Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur le rôle et la place de l'économie sociale et solidaire dans l'activité économique, Paris le 8 décembre 2010.

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Circonstance : Réunion du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire à Paris le 8 décembre 2010

Texte intégral

C'est un réel plaisir pour moi d'ouvrir cette réunion du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire.
Un réel plaisir, d'abord, parce qu'elle me permet de vous rencontrer pour la première fois dans mes nouvelles fonctions de Ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
J'ai d'ailleurs reconnu dans l'assistance plusieurs visages que j'ai déjà eu l'occasion de croiser au cours de mes responsabilités publiques successives.
Un réel plaisir, surtout, parce que cette réunion est porteuse d'un véritable sens.
Elle est un signe fort de reconnaissance d'un secteur dans les faits déjà bien présent dans notre quotidien. C'est par là que je voudrais commencer mon intervention (I).
A. Ne nous y trompons pas : l'économie sociale et solidaire constitue un pan essentiel de notre économie et elle a une place dans la vie de nos concitoyens, qu'ils soient acteurs ou bénéficiaires de son activité.
Elle est notamment un vrai gisement en termes d'emploi et de croissance. Plus de 60% de ces emplois sont occupés par des femmes et vous savez combien cela me tient à coeur.
Les chiffres à eux seuls l'attestent : aujourd'hui, l'économie sociale et solidaire correspond à près de 10% de l'emploi salarié en France.
Certains disent qu'elle représente 8 % de notre PIB, d'autres 15% ! Peu importe ! Ce qui compte, dans le fond, c'est la place prépondérante qu'elle occupe dans nos vies.
Pan essentiel de notre économie, ce secteur en est aussi l'un des éléments les plus solides, car il répond à des besoins profonds de nos concitoyens.
Parce qu'elle est fondamentale à de nombreux titres, il est de notre devoir de permettre à cette économie d'être reconnue à sa juste valeur et de créer les conditions d'un déploiement largement souhaité.
C'est précisément pour répondre à cette exigence que le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire a été réorganisé et que ses missions ont été élargies au mois d'octobre dernier.
Au sein de ce conseil, véritable instance de dialogue et de pilotage politique, les pouvoirs publics et les acteurs doivent pouvoir identifier ensemble les modalités d'une reconnaissance accrue et d'un développement ambitieux de l'économie sociale et solidaire.
B. Ce qui caractérise d'abord l'économie sociale et solidaire, c'est sa diversité.
Au total, ce ne sont pas moins de 200 000 organismes d'économie sociale et solidaire qui sont présents dans nos territoires.
Crèches associatives, coopératives agricoles, mutuelles de santé, secteur bancaire, assurances, cafés équitables fondations qui oeuvrent à un développement humain et durable, ou PME et artisanat mettant en oeuvre une dynamique d'économie sociale et solidaire : toutes les structures que vous dirigez sont, dans des champs extrêmement variés, un aiguillon soucieux de placer l'Homme au coeur de ses préoccupations.
Riches de leur diversité, ces 200 000 structures partagent cependant une ambition commune : leur passion pour l'humain et leur volonté de relever les défis sociaux, économiques et écologiques de notre époque auxquels, bien souvent, l'Etat comme l'économie dite classique sont impuissants à apporter des réponses satisfaisantes.
Ces structures, que vous représentez, ont fondé leur unité sur des principes communs, qui concernent :
* la dimension singulière de leur activité, dans laquelle la finalité sociale est indissociable de la finalité économique ;
* la gouvernance démocratique ;
* la recherche d'un ancrage territorial fort, grâce auquel elles créent des emplois moins exposés à des délocalisations et mobilisent les salariés autour d'un projet fédérateur.
Définir les critères d'une identité commune, c'est précisément la tâche qui reviendra au groupe de travail consacré à la mise en place d'un label pour l'économie sociale et solidaire.
Essentiel, ce label vous permettra de vous rassembler et de vous reconnaître, comme il permettra à vos interlocuteurs, à commencer par les pouvoirs publics, de vous reconnaître.
Le président Alphandéry a accepté de le diriger et je l'en remercie chaleureusement. Je sais qu'il saura faire la synthèse des contributions de chacun et proposer une solution qui ait du sens et qui soit partagée par tous.
La rencontre d'aujourd'hui marque le point de départ d'une collaboration dont je sais qu'elle sera féconde. Je voudrais en tracer les contours dans ce second temps de mon intervention (II).
Ensemble, nous avons un ardent impératif à agir.
Donner toute sa place à l'économie sociale et solidaire, c'est se donner collectivement les moyens de changer la vie de nos concitoyens, en répondant aux besoins sociaux et environnementaux qui s'expriment dans nos territoires.
C'est donner toute sa place à l'action de proximité.
J'entrevois plusieurs manières de conduire notre action au service de cette ambition commune.
A. Au moment où vous devez vous prononcer sur votre mode de fonctionnement au sein de ce Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, je voudrais vous proposer ici quelques axes de réflexion pour vos travaux qui vont débuter et se dérouler au cours de l'année 2011. Première piste de réflexion : je vous invite à poursuivre collectivement la réflexion déjà engagée par certains d'entre vous sur la question absolument centrale de la mesure de l'impact social des structures de l'économie sociale et solidaire.
Valoriser l'impact social d'une structure, c'est lui permettre de défendre son modèle économique face à des structures de l'économie classique.
C'est lui permettre d'accéder à de nouveaux marchés, à de nouveaux financements.
C'est donc un préalable indispensable au développement de l'économie sociale et solidaire.
Elaborer des outils de mesure qui aient du sens et qui soient accessibles à ceux qui s'en serviront est une tâche complexe.
