociétés les plus prometteuses des moyens de leur réussite.
Les moyens financiers sont une chose mais l’innovation est également tributaire d’autres facteurs.
Il existe des conditions plus ou moins propices à la réunion des talents, qu’il s’agisse des ingénieurs, des industriels, des laboratoires de recherche.
Ce n’est pas un hasard si les espoirs placés dans les pôles de compétitivité sont importants.
C’est en effet en favorisant de telles synergies que nous nous donnons les meilleures chances de voir éclore les champions de demain.
Qu’il s’agisse des biotechnologies, des nanotechnologies, de la robotique, des technologies vertes, des énergies renouvelables, du numérique, ou encore des molécules capables de venir à bout des maladies rares.
J’en passe et j’en oublie ; le champ de cette innovation est vaste.
Nous savons par ailleurs que la concrétisation des idées, aussi prometteuses soient-elles, n’a rien d’une évidence.
Il faut pour cela un environnement favorable, un état d’esprit partagé dans lequel la prise de risque est acceptée, la réglementation ne pèse pas d’un poids dissuasif et l’accès aux financements ne ressemble pas à une croisade.
L’information joue par ailleurs un rôle décisif. A ce titre, j’observe que trop de PME méconnaissent encore les bienfaits d’un soutien à l’innovation comme le crédit impôt recherche.
Un environnement aussi dans lequel celles et ceux qui sont au service de l’innovation peuvent être récompensés de leurs efforts à leur juste mesure.
Au siècle dernier, Max WEBER avait bien mis en lumière l’influence de l’éthique protestante sur l’esprit du capitalisme.
Je cois pour ma part qu’il y a un esprit de l’innovation, tout du moins une culture, sans laquelle les financements, même les plus abondants sont voués à l’échec ou, au mieux, à n’aboutir qu’à des projets condamnés à rester dans les cartons.
C’est tout l’intérêt des débats qui vont vous occuper cet après midi : au-delà des budgets de R&D, quelles sont les conditions les plus propices à l’innovation ?
Elles sont sans doute nombreuses. Il y en a cependant une préalable à toutes les autres, une sans laquelle rien ne peut être fait, je veux parler du niveau de formation. Notre enseignement supérieur doit impérativement être capable de former suffisamment d’ingénieurs et de chercheurs de haut niveau.
D’où cette politique très ambitieuse menée par le Gouvernement en faveur de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Près du tiers du grand emprunt va lui être consacré (11 milliards sur 35). C’est un effort considérable qui n’avait jamais été mené depuis 40 ans.
Mais il y a bien entendu d’autres conditions nécessaires pour favoriser cet écosystème de l’innovation. Je suis sûre que nous avons, là aussi, de précieux enseignements à tirer des meilleures réussites en la matière.
Je vais maintenant laisser la parole aux intervenants de la première table ronde. Auparavant je voudrais souhaiter à tous les intervenants une excellente journée de réflexions et de débats. Je ne doute pas que ce colloque sera passionnant et que nous pourrons en recueillir les fruits les plus utiles.
Je vous remercie.Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 10 novembre 2010