Texte intégral
C. Barbier.- N. Morano, bonjour.
Bonjour.
Polémique en Ile-de-France, le Conseil d'Etat s'apprête à annuler probablement l'élection de J.-P. Huchon, président PS de la région, pour une publicité sur les transports franciliens en septembre 2009. N'est-ce pas un coup politique ?
Pourquoi ça serait un coup politique ?
Une campagne de pub en septembre 2009, pour une élection gagnée à 57%...
Oui, mais d'accord, mais vous savez, il y a des règles dans les campagnes électorales, et elles s'appliquent à tous. Elles s'appliquent à l'UMP comme elles s'appliquent au Parti socialiste. Et à partir du moment où il y a une irrégularité, il y a aussi des recours qui sont faits par les candidats, et si le Conseil d'État tranche de cette manière, ça veut dire qu'il faudrait que le Parti socialiste en tire les conclusions, et notamment, J.-P. Huchon et son équipe en Ile-de-France, au regard de la campagne qui a été menée et des documents qui ont été édités. Il y a des règles en matière de campagne électorale, eh bien, il faut les respecter, elles s'appliquent à tous.
Vous voulez passer dans votre portefeuille nouveau de l'apprentissage, de la formation professionnelle, de 600.000 à 800.000 apprentis dans les entreprises françaises, n'allez-vous pas faire de l'apprentissage au rabais ?
Pourquoi de l'apprentissage au rabais ? Au contraire. Écoutez, quand vous regardez...
Une telle augmentation si rapide....
... Non, parce que notre objectif, c'est de passer à 800.000 en 2015 et d'arriver au million aussi assez vite. C'est notre objectif. Pourquoi, parce que lorsque vous regardez le taux de chômage des jeunes, en France, et lorsque vous regardez les exemples en Allemagne, par exemple, où le chômage des jeunes est nettement inférieur au nôtre, pourquoi, tout simplement parce que leurs formations reposent beaucoup plus sur l'alternance et sur l'apprentissage. Eh bien, il faut une révolution culturelle dans ce pays, il faut arrêter d'avoir à l'idée qu'il y a des filières nobles et d'autres filières qui ne sont pas des filières nobles, il faut penser aussi au « prêt à l'emploi ». Et c'est vrai que les formations avec l'apprentissage, les formations par alternance permettent une meilleure préparation du jeune à entrer sur le marché de l'emploi. D'ailleurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes, vous savez, c'est que 70% des jeunes qui ont fait une formation par alternance, trouvent un emploi dans les meilleurs délais.
Est-ce que ce n'est pas un moyen - plus d'apprentis - de cacher des jeunes chômeurs dans les entreprises ?
Mais au contraire, mais comment vous faites sinon ? Quand vous avez 150.000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, Monsieur Barbier, que vous les retrouvez au Pôle Emploi, est-ce que vous croyez que c'est une solution ? En revanche, il faut absolument avoir une palette d'offres pour les jeunes, pour les orienter de manière différente au regard de leurs compétences, de leurs envies, mais aussi à leur apprendre ce qu'est l'entreprise, parce que, encore une fois, il faut changer le regard sur l'apprentissage et sur la formation par alternance. D'ailleurs, j'ajoute que ce regard a changé dans l'enseignement supérieur, on voit que les BTS par apprentissage maintenant ont la cote, à la fois chez les jeunes et chez les parents...
Mais c'est dans le niveau plus bas que c'est difficile, vers les CAP...
Mais justement, et c'est à tort, pourquoi, parce que de vouloir amener tout le monde, enfin, 80% d'une classe d'âge au Bac, sans se dire qu'un jeune qui a du talent, qui a envie de s'orienter vers un autre domaine qui soit plus technique, plus professionnalisant, qui sera au coeur de l'entreprise, aura à la fois cette possibilité d'être qualifié, mais aussi de progression sociale, d'ascenseur social. Vous pouvez commencer par l'apprentissage, vous pouvez devenir ingénieur, vous pouvez même devenir chef d'entreprise, c'est ça qui est important, c'est de changer le regard sur la formation par alternance.
Supprimer plutôt, entend-on dans les voix patronales, les cotisations, les charges sociales sur les premiers emplois plutôt que de faire l'apprentissage.