Deuxième piste de réflexion : l'économie sociale et solidaire doit dans le même temps inscrire son développement dans le cadre plus large de la dynamique européenne.
Plusieurs voies vous ainsi sont ouvertes, qui mettent le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire au défi de devenir rapidement une force de proposition incontournable.
Je vous propose en particulier de réfléchir et de me proposer l'esprit et le contenu d'une position française sur la définition européenne des différents statuts de l'économie sociale et solidaire pour valoriser les différentes voies ouvertes aux entrepreneurs européens.
Force de proposition, vous devez aussi l'être dans le débat qui a lieu au sein de la commission sur les services sociaux d'intérêt général.
La commission européenne s'est engagée à adopter d'ici 2011 une communication accompagnée d'un ensemble d'actions sur ces services sociaux d'intérêt général. La voix de l'économie sociale et solidaire doit être entendue pour trouver toute sa place dans la position qu'adoptera la commission européenne.
Les propositions que vous me ferez sur ces sujets, je les porterai à Bruxelles et je les ferai valoir dans les discussions.
Troisième piste de réflexion : votre reconnaissance passe également par un accès optimisé à la commande publique, notamment grâce à une meilleure identification des atouts des structures de l'économie sociale et solidaire. C'est tout l'objet de la proposition 48 du rapport remis par Francis Vercamer.
J'adresserai prochainement aux services déconcentrés une circulaire à ce sujet, circulaire que je vous soumettrai, pour qu'ils prennent en compte les recommandations du guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics.
Je vous invite à poursuivre la réflexion dans ce domaine, afin que l'économie sociale et solidaire devienne un partenaire commercial incontournable des entreprises privées aussi bien que des organismes publics.
Quatrième piste de réflexion : je vous propose d'engager une réflexion opérationnelle sur l'innovation sociale, qui doit être prise en compte au même titre que l'innovation technologique.
L'innovation sociale, c'est l'élaboration de réponses entrepreneuriales répondant aux besoins sociaux et environnementaux des habitants d'un territoire.
Réfléchissons donc ensemble, au sein de ce Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire, aux filières innovantes, comme, par exemple, l'éco-construction ou l'habitat coopératif.
Réfléchissons aux formes de gouvernance innovantes dont les acteurs de l'économie sociale et solidaire pourront devenir les initiateurs et les promoteurs.
Il avait été proposé que soient réalisés deux guides destinés à favoriser l'accès des entrepreneurs sociaux aux dispositifs de droit commun, conçus pour encourager l'innovation dans les entreprises dites classiques : l'un à destination de ces entrepreneurs, l'autre à destination des acteurs de l'innovation.
Je vous propose que ce soit vous qui en assuriez l'élaboration. Qui mieux que vous, en effet, saura concevoir un outil véritablement utile aux entrepreneurs sociaux et mobilisateur pour leurs interlocuteurs ?
B. Au-delà de ces perspectives à court terme, notre collaboration a également vocation à s'inscrire dans la durée et dans la pérennité. Il nous faut voir loin et forger des perspectives d'avenir. En un mot, nous devons investir non seulement dans le présent, mais aussi dans l'avenir de l'économie sociale et solidaire.
Investir, nous l'avons déjà fait et nous continuerons à le faire.
A partir des préconisations du rapport de Francis Vercamer, dont je veux souligner la très grande qualité, le Gouvernement a engagé un certain nombre d'actions.
Je pense en particulier au programme Jeun'ESS dont certains d'entre vous ont craint qu'il ne voie pas le jour.
Je peux vous l'annoncer : la convention de subvention a été signée et nous avons engagé le versement d'une somme importante. Vous voyez donc la motivation qui est la mienne de permettre aux jeunes de mieux connaître toute l'étendue de ce secteur et de l'inscrire au coeur de leur projet professionnel.
Je sais que ceux d'entre vous qui ne l'ont pas encore fait vont verser prochainement leur contribution pour montrer tout l'attachement que vous avez pour notre démarche.
De manière plus générale, j'apprécierais également que vous puissiez me faire un retour d'expérience sur les actions engagées par le Gouvernement.
Vous appartenez en effet à un secteur qui évolue très rapidement et je suis donc preneuse de toutes vos remarques pour ajuster sans cesse nos propositions à la réalité que vous connaissez bien.
Par ailleurs, plus de 100 millions d'euros ont été dédiés au développement du secteur de l'économie sociale et solidaire dans le cadre du Grand Emprunt.
Cela montre bien que l'Etat s'engage, qu'il investit dans l'avenir de l'économie sociale et solidaire.
Mais nous irons encore plus loin. Toutes les recommandations contenues dans le rapport de Francis Vercamer seront étudiées pour nourrir la politique que je veux mener en faveur de l'économie sociale et solidaire.
Ce sera le travail de Michel Hainque et Patrick Hermange et je leur fais confiance pour mener à bien la mission qui leur a été confiée, en étroite concertation avec la Direction générale de la cohésion sociale.
Sachez que je serai un interlocuteur attentif et engagé, mais aussi un interlocuteur travaillant étroitement, de manière transversale, avec les autres membres du Gouvernement.
Car faire de l'économie sociale et solidaire le domaine réservé de mon seul ministère n'aurait pas de sens.
L'économie sociale et solidaire, c'est l'affaire de tous !
Vous aurez donc un seul interlocuteur, mais c'est l'ensemble du Gouvernement qui est mobilisé.
Je me réjouis d'avoir pu nouer aujourd'hui avec vous cette première prise de contact, dont je ne doute pas qu'elle aura dans les prochains mois des prolongements fructueux.
J'entends en effet poursuivre le dialogue non seulement au sein de ce conseil et des commissions qui vont être mises en place, mais aussi en écoutant chacun d'entre vous.Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 15 décembre 2010