Interview de Mme Valérie pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans "Le Figaro" du 12 novembre 2010, sur l'accueil des étudiants chinois en France.

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Q - Les étudiants chinois sont chaque année plus nombreux en France. Faut-il en limiter le nombre pour ne pas risquer un scandale similaire à celui qui a éclaté à Toulon ?
R - Notre objectif, soyons clairs, est d'attirer toujours plus d'étudiants chinois en France, dont 75 % en master et en doctorat. Le président de la République souhaite multiplier leur présence par deux. C'est important pour les entreprises de recruter des cadres formés à cette double culture. Comme nous, les Etats-Unis mais aussi la Grande-Bretagne et l'Allemagne cherchent à attirer les meilleurs. Au-delà des dysfonctionnements graves propres à l'université de Toulon, il faut profondément modifier notre système de sélection des étudiants chinois, mais aussi de tous les pays émergents dont nous avons intérêt à former les futurs cadres.
Q - Les université n'ont-elles pas eu une «politique du chiffre», en recrutant ces étudiants étrangers qui parlaient parfois à peine français ?
R - Effectivement, avant la loi sur l'autonomie, appliquée depuis deux ans, les universités avaient tout intérêt à accroître le nombre de leurs étudiants puisque leur budget était proportionnel à l'effectif des inscrits. Aujourd'hui, il est lié au nombre d'étudiants qui passent réellement leurs examens. La politique du chiffre perd donc de son intérêt.
Q - Comment fonctionnait le système avant que l'affaire de Toulon ne serve de révélateur ?
R - Le système était opaque. Nous recevions des étudiants au niveau faible et parfois incapables de suivre un cours en français. Mais, comme les diplômes français sont cotés en Chine, ils étaient prêts à tout pour s'inscrire. Aujourd'hui, les universités chinoises sont puissantes, sélectives, offensives, elles recrutent l'élite des élèves qui ont réussi l'équivalent de notre bac. A nous aussi d'attirer ces élèves.
Q - Comment rendre le système plus efficace ?
R - D'abord en multipliant les accords de coopération entre établissements français et chinois qui prévoiront des doubles diplômes, à l'image de ce qu'ont développé depuis les écoles centrales et le groupe Paris-Tech ou, plus récemment encore, les universités Paris-IV et Montpellier-III en s'associant à l'université Renmin de Pékin. Nous réfléchissons aussi à la création de diplômes bilingues avec un cursus de six mois minimum en anglais. C'est notre seule façon de rivaliser avec les Anglo-Saxons et les Allemands. Enfin, l'accueil des étudiants chinois doit être amélioré. Nous devons leur assurer une inscription transparente, dans la filière de leur choix. Quitte ensuite à leur proposer une mise à niveau en français. Alors qu'aujourd'hui, ils sont inscrits en filière d'apprentissage du français mais n'ont pas l'assurance de poursuivre les études pour lesquelles ils ont souhaité venir en France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2010