Non, ce n'est pas ce que j'entends aussi chez les entreprises, parce que vous savez, il y a cette volonté de vraiment rapprocher l'enseignement et l'entreprise, pourquoi, parce que je vous parlais des jeunes prêts à l'emploi, prêts à travailler, eh bien, vous avez aussi les entreprises qui ont besoin, et c'est le cas d'ailleurs en Allemagne, regardez comment ça se passe en Allemagne, avec un taux de chômage des jeunes qui est de 10%, chez nous, il est de 23%. Et alors, quand vous avez ces jeunes qui arrivent dans l'entreprise par le biais d'une formation par alternance ou par apprentissage, eh bien, c'est gagnant/gagnant pour l'entreprise, qui va former le jeune à la culture, à la méthode de l'entreprise, et c'est vrai que, voilà, vous avez un personnel qui est rapidement intégrable dans l'entreprise.
Le problème, c'est donc les profs, ils n'aiment pas l'entreprise, ils dévalorisent l'apprentissage.
Le problème, c'est que, au niveau de l'orientation, c'est vrai, nous avons à changer aussi, là, le regard, les choses, d'ailleurs sur les garçons et sur les filles. A partir du moment où on orientera d'abord l'individu plutôt que de regarder le garçon ou la fille, on fera aussi moins de sélections, je dirais même abusives...
L'Éducation doit muter dans sa tête.
L'orientation doit muter, l'Éducation doit muter. Notre système de pensée à tous doit muter, parce que, encore une fois, quand vous avez chez des parents, des parents où des jeunes qui pensent qu'il y a des filières nobles, quand vous entendez chez nos jeunes par exemple qui sont en 3ème : oh, ben attends, il faut que je fasse S, parce que S m'amène à tout. Non, il faut arrêter de penser que S amène à tout. Je pense qu'il faut regarder toutes les filières, et C. Allègre avait raison lorsqu'il disait que dans chacun des enfants, il y a un talent. A nous de les repérer, à nous de mieux les orienter, c'est tout l'objet de la loi de novembre 2009 que nous sommes en train d'appliquer, qui a été portée par L. Wauquiez, pour mettre en place un service public de l'orientation tout au long de la vie.
Vous souhaitez conditionner certaines aides publiques au développement de l'apprentissage, c'est du chantage.
Non, ce n'est pas ça la réflexion, c'est de se dire : nous avons créé des outils, je pense au Fonds stratégique par exemple d'investissement, pour aider les entreprises, je pense à OSEO, je pense à tout ces outils que nous avons mis en place pour soutenir les entreprises, et je voudrais réfléchir, porter une réflexion avec C. Lagarde et E. Besson, sur cette possibilité d'introduire dans les aides aux entreprises aussi...
Une condition...
Une condition de prise en charge des apprentis, d'un certain nombre d'apprentis dans ces secteurs où les entreprises sont aidées, je pense d'ailleurs aux pôles de compétitivité, les pôles de compétitivité, c'est d'ailleurs extrêmement intéressant à cet égard, puisque vous avez des PME, vous avez l'université, vous avez la recherche, et c'est vrai que là, on a besoin de jeunes aussi formés par alternance. Donc à ces outils que nous avons créés, essayons d'y associer aussi la prise en charge d'un plus grand nombre d'apprentis.
L'UMP relance le débat sur les 35h ; il faut en finir, entend-on, est-ce que c'est votre point de vue ?
L'UMP relance le débat, non. Il y a des voix à l'UMP, comme G. Longuet, qui disent...
G. Larcher hier aussi...
...Relançons le débat sur les 35h...
Vous, non ?
Moi, non, parce que je pense que nous avons annulé les effets pervers des 35h, avec...
Pas besoin d'aller plus loin.
Non, je pense que nous avons fait ce qu'il fallait avec la loi que nous avons votée en août 2008 et qui était portée par X. Bertrand.
Souhaitez-vous que le Gouvernement soit complété par exemple par un secrétaire d'Etat à la Famille, qui est votre ancien portefeuille, il a été oublié...
Oui, mais attendez, moi, je ne suis ni Premier ministre ni président de la République...
Enfin, la Famille, vous ne pouvez pas l'abandonner comme ça...
Non, mais d'accord, d'accord, non, mais attendez, c'est de l'unique prérogative du président de la République et du Premier ministre de choisir de nommer un secrétaire d'État, un ministre. Sur la thématique de la Famille, elle est à l'heure actuelle dans le portefeuille de R. Bachelot. Voilà. Alors, après, est-ce qu'il faudra un secrétariat dédié à la famille, il revient au président de la République et au Premier ministre de le décider.
Vous resterez conseiller politique de l'UMP ou vous prendrez d'autres fonctions ?
Eh bien, nous verrons, je dois discuter avec J.-F. Copé. En tout état de cause, je resterai active à l'UMP quoi qu'il en soit.
N. Morano, merci. Bonne Journée.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 décembre 2010